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00 04 33 COMMUNAUTÉ URBAINE DE MONTRÉAL Requérante c. JEAN-CLAUDE BOUCHARD Intimé OBJET DU LITIGE Le 6 octobre 1999, la procureure de l'intimé réclame du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal une série de 15 documents ou renseignements qu'elle a répertoriés au rapport CM-44-791011-033 préalablement obtenu de la requérante. Le 21 février 2000, la requérante écrit à la procureure que : « La présente fait suite à votre demande d'accès du 6 octobre 1999 ainsi qu'à notre accusé de réception du 9 février 2000 concernant l'objet cité en titre. Vous trouverez ci-joint une requête que nous avons adressée à la Commission d'accès à l'information […]. Cette requête est faite en vertu de l'article 126 de la Loi sur l'accès […]. » Le 16 novembre 2000, une audience se tient à Montréal. PREUVE La procureure de l'intimé reconnaît que la requérante a reçu la demande d'accès le 9 février 2000 et qu'elle a respecté les délais prévus à la Loi sur laccès aux documents
00 04 33 - 2 -des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (ci-après appelée « Loi sur laccès » ou « la Loi ») 1 . Le procureur de la requérante soumet que la demande vise, à sa face même, plusieurs dossiers, soit cinq en réalité, qui s'étalent sur une période de près de 20 ans. Il rapporte que les dossiers renferment plusieurs types de documents, notamment des expertises, des déclarations de témoins, des notes de policiers ou des notes sténographiques. Il prétend que l'ampleur de la demande est manifestement abusive, inhabituelle et juridiquement irrecevable, la requérante ne pouvant traiter et analyser 650 documents dans le délai normal de 20 jours prévu à la loi 2 . Le procureur mentionne que la demande doit être interprétée dans le contexte de la Loi sur l'accès et non comme une requête relative à la communication de la preuve dans le cadre d'un procès criminel. Il avance que le responsable de l'accès doit se référer à la demande telle que formulée initialement, faire les recherches appropriées et vérifier si les documents existent ou non. Il attire l'attention de la Commission au point 7 de la demande qui, note-t-il, nécessite une recherche dans tous les dossiers détenus par la requérante pour vérifier si les renseignements concernant « l'arme avec Marie Guliani » existent et s'ils peuvent être communiqués. Il considère les points 10, 11, 13, 14 et 15 de la demande d'accès imprécis et vagues. Il plaide que le nombre de documents visés et la vérification de ceux-ci commandent un travail considérable. Il ajoute que la vérification du contenu de tous les documents est exigeante, particulièrement auprès des policiers, aux fins de savoir d'abord s'ils existent et, par la suite, s'ils peuvent être accessibles en vertu de la Loi sur l'accès. Il note, par exemple, que de retrouver l'information au sujet d'une automobile « duster jaune » équivaut à rechercher une aiguille qui se serait perdue dans un tas de foin. Il prétend que la demande n'est pas une réelle demande d'accès, mais plutôt un exercice comparable à celui d'une « expédition de pêche » pour essayer d'attraper des informations qui lui seraient éventuellement utiles. 1 L.R.Q., c. A-2.1. 2 Ville de Montréal c. Winters, [1989] R.J.Q. 2251 (C.Q.).
00 04 33 - 3 M. Georges Ménard, capitaine au Service de police et responsable de l'accès, évalue à cinq ou six semaines, à temps plein, le délai requis pour pouvoir retrouver, analyser et élaguer, s'il y a lieu, les 650 feuilles actuellement connues. Pour les documents touchant les événements de 1979, il souligne qu'il faut ajouter le temps nécessaire pour les repérer, communiquer avec les policiers, dont certains sont retraités, pour savoir s'il y a des notes qui ont été prises par eux et en vérifier le contenu. Il signale que le Service de l'accès est assumé par sa secrétaire et lui et qu'il traite près de 660 demandes par année. Il fait remarquer que le traitement de la présente demande équivaut à lui seul à un tiers de l'ensemble des demandes qu'il traite pendant un an. Interrogé par la procureure de l'intimé, M. Ménard lui confirme que les dossiers ont été repérés aux archives de la requérante, rue Iberville, et qu'il a reçu de ce dernier service copie des documents qui lui sont actuellement connus. La procureure indique n'avoir été informée quà laudience pour la première fois du nombre de documents que représente la demande. Elle reconnaît que la demande peut difficilement être traitée dans un délai de 20 jours. Elle soumet qu'elle peut renoncer au délai ou qu'elle peut séparer la demande et laisser à la requérante le temps qui lui est nécessaire pour pouvoir la traiter. Le procureur de la requérante annonce qu'il retire le motif au sujet du caractère répétitif de la demande. Il fait savoir que la Commission est seulement appelée à statuer si le nombre de documents en lien avec la demande justifie la requérante de ne pas en tenir compte en vertu de l'article 126 de la loi : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission.
00 04 33 - 4 La procureure soumet que le principe de l'article 9 de la loi accorde à son client le droit d'obtenir les documents qui sont détenus par la requérante : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. La Commission, selon elle, a déjà autorisé un organisme public à fournir les documents requis par un demandeur et à prendre le temps nécessaire pour le faire 3 . Elle fait part que si elle avait été informée avant l'audience du nombre de documents et du délai pour traiter la demande, elle aurait agi de façon différente. Elle considère comme un déni de justice de n'avoir été informée qu'à l'audience de cette situation. APPRÉCIATION Pour une meilleure compréhension du litige, il importe de reproduire la demande d'accès de l'intimé qui vise à obtenir copie : « 1. Les rapports policiers et d'enquête concernant Ronald Alain (1948-10-20) pour le meurtre de Robert O. Brien. à laquelle ont fait référence dans ce rapport; 2. Des rapports policiers et d'enquête portant le numéro d'événement 44 79 10 2100 4; 3. Copie des documents soumis par les corps policiers pour obtenir l'écoute électronique; 4. Transcription de l'écoute électronique; 5. Rapports policiers et d'enquête d'une plainte portant le numéro 29-780611-001 soit une plainte la même arme aurait été utilisée selon M. Jacques Antoons, expert en balistique et toute information concernant cette arme ou les projectiles obtenus dans ce dossier; 6. Rapports policiers et d'enquête d'une plainte portant le no. 29-780609-023 qui a été vérifiée par les policiers et des vérificactions subséquentes; 3 Ville de Lorraine c. Bisaillon, [1999] C.A.I. 389; Ministère de l'Emploi et de la Solidarité c. Gilbert, [1999] C.A.I. 335; Gyulai c. Ville de Montréal, [1999] C.A.I. 266; Association des locateurs de salons de jeux du Québec c. Régie des alcools, des courses et des jeux, [1999] C.A.I. 250.
00 04 33 - 5 -7. Rapports policiers, et d'enquête concernant la recherche de l'arme avec Marie Guliani en octobre 1979 ou après, déclarations, nom des enquêteurs et description de l'arme; 8. Les rapports policiers et d'enquête dans le numéro d'événements 44-790929-003 concernant une fusillade au Barachois le 29 septembre 1979; 9. La date à laquelle Madame Angèle Authier a été interrogée en 1979; 10. Toutes les déclarations écrites ou transcrites ou écrits manuscrits des policiers concernant les déclarations orales obtenues a) des frères Bouchard en 1979 ou après b) André Ouellet en 1979 ou 1980 c) Maurice Authier, le 12 octobre 1979 et toutes les vérifications qui en ont découlées; d) M. Roland Maillé., le 17 octobre 1979 et toute date subséquente ainsi que toutes les vérifications qui en ont découlées; 11. Copie des dossiers nos 97728, 179667, 158290, 122234 transmis au S.D. Laurin le 23 janvier 1980 concernant le dépistage d'un homme de race blanche, cheveux roux, ayant tatous partout sur les bras et sur le corps et dans le dos une tête de mort et toute information concernant cette description et de sa relation avec le dossier; 12. Toute vérification et documents concernant cette vérification d'une automobile «duster» jaune dans le cadre de l'enquête; 13. Identifications des policiers ayant communiqué avec l'agent Duscheneau de la Sureté du Québec le 12 octobre 1979, notes, mémos concernant cet appel et vérifications ou communications subséquentes; 14. Tout rapport policier ou d'enquête concernant les lieux visités suites aux descriptions d'endroits ou de lieux donnés par Marie Guliani en 1979 et après; 15. Tout rapport policier ou d'enquête concernant l'arme retrouvée et la chaîne de possession; (…) » (sic) À sa face même, la demande d'accès se rapporte à des enquêtes effectuées par le Service de police de la requérante et comprend, c'est le moins que l'on puisse dire, plusieurs volets. Cette demande faite en vertu de l'article 9 de la loi touche un bon nombre de documents ou sinon de nombreux renseignements. D'ailleurs, la preuve non contredite démontre que la demande couvre une période qui s'étend sur 20 ans, qu'elle concerne cinq dossiers auxquels ont été recensées de façon préliminaire 650 feuilles. M. Ménard a également déclaré qu'il n'a pu vérifier avec les
00 04 33 - 6 -policiers responsables de l'enquête si ces derniers détenaient encore des notes en relation avec la demande ou si, tout simplement, les renseignements sollicités par l'intimé, notamment aux points 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 14 de sa demande, étaient consignés dans un document détenu par la requérante. La preuve établit aussi que la nature des documents demandés impose à la requérante qu'elle puisse les vérifier pour déterminer leurs accessibilités. Il s'agit donc de déterminer si l'organisme était justifié d'invoquer l'article 126 de la loi comme il l'a fait. Dans le présent dossier, à la différence des décisions soumises par la procureure de l'intimé, nous ne sommes pas dans une situation pour décider de l'accessibilité aux états financiers dune ville ayant un caractère public 4 , ni d'une demande dont l'organisme a reconnu détenir les documents, en avoir transmis quelques-uns, mais qu'il a manqué de temps pour y répondre en raison, entre autres, d'une réorganisation administrative 5 , ni devant une absence de preuve sur le nombre de documents et le temps requis pour répondre à la demande 6 . La Commission tient à rappeler qu'une demande doit être suffisamment précise pour permettre à un organisme de retrouver les documents exigés et qu'un demandeur d'accès peut recevoir l'aide du responsable de l'accès avant de faire sa demande selon l'article 44 de la loi : 44. Le responsable doit prêter assistance, pour la formulation d'une demande et l'identification du document demandé, à toute personne qui le requiert. La preuve m'a convaincu que les points 7, 10 à 15 ne répondent pas aux prescriptions de l'article 42 de la loi et que le nombre de documents requis par la demande telle qu'elle a été formulée par l'intimé et le temps requis par l'organisme pour y répondre, selon les dires mêmes de la procureure de l'intimé, justifient l'organisme de ne pas en tenir compte : 4 Id. Id.
00 04 33 - 7 -42. La demande d'accès à un document doit, pour être recevable, être suffisamment précise pour permettre de le trouver. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la requête de la requérante de ne pas tenir compte de la présente demande d'accès; RÉSERVE à l'intimé ses droits et recours. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 16 février 2001 Procureur pour la requérante : Me Paul Quézel Procureure pour lintimé : Me Anne Hébert 5 Précitée, note 3. 6 Précitée, note 3.
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