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00 03 45 NIOCAN inc. ci-après appelée la « demanderesse » c. MUNICIPALITÉ D'OKA ci-après appelée « l'organisme » OBJET DU LITIGE Le 12 janvier 2000, la demanderesse s'adresse à l'organisme pour avoir, entre autres, copie de la ou des pétitions recueillies par un comité de citoyens contenant la signature d'environ 474 citoyens concernant la réouverture de la mine opérée par la demanderesse. Étant sans nouvelle du responsable de l'accès de l'organisme durant plus de 20 jours, la demanderesse formule une demande de révision du refus réputé. Le 4 février suivant, le responsable refuse néanmoins la divulgation de la pétition en cause en raison de son caractère nominatif. Une audience à ce sujet se tient en la ville de Montréal, le 14 août 2000. L'AUDIENCE LA PREUVE Les parties reconnaissent que le seul point en litige est l'accessibilité à la pétition de 31 pages contenant 435 signatures à l'appui de la position du conseil municipal de la Paroisse d'Oka (nom de la municipalité avant la fusion avec d'autres) contre l'établissement d'une mine opérée par la demanderesse, la signature d'un représentant d'une personne morale et les nom et adresse de 7 personnes ayant refusé de signer. Cette pétition est remise par l'organisme à la Commission sous pli confidentiel. Elle porte le sceau de certification de la secrétaire-trésorière adjointe de l'organisme. Le procureur de la demanderesse appelle, pour témoigner, madame Marie Daoust, secrétaire-trésorière de l'organisme depuis septembre 1999. Le procureur lui présente une copie du texte introductif apparaissant au début de chacune des pages de la pétition et lui demande s'il est identique à celui apparaissant au document en litige. Le témoin acquiesce. Ce texte est déposé sous la cote D-1 et se lit : Par la présente pétition, nous soussignés résidents de la Paroisse d'Oka, désirons confirmer notre appui au Conseil Municipal à l'effet que nous nous objectons formellement à l'établissement d'une mine dans la Paroisse d'Oka, considérant que ce projet est incompatible avec l'environnement rural et la mission agricole et résidentielle de ce secteur de la municipalité. (les auteurs ont souligné) Le procureur de la demanderesse présente ensuite au témoin un compte rendu de la pétition d'appui à la résolution du conseil municipal du 5 octobre 1998 concernant le refus du projet de mine de niobium. Elle reconnaît ce document comme faisant partie des archives de la municipalité mais ignore si ce compte rendu est le résultat du travail de la municipalité. Ce compte rendu est déposé sous la cote D-2. Elle ignore qui l'a confectionné. Elle affirme que le document en litige déposé sous pli confidentiel est le seul document que l'organisme possède et qui est susceptible de répondre à la demande d'accès. Cette pétition a été déposée à une assemblée publique du conseil de l'organisme tenue le 2 novembre 1998. Elle déclare qu'elle n'était pas présente à cette assemblée.
Le procureur de la demanderesse appelle ensuite monsieur Yvan Patry afin qu'il livre son témoignage. Monsieur Patry était maire de la Municipalité de la Paroisse d'Oka, à l'époque de la pétition. Il reconnaît les pièces D-1 et D-2. Il déclare que la pétition a été signée après une résolution du conseil municipal qui avait été adoptée le 5 octobre 1998. Il dit que le texte introductif de la pétition réfère à cette résolution du conseil qui s'opposait à l'installation de la mine de niobium. Il confirme qu'un comité mixte de citoyens et de membres du conseil municipal a été formé à sa demande et que le compte rendu déposé sous la cote D-2 a été confectionné par ce comité. Il affirme que ce n'est pas ce comité qui s'est occupé de faire circuler et signer la pétition. Il se peut, ajoute-t-il, que certains membres du comité mixte ou du conseil y ait participé mais que cela se serait fait à titre personnel. Il indique que le mandat du comité mixte de citoyens était de sonder le pouls de la population sur l'implantation de la mine de niobium. Les noms des membres de ce comité mixte apparaissent à l'en-tête du procès-verbal de la résolution adoptée à son assemblée du 22 septembre 1998 que le témoin reconnaît et qui est déposée sous la cote D-3. Cette résolution propose deux recommandations à la suite du sondage informel. Le témoin dit que le comité mixte avait alors recommandé que le conseil municipal se prononce officiellement et définitivement contre le projet de mine de Niocan. Ce qui fut fait lors de l'assemblée du conseil municipal du 5 octobre 1998 dont copie est déposée sous la cote D-4. Par la suite, précise-t-il, des citoyens sont passés de porte en porte dans les rues de la municipalité dont les habitants risquaient le plus d'être incommodés par l'installation de la mine et ont fait signer la pétition en litige qui avait pour but d'appuyer la résolution du conseil D-4. Cette pétition n'a pas été préparée à la demande du comité mixte. Toujours interrogé par le procureur de la demanderesse, monsieur Patry confirme que l'original de la pétition en litige a été remis au maire lors de l'assemblée publique du conseil municipal tenue le 12 novembre 1998 tel qu'en fait foi le procès-verbal de la résolution numéro 98-11-212 déposé sous la cote D-6. Les conseillers n'en avaient pas eu copie à ce moment. Le témoin explique que le processus de mobilisation des citoyens contre le projet de mine était commencé depuis le mois de mai 1998. Cette mobilisation avait d'ailleurs abouti à la présentation d'une première pétition de citoyens à la période de questions de l'assemblée du Conseil municipal de mai 1998 réclamant la formation d'un comité qui serait chargé d'effectuer un suivi des études environnementales sur l'ouverture de la mine. Le procès-verbal de cette assemblée est déposé sous la cote D-7. À la page 319 de ce même procès-verbal, à l'item e), le témoin souligne que le dépôt de cette première pétition avait mené le conseil à créer le fameux comité mixte par la résolution numéro 98-05-86. Le procureur de la demanderesse exhibe un extrait imprimé du site internet d'un comité de citoyens au sujet du projet minier du rang Ste-Sophie. Monsieur Patry connaît ce site et déclare que le comité qui l'a publié n'a rien à voir avec le comité mixte formé par le conseil municipal ni avec la municipalité. Il ignore si c'est ce comité qui a fait circuler la pétition en litige. Ce comité n'a pas reçu de subvention de la municipalité. La copie du site internet est déposée sous la cote D-8. Le témoin Patry croit qu'une douzaine de personnes travaillaient à la circulation de la pétition en litige et à la cueillette des signatures. Le procureur de la demanderesse appelle, enfin, monsieur Richard Faucher pour témoigner. Monsieur Faucher est président de la société demanderesse. Il affirme qu'une copie de la partie de la pétition en litige déposée sous la cote D-1 a été obtenue de la secrétaire-trésorière de l'organisme, Madame Dagenais, par un consultant de la demanderesse.
LES REPRÉSENTATIONS Le procureur de la demanderesse prétend, bien que le document en litige contienne des renseignements personnels que les personnes physiques concernées ont renoncé implicitement (1) à la confidentialité de leur identité en raison de la circulation des feuilles de la pétition qui ont été manipulées par plus ou moins vingt personnes, selon la preuve entendue et que les signataires ont pu lire, en partie du moins. On peut inférer cette même renonciation des termes employés dans le texte d'introduction de la pétition (D-2) : les signatures apposées en dessous de ce texte explicite n'exprime pas une volonté de secret ou de confidentialité. Le texte de cette pétition n'a aucun caractère de plainte mais exprime une position d'appui à une résolution du conseil municipal adoptée lors d'une assemblée publique. Enfin, cette pétition a été déposée aux archives de la municipalité et, de ce fait, est accessible à tous (2) . L'organisme s'en remet à l'interprétation que fera la Commission du caractère nominatif ou non des renseignements contenus à la pétition. DÉCISION Les dispositions pertinentes à la solution du présent litige sont les articles 53, paragraphe 1°, 54 et 171, paragraphe 1° de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (3) et 207, 208 et 209, alinéa 1 du Code municipal (4) : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o [...] 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 171. Malgré les articles 168 et 169, la présente loi n'a pas pour effet de restreindre: 1 o l'exercice du droit d'accès d'une personne à un document résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le l er octobre 1982, à moins que l'exercice de ce droit ne porte atteinte à la protection des renseignements personnels; 2 o [...] 207. Le secrétaire-trésorier doit tenir un répertoire dans lequel il indique sommairement et par ordre de date tous les rapports, procès-verbaux, actes d'accord, actes de répartition, rôles d'évaluation, rôles de perception, jugements, cartes, plans, états, avis, lettres, papiers et documents quelconques qui sont en sa possession durant
l'exercice de sa charge. 208. Les livres de comptes du secrétaire-trésorier, les pièces justificatives de ses dépenses, de même que tous les registres ou documents faisant partie des archives de la municipalité peuvent être consultés par toute personne qui en fait la demande pendant les heures habituelles de travail. 209. Le responsable de l'accès aux documents de la municipalité est tenu de délivrer à quiconque en fait la demande des copies ou des extraits de tout livre, rôle, registre ou autre document faisant partie des archives. [...] (j'ai souligné) Il n'est pas contesté que le document en litige, ayant été déposé lors d'une assemblée publique du conseil de l'organisme, fait partie de ses archives et est, en principe et de ce fait, accessible à qui en fait la demande. Cependant, le premier paragraphe de l'article 171 de la Loi, par son dernier segment de phrase, protège les renseignements nominatifs qui se trouveraient dans ce document. Il s'agit donc de déterminer si les personnes concernées par les renseignements personnels qui se trouvent consignés dans la pétition ont autorisé la divulgation de ceux-ci. La jurisprudence citée par le procureur de la demanderesse établit que le consentement à la divulgation ou la renonciation à la confidentialité peut être implicite. En effet, la Commission a jugé que la diffusion, connue de ses signataires, d'une pétition peut comporter tel consentement ou renonciation. Le caractère public ou officiel du texte d'une pétition peut être, également, un indice de la volonté que le geste d'apposer sa signature sous ce texte soit connu de tous. Les termes qui y sont employés sont donc importants dans l'appréciation de cette volonté. Également, le contexte social ou politique dans lequel s'est déroulé la cueillette des signatures devrait retenir l'attention. La pétition en cause n'est pas de la nature d'une plainte qui, habituellement, est de rédaction négative et appelle généralement une adhésion secrète. Il est question ici d'accorder son appui à un geste du conseil de l'organisme, geste qui s'est d'ailleurs posé publiquement lors d'une de ses assemblées régulières publiques. Nous voyons ici que le but affiché de la pétition est de protéger la qualité de l'environnement et le style de vie des citoyens. Cet objectif dénote des préoccupations d'ordre public et de bien-être collectif. Le texte introductif de la pétition a une connotation de geste collectif. En effet, la première personne du pluriel est employée, comme si les signataires consentaient à faire partie d'un tout, d'un mouvement. Cette pétition a circulé entre les mains de centaines de personnes qui se connaissent l'une l'autre pour la plupart puisque, selon les adresses indiquées, elles sont voisines. Chacun des signataires a donc pu voir qui parmi ses voisins avaient déjà signé et devait vraisemblablement consentir à ce que les prochains signataires puissent y lire ses nom et signature. Enfin, il faut souligner que l'objection est exprimée « formellement » en caractères gras et soulignés, ce qui colore le geste de signer cette pétition d'une teinte de solennité.
Je suis d'avis que les signataires de la pétition ont implicitement renoncé à ce que leur nom, prénom, adresse et signature demeurent confidentiels et ont consenti à ce qu'ils puissent être divulgués. Ces renseignements sont donc accessibles. Cependant, une partie de la pétition contient les nom et adresse de sept personnes, sans signature apposée à l'endroit prévu pour ce faire. Au cours de l'audience, il a été indiqué que ces personnes ont refusé de signer la pétition. Le fait que ces personnes aient été identifiées de cette façon au cours de l'audience est suffisant pour refuser l'accès à ces courtes listes. Ayant refusé de signer, ces personnes n'ont certes pas manifesté une volonté de publiciser leur geste. Au contraire. Ces renseignements sont protégés de toute divulgation par les articles 53 et 54 de la Loi. Enfin, une liste est composée d'un seul signataire qui est une personne morale. Ce renseignement n'est pas personnel et n'est pas protégé de divulgation par la Loi. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE en partie la demande de révision; et ORDONNE à l'organisme de divulguer la pétition portant la signature des 435 personnes ainsi que celle portant la signature de la personne morale. Les listes ne portant aucune signature ne devront pas être remises à la demanderesse. Québec, le 5 janvier 2001 DIANE BOISSINOT commissaire Procureur de la demanderesse : M e Daniel Chénard 1. Galipeau c. Ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, [1989] CAI 1; Gagnon c. Ministère des Affaires municipales, [1996] CAI 362; Paroisse de St-Nazaire-de-Dorchester c. Ministère des Affaires municipales, [1993] CAI 218; Veilleux c. Université du Québec à Hull, [1998] CAI 252; Alliance des professeures et professeurs de Montréal c. Commission des écoles catholiques de Montréal, [1992] CAI 284. Garneau c. Laplante, [1962] C.S. 698; Bédard c. Municipalité de St-Émile, [1986] CAI 380; Lachance c. Corporation municipale de St-Michel, [1988] CAI 269; Viel c. Ville de Rimouski, 2. [1991] CAI 218; Boilard & Boilard c. Ville de St-Romuald, [1996] CAI 184. Lire également Hétu, Jean et Duplessis, Yvon. Droit municipal - Principes généraux et contentieux. Ed. Hébert Denault. Montréal pp. 550 à 553. 3. L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la Loi ». 4. L.R.Q., c. C-27.1.
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