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99 18 83 FORGUES, Josée CATELIER, Guy JOUBERT, Marie-Josée DOYON, Francine SARRASIN, Robert DIONNE, Louise DUBÉ, Jean-Louis DESJARDINS, Marc Alain Demandeurs c. NAV CANADA Entreprise OBJET DU LITIGE Le 17 septembre 1999, les demandeurs veulent recevoir de l'entreprise copie du rapport d'enquête réalisé par M me Liliane Vallée et M. Alain Smith au sujet d'une plainte qu'ils ont déposée le 18 novembre 1998 visant un collègue de travail. Le 6 octobre 1999, l'entreprise les avise que le rapport ne peut leur être transmis parce qu'il renferme des renseignements personnels. Le 25 octobre 1999, les demandeurs acheminent à la Commission une demande pour qu'elle examine cette mésentente. Le 17 novembre 2000, une audience a lieu à Sept-Îles en présence du représentant de l'entreprise, de M mes Forgues et Dionne et de MM. Catelier, Sarrasin et Desjardins. PREUVE M. Blondin Beaulieu, responsable de l'Aéroport de Sept-Îles, fait part que l'entreprise est responsable à Sept-Îles du contrôle aérien et qu'elle offre un service consultatif ainsi qu'un service de guidage au sol. Il mentionne que 27 employés travaillent à l'entreprise de Sept-Îles. De ce nombre, il y a un groupe de 10 techniciens dont font partie les demandeurs. Il mentionne que les demandeurs ont déposé une plainte en novembre 1998 qui vise l'un des deux chefs d'équipe. Il note que la plainte prétexte d'un climat de travail devenu trop lourd. Il explique que la plainte a été transmise à son patron, M. Michel Claude, gestionnaire général pour le Québec, et que ce dernier a dépêché un conseiller pour rencontrer les demandeurs. Il confirme que M. Claude a décidé de tenir une enquête parce que la rencontre avec le conseiller, tenue en janvier 1999, s'est avérée infructueuse. Il indique que les enquêteurs désignés par l'entreprise, M me Liliane Vallée et M. Alain Smith, ont rencontré les demandeurs et ont procédé à l'analyse de la situation. Il spécifie qu'il a lui-même été interrogé sous le sceau de la confidentialité par les enquêteurs. Il rapporte que M. Claude lui a mentionné que les enquêteurs n'ont pas retenu le motif de « harcèlement », mais qu'il a toutefois été admis un problème de climat de travail chez les techniciens. Il certifie n'avoir jamais obtenu le rapport des enquêteurs
parce que l'entreprise lui en a refusé l'accès en raison de son caractère confidentiel. Le procureur de l'entreprise dépose le rapport en litige sous le sceau de la confidentialité. M. Beaulieu raconte que M. Claude a révélé aux demandeurs, lors d'une rencontre, les conclusions de l'enquête (pièce E-1) et qu'il a mandaté, en août 1999, une firme spécialisée en matière de relations de travail (la Firme) pour améliorer le climat de travail. Il fait savoir que la Firme a réalisé un constat et soumis aux demandeurs, en octobre 1999, diverses pistes de solutions pour régler les problèmes vécus par les employés. Il prétend que le climat de travail est devenu acceptable depuis cette dernière intervention. M. Beaulieu atteste que la personne concernée par le rapport a refusé que soient communiqués des renseignements le concernant, et ce, pour éviter « de faire remonter à la surface les problèmes ». Interrogé par M me Dionne, M. Beaulieu reconnaît la plainte qui a été faite par les demandeurs (pièce D-1). Il confirme avoir transmis la plainte à M. Claude. Il précise que l'intervention du conseiller externe s'est faite aux mois d'août et octobre 1999, soit après le rapport des enquêteurs. M. Catelier répond au procureur de l'entreprise qu'il veut obtenir le rapport d'enquête pour vérifier ce qui a été dit et pour connaître la version d'autres personnes. Il désire obtenir notamment les déclarations faites par MM. Samson et Beaulieu. Pour M me Dionne, les demandeurs exigent de recevoir tout le rapport. Finalement, M. Sarrasin fait valoir que les demandeurs ont décidé de faire parvenir une copie de la plainte à Ottawa parce celle-ci est demeurée un mois entre les mains de M. Claude sans qu'ils puissent obtenir de réponse. ARGUMENTS Le procureur de l'entreprise soumet que le rapport en litige traite des allégations des huit demandeurs et d'autres personnes et que les enquêteurs les analysent et en tirent des conclusions, tel que le rapporte le 4 e paragraphe du « Résumé des constatations : plainte à Sept-Îles » de la pièce E-1 : « Peu d'incidents sont récents et la capacité d'un plaignant, d'un témoin et du mis en cause de se les rappeler pose problème. Plusieurs allégations portent sur des commentaires ou des incidents survenus sans présence de témoins, ce qui veut dire que la parole d'une personne vaut celle d'une autre. » Le procureur fait remarquer que NAV Canada n'est pas un organisme public et que le rapport d'enquête en litige est un dossier qui vise et concerne un tiers et qu'il ne s'agit pas du dossier de l'un ou l'autre des huit demandeurs. Il avance que l'article 27 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (1) (ci-après appelée « la loi ») permet à un employé d'obtenir de son employeur le dossier qu'il a confectionné à son sujet, ce qui, manifestement, n'est pas la situation dans le cadre de la présente demande :
27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. Le procureur allègue que même si la Commission en arrive à la conclusion que le dossier concerne les demandeurs, ces derniers ne pourront recevoir le rapport aux termes de l'article 40 de la loi parce qu'il leur dévoilerait des renseignements personnels sur un tiers et que cette communication nuirait à ce tiers : 40. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers, à moins que ce dernier ne consente à sa communication ou qu'il ne s'agisse d'un cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. Il rappelle que les constatations contenues au rapport en litige ont été rendues publiques (pièce E-1). Il soutient que le rapport contient des renseignements personnels au sujet d'un tiers et que ce dernier n'a pas consenti à sa communication (2) . Il invoque l'article 1 de la loi et l'article 35 du Code civil du Québec pour protéger la vie privée du tiers (3) : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique à une fin d'information du public.
Code civil Art. 35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci ou ses héritiers y consentent ou sans que la loi l'autorise. M me Dionne rétorque que ce qui l'intéresse est de savoir si la pièce E-1 traduit bien l'essentiel de ce que l'on pourrait retrouver au document en litige. APPRÉCIATION Je tiens à souligner, comme je l'ai fait lors de l'audience, que je ne suis pas habilité à trancher un litige en matière de relations de travail. Sur le fond du litige, il a été reconnu que les demandeurs sont aussi les auteurs d'une plainte qui a provoqué la production du rapport en litige. Il a été démontré que la plainte vise un employé de l'entreprise qui n'est pas l'un des huit demandeurs. J'ai examiné attentivement le document en litige. Il s'agit d'un rapport qui reproduit la plainte des demandeurs (pièce D-1). Les auteurs du rapport traduisent et analysent de façon administrative les diverses situations qui ont été portées à leur attention pour en dégager une conclusion. Je note que la conclusion du rapport d'enquête est identique au document remis aux demandeurs à l'audience et intitulé « Résumé des constatations : plainte à Sept-Îles » (pièce E-1). L'article 2 de la loi définit ce qu'est un renseignements personnel : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. À mon avis, le document en litige est structuré de manière à ce qu'il soit difficile, voire impossible, de permettre l'identification de l'un ou l'autre des demandeurs ou de tiers, à l'exception de la partie des questions sont spécifiquement adressées au tiers visé par la plainte ou des documents qui sont déjà détenus par les demandeurs (pièces D-1 et E-1). Dans le présent contexte, il demeure toutefois évident que la communication de ce rapport aux demandeurs leur permettrait, au sens de l'article 2 de la loi, d'identifier plusieurs renseignements au sujet d'une autre personne physique. La preuve m'ayant convaincu de l'application de l'article 40 de la loi, les demandeurs ne pourront obtenir copie du rapport. Comme ce motif me permet de disposer du litige, je ne me prononcerai pas sur les autres arguments soumis par l'entreprise. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande d'examen de mésentente.
MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 11 janvier 2001 Pour l'entreprise : Me Éric Mongeau 1. L.R.Q., c. P-39.1. Nadeau c. Le Contrevent, [1996] C.A.I. 171; Boyer c. Casino de Montréal, [1997] C.A.I. 349; 2. X c. Albany International Canada inc., [1994] C.A.I. 261; Rauzon c. Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, décision de la Commission rendue le 5 mai 2000 dans le dossier n o 99 14 81. Chaîné c. Revere, Compagnie d'assurance-vie,[1998] C.A.I. 139; 3. Revere, Compagnie d'assurance-vie c. Chaîné, [2000] R.J.Q. 1937 (C.Q.).
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