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98 12 28 GERVAIS, Michel ci-après appelé le « demandeur » c. HÔPITAL NOTRE-DAME-DE-LA MERCI ci-après appelé « l'organisme public » -et-COMITÉ DES USAGERS DE L'HÔPITAL NOTRE-DAME-DE-LA-MER CI ci-après appelé l' « intervenant » ou le « comité » OBJET DU LITIGE Le 6 juillet 1998, le demandeur s'adresse au responsable de l'accès pour obtenir copie des procès-verbaux des assemblées que le comité des usagers de l'organisme a tenues depuis juin 1996. Cette demande est transmise par télécopieur. Le 10 juillet suivant, le directeur général de l'organisme formule la réponse qui suit : Pour faire suite à votre demande d'accès [...] et avant de procéder à la transmission des documents, nous désirons vous informer que le prix des photocopies s'élève à approximativement 9,36$ (les 20 premières pages étant gratuites et 36 pages à ,26$)[...]. Le 13 juillet 1998, le demandeur accepte de payer les frais. Le 5 août 1998, le demandeur, sans nouvelle de l'organisme, adresse à la Commission une demande de révision du refus réputé de lui communiquer les documents demandés. Une audience a lieu en la ville de Montréal, les 7 septembre 1999, 31 janvier et 28 juin 2000. L'AUDIENCE Préalablement à la revue de la preuve reçue, il convient de rapporter les événements qui suivent. À la séance du 7 septembre 1999, il est ordonné à l'organisme de produire à la Commission, sous le sceau de la confidentialité, les documents en litige qu'il détenait lors de la réception de la demande d'accès au bureau du responsable de l'accès. Ces documents ont finalement été remis par l'organisme à la Commission lors de la séance du 28 juin 2000. La Commission a rejeté une requête en intervention présentée le 6 décembre 1999 par le Conseil pour la protection des malades (CPM) par décision interlocutoire de la soussignée du 19 janvier 2000. Elle a, par la suite, au cours de la séance du 31 janvier 2000 et sur requête du Comité des usagers de l'organisme, autorisé ce dernier à intervenir au débat afin d'apporter un éclairage utile sur la nature des documents en cause et le rôle du comité, si besoin s'en faisait sentir. En réponse à une question, formulée par le demandeur au cours de la séance du 7 septembre 1999, sur les motifs de refus de lui communiquer les documents demandés, la procureure de l'organisme énonce qu'il est interdit à ce dernier de les divulguer à quiconque en application des articles 1, 53, 54 et 57 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (1) et des articles 209 à 212 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (2) .
Les 29 procès-verbaux en litige se décrivent sommairement comme suit, par la date de l'assemblée et le nombre de pages que chacun contient : NUMÉROS DATE PAGES 1 2 décembre 1998 3 2 8 février 1999 2 3 7 janvier 1999 2 4 18 novembre 1998 2 5 14 octobre 1998 3 6 9 septembre 1998 3 7 17 juin 1998 3 8 30 avril 1998 3 9 7 avril 1998 (ass. Ann.) 4+1+3 10 1 avril 1998 3 11 2 février 1998 2 12 22 décembre 1997 3 13 30 octobre 1997 3 14 17 septembre 1997 3 15 12 juin 1997 3 16 23 avril 1997 2 17 19 mars 1997 3 18 16 avril 1997 (ass. Ann) 5+1+3 19 27 janvier 1997 2 20 16 décembre 1996 2 21 7 novembre 1996 3 22 17 septembre 1996 3 23 5 juin 1996 3 24 24 avril 1996 3 25 18 avril 1996 2 26 25 mars 1996 (ass. Ann) 5+1+3 27 12 mars 1996 (avis) 1 28 22 février 1996 2 29 30 janvier 1996 3 LA PREUVE La procureure de l'organisme appelle, pour témoigner, monsieur Michel Bouffard, responsable de l'accès aux documents de l'organisme. Il en est également directeur général depuis octobre 1993. Le témoin explique le fonctionnement du comité des usagers, intervenant à la présente cause. Ce comité est formé selon les dispositions de la LSSSS. Il est composé de cinq personnes élues par les usagers de l'organisme. Elles se réunissent et conservent les dossiers du comité en un local sis dans l'établissement dirigé par l'organisme. Ces personnes ont l'usage exclusif de ce local et des classeurs qui s'y trouvent. L'accès à ce local est limité aux membres élus du comité et reste fermé à clé lorsqu'ils ne l'utilisent pas. Il estime que le comité est une entité autonome, indépendante de l'organisme, relevant cependant du conseil d'administration. À ce dernier égard, le comité doit lui fournir un rapport annuel de ses activités. Le témoin ajoute qu'en sa qualité de directeur général de l'organisme, il ne siège pas d'office aux assemblées du comité. C'est d'ailleurs le seul comité, précise-t-il, il ne siège pas d'office en cette qualité. Il n'a assisté qu'à une seule assemblée du comité depuis qu'il est en fonction à ce titre.
Le témoin affirme qu'il a saisi les membres du comité de la demande d'accès à leurs procès-verbaux et que ceux-ci ont unanimement et catégoriquement refusé de les rendre publics, invoquant la liberté d'expression dans l'exercice de leur fonction décisionnelle, totalement bénévole d'ailleurs. Cette position des membres du comité lui fut plus tard confirmé par lettre portant la date du 24 juillet 1998. Monsieur Bouffard recevait régulièrement les procès-verbaux des assemblées du comité que lui faisaient suivre les membres par courtoisie et à des fins d'information. On lui demandait de ne pas faire circuler ces procès-verbaux. Il conservait donc ceux-ci sous clé, dans un classeur personnel de son bureau. Ces documents n'ont jamais été déposés au conseil d'administration de l'organisme ni versés à ses archives. Il n'en a jamais remis copie à quiconque. Le témoin affirme que le comité a cessé de fournir les copies de ces procès-verbaux après son refus de divulgation exprimé dans la lettre datée du 24 juillet 1998. Le témoin raconte que, devant le réel désarroi que causait la demande d'accès parmi les membres du comité, il décida de remettre à ce dernier la totalité des procès-verbaux en cause, estimant qu'il ne devait pas en être le détenteur. Durant le contre-interrogatoire, le témoin Bouffard dépose, sous la cote O-2, l'organigramme de l'organisme. Il estime qu'il n'a pas autorité pour recevoir les procès-verbaux des assemblées du comité, contrairement aux autres comités de l'organisme il est membre d'office du comité en sa qualité de directeur général. Alors qu'elle ré-interroge son témoin Bouffard, la procureure de l'organisme dépose, en liasse sous la cote O-3, copie de la lettre qu'elle adressait à la Commission le 17 septembre 1999 concernant l'ordonnance faite à l'organisme de récupérer les documents en litige avec, y annexée, copie de la lettre adressée par le directeur général au Comité, le 14 septembre 1999, dans le but de se conformer à ladite ordonnance. Le demandeur appelle, pour témoigner, monsieur Yvan Rousseau, membre du Comité. Monsieur Rousseau est résident de l'établissement que dirige l'organisme depuis 33 ans et est membre du Comité depuis 20 ans. Il occupe la charge de président du Comité depuis avril 1999. Il corrobore, en substance ce que le témoin Bouffard a déclaré quant au rôle du Comité, les locaux mis à sa disposition par l'organisme et sa place dans l'organigramme de l'organisme. Les membres du Comité sont élus par les usagers pour les représenter devant le Conseil d'administration de l'organisme. Le Comité rend ses comptes aux usagers une fois par année, lors de l'assemblée générale. Il précise que le Comité se réunit en assemblée délibérative environ 10 fois par année. Des notes sont prises par le secrétaire et ce dernier rédige les procès-verbaux qui sont conservés dans les classeurs du Comité. On y discute de tout ce qui s'est passé dans le mois précédent concernant les services aux usagers et des décisions sont prises sur la façon dont les problématiques doivent être réglées et les droits des usagers respectés. Des rencontres avec les responsables des secteurs (comme par exemple le service de la buanderie, le service des menus, etc.) suivent et des solutions sont proposées par le Comité. Il affirme que les usagers n'ont pas accès aux procès-verbaux des assemblées régulières du Comité. Le témoin Rousseau identifie les signataires de la lettre du 24 juillet 1998 adressée au directeur général de l'organisme. Il s'agit du président et de la secrétaire du Comité qui signaient alors au nom du Comité tout entier. La procureure du Comité intervenant interroge le témoin. Celui-ci précise que le classeur sont conservés les procès-verbaux du Comité sont fermés à clé et que seuls le président et la secrétaire du Comité sont en possession de ces clés. À l'appui du témoignage de monsieur Rousseau, la procureure du Comité dépose les documents suivants : I-1. Lettre de la Ministre de la Santé et des Services sociaux (ministre) adressée au directeur de la
Régie régionale de la Santé et des Services sociaux de Montréal-Centre (Régie) le 31 mars 1994; I-2. COMITÉ DE TRAVAIL (formé de représentants de régies régionales de la Santé et des Services sociaux), Des réponses à vos questions - À l'intention des comités des usagers, 1995; I-3. Décision de la Commissaire aux plaintes en matière de santé et services sociaux datée du 29 octobre 1999, accompagnée d'un opinion juridique de 21 pages signée par M e Pierre Bourbonnais, avocat du Bureau de la Commissaire aux plaintes; I-4. Règlement de la Régie interne du Comité des usagers (suivi du préambule dûment rempli et de la résolution d'adoption de ce règlement, le 10 mars 1994, par le Comité). La procureure du Comité appelle, pour témoigner, madame Michèle Michaud. Madame Michaud est secrétaire du Comité depuis 4 ans. Elle a été élue par les usagers au même tire que les quatre autres membres. Elle fait partie des personnes éligibles en leur qualité de représentant d'un usager. Elle estime que le Comité est indépendant du Conseil d'administration de l'organisme et que son mandat est d'informer les usagers de leurs droits et responsabilités, de promouvoir la qualité de vie de leur milieu et de les assister dans la préparation ou le règlement des plaintes. Elle affirme que le Conseil d'administration de l'organisme n'a aucun droit de regard sur l'approbation des règles qu'adopte le Comité non plus que les dépenses qu'il effectue à même le budget alloué. Le respect de la confidentialité à laquelle s'astreignent les membre du Comité est guidé par les principes suivants : le respect de la vie privée des usagers et leur protection contre les représailles possibles. C'est pourquoi, entre autres, les procès-verbaux des assemblées régulières du Comité ne sont pas accessibles et sont gardés sous clé dans un classeur qui se trouve dans les locaux à l'usage exclusif du Comité. Madame Michaud déclare que rien n'oblige le Comité à fournir copie de ses procès-verbaux au directeur général de l'organisme et qu'il ne les lui transmet pas actuellement. En réponse aux questions de la procureure de l'organisme, madame Michaud admet que de tels procès-verbaux ont déjà été communiqués au directeur général. Elle confirme que ce dernier avait avisé le Comité de la demande d'accès en cause ici, et qu'il s'était vigoureusement opposé à cette divulgation en raison du bris de la règle de confidentialité que le Comité s'imposait. Elle déclare que le directeur général a remis au Comité toutes les copies des procès-verbaux qu'il détenait et ce, dès qu'il a reçu la lettre du 24 juillet 1998 exprimant cette opposition. Le Comité a remis à l'organisme les procès-verbaux en cause à la seule fin de permettre à ce dernier de respecter l'ordonnance de la Commission de les lui fournir sous pli confidentiel dans le cadre de la présente demande de révision. Le demandeur explique les circonstances entourant ses demandes d'accès et de révision et dépose, en preuve, les documents suivants : D-2. Liste des membres du conseil d'administration et des divers comités et conseils de l'organisme au 31 mars 1998 extraite du rapport annuel 1997-1998 de l'organisme; D-3. Règle 18 extraite du Règlement de régie interne du Comité adopté le 5 mars 1994 (faisant déjà partie de la pièce I-4 préalablement déposée par l'intervenant); D-5. Lettre circulaire adressée le 6 avril 1998 par la Régie aux présidents des Comités des usagers. LES REPRÉSENTATIONS La procureure du comité intervenant plaide tout d'abord que le comité des usagers est autonome de l'organisme. Le montant du budget des comités est attribué par subvention et de façon discrétionnaire par le ministre de la Santé et des Services sociaux (I-1). Le ministre en avise la Régie qui, elle, doit s'assurer de favoriser leur formation et leur bon fonctionnement sur son territoire (I-1). L'organisme
n'a aucune discrétion quant à la détermination du montant des sommes allouées au budget des comités. Il ne doit que leur transférer les fonds reçus conformément au premier alinéa de l'article 209 de la LSSSS. Aux pages 5, 6 et 23 du document de travail (I-2) préparé par la Régie, est prévue la gestion autonome, par le comité, du budget qui lui accordé. Quant au fonctionnement du comité, la procureure réfère la Commission à la nomination de ses membres (mode électif) et à sa composition. À ce dernier égard, il est expressément prévu à la LSSSS qu'aucun membre du personnel de l'organisme n'est éligible pour la fonction de membre du comité (art. 209, al. 3). Le comité est la seule entité, au sein de l'organisme, le directeur général ne siège pas (D-2). De plus, l'article 22 des Règlements de régie interne adoptés par le comité et son annexe VI oblige ses membres à la confidentialité et à la discrétion (I-4). Le seul lien reliant statutairement le comité au conseil d'administration de l'organisme est l'obligation de rendre compte à ce dernier de ses activités une fois l'an (art. 212, al. 2 LSSSS). Ce seul lien est confirmé par les témoignages. Par compte, argue-t-elle, l'organisme a l'obligation de fournir au comité un local distinct et exclusif pour ses réunions et autres travaux (art. 211 al. 2 LSSSS). Cette obligation laisse supposer que le législateur a voulu instaurer une distance institutionnelle entre les deux entités. Enfin, l'article 18 du Règlement de régie interne (I-4) prévoit qu'il n'y a aucune obligation faite au comité de remettre à quiconque les procès-verbaux de ses délibérations, y compris au directeur général. Si des parties de ces documents sont rendues publiques à la discrétion du comité, ce ne sera qu'après qu'il se sera assuré du respect des règles de confidentialité. La procureure du comité conclut que le système de plainte mis à la disposition des usagers peut être mis en péril si les documents en litige sont divulgués. La volonté du législateur était certes de favoriser l'indépendance du comité d'usager face à l'organisme, d'éviter les représailles du personnel qui dispense les soins dont on conteste la qualité, de protéger la liberté de discussion entre les membres élus du comité et d'encourager les usagers à formuler librement leur insatisfaction. Elle est d'avis que ce sont tous ces motifs qui ont présidé à la création de l'institution du comité d'usagers au sein des établissements de santé. La procureure du comité rappelle, en tout dernier lieu, que la décision de la Commission dans l'affaire Messier c. Hôpital St-Charles-Borromée (3) avait statué que le comité des usagers n'est pas un organisme au sens de la Loi et qu'il est une entité autonome, distincte et indépendante de l'hôpital au sein duquel il agit. La procureure de l'organisme, pour sa part, prend à son compte les représentations de la procureure du comité sur l'autonomie des comités d'usagers. À titre de mise au point sur les circonstances entourant cette affaire, elle admet qu'il y a eu des failles dans l'exécution de l'obligation de l'organisme de formuler ses motifs de refus. Elle reconnaît que l'attitude de l'organisme a d'abord fait croire au demandeur qu'il lui fournirait copie des documents demandés. Elle souligne cependant que les témoignages ont révélé que ces comportements ne découlaient pas de la mauvaise foi de l'organisme mais bien de l'extrême inquiétude que lui ont manifestée les membres du comité des usagers face à la divulgation des documents en litige. Malgré la demande d'accès, ces documents ont été retournés au comité par le responsable de l'accès afin de préserver les droits des usagers. La procureure de l'organisme prétend que l'organisme n'avait pas la détention légale des documents en litige puisqu'il ne les possédait pas dans l'exercice de ses fonctions au sens de l'article 1 de la Loi. La preuve, tant testimoniale que documentaire, établit que la possession n'était consentie qu'à titre gracieux (I-4 et D-3). Elle soutient que les articles 53, 54 et 59 de la Loi interdit la communication des renseignements
contenus à ces documents. Ces renseignements sont nominatifs, en substance, et la totalité de leur contenu doit rester confidentielle. La Commission doit, en conséquence rejeter la demande de révision. Le demandeur, de son côté, plaide que l'organisme a reconnu avoir été en possession physique des documents demandés lors de la réception de la demande d'accès et de s'en être départi, par la suite, au profit du comité (O-3). Le responsable de l'accès a donc contrevenu à l'article 51.2 de la Loi qui oblige l'organisme à conserver les documents faisant l'objet de la demande d'accès le temps nécessaire à l'exercice, par le citoyen, de son droit d'accès. Le demandeur soutient que la nature de la détention de l'organisme était également juridique. En effet, le témoignage du directeur général démontre qu'il en prenait connaissance dans le but d'améliorer les services dispensés aux usagers. Le demandeur croit que la décision de la Commission dans l'affaire Messier, précitée par la procureure du comité, s'applique a contrario au cas qui nous occupe. La Commission avait décidé que l'organisme en cause, n'ayant ni la possession physique, ni la détention juridique des procès-verbaux du comité des usagers, ne pouvait répondre au critère de détenteur énoncé à l'article 1 de la Loi, ce qui n'est pas le cas ici. Le demandeur soutient que l'article 211, al. 2 de la LSSSS prévoit la confidentialité des dossiers du comité et non de ses procès-verbaux. Il estime que ces deux mots ont des sens différents et que la confidentialité ne s'applique pas à ces derniers. D'ailleurs, il plaide que, face à l'article 9 de la Loi sur l'accès qui établit le principe de l'accès aux documents des organismes publics, le serment de confidentialité et de discrétion prêté par les membres du comité des usagers ne peut avoir d'effet. Ces membres peuvent donner accès en autant qu'ils respectent la confidentialité (I-4, art. 18 du Règlement de régie interne). Les procès-verbaux « dénominalisés » devraient être accessibles. Il analyse comparativement ensuite le libellé des articles 211 et 212 de cette loi touchant le comité des usagers et les autres dispositions similaires visant le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (art. 214, al 14, 216 et 218), le conseil des infirmières et des infirmiers (art. 220 al. 5 et 222), et le conseil multidisciplinaire (art. 227 al 4 et 229). Cette analyse le porte à conclure que l'obligation de garder confidentiels les dossiers ne s'applique qu'au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens puisque l'article 218 est le seul qui, statuant sur cette obligation, mentionne qu'il s'applique malgré la Loi sur l'accès. Il soutient que les procès-verbaux du comité des usagers sont publics. Le demandeur plaide que le budget de fonctionnement du comité des usagers est, aux termes de l'article 209, al. 2 de la LSSSS, fixé par le conseil d'administration de l'organisme et pris à même le budget de ce dernier. Pour lui, il n'y a pas d'indépendance du comité des usagers vis-à-vis l'organisme et ce dernier détient juridiquement les procès-verbaux en cause ici. En réponse à ces derniers arguments du demandeur, le procureur du comité a une toute autre lecture comparative des dispositions traitant des divers comités. L'obligation d'établir des règlements de régie interne ne tient que pour le comité des usagers, certes, mais ces règlements n'ont pas à être approuvés par l'organisme alors que, pour les autres comités, une telle réglementation est discrétionnaire et doit être approuvée par l'organisme. Pour la procureure du comité, c'est un signe de plus que le comité des usagers a une plus grande latitude vis-à-vis l'organisme. De plus, elle souligne que le directeur siégeant sur chacun des autres comités peut, à ce titre, prendre connaissance de leurs procès-verbaux. Il ne peut faire de même pour ceux du comité des usagers puisqu'il n'y siège pas. La procureure du comité est d'avis que le mot dossiers de l'article 211 de la LSSSS vise tous types de documents, y compris les procès-verbaux et non pas seulement les dossiers médicaux des usagers.
Sur la question de l'autonomie, elle ajoute que seul le comité des usagers est composé de bénévoles, non rémunérés par l'organisme, parmi tous les comités et conseils. Elle rappelle également que la Commissaire aux plaintes a rendu une décision (I-2) statuant que le comité des usagers, n'étant pas un service de l'établissement, ne peut faire l'objet d'une plainte d'un usager. Enfin, elle souligne que lorsque le législateur a voulu donner un caractère public à des procès-verbaux, il l'a prévu clairement dans la LSSSS. C'est ce qu'il a édicté pour ce type de documents du conseil d'administration de l'établissement à l'article 166. DÉCISION Les documents déposés par l'organisme sous la cote O-1 et ceux déposés par le demandeur sous la cote D-1 ne sont pas pertinents à la solution du présent litige. La décision de la Commission dans l'affaire Messier a statué que le comité des usagers d'un établissement visé par la LSSSS n'était pas un organisme public au sens de la Loi (4) et que l'organisme n'avait pas la détention physique des documents en litige (5) . Cette décision établit également que l'organisme n'avait pas la détention juridique pour les motifs suivants, que l'on retrouve à la page 149 de la décision : [...] [...] Il n'en n'a pas non plus la détention juridique puisque le Comité des usagers m'apparaît comme une entité légale autonome, distincte et indépendante de l'hôpital. La constitution et les fonctions du Comité des usagers sont régi[e]s par les articles 209 à 212 de la [LSSSS ci-après reproduits]. [...] Un certain nombre d'éléments m'amène à croire que le législateur a voulu instituer un Comité des usagers autonome, distinct et indépendant de la direction de l'hôpital. Ainsi, il est un Comité électif des usagers dont la majorité des membres doivent être des usagers de l'hôpital. Le Comité n'est donc pas sous le contrôle des autorités de l'hôpital. En second lieu, l'obligation faite à l'hôpital de donner au Comité la possibilité de conserver ses dossiers d'une manière confidentielle, laisse clairement entendre que la direction de l'hôpital ne doit pas s'ingérer dans la gestion interne du Comité et que les affaires du Comité ne sont pas celles de la direction de l'hôpital. De plus, la nature même des fonctions du Comité, dont l'essence réside dans la défense des droits et intérêts collectifs et individuels des usagers ?auprès de l'établissement ou de toute autorité compétente?,
commande que le Comité ne soit pas sous le contrôle de l'hôpital mais qu'il soit autonome, distinct, indépendant, et contrôlé par les usagers. Enfin, l'obligation faite au Comité d'établir ses propres règles de fonctionnement témoigne de la volonté du législateur de vouloir en faire une entité autonome et distincte de l'hôpital. (Les mentions entre crochets sont de la soussignée) Les faits et le droit dans la présente cause sont très similaires sur ce point de la détention juridique et je ne peux, ici, que conclure dans le sens du commissaire Cyr. L'organisme détient cependant physiquement les documents en litige, ce qui distingue le présent cas de l'affaire Messier. Pour déterminer si cette détention physique produit un effet d'assujettissement à la Loi, il faut se demander si elle est survenue à l'occasion de l'exercice des fonctions de l'organisme. Dans une affaire récente (6) , la Ville de Beauport s'était vu demander l'accès à des procès-verbaux du conseil d'administration du Centre local de développement de Beauport inc, j'ai eu à examiner cette question et il est utile de rapporter les extraits suivants : Les deux parties ont référé la Commission au texte de Hétu et Duplessis (7) sur la question à trancher : Y a-t-il, au sens de l'article 1 de la Loi, détention par l'organisme, dans l'exercice de ses fonctions, des documents recherchés : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. Il convient de reproduire ici de larges extraits de cette doctrine. [...] Il avait d'abord été déterminé alors qu'il y avait détention physique des documents en litige par la Ville de Beauport inc. Restait à analyser si cette possession de la ville s'était opérée dans l'exercice de ses fonctions. Ainsi continuait la décision dans l'affaire Perreault : Quant à l'expression « dans l'exercice de ses fonctions », voici ce que les mêmes auteurs ont noté aux pages 431 à 433 :
[...] L'article 1 de la Loi sur l'accès énonce que pour que celle-ci s'applique, il faut que l'organisme public détienne les documents dans l'exercice de ses fonctions. Il va sans dire que l'on vise ici autant les fonctions principales que les fonctions accessoires de l'organisme (8) . À titre d'exemple, une municipalité a comme fonction principale l'administration des affaires locales et comme fonction accessoire et incluse, entre autres, la gestion de son personnel. [...] En réalité, il suffira que le document ait été confectionné à la demande de l'organisme public en vue de s'acquitter de ses attributions, de défendre ses intérêts ou encore qu'il ait été commandé et qu'il existe pour servir ses intérêts (9) . En définitive, les documents devront être détenus par l'organisme public dans le cadre de son mandat, de sa compétence, de ses pouvoirs et devoirs et de sa capacité d'agir (10) . En analysant les dispositions des lois applicables aux centres locaux de développement et les clauses des ententes signées entre le Centre et la Ville, la Commission en est venu à conclure que l'organisme détenait les documents demandés dans l'exercice de ses fonctions. Dans le cas présent, le rôle du comité des usagers est décrit dans plusieurs documents. Qu'il suffise de relater ce que la ministre écrit au président du conseil d'administration de la Régie, le 31 mars 1994 (I-2) : [...] Permettez-moi de vous rappeler que les comités des usagers devront établir leurs règles de fonctionnements, déterminer leurs priorités et les modalités de gestion de leur budget. Les fonctions du comité des usagers sont, entre autres, de renseigner les usagers sur leurs droits et leurs obligations, promouvoir l'amélioration de la qualité des conditions de vie, évaluer le degré de satisfaction à l'égard des services obtenus. Mais ce qui est tout aussi important, c'est que le législateur a prévu, de par la structure et le libellé des dispositions pertinentes de la LSSSS, que ces fonctions bien précises puissent s'exercer sans que les membres du comité et les usagers n'aient de crainte de se voir soit paralysés dans leur action ou pénalisés dans la qualité des conditions de vie en raison de dénonciation du système ou de certains actes posés à leur égard. Ces dispositions consacrent le caractère d'autonomie et d'indépendance du comité des usagers vis-à-vis les autorités de l'organisme, comme la procureure du comité l'a d'ailleurs plaidé avec pertinence. La LSSSS édicte :
209. Tout établissement, dès qu'il exploite un centre d'hébergement et de soins de longue durée de 20 lits ou plus, un centre de réadaptation, un centre hospitalier de soins psychiatriques ou un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse, doit mettre sur pied un comité pour les usagers de ces centres et, dans le cas d'un établissement public ou d'un établissement privé conventionné visé à l'article 475, lui accorder le budget particulier fixé à cette fin dans son budget de fonctionnement ou, dans le cas d'un établissement privé non conventionné, le montant versé à cette fin par le ministre. Un établissement qui exploite un centre d'hébergement et de soins de longue durée de moins de 20 lits, un centre hospitalier de soins généraux et spécialisés ou un centre local de services communautaires peut, à la demande des usagers à qui il dispense ses services, mettre sur pied un tel comité. Ce comité se compose d'au moins cinq membres élus par tous les usagers de l'établissement. La majorité de ces membres doivent être des usagers. Dans le cas l'établissement exploite plusieurs centres ou dispose de plusieurs installations pour un même centre, la composition du comité doit assurer une représentation équitable des usagers de chacun de ces centres et des usagers hébergés dans chacune des installations. 210. Une personne ne peut être membre d'un comité des usagers si elle est sous curatelle. 211. Le directeur général de l'établissement doit favoriser le bon fonctionnement du comité des usagers et informer par écrit chaque usager de l'existence d'un tel comité. Il doit permettre au comité des usagers d'utiliser un local pour ses activités et lui donner la possibilité de conserver ses dossiers d'une manière confidentielle. 212. Les fonctions du comité des usagers sont de: renseigner les usagers sur leurs droits et leurs obligations; promouvoir l'amélioration de la qualité des conditions de vie des usagers et évaluer le degré de satisfaction des usagers à l'égard des services obtenus de l'établissement;
défendre les droits et les intérêts collectifs des usagers ou, à la demande d'un usager, ses droits et ses intérêts en tant qu'usager auprès de l'établissement ou de toute autorité compétente; accompagner et assister, sur demande, un usager dans toute démarche qu'il entreprend y compris lorsqu'il désire porter une plainte conformément aux sections I, II et IV du chapitre III du titre II. Le comité des usagers doit, en outre, établir ses règles de fonctionnement et soumettre chaque année un rapport d'activités au conseil d'administration et transmettre une copie de ce rapport à la régie régionale. Rien dans la preuve ne me convainc que ces fonctions du comité des usagers pourraient être également de la compétence de l'organisme au motif qu'elles entreraient dans l'exercice, par l'organisme, de ses fonctions principales ou accessoires. Au contraire, l'analyse de ces dispositions et de la preuve porte à conclure qu'il vaut mieux, pour le bon fonctionnement de l'établissement, qu'il ne s'immisce pas ou ne s'ingère pas dans les activités du comité. La preuve et les dispositions pertinentes de la LSSSS démontrent que la détention, par le directeur général, des documents en litige ne s'est pas faite dans le cadre du mandat de l'organisme, de sa compétence, de ses pouvoirs et devoirs et de sa capacité d'agir. Cette détention n'a pas eu lieu dans l'exercice des fonctions de l'organisme au sens de l'article 1 de la Loi. En conséquence, la Loi ne s'applique pas aux documents en litige. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision. Québec, le 29 novembre 2000 DIANE BOISSINOT Commissaire Procureure de l'organisme : M e Lise Monfette Procureures du Comité : M e Catherine Régis et M e Dominique Demers 1. L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la Loi ». 2. L.R.Q., c. S-4.2, ci-après appelée la « LSSSS ». Messier c. Hôpital St-Charles-Borromée, [1995] CAI 147 dont appel fut rejeté par la Cour du 3. Québec sur requête en 1997. 4. Ib. Id., page 150. 5. Ibid, page 149. 6. Perreault, Denis c. Ville de Beauport, CAI Québec 99 18 70, le 24 août 2000.
Hétu, Jean et Duplessis, Yvon, « Droit municipal, Principes généraux et contentieux ». Éd. 7. Hébert Denault. Montréal 1998, pages 413 à 433. English c. Centre hospitalier de l'Hôtel-Dieu de Gaspé, [1993] CAI 385 (C.Q.) 386 ; voir aussi 8. Robillard c. Hôpital Ste-Justine, [1989] CAI 296, 297, 298 ; Fortin c. Ministère de l'Environnement, [1987] CAI 118, 120. Malenfant c. Commission de la santé et de la sécurité du travail (1984-86) 1 CAI 177, 181; Labelle c. Ville de Montréal, (1984-86) 1 CAI 199, 202; Fortin c. Communauté urbaine de 9. Québec, [1986] CAI 125, 128; Gagnier c. Office municipal d'habitation de Montréal, [1992] CAI 202, 204. Boucher c. Office du crédit agricole, (1984-86) 1 CAI 372, 376, cette décision a été confirmée en appel : Office du crédit agricole du Québec c. Boucher, [1987] CAI 252 (C.P.) 253, 254 ; 10. Fortin c. Communauté urbaine de Québec, [1986] CAI 125, 127, 128; Directron Média inc. c. Communauté urbaine de Québec, [1990] CAI 6, 10; Boucher c. Ministère des Affaires municipales, [1996] CAI 378, 383.
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