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00 01 55 DÉCISION INTERLOCUTOIRE OBJET DU LITIGE Dans ce dossier, les demandeurs s'opposent à ce que des renseignements contenus aux deux contrats demandés soient masqués par le responsable de l'accès. Ce dernier avait invoqué, pour en refuser l'accès, les articles 53, 21, 22, 27, 29, 37, 39, 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels révision débute le 2 novembre dernier et des témoins, appelés soit par l'organisme soit par un des tiers, commencent à livrer publiquement leur témoignage. Au cours de cette séance, la procureure de l'organisme demande que la Commission lui permette de présenter une preuve, ex parte et à huis clos, en application de l'article 20 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. Elle soutient que cette procédure représente pour l'organisme le seul moyen de se faire entendre de façon précise, pleine et entière par la Commission. Elle argue que la Commission est gardienne des droits des demandeurs dans l'exercice de ce pouvoir et conserve le contrôle rigoureux de l'administration de la preuve. Elle a déjà statué, par exemple, après que la preuve et les représentations aient été entendues ex parte et à huis clos, que certaines parties de celles-ci devaient être rendues accessibles au demandeur parce que leur contenu ne pouvait justifier l'exclusion du demandeur et queSYNDICAT DE PROFESSIONNELLES ET PROFESSIONNELS DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC et SYNDICAT DE LA FONCTION PUBLIQUE DU QUÉBEC ci-après appelés « les demandeurs » c. MINISTÈRE DE LA JUSTICE ci-après appelé l' « organisme » et GROUPE CONSEIL DMR INC. et NOTARIUS (TSIN INC.) et PIERCE LEAHY COMMAND COMPANY et BELL CANADA ci-après appelées les « tiers » (1) . L'audition de la demande de (2) de la Commission :
leur divulgation, à son avis, ne pouvait mettre en péril la confidentialité des informations en litige. Elle a très fréquemment, également à titre d'exemple, offert au demandeur un résumé de ce qu'elle avait entendu dans ces circonstances afin que ce dernier puisse préparer convenablement le contre-interrogatoire des témoins et ses représentations (3) . Le procureur des demanderesses s'oppose à une telle procédure. Il prétend qu'elle est prématurée et que tant que les témoins peuvent réussir à donner les explications dont a besoin la Commission sans aborder le contenu des renseignements masqués, celle-ci ne doit pas accorder la demande de l'organisme d'exclure ses clients et leur procureur de l'audience. Il est d'avis que les arrêts Moore de la Cour d'appel du Québec, et Antonius de la Cour supérieure n'ont pas abordé directement la question d'exclusion d'une partie, mais d'autres questions connexes. Subsidiairement, pour le cas la Commission permettrait à l'organisme cette procédure ex parte et le huis clos, le procureur des demandeurs requiert d'y être présent, sans ses clients (4) . Il estime qu'il a le droit et le devoir d'assister à la présentation de toute la preuve afin que son client conserve tous ses droits à une audition pleine et entière, entre autres, dans le but de s'assurer que les renseignements que l'on veut protéger tombent bien sous le coup des articles invoqués et que des représentations adéquates puissent être faites à ce sujet. À cet égard, il endosse le raisonnement du juge Fish dans l'arrêt Loto-Québec c. Moore de la Cour d'appel du Québec. Il annonce qu'il se plierait de bonne grâce à toutes les conditions que pourrait lui imposer la Commission relativement au respect de la confidentialité de ce qu'il aura entendu et ce, même à l'endroit de ses clients. DÉCISION La Commission accorde la requête de la procureure de l'organisme et rejette l'opposition du procureur des demandeurs pour les motifs qu'elle a déjà exprimés dans la décision dans l'affaire Fournier c. ministère des Finances (5) : En substance, les arguments soutenant ces deux oppositions sont basés sur les articles 2 et 4 de la Charte canadienne des droits et libertés( (6) ) et de l'article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne( (7) ). La procureure de «The Gazette» réfère la Commission à des arrêts de la Cour suprême du Canada, de la Cour d'appel du Québec et de la Cour supérieure sur le sujet( (8) ). De façon générale, elle plaide que l'ordonnance de huis clos est une entrave trop grande au droit fondamental et absolu du citoyen de connaître ce qui se passe devant les tribunaux. Subsidiairement, elle demande que sa cliente puisse assister à la présentation de la preuve et des arguments pendant le huis clos, si celui-ci est accordé. Le procureur de l'organisme soutient que ce dernier sera privé de son droit fondamental à être entendu complètement si la Commission retenait les arguments du demandeur et de «The Gazette». Le fardeau de prouver que les restrictions à l'accès invoquées sont fondées repose sur son client. Le seul moyen de compléter sa preuve, dit-il, est de réviser le document en litige, page par page, paragraphe par paragraphe, à l'aide des témoins qu'il a convoqués à cette fin. Dans ces conditions, ce procédé, auquel il doit s'astreindre pour réussir à convaincre la Commission du bien-fondé de la position de son client, résulterait en la divulgation du contenu du document, ce qu'il cherche précisément à éviter et ce qui fait précisément l'objet du présent litige. Permettre que des personnes puissent assister à la présentation de cette preuve risque de perturber grandement la qualité de
cette présentation et ainsi compromettre le droit de sa cliente à une audition pleine et entière. La jurisprudence a reconnu à la Commission le pouvoir d'ordonner l'audition ex parte et à huis clos de cette preuve et des arguments afférents en vertu de l'article 141 de la Loi et de l'article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information [plus haut cité] : 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa juridiction ; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements nominatifs. [...] La requête du procureur de l'organisme est accordée pour les motifs qu'il a fait valoir dans son argumentation. Je rejette donc les arguments du demandeur et du procureur de «The Gazette» à l'encontre de cette requête. J'ajoute que la jurisprudence citée par la procureure de «The Gazette», en particulier les arrêts de la Cour suprême du Canada Edmonton Journal c. Alb (P.G.) et Dagenais c. SRC, propose que le droit fondamental à la liberté d'expression ne devrait être restreint «que dans les cas les plus clairs» et qu'une ordonnance de non-publication ne devrait être rendue que si «elle est nécessaire pour écarter le risque réel et important que le procès soit inéquitable» et que si «ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables». Je suis convaincue, et c'est la position qu'a traditionnellement prise la Commission, que la nature de la juridiction du présent tribunal, le situs du fardeau de la preuve et la règle de justice naturelle «audi alteram partem» sont des éléments qui permettent clairement de limiter les droits qu'invoquent le demandeur et «The Gazette» et qui rencontrent les critères d'exception développés par la Cour suprême du Canada. Récemment, l'honorable juge Denis Lévesque de la Cour supérieure( (9) ) a d'ailleurs confirmé, de façon magistrale et limpide, la position traditionnelle de la Commission à cet égard. (les mentions entre crochets sont les miennes) J'ajoute à cette jurisprudence, celle de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Lynn Moore (10) qui se réfère substantiellement aux motifs exprimés par le juge Robert Décary, J.C.A. dans l'arrêt Hunter c. Canada (11) de la Cour fédérale d'appel. Je retiens de cet arrêt de la Cour d'appel du Québec que
celle-ci propose l'utilisation, par le tribunal, de techniques permettant au procureur d'un demandeur d'accès de bien représenter son client sans pour autant nécessairement lui donner accès aux renseignements demandés. Je constate ici que les demandeurs ont obtenu de l'organisme la plus grande partie des documents visés, ce qui leur permet, à certains égards, de connaître le contexte contractuel se situent les renseignements masqués et leur environnement juridique. Le procureur des demandeurs n'est donc pas entièrement dans le noir et en sait suffisamment pour diriger convenablement ses contre-interrogatoires et faire ses représentations quant à ces renseignements. De plus, la procureure de l'organisme s'est engagée à inscrire en regard de chacune des parties masquées la ou les dispositions précises invoquées à l'encontre de leur divulgation. Ces précisions sont susceptibles de favoriser la qualité des représentations des demanderesses. D'autre part, la soussignée assure les demandeurs que si une partie de la preuve ou des représentations entendues ex parte ou à huis clos ne mérite pas une telle protection de la Commission, cette dernière fera en sorte qu'ils en soient suffisamment instruits pour participer au débat de façon efficace et éclairée. Un résumé succinct de la preuve pertinente reçue ex parte et à huis clos pourra également être fourni aux demandeurs. Dans les circonstances, j'estime que la procureure de l'organisme peut présenter ex parte et à huis clos, sans la présence des demandeurs et de leur procureur, la preuve qui a trait directement au contenu des parties masquées des documents en litige. Je suis d'avis que les droits des demandeurs à une audition pleine et entière sont suffisamment protégés par cette procédure, dans les circonstances. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE la requête de l'organisme; et REJETTE les demandes principale et subsidiaire des demandeurs. Québec, le 27 novembre 2000 DIANE BOISSINOT Commissaire Procureur des demandeurs : M e Denis Bradet Procureure de l'organisme : M e Anne Robert-Payne Procureure du tiers Groupe Conseil DMR inc. : M e Chantale Rouleau Procureur du tiers Bell Canada : M e Robert Guertin 1. L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi ». Décret 2058-84 du 19 septembre 1984, (1984) 116 G.O. II 4648, ci-après appelé « les Règles de 2. procédure ».
Antonius c. Hydro-Québec, [1998] CAI 554 (C.S.); Moore c. Loto-Québec, [1999] CAI 571 (C.A.); Clearnet centre de communications d'affaires c. Ville de Baie-Comeau, CAI Québec 99 3. 05 72, le 15 décembre 1999 ; Roberge c. Procureur général du Québec, [1995] CAI 397 (C.Q.) 401, 402, 403; Action travail des femmes c. Ministère du Conseil exécutif, (1990) CAI 87. Blanchet c. Commission scolaire de Saint-Eustache, [1995] CAI 203; Commission scolaire de 4. Saint-Eustache c. Blanchet, C.Q. Montréal 500-02-018490-958, le 18 juin 1997 (J.E. 97-1653); Loto-Québec c. Moore, op. cit. supra, note 3. 5. [1998] CAI 341, 343, 344. Dans la Loi de 1982 sur le Canada, L.R.C. 1985, app. II, n 44, annexe B, partie I, ci-après 6. appelée la « Charte canadienne ». 7. L.R.Q., c. C-12, ci-après appelée la « Charte québécoise ». Edmonton Journal c. Alb. (P.G.), [1989] 2 R.C.S. 1326, 1336, 1337, 1339 1340; Dagenais c. 8. SRC, [1994] 3 R.C.S., 835, 876 à 878; Southam inc. c. R., [1988] R.J.Q. 307 (C.A.) 312; Southam c. Brassard, [1997] R.J.Q. 1841 (C.S.) 1844, 1846. Antoine G. Antonius c. Hydro-Québec et al, C.S. Montréal 500-05-030969-974, le 19 février 9. 1998, pages 19 à 21. 10. Loto-Québec c. Moore, [1999] CAI 573, 578, 579. 11. [1991] 3 C.F. 186.
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