Commission d’accès à l’information du Québec
Dossier :
1007894-S
Noms des organismes :
Centre de services partagés du Québec
Secrétariat du Conseil du Trésor
Date :
18 octobre 2018
Membre :
M
e
Cynthia Chassigneux
DÉCISION
PLAINTE en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et
sur la protection des renseignements personnels
1
.
OBJET DU DOSSIER
[1]
La Commission d’accès à l’information (la Commission) est saisie d’une
plainte à l’encontre du Centre de services partagés du Québec (CSPQ). Plus
particulièrement, la plainte porte sur la collecte de renseignements personnels
dans le cadre d’une campagne de recrutement universitaire de la fonction
publique qui se fait par le biais d’un formulaire développé par le Secrétariat du
Conseil du Trésor (SCT). L’enquête vise donc aussi le SCT, lequel a été interpellé
par la Direction de la surveillance de la Commission dans le cadre de ce dossier.
[2]
Plus particulièrement, le plaignant prétend que, dans le cadre de cette
campagne, le CSPQ demande aux candidats qui soumettent leur candidature en
ligne de communiquer leur numéro d’assurance sociale (NAS).
[3]
Il considère que la collecte de ce numéro n’est pas nécessaire à cette
étape du processus. D’ailleurs, il indique qu’il a pu s’inscrire sans donner son
NAS, et ce, même si un message apparaît à l’écran en indiquant l’importance
d’inscrire ce numéro.
1
RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
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ENQUÊTE
[4]
À la suite de cette plainte, en vertu de l’article 123 de la Loi sur l’accès, la
Direction de la surveillance de la Commission procède à une enquête auprès du
CSPQ et du SCT, ce dernier ayant élaboré le formulaire utilisé lors de la
campagne de recrutement.
[5]
Les responsables de l’accès aux documents et de la protection des
renseignements personnels (les responsables de l’accès) du CSPQ et du SCT
donnent leur version des faits à la Direction de la surveillance de la Commission.
AVIS D’INTENTION
[6]
Au terme de l’enquête et à la lumière des réponses et documents transmis
par le CSPQ et le SCT, la Commission transmet un avis d’intention aux
organismes.
[7]
Tout d’abord, dans cet avis d’intention, la Commission, compte tenu du
délai écoulé depuis l’enquête, demande au CSPQ et au SCT de lui préciser si,
depuis les faits à l’origine de la plainte, le formulaire qu’un candidat doit remplir
dans le cadre d’une campagne de recrutement a été modifié en ce qui a trait à la
collecte du NAS.
[8]
Ensuite, l’avis d’intention informe le CSPQ et le SCT qu’à la lumière des
informations dont elle dispose, la Commission pourrait leur ordonner de cesser,
dans le cadre d’une campagne de recrutement, de recueillir le NAS des
personnes qui soumettent leur candidature.
OBSERVATIONS DU CSPQ ET DU SCT
[9]
Tant le CSPQ que le SCT répondent à l’avis d’intention de la Commission
par le biais de leur responsable de l’accès respectif.
[10]
Ils allèguent qu’en vertu du nouveau système de dotation, le SGR3, « le
contenu du formulaire d’inscription à un processus de qualification a été modifié »
2
et que « l’identification du candidat s’effectue à l’aide, entre autres, de la collecte
des trois derniers chiffres du NAS »
3
. Les responsables de l’accès précisent dès
lors que :
2
Réponse du SCT du 21 février 2018.
3
Réponse du CSPQ du 21 février 2018
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CSPQ
« Dans le formulaire actuellement utilisé, qu’il soit papier ou
électronique, il est inscrit que tous les champs marqués d’un
astérisque doivent obligatoirement être remplis. Or, le champ
servant à la collecte des trois derniers chiffres du NAS est un
champ marqué d’un astérisque, le candidat doit donc
obligatoirement le compléter pour envoyer le formulaire. »
4
SCT
« Les candidats peuvent depuis [l’implantation du nouveau
système de dotation] s’inscrire à l’aide du formulaire d’inscription
papier ou du formulaire d’inscription en ligne. Les contenus des
deux formulaires sont presque identiques et la saisie des trois
derniers chiffres du NAS est obligatoire dans les deux cas pour
l’inscription à un processus de qualification. À cet effet, le champ
« Indiquez les trois derniers chiffres de votre numéro d’assurance
sociale » est suivi d’un astérisque.
Dans le formulaire d’inscription en ligne, la mention suivante est
indiquée en rouge à la toute fin du formulaire : * Champ(s)
obligatoire(s). Lorsqu’un candidat omet de remplir un champ
obligatoire, le système le bloque et le ramène à ce champ en lui
précisant de le compléter. Ainsi, il est impossible pour un candidat
de s’inscrire à un processus de qualification tant et aussi
longtemps que tous les champs obligatoires n’ont pas été
remplis.
Dans le formulaire d’inscription papier, la mention suivante est
inscrite en première page, à la rubrique « Renseignements
importants » : * Tous les champs marqués d’un astérisque
doivent obligatoirement être remplis. Ainsi, dans l’éventualité où
un candidat omettrait d’inscrire les trois derniers chiffres de son
NAS, il serait contacté par une personne responsable du
processus de qualification afin de les lui fournir sans quoi, sa
candidature ne pourrait être considérée. Cette façon de faire est
requise puisque pour traiter une candidature dans le cadre d’un
processus de qualification, il est essentiel de lui créer un dossier
électronique dans la nouvelle solution de dotation en ligne. »
5
[11]
Ils indiquent également les raisons pour lesquelles il est nécessaire, selon
eux, de collecter les trois derniers chiffres du NAS. Les responsables de l’accès
précisent que :
4
Réponse du CSPQ du 21 février 2018.
5
Réponse du SCT du 21 février 2018.
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CSPQ
« Cette collecte, des trois derniers chiffres du NAS, est donc
rendue nécessaire afin d’identifier les candidats de façon unique
dès le départ pour éviter que ceux-ci ne se créent plus d’un
dossier dans la solution de dotation en ligne,
De plus, l’utilisation de renseignements personnels dont les trois
derniers chiffres du NAS dans le cadre du nouveau système de
dotation permet de :
Garantir l’intégrité du processus de recrutement et de s’assurer
que tous les candidats sont traités de manière identique et
équitable;
Être en mesure de retrouver les résultats des examens antérieurs
des candidats dans les anciens systèmes;
Être en mesure d’identifier adéquatement les candidats qui
appellent au Centre d’assistance en dotation.
Enfin, bien que l’utilisation des trois derniers chiffres du NAS ne
puisse éliminer complètement les risques liés à la fraude, c’est le
moyen le plus sûr pour minimiser et traiter les candidatures des
candidats qui, par erreur ou par manque de connaissance se
créent plus d’un dossier. »
6
SCT
« Les renseignements d’identité que constituent le nom et le
prénom d’une personne joints à certains autres renseignements,
tels les trois derniers chiffres de son NAS et les jour et mois de
sa naissance, permettent de s’assurer de façon fiable de l’identité
véritable d’un candidat à un processus de qualification. Cette
vérification d’identité est fondamentale en ce qu’elle permet le
respect des principes sous-jacents de la Loi sur la fonction
publique.
[…] À cet effet, les trois derniers chiffres du NAS sont requis, dès
l’inscription à un processus de qualification, afin de permettre à
la fonction publique :
₋ de s’assurer que chaque candidat possède un seul dossier
d’inscription;
₋ d’appliquer le transfert des résultats obtenus aux examens,
lorsque requis;
6
Réponse du CSPQ du 21 février 2018.
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₋ d’assurer
l’identification
adéquate
des
candidats
qui
contactent le Centre d’assistance en dotation.
À noter que les renseignements recueillis sur les candidats sont
utilisés uniquement pour les besoins des processus de
qualification. Les personnes qui ont accès à ces renseignements,
y compris les trois derniers chiffres du NAS, sont tenues de les
traiter en respect du droit des personnes à la confidentialité de
l’information les concernant.
S’assurer que chaque candidat possède un seul dossier
d’inscription
[…] Comme il est possible pour un candidat de se créer plus d’un
dossier dans la solution de dotation en ligne, des mécanismes
ont été mis en place afin d’identifier et de traiter les candidats
ayant
plus
d’un
dossier.
Le
mécanisme
informatique
d’identification des dossiers « doublons » est basé sur
l’appariement de données similaires. Ainsi, jumelés à d’autres
données, les trois derniers chiffres du NAS permettent d’apparier
les dossiers de façon fiable considérant qu’il s’agit d’une variable
fixe à travers le temps et pour laquelle les erreurs de saisies sont
minimisées. Sans cette donnée, l’appariement serait impossible.
Aucune autre clé unique n’est disponible pour contrer les impacts
liés à la création de plusieurs dossiers.
Bien que l’utilisation des trois derniers chiffres du NAS ne puisse
éliminer complètement les risques liés aux manœuvres
frauduleuses lors des séances d’examen, c’est un moyen fiable
pour éliminer les dossiers doublons créés volontairement ou
involontairement par les candidats. Bien que l’utilisation du NAS
complet permette d’obtenir un niveau de fiabilité plus élevé, étant
donné que deux individus ne peuvent posséder le même, cette
option a été écartée afin de protéger la vie privée des candidats.
[…]
Appliquer le transfert des résultats obtenus aux examens,
lorsque requis
L’utilisation des trois derniers chiffres du NAS permet d’assurer
une application rigoureuse du transfert des résultats obtenus aux
examens. […]
Assurer l’identification adéquate des candidats qui appellent
au Centre d’assistance en dotation
Les personnes possédant un dossier électronique ont la
possibilité d’obtenir un soutien technique en communiquant avec
le Centre d’assistance en dotation. Par exemple, une personne
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pourrait faire une demande de modification à son dossier. De ce
fait,
les
répondants
au
soutien
technique
doivent
systématiquement vérifier l’identité de chaque requérant
notamment avec les trois derniers chiffres du NAS. »
7
ANALYSE
[12]
Après avoir pris connaissance des observations écrites du CSPQ et du
SCT à la suite de son avis d’intention, la Commission constate que ceux-ci ne
contestent pas les faits à l’origine de l’enquête.
[13]
Elle constate cependant que le CSPQ et le SCT ont adopté un nouveau
formulaire d’inscription dans le cadre du processus de qualification des candidats
à un emploi dans la fonction publique. Elle constate également que le CSPQ et
le SCT indiquent qu’ils ne recueillent maintenant qu’une partie du NAS, soit les
trois derniers chiffres de celui-ci.
[14]
Il revient donc à la Commission de déterminer si cette nouvelle pratique du
CSPQ et du SCT en matière de collecte de renseignements personnels respecte
la Loi sur l’accès à laquelle sont assujettis ces deux organismes publics
8
en ce
qui concerne la nécessité d’une telle collecte.
[15]
Tout d’abord, il convient de rappeler que la Loi sur l’accès prévoit que
« sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et
permettent de l’identifier »
9
.
[16]
Le NAS est « un numéro de neuf chiffres dont [toute personne physique a]
besoin pour travailler au Canada ou pour avoir accès aux programmes et aux
prestations offerts par le gouvernement. Chaque NAS est attribué à une seule
personne et ne peut légalement être utilisé par une autre personne »
10
.
[17]
Le NAS est donc un identifiant unique. Ainsi, que l’on considère ce numéro
en entier ou seulement une fraction de celui-ci, les chiffres qui le composent
concernent et permettent d’identifier une personne physique
11
. En effet, selon la
7
Réponse du SCT du 21 février 2018.
8
Loi sur l’accès, article 3.
9
Loi sur l’accès, article 54.
10
GOUVERNEMENT DU CANADA, « Numéro d’assurance sociale – Aperçu »,
https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/services/numero-assurance-
sociale.html.
11
Voir COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA, Une compagnie
utilise le NAS à des fins d’identification, 2003 CanLII 38598 (CVPC). Dans cette décision le
Commissariat mentionne que « comme le NAS est clairement un renseignement personnel
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décision Gordon c. Ministère de la Santé et Commissaire à la protection de la vie
privée
12
,
« [33] [les] renseignements, quels que soient leur forme et leur
support, sont des renseignements « concernant » un individu s’ils
« permettent » d’identifier l’individu ou « rendent possible » son
identification, que ces renseignements soient utilisés seuls ou
combinés avec des renseignements d’autres sources, […] ».
[18]
Ainsi, les trois derniers chiffres du NAS associés aux autres
renseignements inscrits sur le formulaire d’inscription constituent des
renseignements personnels dont la collecte doit répondre aux exigences de la Loi
sur l’accès en ce qui a trait à la nécessité.
[19]
En effet, la Loi sur l’accès prévoit qu’un organisme public ne peut recueillir
un renseignement personnel si cela n’est pas nécessaire à l’exercice de ses
attributions ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion.
64. Nul ne peut, au nom d’un organisme public, recueillir un
renseignement personnel si cela n’est pas nécessaire à l’exercice
des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre d’un
programme dont il a la gestion.
[…]
[20]
Le fardeau de démontrer la nécessité de recueillir des renseignements
personnels, plus particulièrement les trois derniers chiffres du NAS en l’espèce,
repose sur le CSPQ et le SCT. Ceux-ci doivent démontrer que les trois derniers
chiffres du NAS qu’ils recueillent sont nécessaires à l’exercice de leurs
attributions ou à la mise en œuvre d’un programme dont ils ont la gestion.
[21]
Dans son appréciation du critère de nécessité, la Commission applique
l’interprétation énoncée par la Cour du Québec notamment dans l’affaire Laval
(Société de transport de la Ville de) c. X
13
qui propose d’examiner ce critère de la
manière suivante :
[44] […] Un renseignement sera donc nécessaire non pas
lorsqu’il pourra être jugé absolument indispensable, ou au
concernant un individu identifiable, le Commissaire a déterminé que quatre chiffres du NAS
constituent également un renseignement personnel pour l’application de la Loi [sur la
protection des renseignements personnels et les documents électroniques] ».
12
2008 CF 258 (CanLII).
13
[2003] C.A.I. 667 CCQ. Voir également, Synergie Hunt International Inc. c. Trinque Tessier
[2017] QCCQ 13747.
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contraire simplement utile. Il sera nécessaire lorsque chaque fin
spécifique poursuivie par l’organisme, pour la réalisation d’un
objectif lié à ses attributions, sera légitime, importante, urgente et
réelle, et lorsque l’atteinte au droit à la vie privée que pourra
constituer la cueillette, la communication ou la conservation de
chaque élément de renseignement sera proportionnelle à cette
fin. Cette proportionnalité jouera en faveur de l’organisme lorsqu’il
sera établi que l’utilisation est rationnellement liée à l’objectif, que
l’atteinte est minimisée et que la divulgation du renseignement
requis est nettement plus utile à l’organisme que préjudiciable à
la personne. Autrement, le droit à la vie privée et à la
confidentialité des renseignements personnels devra prévaloir.
[Nos soulignements]
[22]
En 2010, la Cour du Québec
14
a appliqué à nouveau ce test lors de
l’interprétation du critère de nécessité en précisant que :
[153] Ce test a l’avantage de tenir compte de la nature du
renseignement et du besoin réel de l’organisme dans l’exercice
de ses attributions en comparant le degré d'exigence que
commande le besoin à l’expectative du préjudice pouvant être
causé par l’atteinte aux droits de la personne.
[154] Ce test a pour effet pratique de soupeser les besoins de l’un
dans l’optique de la finalité de ses fonctions et le préjudice
pouvant être causé à l’autre.
[23]
Ainsi, à la lumière des éléments dont elle dispose, la Commission doit
déterminer si le CSPQ et le SCT ont démontré, à l’aide d’éléments concrets et
probants, que les objectifs poursuivis par la collecte des trois derniers chiffres du
NAS des candidats à un processus de qualification pour un emploi dans la
fonction publique sont légitimes, importants, urgents et réels et que l’atteinte au
droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle à ces
objectifs.
-
Les objectifs poursuivis sont-ils légitimes, importants, urgents et
réels ?
[24]
Après avoir pris connaissance des observations écrites du CSPQ et du
SCT, la Commission comprend que « dans le cadre de la réforme de la dotation
des emplois en 2015, la fonction publique a adopté une nouvelle réglementation
régissant ses processus de qualification et a déployé une nouvelle solution de
14
Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, 2010 QCCQ 9397.
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dotation en ligne »
15
. Elle comprend que « dans ce contexte, le contenu du
formulaire d’inscription à un processus de qualification a été modifié »
16
, tant en
ce qui concerne le formulaire papier qu’électronique, pour faire en sorte que les
candidats à un emploi dans la fonction publique n’aient plus à inscrire leur NAS
en entier, mais uniquement les trois derniers chiffres.
[25]
Elle comprend également que les objectifs poursuivis
17
par le CSPQ et le
SCT en recueillant les trois derniers chiffres du NAS visent à s’assurer que
chaque candidat ne possède qu’un seul dossier d’inscription ou encore que les
résultats d’un candidat puissent être transférés à un autre processus de
qualification utilisant le même examen, le cas échéant. Elle constate que ces deux
objectifs répondent aux exigences des articles 8 et 24 du Règlement sur le
processus de qualification et les personnes qualifiées
18
qui se lisent comme suit :
8. Une personne inscrite dans une banque de personnes
qualifiées ne peut s’inscrire à un autre processus de qualification
au terme duquel elle serait inscrite dans cette même banque.
24. Le résultat obtenu par une personne à un examen ou à une
partie d’examen lors d’un processus de qualification, y compris
un processus de qualification particulier, ou lors d’une vérification
d’aptitudes est transférable à tout processus de qualification
lorsque les conditions suivantes sont respectées:
1° le contenu de ces examens ou de ces parties d’examen est
identique ou équivalent;
2° la période entre les dates de ces examens ou de ces parties
d’examen n’excède pas 12 mois.
[26]
La Commission comprend enfin qu’il existe une « volumétrie importante de
dossiers électroniques dans la solution [de dotation], soit environ 70 000 dossiers
internes (employés de la fonction publique) et environ 160 000 dossiers externes
en date du 31 mars 2017 »
19
et qu’il convient d’éviter les « doublons » dans les
dossiers relatifs au processus de qualification pour un emploi dans la fonction
publique.
15
Réponse du SCT du 21 février 2018.
16
Réponse du SCT du 21 février 2018.
17
Réponse du CSPQ et du SCT du 21 février 2018.
18
RLRQ, c. F-3.1.1., r. 3.1.
19
Réponse du SCT du 21 février 2018.
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[27]
Partant, à la lumière de ce qui précède, la Commission reconnaît que les
objectifs poursuivis par le CSPQ et le SCT sont légitimes et importants compte
tenu du nombre de dossiers devant être traités ou encore des exigences du
Règlement sur le processus de qualification et les personnes qualifiées.
[28]
Toutefois, la Commission considère que les arguments mis de l’avant par
le CSPQ et le SCT ne justifient pas le caractère urgent et réel de la collecte des
trois derniers chiffres du NAS afin de s’assurer que chaque candidat ne possède
qu’un seul dossier d’inscription et que ses résultats soient transférés
adéquatement.
[29]
En effet, considérant le nombre de renseignements personnels demandés
dans le formulaire d’inscription, la Commission considère que le CSPQ et le SCT
n’ont pas démontré en quoi ils ne sont pas en mesure de différencier un candidat
par rapport à un autre en appariant ensemble ces renseignements, et ce, sans
avoir à recourir aux trois derniers chiffres du NAS.
[30]
En effet, en plus de collecter les nom et prénom, le statut au Canada, le
jour et le mois de naissance, les coordonnées postales et électroniques ainsi que
le numéro de téléphone, les candidats au processus de qualification pour un
emploi dans la fonction publique doivent également faire mention de leur sexe,
de leur appartenance à un groupe donnant accès à l’égalité, de leur scolarité
(secondaire, collégiale, universitaire), de leur expérience de travail (date et fin de
l’emploi, nom de l’employeur, titre de l’emploi) et peuvent indiquer leur
appartenance à un ordre professionnel, les langues parlées, écrites et lues et s’ils
détiennent un permis de conduire ou des certificats de qualification.
[31]
Le CSPQ et le SCT n’ont pas expliqué en quoi l’appariement de l’ensemble
de ces données, notamment celles qui doivent obligatoirement être
communiquées, ne permet pas d’identifier un individu et d’éviter les doublons et
ainsi faire en sorte que chaque candidat ne possède qu’un seul dossier
d’inscription et que ses résultats soient transférés adéquatement.
[32]
Par ailleurs, en ce qui a trait au fait de pouvoir identifié un candidat qui
appelle au Centre d’assistance en dotation, la Commission est d’avis que le
répondant au soutien technique dudit Centre peut identifier la personne qui
appelle en utilisant, non pas les trois derniers chiffres du NAS, mais l’un ou
plusieurs des renseignements inscrits sur le formulaire d’inscription et connus du
candidat comme le nom de l’établissement d’enseignement dont il a obtenu un
diplôme ou au sein duquel il a réussi sa dernière année d’étude ou encore la date
de début d’un des emplois qu’il a occupés.
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[33]
En effet, comme mentionné précédemment, les cases relatives à ces
informations doivent obligatoirement être remplies dans le formulaire papier ou
en ligne pour pouvoir poursuivre le processus de qualification pour un emploi dans
la fonction publique. Ces renseignements sont donc susceptibles de constituer ce
que l’on appelle communément un secret partagé connu du répondant et du
candidat qui appelle et permettent d’atteindre l’objectif poursuivi sans avoir à
collecter les trois derniers chiffres du NAS.
[34]
Ainsi au regard de ce qui précède, la Commission est d’avis que le CSPQ
et le SCT n’ont pas démontré en quoi le fait de collecter les trois derniers chiffres
du NAS revêt un caractère urgent et réel pour atteindre leurs objectifs.
[35]
Certes, le CSPQ et le SCT indiquent que les trois derniers chiffres du NAS
permettent au système de dotation « SGR3 » d’« éliminer les dossiers doublons
créés volontairement ou involontairement par les candidats »
20
, d’« assurer une
application rigoureuse du transfert des résultats obtenus aux examens »
21
ou
encore de vérifier l’identité de la personne qui appelle le Centre d’assistance en
dotation.
[36]
Toutefois, ils n’expliquent pas pourquoi leur choix s’est arrêté sur les trois
derniers chiffres du NAS pour faire en sorte que le système de dotation « SGR3 »
fonctionne ni en quoi la collecte de ces trois chiffres est requise en plus de
l’ensemble des renseignements personnels qu’ils recueillent sur les candidats à
un processus de qualification pour un emploi dans la fonction publique.
[37]
Dans ces circonstances, la Commission est d’avis que la première partie
du test de nécessité n’est pas rencontrée, deux des quatre éléments constitutifs
n’ayant pas été démontrés.
-
L’atteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette
communication est-elle proportionnelle aux objectifs poursuivis ?
[38]
Au surplus, la Commission considère que l’atteinte au droit à la vie privée
que peut constituer la collecte des trois derniers chiffres du NAS n’est pas
proportionnelle aux objectifs poursuivis par le CSPQ et le SCT.
[39]
Dans l’affaire Laval (Société de transport de la Ville de) c. X
22
qui reprend
le test de l’arrêt R. c. Oakes
23
, il est précisé que :
20
Réponse du SCT du 21 février 2018.
21
Réponse du SCT du 21 février 2018.
22
[2003] C.A.I. 667 CCQ.
23
[1986] 1 R.C.S. 103.
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[40] […] La limitation peut être raisonnable et justifiée, dans le
cadre d’une société libre et démocratique, plus précisément si
elle rencontre les exigences d’un critère en deux volets :
2.1. Elle répond à un objectif important, légitime, urgent et réel.
2.2. Elle est proportionnée à l’importance de l’objectif.
Enfin, cette limitation sera proportionnée si elle rencontre trois
dernières exigences :
2.2.1. Elle est rationnellement liée à l’objectif poursuivi.
2.2.2. L’atteinte au droit garanti qu’elle suppose est minimisée.
2.2.3. L’effet utile de l’atteinte est proportionnellement plus
important que le préjudice qu’il représente pour la personne ».
[40]
Tout d’abord, la Commission tient à rappeler que le NAS, ou comme en
l’espèce les trois derniers chiffres du NAS associés à d’autres renseignements,
constitue un renseignement que plusieurs qualifient de sensible, car il est unique
et permet d’identifier une personne physique en particulier. C’est pourquoi, le
NAS, qu’il soit entier ou non, ne doit pas constituer un renseignement
d’identification et que, par conséquent, une personne n’est « pas tenu[e] de fournir
son NAS pour : confirmer [son identité], remplir une demande d’emploi, […] »
24
.
[41]
Ensuite, la Commission considère que le fait de ne collecter que les trois
derniers chiffres du NAS ne réduit pas de façon significative les risques d’atteinte
au droit à la vie privée compte tenu du fait qu’en les combinant aux autres
renseignements collectés ils permettent d’identifier la personne concernée. En
effet, le NAS, en entier ou non, étant un identifiant unique, permet d’identifier une
personne physique. Ainsi, comme mentionné précédemment, le fait de ne
collecter que les trois derniers chiffres ne réduit pas les possibilités d’identifier la
personne associée à ce numéro et le fait de conserver même une partie du NAS
avec d’autres renseignements personnels ne réduit pas les risques d’usurpation
d’identité en cas d’attaque informatique du système de dotation « SGR3 » utilisé
par le CSPQ et développé par le SCT. En ce sens, en plus de considérer que
l’atteinte n’est pas minimisée, la Commission estime que la collecte des trois
derniers chiffres du NAS n’est pas clairement plus utile au CSPQ et au SCT que
préjudiciable aux candidats à un processus de qualification pour un emploi dans
la fonction publique.
[42]
Ainsi, à la lumière de ce qui précède, la Commission considère que la
collecte des trois derniers chiffres du NAS n’est pas proportionnelle aux objectifs
24
GOUVERNEMENT
DU
CANADA,
«
Votre
numéro
d’assurance
sociale
:
une
responsabilité partagée! Protégez-le! », https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-
social/services/numero-assurance-sociale/rapports/responsabilite-partagee.html.
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poursuivis par le CSPQ et le SCT, à savoir de s’assurer que chaque candidat ne
possède qu’un seul dossier d’inscription, que ses résultats sont transférés
adéquatement ou qu’il puisse être identifié par le Centre d’assistance en dotation.
La Commission est donc d’avis que la deuxième partie du test de nécessité n’est
pas rencontrée.
[43]
Par conséquent, même si la Commission reconnaît le caractère légitime et
important des objectifs poursuivis par le CSPQ et le SCT, ces deux organismes
n’ont pas réussi à la convaincre du caractère urgent et réel de collecter les trois
derniers chiffres du NAS à l’étape de l’inscription à un processus de qualification
pour un emploi dans la fonction publique ni du fait que l’atteinte au droit à la vie
privée que constitue cette collecte soit proportionnelle aux objectifs poursuivis.
CONCLUSION
[44]
Dans ces conditions, à la lumière de l’enquête et des observations écrites
du CSPQ et du SCT, la Commission conclut que ces deux organismes ne
respectent pas les obligations prévues à l’article 64 de la Loi sur l’accès en
collectant les trois derniers chiffres du NAS dans le cadre du processus de
qualification des candidats à un emploi dans la fonction publique.
[45]
Par ailleurs, la Commission constate que, tant dans le formulaire papier
qu’électronique, le CSPQ et le SCT sont susceptibles de recueillir le numéro de
permis d’exercice et le numéro de permis de conduire des candidats à un
processus de qualification pour un emploi dans la fonction publique. Ces
éléments n’ayant pas été pris en considération dans le cadre de l’enquête menée
par sa Direction de la surveillance, la Commission ne peut se prononcer à ce
sujet. Elle demande néanmoins à sa Direction de la surveillance de faire des
démarches auprès du CSPQ et du SCT pour obtenir des précisions sur la
nécessité de cette collecte.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION
[46]
DÉCLARE la plainte fondée;
[47]
ORDONNE au CSPQ et au SCT de cesser de recueillir les trois derniers
chiffres du NAS dans le cadre du processus de qualification pour un emploi dans
la fonction publique aux fins de s’assurer que chaque candidat ne possède qu’un
seul dossier d’inscription, que ses résultats sont transférés adéquatement ou qu’il
puisse être identifié par le Centre d’assistance en dotation;
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ORDONNE au CSPQ et au SCT d’informer la Direction de la surveillance
de la Commission des mesures prises afin de respecter la présente décision.
Original signé
Cynthia Chassigneux
Juge administrative
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