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00 03 33 RENOIR Anne-Marie ci-après appelée la « demanderesse » c. COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE ci-après appelé « l'organisme » OBJET DU LITIGE Le 21 décembre 1999, la demanderesse s'adresse par écrit à l'organisme pour obtenir tous les documents qu'il a obtenus du Service de police de la Ville de Brossard dans l'examen de son dossier numéro 97-1128. Plus de 20 jours après cette date, soit le 17 janvier, et sans mentionner la date de réception de la demande d'accès, l'organisme avise la demanderesse qu'il entend se prévaloir du délai supplémentaire de 10 jours que lui accorde l'article 47 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (1) pour répondre à sa demande. Le 26 janvier suivant, la demanderesse s'adresse à la Commission pour qu'elle révise le refus réputé du responsable de l'accès. Le 1 er février 1999, l'organisme signifie un deuxième refus d'accès à la demanderesse, référant au premier refus formulé le 22 septembre 1999 en réponse à sa demande antérieure. Une audience se tient, le 16 août 2000, aux bureaux de la Commission sis en la Ville de Montréal. L'AUDIENCE LA PREUVE Le procureur de l'organisme, témoignant sous son serment d'office, dépose, en liasse sous la cote O-1, les documents relatifs à la première demande d'accès de la demanderesse. Il s'agit a) de la demande d'accès du 14 juillet 1999 qui concerne, entre autres, les mêmes documents, b) de l'avis du 19 juillet suivant par lequel l'organisme proroge de 10 jours le délai de réponse et c) du refus partiel d'accès formulé le 22 septembre 1999 par le responsable de l'accès, ce dernier référant la demanderesse au responsable de l'accès de la Ville de Brossard relativement à la partie de sa demande qui concerne les rapports de police et ce, en vertu des articles 48 et 28 de la Loi, Subsidiairement, il refusait l'accès à ces rapports de police en se fondant sur l'article 47 de la Loi sur l'organisation policière (2) . Il dépose, en liasse sous la cote O-2, la correspondance constituant les documents introductifs de la présente instance et qui sont plus haut mentionnés sous la rubrique « OBJET DU LITIGE ». Le procureur de l'organisme adresse ensuite à la Commission une requête visant le rejet de la demande de révision au motif que la demanderesse n'aurait pas respecté le délai prévu à l'alinéa 3 de l'article 135 de la Loi :
135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. J'ai rejeté cette requête. En effet, ce n'est pas parce que la demanderesse n'a pas exercé son droit de contester un premier refus du responsable de l'accès qu'elle perd son droit de recommencer le processus par une deuxième demande d'accès et de formuler une demande de révision du deuxième refus. La Commission est ici valablement saisie d'une demande de révision faite en bonne et due forme. Le procureur de l'organisme appelle, pour témoigner, monsieur Serge Fortin, responsable de l'accès chez l'organisme en juillet et septembre 1999 et en janvier 2000; celui-ci dépose à la Commission, sous le sceau de la confidentialité, les documents en litige. Il s'agit de trois rapports du Service de police de la Ville de Brossard portant les numéros BRD 970821-037, BRD 970807-019 et BRD 970808-005. Une lettre de transmission du Service de police de Brossard, dans le cadre de l'étude du dossier de plainte numéro 97-1128, accompagne les deux derniers rapports. Le témoin explique que le premier rapport a fait l'objet de la plainte que la demanderesse a déposée à l'organisme et qui a reçu le numéro 97-1128. Les deux autres rapports n'ont pas fait l'objet de plainte de la part de la demanderesse mais ont été fournis à l'organisme par le Service de police de la Ville de Brossard. À la demande du procureur de l'organisme, agréée par la Commission, le témoin poursuit ex parte et à huis clos, son témoignage. Le témoin indique, à l'aide d'une lecture des documents en litige, en quoi la divulgation des rapports risquerait vraisemblablement de provoquer les effets visés par les paragraphes 2°, 3°, 4° et 5° du premier alinéa de l'article 28 de la Loi et, aux termes de son article 88, de révéler des renseignements nominatifs concernant des tierces personnes physiques. Le procureur de l'organisme plaide que ces documents sont couverts par des dispositions de la Loi qui interdisent impérativement leur divulgation à quiconque par l'application de l'un ou l'autre des paragraphes ci-haut mentionnés de l'article 28 et de l'article 88 de la Loi, lu concurremment avec les articles 53, 54 et 59 de la Loi. Le procureur de l'organisme prétend, en outre, que les travaux du commissaire à la déontologie sont visés par le secret professionnel protégé par l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la
personne (3) , puisque ce dernier est un avocat aux termes de la Loi sur l'organisation policière (4) : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. DÉCISION La demande d'accès en cause est régie par les articles 83 et suivants de la Loi. Les dispositions pertinentes à la solution du présent litige sont les articles 28, al. 1, 1°, 4° et 5°, 83, 87, 88, 53, paragraphe 1°, 54 et 14 : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. 87. Sauf dans le cas prévu à l'article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, dans la mesure la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un
renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1 o d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; [...] 4 o de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5 o de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; [...] 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° [...] 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. J'ai pris connaissance des documents en litige. Le rapport numéro BRD970821-037 : Ce document concerne exclusivement la demanderesse à l'exception du nom de l'opérateur ambulancier dont le nom est mentionné à la page 2, à la deuxième ligne. Aucune preuve n'a été apportée par l'organisme à l'appui de l'application de l'un ou l'autre des paragraphes du premier alinéa de l'article 28. À l'examen du document, je n'ai rien pu déceler à ce dernier égard. En conséquence, ce
rapport est accessible à la demanderesse après avoir masqué le nom de l'opérateur ambulancier. La notion de secret professionnel ne peut jouer ici puisque les renseignements en litige n'ont pas été révélés au Commissaire à la déontologie en raison de sa profession d'avocat et dans le cade d'une relation privilégiée entre un avocat et son client. La jurisprudence de la Cour du Québec citée (5) par le procureur de l'organisme ne s'applique pas en la présente. Cette position de la Cour du Québec a d'ailleurs été ultérieurement renversée par cette même cour dans Paul Revere, Compagnie d'assurance-vie et al. c. Chaîné, Claude (6) . De toute façon, il faut éviter de confondre la notion de secret professionnel de celle de la confidentialité, comme nous l'a expliqué la Cour d'appel du Québec dans Dubois, Martin c. Dupuis, Louise et al., C.A. Québec 200-09-001292-975 (415-05-000233-923) le 4 mai 1998 à la page 28 de l'opinion du juge Jean-Louis Baudouin, J.C.A. (7) : [...] il me paraît confondre deux notions proches l'une de l'autre, mais pourtant distinctes en droit, soit le secret professionnel et la confidentialité. Si le premier contient toujours, par nature, la seconde, l'inverse n'est pas vrai, en ce sens que l'obligation de confidentialité n'est pas exclusivement tributaire de l'existence d'un secret professionnel. Elle peut, en effet, exister en dehors de ce strict contexte. Le secret professionnel s'incarne seulement dans une relation professionnelle (avocat-client, médecin-patient, etc.) qui est totalement absente en l'espèce. Le D.P.J. ne peut donc prétendre détenir le secret professionnel de personne. Par contre, il reste évidemment tenu à une obligation de confidentialité que lui impose la loi à l'égard de tous. Les rapports BRD970807-019 et BRD970808-005 : La lecture de ces deux documents me convainc que l'un ou l'autre des paragraphes 1°, 4°, 5° du premier alinéa de l'article 28 s'appliquent en l'espèce, à tous les renseignements qu'ils contiennent. Aussi, des renseignements personnels concernant de tierces personnes physiques constituent la substance du contenu de ces documents. En effet, masquer ces renseignements rendrait la compréhension des renseignements qui restent impossible ou à tout le moins, rendrait hasardeuse leur interprétation cohérente. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE en partie la demande de révision; ORDONNE à l'organisme de divulguer à la demanderesse le rapport numéro BRD970821-037 en ayant, auparavant, pris soin de masquer le nom de l'opérateur ambulancier apparaissant à la deuxième ligne de la page 2; et REJETTE la demande de révision pour le reste. Québec, le 3 janvier 2001 DIANE BOISSINOT commissaire
Procureur de l'organisme : M e Yves-Albert Paquette 1. L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la Loi ». 2. L.R.Q., c. O-8.1. 3. L.R.Q., c. C-12, ci-après appelée la « Charte ». 4. Op. cit. supra note 2. Lire les articles 37, 61 et 47. La Sécurité assurances générales c. Gravel, Lorraine et Tousignant, Claude, C.Q. Québec 5. 200-02-021608-999, le 12 avril 2000, Michel Simard, j.C.Q. 6. C.Q. Montréal 500-02-068439-988, le 27 avril 2000, Michèle Pauzé, j.C.Q. 7. J.E. 98-1258.
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