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99 16 20 COMMUNAUTÉ URBAINE DE MONTRÉAL ci-après appelée la «requérante» c. DANDURAND, Gaétan ci-après appelé «l'intimé» Le 4 septembre 1999, l'intimé s'adresse à la requérante et demande «de produire l'intégralité du dossier de l'inspection des aliments du Cap St-Jacques depuis 1996 à ce jour. Ainsi que les relevés d'assiduité des inspecteurs aliments, du service de l'inspection des aliments pour chacun des vendredis, depuis 1998 à ce jour.». Le 14 septembre 1999, il s'adresse à nouveau à la requérante et demande «de produire l'intégralité des rapports d'inspection de la section centre du Service de l'inspection des aliments. Afin d'en permettre le repérage, ces documents de la section centre, pour la période complète du mois de mai 1999, sont de catégorie restaurant, et au nombre de 30 rapports par district, pour les districts 12, 13 14 et 15, 14 et 15 F, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et prélevés de façon aléatoire Le 29 septembre 1999, le responsable de l'accès aux documents de la requérante l'autorise à consulter les rapports d'inspection relatifs aux établissements du Cap St-Jacques depuis 1996 tout en lui offrant d'en prendre copie contre paiement de la somme de 32,20 $; il ajoute que des renseignements nominatifs en ont été extraits en vertu des articles 53 et 54 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Le responsable avise également l'intimé qu'une requête pour obtenir une autorisation de ne pas tenir compte de ses demandes d'accès aux relevés d'assiduité des inspecteurs ainsi qu'aux rapports d'inspection préparés pour 30 restaurants dans 11 zones était soumise à la Commission en vertu des articles 126 et 130.1 de la même loi. Le 30 septembre 1999, la requérante soumet sa requête écrite à la Commission; elle mentionne que l'intimé est l'un de ses employés et que les demandes d'accès, visées par la requête, sont abusives et frivoles par leur caractère et par la somme de travail que nécessite leur traitement. Elle précise à cet égard qu'il faudrait affecter une personne à temps plein pour le repérage des documents, l'extraction de plusieurs dossiers et la reproduction de 1100 pages au moins, cette personne, essentielle à la bonne marche des opérations, étant normalement affectée aux activités de soutien à l'inspection. Les parties sont entendues à Montréal, le 19 janvier 2000, l'audience du 22 octobre 1999 ayant été reportée. PREUVE : Les documents auxquels l'accès a été donné : Le procureur de la requérante indique que l'intimé n'a pas, au 19 janvier 2000, encore pris possession des documents visés par sa demande du 4 septembre 1999 et auxquels accès lui a été donné le 29 septembre suivant, documents constitués de quelques dossiers d'inspection seulement. L'intimé indique qu'il réfléchira au mode d'accès qu'il entend choisir en ce qui concerne ces documents dont l'accessibilité, dans des lieux déterminés chez la requérante, lui est réitérée par le procureur de celle-ci. Les relevés d'assiduité des inspecteurs :
Le procureur de la requérante soutient que le 2 ième alinéa de l'article 126, qui se lit comme suit, est d'abord invoqué en ce qui concerne les relevés d'assiduité visés par la demande d'accès du 4 septembre 1999 : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. Il soutient également que ces documents sont constitués de renseignements nominatifs concernant des personnes physiques, renseignements personnels que la requérante ne peut communiquer en vertu des articles 53 et suivants de la Loi sur l'accès. Il ajoute que ces renseignements ne sont pas nécessaires à l'exercice des fonctions de l'intimé, qui est employé de la requérante, et que les inspecteurs visés par ces renseignements ne consentent pas à la communication des renseignements qui les concernent respectivement. Il dépose, sous pli confidentiel, copie de l'un des relevés d'assiduité en litige (R-2). Le procureur de la requérante soutient enfin que la demande d'accès de l'intimé concernant ces relevés est abusive. Il fait entendre sur ce sujet madame Christine Vézina, qui est à l'emploi de la requérante à titre de surintendante à la division de l'inspection des aliments et qui témoigne sous serment. Madame Vézina précise que les relevés en litige concernent 36 inspecteurs, que ces relevés sont constitués de 6 feuilles par vendredi et que la demande d'accès vise 94 semaines, soit 564 relevés. Elle spécifie que chaque relevé est classé par groupe d'inspecteurs, par semaine et par mois, la préparation des photocopies exigeant à elle seule près de 3 jours de travail à temps plein pour l'employé qui est déjà en charge de la saisie des horaires de travail du personnel de l'inspection des aliments. À son avis, le temps qui devrait être consacré à la reproduction des 564 relevés compromet le déroulement des activités. Elle ajoute que les relevés, privés des renseignements permettant l'identification des inspecteurs, deviennent sans intérêt. Elle spécifie aussi que la production des relevés doit nécessairement être précédée d'une recherche puisqu'ils sont notamment classés par groupe d'inspecteurs et par semaine. Il n'y a pas, indique-t-elle, de système informatique qui permette à la requérante de programmer ces relevés d'assiduité qui ne sont, ni plus ni moins, que les feuilles de temps manuscrites complétées quotidiennement par les inspecteurs en vue de la gestion de leurs congés. Les rapports d'inspection des restaurants : Le procureur de la requérante soumet que cette demande d'accès est abusive compte tenu du volume de travail considérable que nécessite son traitement. À cet égard, Madame Vézina témoigne que 36 inspecteurs oeuvrent dans 33 districts pour y effectuer approximativement 6 inspections par jour dans des établissements de différents types, non pas seulement dans des restaurants. Elle explique que : le traitement de la demande d'accès de l'intimé nécessite une sélection, parmi les 11 districts du
centre-ville, de 30 rapports mensuels d'inspection concernant seulement des restaurants; cette sélection requiert une programmation des rapports d'inspection à l'ordinateur; les rapports d'inspection sont classés par établissement, selon leur adresse, non pas par inspecteur ou par date. Elle précise que cette demande vise 30 rapports par district, soit 330 dossiers d'établissements classés par adresse dans les 12 000 dossiers d'établissements détenus et que la reproduction de chacun de ces rapports d'inspection, constitués d'au moins deux pages et imprimés recto verso, représente un minimum de 660 pages à photocopier en plus du rangement des originaux. Elle estime à 3 jours le temps requis pour répondre à la demande d'accès, durée à laquelle s'ajoute un travail d'environ 2 heures pour bâtir le programme informatique que nécessite l'opération. Elle spécifie que sans ce programme, la recherche doit être faite à partir de tous les rapports hebdomadaires, tâche qu'elle qualifie d'impossible. ARGUMENTATION : Les relevés d'assiduité des inspecteurs : Le procureur de la requérante soumet, en ce qui concerne la demande d'accès aux 564 relevés d'assiduité, que cette demande n'est pas conforme à l'objet de la Loi sur l'accès sur la protection des renseignements personnels, ces relevés étant constitués de renseignements personnels confidentiels. Il soumet de plus que les renseignements personnels relatifs à l'assiduité d'un employé d'un organisme public n'ont aucun caractère public en vertu de la loi; il souligne que les relevés en litige comprennent, outre les renseignements identifiant les inspecteurs, le «temps travail» (heure d'arrivée et de départ de chacun), le «temps repas» (heure d'arrivée et de départ de chacun), le nombre total d'heures travaillées par chacun et, le cas échéant, la raison de son absence. Il soumet à cet égard que la requérante doit, en sa qualité d'organisme public, protéger les renseignements personnels confidentiels. Il rappelle que les relevés en litige ne sont pas nécessaires à l'exercice des fonctions de l'intimé. Il soumet enfin que la demande d'accès est manifestement abusive, compte tenu du volume de travail que requiert son traitement par la requérante. Les rapports d'inspection des restaurants : Le procureur de la requérante rappelle que le programme informatique qui permettrait de répondre à la demande d'accès n'existe pas; il soumet que la Loi sur l'accès n'oblige aucunement la requérante à bâtir un tel programme pour répondre à la demande (1) . Il rappelle également que la preuve établit que la recherche des renseignements demandés constitue une tâche impossible à réaliser sans programme informatique, cette recherche devant se faire à même l'ensemble des dossiers; il soumet que la demande d'accès est manifestement abusive et que la Commission doit autoriser la requérante à ne pas en tenir compte. L'intimé soumet pour sa part que la requérante a, dans le passé, communiqué des relevés d'assiduité des cadres. Monsieur Savoie explique à cet égard que ces relevés ne comprennent que l'attestation des cadres relativement à leur présence respective, pour chaque semaine. L'intimé soutient que «tout ce qu'un fonctionnaire fait dans l'exercice de ses fonctions est et demeure public».
Il soutient également que sa demande d'accès aux relevés est raisonnable. Il souligne que la saisie des renseignements relatifs aux relevés est informatisée. Il rappelle, en ce qui concerne la somme de travail nécessaire au traitement de sa demande, que la requérante doit prendre les moyens afin de rendre les renseignements demandés disponibles, la somme de travail ne pouvant être invoquée. À son avis, il n'est pas, par ailleurs, déraisonnable pour la requérante de consacrer 3 jours au traitement de sa demande d'accès. Il soumet, pour ce qui est des rapports d'inspection, que sa demande n'est pas abusive et que l'organisme doit prendre les moyens pour y répondre. Il souligne que sa demande ne vise qu'un service, qu'il a identifié, et qu'elle ne s'applique qu'à une seule catégorie d'établissements. Il a, signale-t-il, circonscrit, atténué et restreint la portée de sa demande à seulement 300 rapports alors qu'il y a 30, 000 inspections par année. Le procureur de la requérante réitère que la preuve établit qu'il n'y a pas de système informatique qui permette de programmer les relevés d'assiduité, notamment pour les vendredis. DÉCISION : La preuve établit que les relevés d'assiduité demandés sont essentiellement constitués de renseignements nominatifs concernant 36 inspecteurs d'aliments; ces renseignements sont confidentiels et ils ne peuvent être communiqués à l'intimé en vertu des dispositions prévues au chapitre III de la Loi sur l'accès, dispositions ayant pour objet la protection des renseignements personnels. L'article 57 de ce chapitre, qui prévoit le caractère public de renseignements personnels clairement énoncés, ne s'applique pas aux renseignements tels les relevés d'assiduité du personnel. Contrairement à ce que prétend l'intimé et vu l'ensemble des dispositions de la Loi sur l'accès, il est faux de prétendre que «tout ce qu'un fonctionnaire fait dans l'exercice de ses fonctions est et demeure public». J'ajouterai que les exceptions prévues par le chapitre III de cette loi et qui autorisent l'accessibilité de renseignements nominatifs dans des cas bien spécifiques, ne s'appliquent pas, non plus, à l'intimé. Je partage donc l'avis du procureur de la requérante : la demande d'accès relative aux relevés d'assiduité des inspecteurs n'est pas conforme à l'objet des dispositions de la Loi sur l'accès concernant la protection des renseignements personnels. Le deuxième alinéa de l'article 126, précité, s'applique. L'intimé demande par ailleurs accès à 330 dossiers d'inspection de restaurants que la requérante classe par adresse, les catégories d'établissements étant confondues. La preuve établit que l'ensemble de l'opération qui permettrait la reproduction de ces nombreux dossiers, tels qu'ils sont demandés, requiert un effort démesuré de la part de la requérante. Je suis d'avis que cet effort démontre à lui seul que la demande est manifestement abusive, notamment en raison du nombre de documents dont la reproduction est demandée. Le 1 er alinéa de l'article 126 reçoit conséquemment application :
126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. POUR CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE la requête; AUTORISE la requérante à ne pas tenir compte des demandes d'accès susmentionnées concernant les relevés d'assiduité des inspecteurs et les rapports d'inspection des restaurants. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 6 octobre 2000. Procureur de la requérante : M e Gilles Dubé 1. Bobula c. Commission scolaire protestante de Châteauguay Valley (1997) C.A.I. 147, 151.
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