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COMMISSION DACCÈS À LINFORMATION DU QUÉBEC Dossier : 1005625 Nom de lentreprise : Hunt Personnel Date : 13 août 2015 Membre : M e Diane Poitras DÉCISION OBJET PLAINTE en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [1] La Commission daccès à linformation (la Commission) est saisie de la plainte de M me (la plaignante) à lendroit de Hunt Personnel (lentreprise), une agence de placement et demploi. [2] Cette plainte porte sur la collecte de renseignements personnels par lentreprise, plus précisément dune copie de la carte dassurance maladie de la plaignante lors dune rencontre avec une conseillère en placement. [3] À la suite de cette plainte, la Commission a procédé à une enquête concernant cette pratique en matière de collecte de renseignements personnels. LES FAITS [4] Selon lenquête, lentreprise demande aux candidats de lui fournir une pièce didentité afin de les identifier et de valider leur identité. Une copie de cette pièce didentité est placée dans le dossier électronique sécurisé du candidat pour toute identification future au besoin; ce dossier est consulté uniquement par des employés de lentreprise. 1 RLRQ, c. P-39.1, la Loi sur le privé.
1005625 Page : 2 [5] Lenquête a également porté sur les mesures de sécurité prises pour la conservation des renseignements personnels ainsi colligés par lentreprise, mesures qui ne font pas lobjet de la présente décision. OBSERVATIONS AU TERME DE LENQUÊTE [6] La directrice des ressources humaines de lentreprise a indiqué à lenquêteur de la Commission quune copie de la carte dassurance maladie de la plaignante a été recueillie uniquement pour valider son identité et à des fins didentification future, au besoin. Elle affirme que les renseignements qui sy trouvent ne serviront quà lentreprise et quils ne seront pas communiqués à un tiers. [7] Le 6 février 2015, la Commission transmet à lentreprise un avis dintention linformant quelle pourrait conclure que lentreprise a contrevenu à larticle 5 de la Loi sur le privé et lui ordonner : - de cesser de recueillir une copie dune pièce didentité dune personne afin de valider son identité; - de détruire les copies de toutes les pièces didentité quelle détient au sujet de ses clients. [8] Cet avis de la Commission indique quil appartient à lentreprise de démontrer la nécessité de recueillir des renseignements personnels, pour une finalité donnée, en lien avec lobjet du dossier quelle constitue au sujet dune personne. [9] Pour ce faire, lentreprise doit démontrer, à laide déléments concrets et probants, que le ou les objectif(s) poursuivi(s) par cette collecte sont légitimes, importants, urgents et réels. De plus, lentreprise doit démontrer que latteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle aux objectifs poursuivis 2 . Notamment, elle doit démontrer quil nexiste pas dautres moyens moins attentatoires à la protection des renseignements personnels qui permettent datteindre ces objectifs. 2 Laval (Société de transport de la Ville de) c. X., [2003] C.A.I. 667 (C.Q.); Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, [2010] QCCQ 93.
1005625 Page : 3 [10] Lavis précise également que dans plusieurs décisions 3 , la Commission a conclu que généralement, la collecte dun numéro contenu sur une pièce didentité, tels les numéros de permis de conduire, dassurance maladie ou dassurance sociale, et la photocopie de ces pièces ne sont pas nécessaires pour valider lidentité dune personne. Lentreprise peut demander de voir une pièce didentité avec photo, au choix du client, pour atteindre cet objectif, sans quil ne soit nécessaire de recueillir lidentifiant contenu sur cette pièce ni de la photocopier. [11] Finalement, lavis invite lentreprise à compléter son dossier ou à fournir des observations dans les 30 jours de la date de réception de cet avis dintention. [12] Lentreprise a transmis, par lentremise de sa procureure, des observations à la suite de la réception de cet avis dintention. [13] Lentreprise fait valoir que les renseignements sont remis volontairement par le candidat, auprès de la personne concernée, conformément à larticle 6 de la Loi sur le privé. Elle soumet que la collecte de ces renseignements est nécessaire pour lui permettre de placer un candidat chez un de ses clients, donc nécessaire à la conclusion dun contrat (art. 9 de la Loi sur le privé). [14] De plus, lentreprise soumet que cette collecte poursuit un objectif légitime, lié à ses attributions et quelle est plus utile à lentreprise que préjudiciable à la personne concernée (le candidat). Elle explique quelle doit sassurer de lidentité du candidat, quil est en droit de travailler et quil est en règle avec les lois du Québec, notamment quil a au moins 16 ans et est couvert par la Régie de lassurance maladie du Québec (RAMQ). [15] Lentreprise soutient également que le numéro dassurance maladie est nécessaire pour compléter un formulaire prescrit par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) en cas de lésion professionnelle, soit lavis de déclaration de laccident (ADR), et pour quil puisse être fourni aux ambulanciers en cas durgence. Selon lentreprise, pour que le candidat puisse être indemnisé par la CSST sans que la responsabilité de lentreprise ne soit engagée plus que nécessaire, le candidat doit être en règle avec la RAMQ. 3 Regroupement des comités logement et Association de locataires du Québec et Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, [1995] C.A.I. 370; Julien c. Domaine Laudance, [2003] C.A.I. 77 ; Perreault c. Blondin, [2006] C.A.I. 162 ; X. et Loca-Meuble, CAI 08 11 10, 1 er octobre 2013, c. Poitras; X. et Skyventure Montréal, C.A.I. 101888, 16 septembre 2013, c. Desbiens.
1005625 Page : 4 [16] Enfin, lentreprise soutient que la Commission na aucune autorité pour ordonner la destruction des pièces didentité quelle détient au sujet de ses clients. Elle cite des décisions de la Commission qui appuient, selon elle, cette affirmation. ANALYSE [17] La Loi sur le privé établit des règles relatives à la protection des renseignements personnels quune entreprise doit respecter. Dans le cadre de lexploitation de son entreprise de placement de personnel 4 , Hunt Personnel est soumise à ces règles, notamment celles relatives à la collecte de renseignements personnels. [18] La photocopie de la carte dassurance maladie dune personne constitue une collecte de renseignements personnels, soit des renseignements qui concernent une personne physique et permettent de lidentifier. Il en est de même de la collecte du numéro inscrit sur cette carte. Règles relatives à la collecte de renseignements personnels [19] En vertu de larticle 5 de la Loi sur le privé, lentreprise ne peut recueillir que les renseignements personnels nécessaires à lobjet du dossier constitué au sujet dun postulant, soit lévaluation dune candidature : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou dy consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à lobjet du dossier. [20] Il appartient à lentreprise de démontrer la nécessité de recueillir des renseignements personnels, pour une finalité donnée, en lien avec lobjet dun dossier quelle constitue au sujet dune personne. [21] Demblée, il importe de rappeler que larticle 5 de la Loi sur le privé est une disposition impérative. Lentreprise ne peut donc y déroger, même avec le consentement de la personne concernée 5 . Elle ne peut recueillir des 4 Constitue l'exploitation d'une entreprise l'exercice, par une ou plusieurs personnes, d'une activité économique organisée, qu'elle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services (art. 1 de la Loi sur le privé et 1525 du Code civil du Québec, L.Q., 1991, c. 64.). 5 Laval (Société de transport de la Ville de) c. X. et Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, préc., note 2.
1005625 Page : 5 renseignements qui ne sont pas nécessaires à lobjet du dossier sous prétexte que la personne concernée les a fournis sur une base volontaire. [22] Larticle 6 de la Loi sur laccès, cité par lentreprise, prévoit : 6. La personne qui recueille des renseignements personnels sur autrui doit les recueillir auprès de la personne concernée, à moins que celle-ci ne consente à la cueillette auprès de tiers. Toutefois, elle peut, sans le consentement de la personne concernée, recueillir ces renseignements auprès dun tiers si la loi lautorise. Elle peut faire de même si elle a un intérêt sérieux et légitime et si lune ou lautre des conditions suivantes se réalise: 1° les renseignements sont recueillis dans lintérêt de la personne concernée et ils ne peuvent être recueillis auprès de celle-ci en temps opportun; 2° la cueillette auprès dun tiers est nécessaire pour sassurer de lexactitude des renseignements. (Nos soulignements) [23] Cette disposition précise auprès de qui une entreprise peut recueillir des renseignements personnels. Le consentement auquel réfère cette disposition concerne la collecte auprès dune autre personne que celle concernée par les renseignements. Il ne permet pas de déroger au principe de nécessité de la collecte prévue par larticle 5 de cette loi. [24] Ainsi, lentreprise ne peut colliger que les renseignements autorisés selon lobligation prévue à larticle 5 de la Loi sur le privé. Tel quindiqué précédemment, tant la Cour du Québec que la Commission ont conclu que cette limite concernant la nature des renseignements pouvant être recueillis par une entreprise ne peut être écartée par le consentement de la personne concernée. Larticle 5 est une disposition impérative à laquelle on ne peut déroger par consentement. [25] Quant à larticle 9 de la Loi sur le privé, également invoqué par lentreprise, il lui interdit de refuser dacquiescer à une demande de bien ou de service ou à une demande relative à un emploi à cause du refus de la personne qui formule la demande de lui fournir un renseignement personnel, sauf en certaines circonstances. La question à déterminer en lespèce concerne la légalité de la collecte du numéro dassurance maladie dun candidat ou dune
1005625 Page : 6 photocopie de sa carte dassurance maladie par lentreprise. Larticle 9 nest donc pas pertinent. [26] Pour conclure au caractère nécessaire de la collecte dun renseignement personnel, lentreprise doit démontrer, à laide déléments concrets et probants, que le ou les objectif(s) poursuivi(s) par cette collecte sont légitimes, importants, urgents et réels. De plus, lentreprise doit démontrer que latteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle aux objectifs poursuivis. Notamment, elle doit démontrer quil nexiste pas dautres moyens moins attentatoires à la protection des renseignements personnels qui permettent datteindre ces objectifs 6 . [27] En lespèce, lentreprise na pas démontré la nécessité de recueillir une copie de la carte dassurance maladie dun candidat ni le numéro qui y est inscrit. [28] En effet, pour sassurer de lidentité dune personne qui se présente à ses bureaux, lentreprise peut consulter une pièce didentité, au choix du candidat, sans quil ne soit nécessaire den faire une copie. Il en est de même de la vérification de lâge du candidat. [29] Quant au fait de vérifier si une personne est couverte par le régime dassurance maladie du Québec, aux fins demploi ou dindemnisation par la CSST en cas de lésion professionnelle, lentreprise na pas indiqué la source légale de ces obligations. Si de telles obligations incombaient aux employeurs, lensemble des employeurs du Québec recueillerait une photocopie de la carte dassurance maladie de leurs employés ou le numéro qui y est inscrit. Or, il nen est rien. [30] Au surplus, une entreprise qui souhaiterait sassurer de ces éléments pourrait simplement demander de voir la carte dassurance maladie, sans quil ne soit nécessaire den faire une photocopie ni den colliger le numéro qui y est inscrit. [31] Certes, un employeur, de par son rôle, doit détenir et recueillir des renseignements au sujet de ses employés, comme le soutient lentreprise et il 6 Id. Voir également X. et EB Games, C.A.I. 08 18 56, 23 octobre 2013, c. Desbiens; X. et Lépine Cloutier Ltée, C.A.I. 08 09 43, 14 mars 2014, c. Poitras; Garderie Cœur dEnfant Inc., C.A.I. 08 02 72, 31 mars 2014, c. Poitras; P.S. c. Centre de santé et de services sociaux du Coeur-de-l'Île, 2012 QCCAI 268; X. et La Compagnie Nationale Money Mart (Insta-Chèques), C.A.I. 08 02 60, 17 mai 2013, c. Chartier; X. et 9038-5055 Québec inc. (Le Palace), C.A.I. 07 05 51, 23 mars 2012, c. Constant.
1005625 Page : 7 en est de même de celle-ci envers ses candidats. Toutefois, seuls les renseignements nécessaires à lobjet du dossier de lemployé ou du candidat peuvent être recueillis. [32] En ce qui concerne plus particulièrement le formulaire à compléter en cas de lésion professionnelle, la procédure prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles 7 prévoit que le travailleur doit dabord remettre un formulaire à lemployeur (attestation médicale), formulaire qui contiendra son numéro dassurance maladie le cas échéant. Sil doit sabsenter du travail plus de 14 jours, le travailleur complète lui-même un formulaire de réclamation prescrit à cet effet. [33] Dailleurs, la procureure de lentreprise semble admettre quil nexiste pas dobligation pour lentreprise de recueillir une copie de la carte dassurance maladie ou le numéro qui y est inscrit lorsquelle affirme « bien quil ny ait pas dobligation à cet égard, la prudence exige que ce soit fait, et il ny a aucune contre-indication de le faire ». [34] Une lecture de la Loi sur lassurance maladie 8 , plus particulièrement de larticle 9.0.0.1, indique que le législateur a voulu réduire les situations ou cette carte peut être exigée : 9.0.0.1. La production de la carte dassurance maladie ou de la carte dadmissibilité ne peut être exigée quà des fins liées à la prestation de services ou à la fourniture de biens ou de ressources en matière de santé ou de services sociaux dont le coût est assumé par le gouvernement, en tout ou en partie, directement ou indirectement, en vertu dune loi dont lapplication relève du ministre de la Santé et des Services sociaux. [35] La Commission considère que la collecte dune copie de la carte dassurance maladie de lensemble des candidats ou du numéro qui y est inscrit, dans un objectif de prudence, didentification ou pour sassurer que la personne est couverte par le régime dassurance maladie, constitue, en lespèce une mesure disproportionnée par rapport à lobjectif recherché. [36] Lentreprise doit donc cesser la collecte systématique de ces renseignements. 7 RLRQ, c. A-3.001. 8 RLRQ, c. A-29.
1005625 Page : 8 Lautorité de la Commission pour ordonner la destruction des renseignements [37] Larticle 12 de la Loi sur le privé, invoqué par lentreprise au soutien de sa contestation de lautorité de la Commission pour ordonner la destruction des renseignements concernant ses clients, prévoit : 12. Lutilisation des renseignements contenus dans un dossier nest permise, une fois lobjet du dossier accompli, quavec le consentement de la personne concernée, sous réserve du délai prévu par la loi ou par un calendrier de conservation établi par règlement du gouvernement. [38] Cette règle concerne lutilisation que doit faire une entreprise des renseignements quelle détient, lorsque lobjet du dossier pour lequel ils ont été recueillis est accompli. [39] Dans laffaire Équifax Canada c. Fugère 9 , la Cour du Québec a conclu que la Commission, selon les termes de cette disposition, na pas compétence pour se prononcer sur le caractère périmé dun renseignement personnel ni « pour ordonner la suppression de renseignements jugés périmés ». [40] Dans cette décision, la Cour précise quil appartient au gouvernement détablir les règles relatives à la conservation et à lutilisation des renseignements personnels et que la Commission ne peut, dans lintervalle, fixer des périodes de conservation selon sa discrétion. [41] Cette situation diffère de celle qui fait lobjet du présent dossier. En effet, il ne sagit pas de déterminer si des renseignements sont périmés ou sils peuvent être conservés et utilisés même si lobjet du dossier est accompli, mais de déterminer si des renseignements pouvaient être recueillis par lentreprise. Si lentreprise navait pas le droit de les recueillir parce quils ne répondent pas au critère de nécessité de larticle 5 de la Loi sur le privé, elle ne peut, en toute logique, les conserver et les utiliser, et ce, même si aucun calendrier de conservation na été établi par règlement du gouvernement. [42] La Loi sur le privé prévoit : 83. Au terme dune enquête relative à la collecte, à la détention, à la communication ou à lutilisation de renseignements personnels par une personne qui exploite une entreprise, la Commission peut, après lui avoir fourni loccasion de présenter ses observations, lui recommander ou 9 [1998] C.A.I. 510 (C.Q.).
1005625 Page : 9 lui ordonner lapplication de toute mesure corrective propre à assurer la protection des renseignements personnels. Elle peut fixer des délais pour lexécution des mesures quelle ordonne. [43] Ainsi, la Commission a le pouvoir dordonner la destruction de renseignements personnels quune entreprise navait pas le droit de recueillir. La jurisprudence citée par lentreprise ne concerne pas cette situation. Conclure autrement enlèverait tout pouvoir utile à la Commission de faire respecter les dispositions de la Loi sur le privé concernant la collecte de renseignements personnels. CONCLUSION [44] À la lumière de lenquête, des observations de lentreprise et des autres éléments au dossier, la Commission conclut que lentreprise a contrevenu à larticle 5 de la Loi sur le privé en recueillant une copie des cartes dassurance maladie de ses candidats ou le numéro qui y est inscrit. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [45] DÉCLARE la plainte fondée; [46] ORDONNE à lentreprise de cesser de recueillir une copie de la carte dassurance maladie de ses candidats ou le numéro contenu sur cette carte; [47] ORDONNE à lentreprise de détruire toutes les photocopies des cartes dassurance maladie quelle détient au sujet de ses candidats et tous leurs numéros dassurance maladie; [48] ORDONNE à lentreprise dinformer la Direction de la surveillance de la Commission des mesures prises pour assurer le respect de cette ordonnance dans un délai de 60 jours de la réception de la présente décision. Diane Poitras Juge administratif
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