Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

99 15 67 FORGET, Céline 99 17 51 NOBRÉGA-LABERGE, Yolaine et 00 05 31 CHÉLIN, Annie ci-après appelées « les demanderesses » c. MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DE LA MÉTROPOLE ci-après appelé l' « organisme » OBJET DU LITIGE Entre les 11 août 1999 et 29 janvier 2000, les demanderesses ont toutes et chacune formulé, auprès de l'organisme, une demande d'accès au rapport de la Commission municipale du Québec (ci-après appelée la « CMQ ») concernant la rénovation du Théâtre d'Outremont à la suite de l'enquête qu'elle a menée en vertu du décret du gouvernement du Québec numéro 984-96. Entre les 15 septembre 1999 et 6 mars 2000, le responsable de l'accès de l'organisme leur refusait cette copie en invoquant les ordonnances de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion émises par la Cour supérieure dans diverses causes intentées par des personnes visées par des préavis de blâme qu'a émis la CMQ dans le cours de son enquête. Ces ordonnances viseraient le rapport demandé. Entre les 15 septembre 1999 et 6 mars 2000, les demanderesses s'adressent à la Commission afin qu'elle révise ces décisions du responsable de l'accès. Elles indiquent que les ordonnances invoquées par le responsable de l'accès ne visent aucunement le document demandé. Une audience se tient en la ville de Montréal le 22 juin 2000 et un document dont la production en preuve avait été annoncée lors de l'audience est produit ultérieurement le 26 juin 2000, date à laquelle le délibéré peut commencer. L'AUDIENCE Les parties conviennent que tout élément de preuve présenté dans un des trois dossiers, est automatiquement déposé dans les deux autres. Elles s'entendent également pour requérir de cette Commission qu'elle veille à protéger les renseignements faisant l'objet des ordonnances de la Cour supérieure. À cette fin, elles la requièrent de frapper d'une ordonnance de non-publication, non-divulgation et de non-diffusion, tous les documents déposés en preuve qui proviennent des dossiers des quatre requêtes toujours pendantes devant la Cour supérieure ou qui sont relatifs à ces requêtes. Les parties déclarent que ces requêtes présentées en Cour supérieure portent les numéros 500-05-041891-985, 500-05-041933-985, 500-05-043580-982 et 500-05-046743-983. Les parties admettent que ces requêtes sont présentées par certaines personnes qui étaient susceptibles de faire l'objet d'un blâme par la CMQ, après la conclusion de son enquête tenue tant publiquement (44 jours) qu'à huis clos. Ces quatre requêtes ont été formulées dans le but d'obtenir de la Cour supérieure un sursis des travaux de cette enquête, l'évocation, entre autres, des travaux de la CMQ et l'annulation du décret dont ses travaux émanent. Ainsi, au fur et à mesure du dépôt des pièces, les parties ont indiqué à la Commission lesquelles cette dernière devrait protéger de toute divulgation, diffusion et publication. Ces requêtes des parties ont été accueillies quant aux documents déposés sous les cotes O-3A, O-3B, O-3C, O-3D (étant les quatre
requêtes à la Cour supérieure, ci-haut identifiées), O-4A, O-4B, O-4C, O-4D (étant les ordonnances de non-publication, non-diffusion et non-divulgation de la Cour supérieure dans ces dossiers), O-5 (étant le jugement de la Cour d'appel (pourvoi numéro 500-09-006661-987) confirmant le jugement de la Cour supérieure rejetant la « demande de sursis du huis clos des témoignages à être entendus par les personnes auxquelles des avis de blâme ont été envoyés » dans le dossier numéro 500-05-041933-985), O-9A, O-9B, O-9C, O-9D (étant les extraits du plumitif civil de la Cour supérieure dans les quatre dossiers en cause qui sont toujours pendants devant elle), O-10 (étant le procès-verbal de la séance du 16 décembre 1998 dans le dossier de la Cour supérieure 500-05-046793-983 au cours de laquelle la demande de sursis des procédures devant la CMQ a été rejetée), D-2 (étant le jugement de la Cour supérieure rejetant la demande de sursis des travaux de la CMQ dans le dossier 500-05-043580-082), D-3 (étant le jugement de la Cour d'appel du Québec (500-09-006661-987) accordant la permission d'appeler et précédant le jugement rendu par la Cour d'appel déposé sous la cote O-5) et D-4 (étant la requête amendant la requête en évocation et en sursis dans la cause 500-05-041891-985), lesquels sont frappés, dès l'audience, d'une ordonnance de non-publication, non-diffusion et non-divulgation par la présente Commission et ce, tant que les ordonnances correspondantes de la Cour supérieure ne seront pas levées. La présente ordonnance vaut à l'égard de chacune des parties. L'organisme dépose également, en plus des documents cotés sous la lettre « O » identifiés au paragraphe précédent, les documents suivants : O-1. Le décret du 14 août 1996 numéro 984-96 ordonnant la tenue de cette enquête par la CMQ. O-2. La Loi sur la Commission municipale du Québec (1) . O-6. Lettre de transmission du rapport en litige adressée le 8 juin 1999 à madame la ministre Louise Harel, responsable de l'organisme, par le président de la CMQ, monsieur François Casgrain. O-7. Lettre adressée le 21 juillet 1999 par madame la ministre Louise Harel au maire, aux conseillers et au directeur général de Ville d'Outremont à laquelle la ministre joint les recommandations du rapport en litige. O-8. Les recommandations du rapport en litige. De leur coté, les demanderesses déposent, sous la cote D-1, en plus des documents D-2, D-3 et D-4 plus haut désignés, une lettre adressée le 3 août 1998 par M e Francis Gervais à la demanderesse Yolaine Nobréga-Laberge. L'organisme dépose, sous pli confidentiel, le rapport en litige. Il est daté du 3 juin 1999 et s'intitule, de façon abrégée, : « RAPPORT D'ENQUÊTE SUR LA RÉNOVATION DU THÉÂTRE OUTREMONT ». Ce rapport contient 250 pages, comprenant les recommandations déposées sous la cote O-8 (pages 234 à 243), lesquelles ne sont pas en litige. S'ajoutent au texte du rapport, les tableaux A à H compris entre les pages 250A à 268 et les annexes 1 à 10 comprises entre les pages 268A à 308. La procureure de l'organisme plaide que le rapport est inaccessible en raison des ordonnances de la Cour supérieure déposées sous les cotes O-4A, O-4B, O-4C et O-4D, de l'article 53 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (2) et de l'article 9 de la Charte des droits et liberté de la personne (3) assurant le respect du secret professionnel.
La procureure de l'organisme estime que, compte tenu du fait que les requêtes en évocation sont toujours pendantes devant la Cour supérieure (O-9A, O-9B, O-9C et O-9D) et vu le libellé des ordonnances O-4A, O-4B, O-4C et O-4D, ces dernières sont toujours en vigueur. Elle estime que le document en litige contient, notamment aux quelque 30 pages du rapport qu'elle indique, des références aux personnes dont les ordonnances de la Cour supérieure visent la protection de l'identité et de la fonction. Elle rappelle que c'est d'abord la prudence qui a guidé le responsable de l'accès. Il n'a pas voulu, en divulguant le rapport demandé, risquer de contrevenir à ces ordonnances. La procureure de l'organisme indique que la copie du rapport remis sous pli confidentiel à la Commission identifie, par surbrillance colorée, les renseignements qui devraient être protégés : En mauve, les nom et fonction des personnes visées par les ordonnances de la Cour supérieure; en jaune, les renseignements nominatifs au sens de la Loi; et en jaune et mauve, les renseignements visés par l'article 9 de la Charte. La procureure de la demanderesse Nobréga-Laberge plaide qu'après lecture attentive des requêtes devant la Cour supérieure et des ordonnances émises par celle-ci, d'ailleurs bien antérieurement à la date que porte le rapport en litige, nul ne peut arriver à la conclusion que ce rapport en lui-même et les renseignements qu'il contient sont visés par ces ordonnances. Elle argue que les objectifs que cherchaient à atteindre les requérants devant la Cour supérieure étaient d'arrêter l'enquête de la CMQ et d'annuler le décret qui la mandatait pour enquêter. Nulle part n'est mentionné le rapport dans les requêtes et les ordonnances. Elle rappelle que les requérants n'ont pas réussi à faire arrêter le processus d'enquête, lequel s'est poursuivi selon le plan de la CMQ, avec la bénédiction de la Cour d'appel, et s'est terminé avec la signature du rapport en litige. Elle admet que le rapport en litige risque indirectement et subsidiairement, si les requêtes en évocation sont accueillies par la Cour supérieure, de n'avoir aucun effet. Elle fait cependant remarquer que ce n'est pas parce qu'un document détenu par un organisme public est ou est déclaré sans effet qu'il est ou devient inaccessible. La procureure de madame Nobréga-Laberge rappelle que l'enquête s'est tenue publiquement pendant 44 jours, en sus des séances dédiées à l'audition des témoins visés par les préavis de blâme et des préavis de blâme eux-mêmes, lesquels séances et préavis ont été frappés de huis clos par les commissaires. Elle plaide que la preuve démontre que le rapport ne contient finalement aucun blâme, comme le souligne la ministre Harel dans sa lettre adressée au maire, aux membres du conseil et au directeur général de Ville d'Outremont déposée sous la cote O-7. Elle ignore si les dossiers pendant devant la Cour supérieure et les ordonnances en cause ici resteront en suspens encore longtemps. Dans les circonstances, elle estime que les jugements de la Cour supérieure ne seront vraisemblablement pas rendus, ce qui confirmerait que les ordonnances ne visaient qu'une certaine étape des travaux de la CMQ et non le rapport en cause ici. Les deux autres demanderesses reprennent, en substance, les arguments de la procureure de madame Nobréga-Laberge. Madame Chélin rajoute qu'en plus du fait que les audiences de la CMQ se sont en grande partie déroulées publiquement, un grand nombre de personnes qui ont été appelées à y témoigner en public sont des personnes dont les nom et fonction sont visés par les paragraphes 1°, 2° et 3° du premier alinéa de l'article 57 de la Loi. Ces deux faits la mènent à la conclusion que les nom et fonction de ces personnes sont revêtus d'un caractère public, que ces personnes aient été ou non avisées d'un blâme possible par les commissaires de la CMQ.
En réplique, la procureure de l'organisme laisse à l'appréciation de la Commission de déterminer si les articles 55 et 57 de la Loi s'applique dans le présent dossier. DÉCISION LES ORDONNANCES La première question à décider est de savoir si le rapport en litige est visé par les ordonnances de non-publication, non-divulgation et non-diffusion de la Cour supérieure. En voici les extraits pertinents: Dossier 500-05-041933-985 Dossier 500-05-041891-985 juge A. Derek Guthrie, J.C.S. le 27 mai 1998 pièces O-4A et O-4B Le Tribunal ordonne que l'identité, la qualité ou l'occupation actuelle ou passée des requérants dans les deux causes [...] ne soit pas diffusée publiquement, que ce soit oralement, par écrit ou électroniquement, à la radio, dans les journaux et postes de télévision ou par tout autre moyen de communication public ou privé, sous toutes peines que de droit. [cet extrait a été cité par M e Robert Mongeon, procureur de Yolaine Nobréga-Laberge dans les représentations écrites qu'il a soumises lors de la demande de révision dans le dossier 99 17 51] [...] Ordonne que l'ordonnance de non-publication des identités des requérants prononcée par moi ce matin, reste en vigueur jusqu'au jugement de la Cour supérieure sur le fond des 2 requêtes en évocation. (les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) Dossier 500-05-043580-982 Juge Roger E. Baker J.C.S. le 31 juillet 1998 Pièce O-4D [...] Émet une ordonnance de non-publication et de confidentialité pour valoir jusqu'à jugement final dans la présente instance; ORDONNE à quiconque : A) De ne pas dévoiler d'aucune façon; B) De ne pas diffuser publiquement, que ce soit oralement, par écrit ou électroniquement, à la radio, dans les journaux, les postes de télévision ou par tout autre moyen de communication public ou privé; le nom, l'identité, la qualité, l'occupation ou la fonction publique, parapublique, professionnelle, sociale, actuelle ou passée des requérants ainsi que tous et chacun des allégués de la présente requête, de même que toutes les pièces qui sont alléguées, qu'elles soient produites ou non, et tous
les extraits des auditions ayant déjà eu lieu à huis clos devant les commissaires; ORDONNE que le nom, l'identité, la qualité, l'occupation ou la fonction publique, parapublique, professionnelle, actuelle ou passée des requérants ainsi que tous et chacun des allégués de la présente requête, de même que toutes les pièces qui sont alléguées, qu'elles soient produites ou non, et tous les extraits des auditions ayant déjà eu lieu à huis clos devant les commissaires, ne soient mentionnés ou ne fasse l'objet d'aucune question ou de débats publics dans toute assemblée publique ou toute assemblée de tout organisme public ou parapublic; [...] (les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) Dossier 500-05-043580-982 Juge André Deslongchamps J.C.S. le 21 août 1998 Pièce O-4D [...] Émet une ordonnance de non-publication et de confidentialité pour valoir jusqu'à jugement final dans la présente instance; ORDONNE à quiconque : A) de ne pas dévoiler d'aucune façon; B) de ne pas diffuser publiquement, que ce soit oralement, par écrit ou électroniquement, à la radio, dans les journaux, les postes de télévision ou par tout autre moyen de communication public ou privé; l'existence et le contenu des pièces R-7, R-8 et R-9; ORDONNE que lors de la production de ces pièces au greffe, ces dernières soient conservées sous scellés jusqu'à ce que jugement ayant autorité de la chose jugée soit rendu en la présente instance; ORDONNE au greffier de ne pas dévoiler le contenu des pièces R-7, R-8 et R-9, ni d'en émettre des copies; [...] (les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) Dossier 500-05-046743-983 Juge Paul G. Chaput J.C.S. le 14 décembre 1998 Pièce O-4C
[...] Émet une ordonnance de non-publication et de confidentialité pour valoir jusqu'à jugement final dans la présente instance; ORDONNE à quiconque : A) de ne pas dévoiler d'aucune façon; B) de ne pas diffuser publiquement, que ce soit oralement, par écrit ou électroniquement, à la radio, dans les journaux, les postes de télévision ou par tout autre moyen de communication public ou privé; le nom, l'identité, la qualité, l'occupation ou la fonction publique, parapublique, professionnelle, sociale, actuelle ou passée des requérants ainsi que tous et chacun des allégués de la présente requête, de même que toutes les pièces qui sont alléguées, qu'elles soient produites ou non, et tous les extraits des auditions ayant déjà eu lieu à huis clos devant les commissaires, sous toutes peines que de droit; ORDONNE que le nom, l'identité, la qualité, l'occupation ou la fonction publique, parapublique, professionnelle, actuelle ou passée des requérants ainsi que tous et chacun des allégués de la présente requête, de même que toutes les pièces qui sont alléguées, qu'elles soient produites ou non, et tous les extraits des auditions ayant déjà eu lieu à huis clos devant les commissaires, ne soient mentionnés ou ne fasse l'objet d'aucune question ou de débats publics dans toute assemblée publique ou toute assemblée de tout organisme public ou parapublic, sous toutes peines que de droit; ORDONNE au greffier de ne pas dévoiler le contenu d'aucune des pièces produites, ni d'en émettre des copies; [...] (les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) De l'avis de la Commission, ces ordonnances ne visent que l'identité et autres particularités y précisées des requérants devant la Cour supérieure et ce, en leur seule qualité de requérant dans ces causes, c'est-à-dire en leur seule qualité de personnes faisant l'objet de préavis de blâme. Elles ne les visent pas en d'autres qualités. Accorder une plus grande portée à ces jugements risquerait de jeter un voile sur tous les autres aspects de la vie et des activités de ces personnes. Ainsi, les paroles que ces personnes ont dites lorsqu'elles ont témoigné publiquement devant la CMQ et, s'il y a lieu, les documents qu'elles ont déposés lors de ces audiences publiques ne sont pas visés par ces ordonnances. Le rapport en litige, dans la relation ou les résumés de ces paroles et de ces documents, ne peut, non plus, être visé par ces ordonnances. La Cour d'appel du Québec a permis que la CMQ continue et termine ses travaux. Cela comprend la rédaction du rapport en litige. En autant que le contenu du rapport ne laisse aucunement entrevoir qui sont les personnes qu'elle a avisées d'une intention de blâme ou qu'elle a, par la suite, entendues à huis clos, il n'est pas assujetti à ces ordonnances. J'ai pris connaissance du rapport en litige et ne peux, tout au long de sa lecture, identifier formellement qui que ce soit qui aurait reçu un tel avis ou aurait, en raison de cet avis, ainsi témoigné
à huis clos. Cependant, certains paragraphes ou passages du rapport, sans nommer les personnes visées par les préavis de blâme ou qui ont intenté les procédures en cause devant la Cour supérieure, font référence au type d'occupation ou de fonction qu'exercent ces personnes. Compte tenu que les ordonnances de la Cour supérieure ont pour objectif de protéger, outre leur identité, la qualité, l'occupation ou la fonction publique, parapublique, professionnelle, sociale, actuelle ou passée des requérants, la présente Commission juge qu'il faut interdire l'accès à ces références afin de se conformer scrupuleusement aux ordonnances. Ces courts et peu nombreux paragraphes ou passages dont l'accès est refusé sont identifiés au dispositif de la présente décision. Le reste du rapport en litige n'est pas visé par ces ordonnances de la Cour supérieure. L'accessibilité au reste du rapport doit donc être déterminée par les dispositions pertinentes de la Loi. LA LOI Nous l'avons vu, les renseignements composant le rapport en litige ont été obtenus au cours d'audiences publiques tenues par la CMQ. Il s'agit maintenant de savoir si les renseignements nominatifs qu'il contient sont confidentiels, comme le prétend l'organisme, ou s'ils perdent ce caractère confidentiel par l'effet du processus dans lequel ils ont été obtenus. En fait, il s'agit d'abord de déterminer si le paragraphe 2° de l'article 53 doit recevoir application. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. (j'ai soussigné) Dans la négative, il faudra se demander si les renseignements nominatifs contenus audit rapport ont perdu leur caractère confidentiel pour revêtir un caractère public par l'application des articles 55, 57 al. 1, 1°, 2° et 3°, comme le soutiennent les demanderesses :
55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1 o le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2 o le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; 3 o un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat; [...] Le processus au cours duquel les renseignements en litige ont été obtenus découle de la Loi sur la Commission municipale. Un décret du gouvernement (O-1) résultant de l'application de l'alinéa deuxième du paragraphe 1 de l'article 22 de la Loi sur la Commission municipale mandate la CMQ de tenir enquête ...sur les décisions du conseil [de la Ville d'Outremont] concernant la rénovation du Théâtre Outremont de même que sur le dépassement des coûts de celle-ci et sur tout aspect de l'administration municipale relié directement et indirectement à cette rénovation. (les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) Les articles 22.1 et 23 de cette dernière loi nous renseignent sur le processus de ce type d'enquête menée par la CMQ :
22.1. La Commission peut de sa propre initiative et doit, si demande lui en est faite par le ministre, faire une enquête sur l'administration financière d'une municipalité. Elle doit aussi faire enquête, chaque fois que demande lui en est faite par le gouvernement, sur tout aspect de l'administration qu'il indique. La Commission peut, dans son rapport d'enquête, faire des recommandations. Elle peut notamment recommander, en tenant compte de la nature et de la gravité de la conduite d'une personne, qu'une sanction lui soit imposée consistant en un avertissement, une réprimande, une suspension avec ou sans traitement pour une période déterminée, une réduction de son traitement ou une destitution. La Commission ne peut, dans un rapport, blâmer la conduite d'une personne ou recommander que des sanctions soient prises contre elle, à moins de l'avoir informée des faits qu'on lui reproche et de lui avoir permis d'être entendue à ce sujet. Cette obligation cesse si cette personne a été invitée à se présenter devant la Commission dans un délai raisonnable et si elle a refusé ou négligé de le faire. Cette invitation est signifiée de la même façon qu'une assignation en vertu du Code de procédure civile (chapitre C-25). 23. Pour les fins d'une enquête que la Commission est autorisée à faire, chacun de ses membres et tout enquêteur désigné par le président sont investis des pouvoirs et de l'immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C-37), sauf du pouvoir d'imposer une peine d'emprisonnement. La Commission doit, chaque fois qu'elle tient des séances publiques au cours d'une enquête effectuée en vertu du deuxième alinéa du paragraphe 1 de l'article 22, donner avis de la date et du lieu de ces séances dans deux journaux français et deux journaux anglais, publiés dans la localité la plus proche du lieu des séances; elle fait rapport du résultat de toute telle enquête et de la preuve reçue, au gouvernement, qui ordonne l'adoption des mesures justifiées par la nature de la preuve et du rapport. Des copies certifiées des témoignages reçus au cours d'une enquête visée à l'alinéa précédent peuvent être
obtenues par toute personne qui en fait la demande à la Commission, sur paiement des honoraires déterminés par ses règles de pratique. Elle fait rapport au ministre de toute autre enquête tenue par elle. La Commission s'est déjà longuement penchée sur l'étude des critères applicables pour déterminer si un processus de décision est quasi judiciaire ou non. Dans l'affaire Massé (4) la décision du président Paul-André Comeau précise ce qui suit : Le Professeur Patrice Garant (5) rappelle que, selon la jurisprudence dominante de la Cour suprême du Canada, deux éléments essentiels doivent normalement se retrouver pour établir le caractère quasi judiciaire d'un processus ou d'une démarche: 1) l'atteinte à un droit; 2) un ou des indices procéduraux indicateurs du devoir d'agir quasi judiciairement. Dans l'arrêt M.R.N. c. Coopers and Lybrand (6) le juge Dickson s'exprime ainsi sur le sens et la portée de ces critères: J'estime qu'il est possible de formuler plusieurs critères pour déterminer si une décision ou ordonnance est légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive. (1) Les termes utilisés pour conférer la fonction ou le contexte général dans lequel cette fonction est exercée donnent-ils à entendre que l'on envisage la tenue d'une audience avant qu'une décision soit prise? (2) La décision ou l'ordonnance porte-t-elle directement ou indirectement atteinte aux droits et obligations de quelqu'un? (3) S'agit-il d'une procédure contradictoire? (4) S'agit-il d'une obligation d'appliquer les règles de fond à plusieurs cas individuels plutôt que, par exemple, de l'obligation d'appliquer une politique sociale et économique au sens large? Tous ces facteurs doivent être soupesés et évalués et aucun d'entre eux n'est nécessairement déterminant. Ainsi, au par. (1), l'absence de termes exprès prescrivant la tenue d'une audience n'exclut pas nécessairement l'obligation en common law d'en tenir une. Quant au par. (2), la nature et la gravité, le cas échéant, de l'atteinte aux droits
individuels, et la question de savoir si la décision ou ordonnance est finale sont importantes, mais le fait que des droits soient touchés n'entraîne par nécessairement l'obligation d'agir judiciairement. [...]. En termes plus généraux, il faut tenir compte de l'objet du pouvoir, de la nature de la question à trancher et de l'importance de la décision sur ceux qui sont directement ou indirectement touchés par elle: voir l'arrêt Durayappah c. Fernando. Plus la question est importante et les sanctions sérieuses, plus on est justifié de demander que l'exercice du pouvoir soit soumis au processus judiciaire ou quasi judiciaire. L'existence d'un élément assimilable à un lis inter partes et la présence de procédures, fonctions et actes équivalents à ceux d'un tribunal ajoutent du poids au par. (3). Mais encore une fois, l'absence de règles de procédure analogues à celles des tribunaux ne sera pas fatale à l'existence d'une obligation d'agir judiciairement.? (Je souligne) À mon avis, les deux critères dégagés par le professeur Garant se trouvent satisfaits ici. La lecture des troisième et quatrième alinéas de l'article 22.1 de la Loi sur la Commission municipale révèle que le rapport de la Commission peut avoir des conséquences importantes sur les droits des personnes dont elle examine les actions et les comportements. Le fait que les pouvoirs de la CMQ se limitent à faire des recommandations ne diminue en rien l'atteinte possible aux droits d'une personne, comme l'avait décidé la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Saulnier c. Commission de police du Québec (7) . Les articles 22.1 et 23 de cette Loi sur la Commission municipale comprennent des modalités procédurales clairement indicatrices du devoir d'agir quasi judiciairement. S'ajoute, pour convaincre la soussignée que le processus qui a mené la rédaction du rapport en litige est quasi judiciaire, le fait que la Cour supérieure ait accepté d'entendre les requêtes en évocation des travaux de la CMQ. La Cour supérieure n'exerce de contrôle judiciaire sur la légalité des décisions de l'Administration que sur les actes quasi judiciaires qu'elle pose et non sur ses actes purement administratifs (8) . Le rapport en litige fait partie du processus quasi judiciaire mis en branle par la CMQ sur demande du gouvernement. Les renseignements qui s'y trouvent ont été cueillis au cours de ce processus et tombent sous l'application du paragraphe 2° de l'article 53 de la Loi. Ces renseignements ne sont pas nominatifs, à moins que la CMQ ne les ait obtenus alors qu'elle siégeait à huis clos ou qu'ils ne fassent l'objet d'une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. De même, si l'on associe le rapport en litige à une décision d'un organisme dans l'exercice de fonctions quasi judiciaires, il est public au sens de l'article 29.1 de la Loi :
29.1 La décision rendue par un organisme public dans l'exercice de fonctions quasi judiciaires est publique. Toutefois, un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement contenu dans cette décision lorsque celle-ci en interdit la communication, au motif qu'il a été obtenu alors que l'organisme siégeait à huis-clos, ou que celui-ci a rendu à son sujet une ordonnance de non-publication, de non-divulgation ou de non-diffusion ou que sa communication révélerait un renseignement dont la confirmation de l'existence ou la communication doit être refusée en vertu de la présente loi. Le rapport en litige réfère exclusivement à la preuve entendue publiquement et exprime les conclusions des commissaires strictement sur cette preuve. Sauf quant aux paragraphes ou passages ci-après indiqués, lesquels tombent sous le coup des ordonnances de la Cour supérieure (O-4A, O-4B, O-4C et O-4D), le rapport en litige est accessible aux demanderesses. Même si les renseignements protégés par ces ordonnances avaient un caractère public par l'application des articles 55 et 57, al. 1, 1°, 2° ou 3°, comme le prétendent les demanderesses, la présente Commission et l'organisme auraient l'obligation de se conformer aux ordonnances et d'en refuser la communication. Il est donc inutile que la Commission se prononce sur l'applicabilité de ces dispositions que les demanderesses ont soulevées. Enfin, je n'ai pu détecter dans ce rapport en litige aucun renseignement qui serait visé par l'article 9 de la Charte, tout ayant été dit ou présenté publiquement lors de l'enquête publique : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE la demande de révision; et ORDONNE à l'organisme de divulguer aux demanderesses une copie du rapport en litige, à l'exception des extraits suivants, qui devront être masqués : - page 10, paragraphe central, deuxième phrase; - page 11, paragraphe central; - pages 12 et 13, le dernier paragraphe du point 2.1; et - page 18, les deux derniers paragraphes.
Québec, le 22 novembre 2000 DIANE BOISSINOT Commissaire Procureure de la demanderesse Yolaine Nobréga-Laberge : M e Marie-Josée Corriveau Procureure de l'organisme M e Marie-Andrée Gauthier 1. L.R.Q. c. C-35, ci-après appelée la « Loi sur la Commission municipale ». 2. L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la Loi ». 3. L.R.Q. c. C-12, ci-après appelée la « Charte ». 4. Massé c. Québec (Ministère de la Sécurité du revenu), [1995] CAI 50, 55 et 60. Droit administratif, 3 e édition, Volume 2, Montréal, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1991, p. 69 et 5. ss. (note de la soussignée : une 4 e édition, en 1996, reprend substantiellement le même texte aux pages 84 et ss.) 6. [1979] 1 R.C.S. 495, 504. 7. [1976] 1 R.C.S. 572. 8. Lire à ce sujet les propos du professeur Garant, op. cit. supra note 5, pages 53 et ss.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.