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00 15 97 SYNDICAT DE LA FONCTION PUBLIQUE DU QUÉBEC (SFPQ) et MARIE JOSÉE LEROUX et HENRIETTE GAGNON et ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES TECHNOLOGISTES MÉDICAUX DU QUÉBEC (APTMQ) et ASSOCIATION DES EMPLOYÉS EN SERVICE SOCIAL DE LA PROVINCE DE QUÉBEC (AESSPQ) et ASSOCIATION DES TECHNICIENNES ET TECHNICIENS EN DIÉTÉTIQUE DU QUÉBEC (ATDQ) et SYNDICAT DES ERGOTHÉRAPEUTES DU QUÉBEC (SEQ) et SYNDICAT DES PHYSIOTHERAPEUTES ET THÉRAPEUTES EN RÉADAPTATION PHYSIQUE DU QUÉBEC (SPTRPQ) et SYNDICAT DES PROFESSIONNELS ET TECHNICIENS DE LA SANTÉ DU QUÉBEC (SPTSQ) et SYNDICAT DES TECHNOLOGUES EN RADIOLOGIE DU QUÉBEC (STRQ) et SYNDICAT DES INTERVENANTS PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ DU QUÉBEC (SIPSQ)
et CENTRALE DES PROFESSIONNELLES ET PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ (CPS) Requérants c. COMMISSION DE L'ÉQUITÉ SALARIALE Organisme-intimé DÉCISION INTERLOCUTOIRE SUR LA REQUÊTE DE SAUVEGARDE Les requérants ont formulé une demande de révision de la décision du responsable de l'accès de l'organisme-intimé leur refusant l'accès au rapport de l'analyste de ce dernier portant sur le rapport gouvernemental sur l'équité salariale. Les requérants estiment qu'ils risquent de voir leur droit à une audition pleine et entière devant l'organisme-intimé compromis faute d'avoir pu commenter devant celui-ci le rapport dont il lui refuse l'accès. Les requérants ne pourront en effet prendre connaissance de ce rapport que sur une décision exécutoire sur le fond de la présente Commission qui renverserait la décision du responsable de l'accès et qui ordonnerait à l'organisme-intimé sa divulgation. Cette décision sur le fond de la présente Commission ne pourra vraisemblablement pas survenir en temps utile, c'est-à-dire avant que l'organisme-intimé ne rende lui-même la décision qui lui appartient en vertu de l'article 120 de la Loi sur l'équité salariale (1) d' le risque de préjudices allégué par les requérants. La conclusion principale recherchée par les requérants quant à la requête de sauvegarde est : [...] ORDONNER à la Commission de l'équité salariale de ne pas rendre sa décision finale, et ce avant que la Commission d'accès à l'information ait statué sur la demande de révision faite par les requérants; [...] Les requérants s'appuient sur l'article 141 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (2) pour demander l'ordonnance de sauvegarde à la présente Commission. L'article 141 est rédigé ainsi : 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa juridiction; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements nominatifs. » L'organisme-intimé soumet ce qui suit, dans ses représentations écrites :
Les auteurs Desbiens et Poitras dans leur ouvrage [] (3) [...] font une revue des décisions contenant des ordonnances sous l'article 141. Elles résument ainsi le pouvoir d'ordonnance : « Pouvoir d'ordonnance » En vertu de l'article 141, la Commission peut spécifiquement rendre diverses ordonnances, notamment : -toute ordonnance propre à sauvegarder les droits des parties; -ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document; -ordonner à un organisme public de s'abstenir de donner communication de tout ou partie d'un document; -ordonner à un organisme public de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif (dans le cadre d'une demande de révision portant sur la rectification); -ordonner à un organisme public de cesser un usage de renseignements nominatifs; -ordonner à un organisme public de cesser une communication de renseignements nominatifs (4) À titre d'exemples, l'intimée réfère la Commission d'accès à l'information aux affaires Ville de Québec c. Lemoine (5) [...] et Office du crédit agricole du Québec c. Talbot et Pépin (6) [...]. Dans cette dernière affaire, les trois honorables juges de la Cour du Québec concluent que : « Le Commissaire n'a pas erré en droit en se prévalant des dispositions de l'article 141 de la Loi sur l'accès et en ordonnant à l'appelant, dans les 20 jours de la décision, de vérifier si le tiers impliqué consent à la divulgation de ce renseignement. L'article 141 décrète que la Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa juridiction : elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toutes questions de fait ou de droit. La décision prise par le commissaire d'ordonner à l'appelant de faire telle vérification auprès du tiers n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article 141 (7) L'intimée soumet qu'elle est d'accord avec l'interprétation donnée par les tribunaux à l'article 141. Elle ajoute toutefois que ce pouvoir d'ordonnance doit se limiter à la compétence du tribunal et qu'il ne peut, en aucun cas, excéder celle-ci. Ainsi, l'intimée ne contesterait pas la requête des requérants s'il s'agissait d'ordonner la conservation, la production ou de cesser de donner communication d'un document. Or, en l'espèce ce n'est pas le cas, les requérants demandent à la Commission d'accès à
l'information une ordonnance qui excède sa compétence. Par ailleurs, les décisions soumises par les requérants au soutien de leur argumentation diffèrent du présent dossier en ce que les diverses ordonnances de sauvegarde émises, l'ont été dans le cadre de la compétence du tribunal ou de l'arbitre de grief. À titre d'exemples : - dans l'affaire Regroupement des organismes nationaux de loisir du Québec et Syndicat Loisir Québec (C.E.Q.) (8) [...] il s'agissait d'un grief portant sur des licenciements et la fermeture de l'imprimerie de l'employeur. L'ordonnance de sauvegarde : le tribunal ordonne à l'employeur de rappeler au travail à compter d'une certaine date tous les salariés visés par le grief et de reprendre à la même date l'exploitation de l'imprimerie telle qu'elle se faisait avant la fermeture; - dans l'affaire Syndicat régional des infirmières et infirmiers du Québec (F.I.I.Q.) et Centre local des services communautaires (C.L.S.C.) Montcalm (9) [...] il s'agissait d'un grief déposé par une salariée contestant une suspension indéfinie. L'ordonnance interlocutoire : l'employeur devra, à compter de la réception de la décision, replacer le nom de la salariée sur la liste de rappel à titre d'infirmière jusqu'à ce que le tribunal d'arbitrage rende sa décision sur le fond du grief dont il est saisi; - dans l'affaire Syndicat des employés en Radio-télédiffusion de Radio-Québec (S.E.R.T.) et Société de radio télévision du Québec (Radio-Québec (10) [...] l'objet du grief était une suspension de 10 semaines imposée à un salarié et l'ordonnance recherchée était la réintégration provisoire du salarié et le sursis de la suspension de 10 semaines (en l'espèce l'ordonnance fut rejetée); - dans l'affaire Rumak c. Hôpital Saint-Charles Borromée (11) [...] il s'agissait d'une demande de révision d'une décision refusant l'accès à des rapports de visite d'agrément et à un sommaire des recommandations. La Commission d'accès à l'information accueilli la demande de révision et a ordonné à l'organisme de « communiquer aux demanderesses les documents en litige »; - enfin, dans l'affaire Procureur général du Québec c. Bayle et Commission d'accès à l'information (12) [...] il s'agissait d'un appel d'une décision de la Commission d'accès à l'information qui accueillait une demande de révision et ordonnait la communication de documents préparés pour le bénéfice du président de l'Assemblée nationale (appel accueilli). En l'instance, ce que les requérants cherchent c'est que la Commission d'accès à l'information ordonne à la Commission de l'équité salariale de cesser d'exercer, temporairement, ses fonctions et pouvoirs eu égard au document demandé par les requérants. Ces fonctions et pouvoirs ont été attribués par le législateur à la Commission de l'équité salariale en vertu de la Loi sur l'équité salariale[...]. La requête des requérants vise particulièrement [à] empêcher la Commission de l'équité salariale d'exercer les fonctions mentionnées à l'article 120 de cette loi, lequel stipule :
« 120. Un employeur dont le programme d'équité salariale ou de relativité salariale a été complété avant le 21 novembre 1996 doit transmettre à la Commission, dans les 12 mois du 21 novembre 1997, un rapport faisant état de ce programme et contenant les informations visées à l'article 119. Il en est de même pour l'employeur dont le programme d'équité salariale ou de relativité salariale est en cours le 21 novembre 1996. Dans ce cas, le rapport doit en outre faire état du degré de réalisation du programme. L'employeur doit afficher et, le cas échéant, transmettre à une association accréditée qui représente des salariés dans l'entreprise, le rapport qu'il a transmis à la Commission. Un salarié ou une association accréditée de l'entreprise peut dans les 90 jours de l'affichage transmettre à la Commission ses observations ou ses commentaires sur le rapport de l'employeur. À partir des informations contenues au rapport, des observations ou commentaires reçus et des vérifications qu'elle effectue, la Commission détermine si le programme remplit les conditions prévues à l'article 119. » (notre soulignement) Le rapport d'analyse et recommandations auquel les requérants veulent avoir accès constitue un des documents que la Commission utilise pour déterminer, conformément au dernier alinéa de l'article 120, si le programme soumis par le Conseil du trésor, remplit les conditions prévues à l'article 119 de la Loi sur l'équité salariale. Ce que les requérants cherchent c'est d'obtenir une injonction, comme le prévoit les articles 751 et 752 du Code de procédure civile : « 751. L'injonction est une ordonnance de la Cour supérieure ou de l'un de ses juges, enjoignant à une personne, à ses dirigeants, représentants ou employés, de ne pas faire ou de cesser de faire ou, dans les cas qui le permettent, d'accomplir un acte ou une opération déterminés, sous les peines que de droit. 752. Outre l'injonction qu'elle peut demander par action, avec ou sans autres conclusions, une partie peut, au début ou au cours d'une instance, obtenir une injonction interlocutoire. L'injection interlocutoire peut être accordée lorsque celui qui la demande paraît y avoir droit et qu'elle est jugée nécessaire pour empêcher que ne lui soit causé un préjudice sérieux ou irréparable, ou que ne soit créé un état de fait ou de droit de nature à rendre le jugement final inefficace. »
(notre soulignement) L'injonction recherchée par les requérants est de type prohibiti[f] et interlocutoire (13) puisqu'elle vise à ordonner à la Commission de l'équité salariale de ne pas faire quelque chose, en l'occurrence rendre une décision en vertu du chapitre IX de la Loi sur l'équité salariale et ce, pour une certaine période de temps. Or, une telle ordonnance n'a aucun rapport avec la conservation du document que les requérants veulent obtenir ou sur sa divulgation. La Commission de l'équité salariale n'a pas l'intention d'altérer, de modifier, de détruire le document. Elle refuse simplement l'accès au document en s'appuyant, à juste titre selon elle, sur les articles 37 et 39 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Elle agit en conséquence dans le cadre strict de cette loi. (les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) DÉCISION La Commission est entièrement d'accord avec la position précitée de l'organisme-intimé. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la requête pour l'obtention d'une ordonnance de sauvegarde; et CONVOQUE les parties à la continuation de l'audience aux jour et heure fixés par la maître des rôles. Québec, le 17 octobre 2000. DIANE BOISSINOT Commissaire Procureur des requérants : M e Bruno Néron Procureur de l'organisme-intimé : M e J. André Tremblay 1. L.R.Q., c. E-12.001, ci-après appelée L.E.S. 2. L.R.Q., c. A-2.1 DESBIENS, Lina et POITRAS, Diane, Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et Loi sur la protection des renseignements 3. personnels dans le secteur privé, textes annotés, S.O.Q.U.I.J., 1996, des pages 396 à 403 inclusivement. 4. Idem à la page 399. 5. [1989] CAI 152 (C.Q.) 6. [1989] C.A.I. 157 7. Idem, à la page 163. 8. M e Serge Brault, arbitre, Montréal, le 8 septembre 1998. 9. M e Diane Veilleux, arbitre, Laval, le 10 novembre 1995, D.T.E. 96T-731. 10. [1994] T.A. 1058. 11. [1994] C.A.I. 292.
12. [1991] C.A.I. 306. Pour une revue générale des règles applicables en matière d'injonction, l'intimée réfère la Commission d'accès à l'information à l'extrait des cours de formation du Barreau du Québec [] 13. (Droit public et administratif, Collection de droit, Les Éditions Yvon Blais, 1998-1999, pages 149 à 156) qui concerne les injonctions.
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