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97 18 93 ACTION TRAVAIL DES FEMMES ci-après appelée «la demanderesse» c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ci-après appelée «l'organisme» DÉCISION INTÉRIMAIRE Conformément à l'avis de convocation qui leur a été transmis, les parties se sont présentées devant la Commission le 22 février 2000 pour la poursuite de l'audience commencée le 22 septembre 1998. PREUVE et ARGUMENTATION : La procureure de la demanderesse reconnaît que sa cliente a reçu de l'organisme certains documents concernant 11 entreprises qui étaient encore sanctionnées à la date de la demande d'accès du 29 octobre 1997, entreprises dont les dossiers complets avaient été remis à la Commission sous le sceau de la confidentialité le 22 septembre 1998 (ci-après appelés «dossiers de la série A»). La procureure de l'organisme remet séance tenante à la demanderesse certains documents concernant 8 autres entreprises qui, bien que visées par la demande d'accès, n'étaient plus sanctionnées à la date de cette demande d'accès et dont les dossiers n'avaient pas été remis à la Commission (ci-après appelés «dossiers de la série B»). Les parties s'entendent pour procéder avec un dossier type de chaque série; les renseignements ou documents constituant ces 2 dossiers et auxquels l'accès est refusé par l'organisme sont remis à la Commission sous le sceau de la confidentialité. La procureure de l'organisme indique avoir fait parvenir à la procureure de la demanderesse, qui le reconnaît, une liste des genres de documents qui se retrouvent dans chaque dossier type et qui font encore l'objet de la demande de révision. Les parties spécifient que les documents en litige sont : tous les documents visés par la demande d'accès qui ne font pas partie des dossiers d'entreprises; les documents identifiés par la procureure de la demanderesse et qui font partie des dossiers d'entreprises. La procureure de l'organisme fait entendre madame Louise Caron-Hardy concernant tous les documents visés par la demande d'accès qui ne font pas partie des dossiers d'entreprises. Madame Caron-Hardy témoigne sous serment. 1. Elle affirme que le communiqué de presse du 7 mars 1997 (D-1), dont le texte fait partie intégrante du rapport annuel 1996 de l'organisme (D-3, pp. 29 et 30), comprend une section intitulée «Un laisser-aller gouvernemental déplorable» qu'elle a approuvée et à la rédaction de laquelle elle a participé à titre de directrice de la Direction des programmes d'accès à l'égalité. Elle précise que l'organisme ne détient aucun document appuyant les faits mentionnés au 4 ième paragraphe de cette section du communiqué, ces faits ayant été rapportés verbalement par des personnes qui s'adressaient à la direction précitée pour avoir des renseignements. Elle ajoute qu'en 1996, sa direction a reçu 2 ou 3 appels téléphoniques provenant de personnes qui se demandaient si leurs entreprises étaient assujetties
au programme d'obligation contractuelle qui leur imposait la mise en place d'un programme d'accès à l'égalité alors que leurs compétiteurs adjudicataires ne l'étaient pas; elle spécifie être elle-même intervenue à ce sujet auprès du ministère des Approvisionnements et services, ce, de façon verbale après chaque appel téléphonique provenant d'une entreprise. Elle n'a pas, indique-t-elle, noté ni le nom des entreprises dont les représentants ont verbalement communiqué avec elle, ni les renseignements transmis à l'occasion de ces communications. 2. Elle affirme, en ce qui a trait au 5 ième paragraphe de cette même section du communiqué (D-1), que l'organisme ne détient aucun document établissant que plus de 14 entreprises aient vraisemblablement, à l'époque et en 2 ans, obtenu des contrats ou subventions de 100 000$ et plus. Elle ajoute qu'il s'agissait d'une hypothèse émise par l'organisme pour alerter le gouvernement et l'amener à être plus rigoureux dans l'application du programme d'obligation contractuelle à des entreprises adjudicataires. Elle mentionne à cet égard que des personnes se sont verbalement adressées à elle pour indiquer que ces entreprises avaient obtenu un contrat de plus de 100 000$ et pour savoir si celles-ci devaient faire rapport à l'organisme en vertu du programme; elle a, précise-t-elle, référé ces personnes au gouvernement qui gérait l'application du programme. 3. Elle affirme, en ce qui a trait au 6 ième et dernier paragraphe de la rubrique «Un laisser-aller gouvernemental déplorable» du communiqué de presse (D-1), que l'organisme ne détient aucun document concernant une entreprise qui, ayant perdu le droit de solliciter un contrat parce qu'elle ne s'était pas conformée à un engagement précédent, a quand même reçu une subvention d'un ministère pendant la période de pénalité. Elle précise que ce renseignement lui a verbalement été communiqué par un fournisseur qui voulait savoir si une entreprise qui avait reçu une subvention et dont le nom apparaissait sur la liste des entreprises sanctionnées, était toujours sanctionnée; elle ajoute avoir répondu qu'elle ignorait si cette entreprise était encore sanctionnée et avoir référé le fournisseur au ministère des Approvisionnements et services. 4. Elle affirme, en ce qui concerne l'extrait suivant du rapport annuel 1995 de l'organisme (D-2, pp. 23, 24), que l'organisme ne détient aucun document il semblerait plus vraisemblable que ces trois entreprises ne soient pas les seules à avoir obtenu des contrats ou des subventions de plus de 100 000$.». Elle précise que cet extrait repose sur la connaissance qu'a l'organisme du programme d'obligation contractuelle ainsi que du milieu des entreprises et qu'il avait pour but de soulever des questions auprès du gouvernement afin que des mesures soient prises pour que ce programme soit respecté. 5. Elle affirme que l'organisme ne détient aucun document appuyant l'information voulant que depuis novembre 1993 «d'autres entreprises dans le secteur des services ont reçu des contrats de plus de 100 000$ et ne sont toujours pas soumises à l'obligation contractuelle apparaissant au 7 ième paragraphe du document déposé sous la cote D-5 (Accès Plus); elle précise que cette information repose sur la connaissance qu'a l'organisme du milieu des entreprises ainsi que sur des renseignements rapportés par les journaux ou autrement, information indiquant qu'il est probable que des entreprises qui ne sont pas soumises au programme précité devraient l'être. Madame Caron-Hardy spécifie que l'organisme n'a, au total, reçu que de 5 à 6 appels concernant des entreprises qui n'étaient pas assujetties alors qu'elles devaient l'être; à son avis, ce nombre suffisait pour alerter le gouvernement relativement à la gestion de son programme. Elle précise par ailleurs que l'organisme : ne détient aucun document comprenant le détail des affirmations avancées par lui dans ses communiqué de presse et rapports annuels et qui concernent les entreprises qui ont échappé à
son contrôle; n'a pas préparé de dossiers concernant les problèmes reliés à l'application du programme d'obligation contractuelle avant d'émettre des communiqués et de produire ses rapports annuels bien que des responsables de l'organisme aient verbalement communiqué avec leurs homologues du ministère des Approvisionnements et services; ne détient aucun document concernant des irrégularités relatives à l'application du programme d'obligation contractuelle, irrégularités qu'il aurait portées à l'attention des instances gouvernementales auprès desquelles il a intervenir; ne détient aucun document lui ayant permis de dénoncer le fait que des entreprises échappent au programme d'obligation contractuelle. Contre-interrogatoire de madame Caron-Hardy : Madame Caron-Hardy spécifie avoir, en 1995-1996, discuté avec la personne responsable du programme d'obligation contractuelle au gouvernement (ministère des Approvisionnements et services) concernant l'application de ce programme. Elle spécifie également avoir, en 1995 approximativement, été verbalement informée qu'une entreprise sanctionnée avait reçu une subvention de plus de 100 000$. Elle précise que les appels téléphoniques reçus de représentants d'entreprises n'ont pas donné lieu à la préparation de documents par l'organisme parce que ces personnes appelaient pour recevoir de l'information; elle ajoute ne pas avoir pris note du contenu de ces conversations puisque l'organisme n'avait pas à y donner suite. Elle indique ne pas avoir conservé d'articles de journaux concernant l'application du programme bien qu'elle ait, à chaque fois, avisé le gouvernement, qui avait la gestion exclusive de son programme d'obligation contractuelle, des renseignements qui étaient publiés dans les journaux. Elle réitère que le mandat de l'organisme se limite à voir à ce que les entreprises, identifiées par le gouvernement comme étant assujetties au programme d'obligation contractuelle, élaborent et implantent un programme d'accès à l'égalité. Elle reconnaît que les renseignements obtenus verbalement concernant les ratés de l'application du programme ont inspiré une partie du communiqué de presse du 7 mars 1997 (D-1). La procureure de l'organisme soumet que la preuve démontre que l'organisme ne détient aucun document en ce qui a trait aux situations rapportées dans le communiqué de presse (D-1) ainsi que dans les rapports annuels (D-2, D-3 et D-4) qui font état de ratés ou d'anomalies dans l'application du programme d'obligation contractuelle. Elle soumet particulièrement que l'organisme n'a pas rédigé ou autrement préparé de dossiers sur ces questions avant d'émettre ce communiqué de presse et de produire ces rapports annuels. Elle soumet que la preuve démontre que les affirmations de l'organisme concernant l'application du programme étaient supportées par des renseignements qui lui avaient verbalement été communiqués ainsi que par sa connaissance du milieu. Elle soumet que la preuve révèle qu'aucun document, mis à part le communiqué de presse (D-1) ainsi que les affirmations apparaissant dans les rapports annuels (D-2 à D-4), n'a été rédigé par l'organisme suite à la réception des appels téléphoniques concernant l'application du programme d'obligation contractuelle ou selon les constats et conclusions que l'organisme pouvait tirer des éléments portés à sa connaissance et de sa lecture des journaux.
Elle rappelle que l'article 1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels se lit comme suit : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. Conséquemment, soumet-elle, la loi ne s'applique pas aux renseignements verbaux (1) . À son avis, la preuve établit que l'organisme ne détient pas de documents visés par la demande d'accès et qui ne font pas partie des dossiers des entreprises. La procureure de la demanderesse dit reconnaître que la décision de l'organisme est en partie fondée sur l'inexistence de ces documents auxquels sa cliente a demandé accès. La procureure de l'organisme demande, en ce qui concerne les documents litigieux qui ont été identifiés par la demanderesse et qui font partie des dossiers d'entreprises, que la Commission donne à ces entreprises, à savoir Agence de sécurité Phillips Canada Inc. (série A) et R et M Métaltek Inc. (série B), avis de la demande de révision afin qu'elles puissent faire valoir leurs observations devant la Commission. Elle rappelle que l'article 137 de la Loi sur l'accès se lit comme suit : 137. La demande de révision doit être faite par écrit; elle peut exposer brièvement les raisons pour lesquelles la décision devrait être révisée. Avis en est donné à l'organisme par la Commission. Lorsque la demande de révision porte sur le refus de communiquer un renseignement fourni par un tiers, la Commission doit en donner avis au tiers concerné. Elle explique que la Commission doit donner à ces deux entreprises l'avis prévu par l'article 137 puisque la demande de révision porte sur le refus de communiquer des renseignements fournis par des tiers et visés par l'article 93 de la Charte des droits et libertés de la personne, renseignements fournis à l'organisme par des entreprises qui s'étaient engagées, dans le cadre du programme d'obligation contractuelle du gouvernement du Québec, à implanter un programme d'accès à l'égalité advenant l'adjudication d'un contrat ou l'octroi d'une subvention par ce gouvernement. Elle soumet que l'article 137 précité oblige la Commission à donner aux tiers avis de la demande de révision de la décision de l'organisme puisque les droits de ceux-ci sont susceptibles d'être affectés par la décision de la Commission (2) ; la Commission doit, ajoute-t-elle, aviser les tiers concernés et leur permettre de faire valoir leur point de vue quant à la confidentialité des renseignements et documents fournis par eux à l'organisme tant sur la base de l'article 93 de la Charte que sur l'application subsidiaire, le cas échéant, de toute restriction prévue à la Loi sur l'accès, notamment les articles 23 et 24. Le 16 mars 2000, la procureure de la demanderesse indiquait à la Commission qu'elle n'avait aucune représentation à faire concernant cette requête. Elle demandait cependant la tenue d'une conférence téléphonique portant sur l'existence ainsi que la détention de documents relatifs à l'entreprise qui s'était vu octroyer une subvention alors qu'elle était sanctionnée. La Commission n'a pas tenu de
conférence téléphonique, les parties lui ayant signifié qu'elles discutaient entre elles après que la procureure de l'organisme ait, le 23 mars 2000, réagi par écrit à cette demande de conférence téléphonique. La procureure de la demanderesse a par la suite, le 17 mai 2000 et le 14 juin 2000, requis la suspension de l'audition jusqu'à ce que le Conseil du Trésor se prononce sur la demande d'accès que lui avait adressée la demanderesse. Le 31 août 2000, la procureure de la demanderesse retirait sa demande relative à la tenue d'une conférence téléphonique. DÉCISION : Les entreprises Agence de sécurité Phillips Canada inc. et R et M Métaltek inc. doivent, en vertu de l'article 137 précité, être avisées de la demande de révision formulée par la demanderesse le 17 décembre 1997 ce, avant la reprise de l'audition de cette demande. La Commission ne leur donnera cependant aucun avis avant que la demanderesse lui signifie par écrit sa volonté de poursuivre cette audition ou de se désister de sa demande. POUR CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE la requête; ORDONNE à la demanderesse de lui signifier par écrit sa volonté de poursuivre l'audition de sa demande de révision ou de se désister de cette demande. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 23 octobre 2000. Procureure de la demanderesse : M e Rachel Cox Procureure de l'organisme : M e Michèle Morin 1. Ferraille et Métal H.S. inc. c. Québec (Ministère du Revenu) (1998) C.A.I. 390, 395. Commission d'accès à l'information c. General Motors du Canada ltée, C.A. 2. 500-09-000372-920, 1997-07-15 ; Aluminerie Alouette inc. c. Les Constructions du St-Laurent limitée et société de développement industriel du Québec (1996) C.A.I. 428, 432-433.
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