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00 10 84 LAROUCHE, Lise SIMARD, Gaston ci-après appelés «les demandeurs» c. GROUPE CGU CANADA LTÉE ci-après appelé «l'entreprise» Le 5 mai 2000, les demandeurs s'adressent à l'entreprise afin d'obtenir copie du rapport d'expertise, préparé en octobre 1999 par monsieur Raymond Juneau de Laboratoires d'expertises de Québec Ltée, concernant le «dégât d'eau survenu dans la nuit du 7 au 8 juin 1999 au 62, chemin de la Rivière à Beaupré.». Le 9 juin 2000, les demandeurs requièrent l'examen de la mésentente résultant du refus de l'entreprise d'acquiescer à leur demande d'accès. Les parties sont entendues le 6 décembre 2000, à Québec. PREUVE et ARGUMENTATION : Le procureur de l'entreprise me remet, sous pli confidentiel, copie du rapport en litige. Il souligne que ce document, qui a été préparé par un ingénieur à la demande de l'entreprise agissant en sa qualité d'assureur de Ville de Beaupré, ne porte pas sur le dégât d'eau auquel réfère la demande d'accès. Il soumet que la décision de sa cliente s'appuie d'abord sur la protection que confère le secret professionnel au document, secret auquel l'ingénieur est tenu en vertu des articles suivants du Code de déontologie des ingénieurs (R.R.Q., 1981, c. I-9, r.3) : 3.06.01 L'ingénieur doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle obtenu dans l'exercice de sa profession. 3.06.02 L'ingénieur ne peut être relevé du secret professionnel qu'avec l'autorisation de son client ou lorsque la loi l'ordonne. 3.06.03 L'ingénieur ne doit pas faire usage de renseignements de nature confidentielle au préjudice d'un client ou en vue d'obtenir directement ou indirectement un avantage pour lui-même ou pour autrui. Il explique que le secret professionnel appartient, en ce qui concerne l'accès au rapport en litige, tant à Ville de Beaupré qu'à l'entreprise qui, somme toute, refusent de communiquer l'opinion demandée à l'expert ingénieur, opinion portant sur des travaux effectués par Ville de Beaupré. Il soumet également que la Commission doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel tel que le prévoit l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., C. c-12) :
9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. Il réitère qu'il n'y a pas eu renonciation au secret professionnel de la part de l'entreprise qui a, elle-même, requis l'opinion de l'expert ingénieur. Il réitère également que le rapport en litige ne concerne aucunement ni les demandeurs qui n'y sont pas nommés, ni le dégât d'eau visé par leur demande d'accès. Ce rapport explique-t-il, a trait aux travaux que l'assurée de sa cliente, Ville de Beaupré, a effectués sur un terrain déterminé qui n'est pas celui des demandeurs. À son avis, l'article 27 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ne confère aux demandeurs aucun droit d'accès au rapport puisqu'ils n'y sont pas concernés: 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. Il soumet que le rapport concerne l'assurée Ville de Beaupré, à savoir un tiers qui n'a pas consenti à la communication des renseignements «personnels» la concernant. À son avis, l'entreprise est conséquemment tenue à l'obligation de confidentialité prévue par l'article 13 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé : 13. Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l'objet du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit. Le procureur de l'entreprise soumet enfin qu'un litige est imminent entre les demandeurs et Ville de Beaupré. Il dépose à cet égard copie de la réclamation détaillée présentée par les demandeurs à l'assurée Ville de Beaupré le 16 juillet 1999 concernant la remise en état de leur propriété (E-1) ainsi que copie de la mise en demeure que les demandeurs avaient préalablement adressée à l'assurée le 11 juin 1999 (E-2). Il dépose enfin copie de la demande d'examen de mésentente des demandeurs datée du 9 juin 2000 (E-3). À son avis, le 2 ième paragraphe de l'article 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé doit recevoir application :
39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: 1 o de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (L.R.Q., chapitre A-8); 2 o d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. Madame Larouche affirme que plusieurs résidences ont été affectées par un refoulement d'eau en juin 1999 et qu'elle cherche à en déterminer le responsable; elle ajoute que l'expert ingénieur est, entre autres, passé sur son terrain, ce qui la porte à croire que le rapport comprend des renseignements qui la concernent. Elle indique enfin que l'enquêteur de l'entreprise, monsieur Deschamps, ne lui a communiqué aucun renseignement inscrit dans ce rapport. À son avis : l'assurée Ville de Beaupré a mandaté l'entreprise et l'expert; le rapport de l'expert est conséquemment un document municipal; tous les documents municipaux ont un caractère public. Le procureur de l'entreprise soumet à nouveau que le rapport en litige a été préparé à la demande de sa cliente et que l'assurée n'en a pas obtenu copie. Il soumet également que sa cliente, parce qu'elle devait agir pour son assurée, a elle-même requis l'expertise qu'elle jugeait nécessaire dans les circonstances. Il ajoute que sa cliente devait, en vertu du contrat d'assurance, prendre fait et cause pour son assurée, Ville de Beaupré, c'est-à-dire défendre l'intérêt de son assurée. L'entreprise, réitère-t-il, a donc mandaté l'expert ingénieur. DÉCISION : J'ai pris connaissance du rapport en litige, document préparé par monsieur Raymond Juneau, ingénieur, à l'intention de monsieur Deschamps, enquêteur-régleur de l'entreprise. Ce rapport ne comprend pas, au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, de renseignements personnels concernant les demandeurs : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. Les demandeurs n'ont conséquemment aucun droit d'accès au rapport en litige en vertu de l'article 27 de cette loi. POUR CES MOTIFS, la Commission rejette la demande d'examen de mésentente. HÉLÈNE GRENIER
Commissaire Québec, le 11 décembre 2000. Procureur de l'entreprise : M e Philippe Cantin
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