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00 04 74 GUY LEBLANC Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 19 janvier 2000, le demandeur s'adresse à l'organisme pour obtenir copie du rapport d'enquête réalisé par MM. Marc Rivard et Marc Gingras de la Sûreté du Québec à la suite de l'interrogatoire tenu chez lui le 28 mai 1997. Le 21 janvier 2000, l'organisme en accuse réception et, le 18 février suivant, avise le demandeur qu'il ne peut lui remettre le document en vertu des articles 28, 29, 53 et 56 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la loi »). Le 12 janvier 2001, une audience a lieu à Joliette pour que soit révisée cette décision de l'organisme. LA PREUVE M e Monique Gauthier, responsable de l'accès, relate que la Sûreté du Québec a retrouvé le document remis sous pli confidentiel qui fait suite à la visite chez le demandeur de deux agents de la Sûreté du Québec le 28 mai 1997. Elle affirme que l'organisme ne détient aucun autre document que celui en litige en
00 04 74 - 2 relation avec la demande. Elle soutient que l'organisme ne peut donner le document au demandeur parce qu'il s'en trouve protégé par les 3 e , 4 e et 6 e paragraphes de l'article 28 et le 2 e alinéa de l'article 29 de la loi. Le demandeur fait valoir qu'un litige subsiste et traîne depuis plusieurs années entre la Commission de la santé et sécurité au travail (ci-après appelée « la C.S.S.T. ») et lui relativement à la reconnaissance par ce dernier organisme de réclamations qu'il a produites. Il prétend que la C.S.S.T. l'a induit en erreur, falsifié des documents, rédigé des lettres mensongères et qu'elle est malhonnête. Il ajoute que la C.S.S.T. a camouflé la vérité parce qu'elle n'a pas à son dossier plusieurs documents et rapports ou, simplement, parce qu'elle refuse de les étudier. Il signale s'être adressé, depuis 1992, à l'organisme, au président de la C.S.S.T., M. Pierre Schedleur, au Bureau de révision de l'organisme, à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (ci-après appelée « la CALP »), au Protecteur du citoyen, à l'Assemblée nationale lors de l'étude du projet de loi instituant la Commission des lésions professionnelles, au ministre du Travail de l'époque, M. Mathias Rioux, ainsi qu'au premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard. Il dépose une série de documents à l'appui de ses prétentions (pièce D-1 en liasse). La Commission accepte sous réserve de la pertinence la pièce D-1. Le demandeur explique avoir écrit au premier ministre du Québec le 20 mai 1997 pour faire valoir son point de vue. À la suite de cette intervention, il note avoir reçu la visite, le 28 mai suivant, de deux policiers de la Sûreté du Québec. Selon lui, les policiers voulaient s'enquérir s'il était une personne dangereuse pour la société. Il veut obtenir le rapport rédigé à la suite de cette intervention, mais, surtout, il veut savoir qui a requis cette visite des policiers et pourquoi. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
00 04 74 - 3 L'organisme présente une preuve ex parte selon l'article 20 des règles de preuve de la Commission 2 : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. La Commission rapporte que M. Michel Chandonnet de la Direction des enquêtes et des services de sécurité a témoigné ex parte pour faire valoir les motifs à l'appui de la non-communication du document en litige. LES ARGUMENTS Le procureur de l'organisme soutient que le document en litige ne peut être communiqué au demandeur parce qu'il renferme des renseignements qui permettraient de dévoiler un dispositif de sécurité ou révélerait une méthode d'enquête pouvant mettre en péril la sécurité de personnes, selon les 3 e , 4 e et 6 e paragraphes de l'article 28 et le 2 e alinéa de l'article 29 de la loi : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: (…) 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4 o de mettre en péril la sécurité d'une personne; (…) 6 o de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; (…) 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un 2 Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information, décret 2058-84.
00 04 74 - 4 -dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. Le procureur allègue également que le document est truffé de renseignements nominatifs protégés par l'article 53 de la loi : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. Le demandeur réplique qu'il est curieux de recevoir la visite de deux enquêteurs immédiatement après avoir écrit à des ministres. Il fait valoir l'injustice dont il a été l'objet par la C.S.S.T. dans le traitement de son dossier et prétend qu'il est légitime de sa part de réclamer une enquête publique sur la façon de faire de la C.S.S.T. APPRÉCIATION J'ai consulté les documents qui m'ont été déposés par le demandeur (pièce D-1 en liasse). Il s'agit d'un volumineux dossier qui contient plusieurs documents, répertoriés sous 28 sujets. À l'exception de six lettres que j'ai déjà au dossier, tous les autres documents de la pièce D-1 touchent directement au litige qui oppose le demandeur à la C.S.S.T. Nous y retrouvons notamment des découpures de journaux, les décisions rendues par le Bureau de révision, la CALP ou la Cour supérieure, la correspondance échangée depuis 1992 avec la C.S.S.T., le Protecteur du citoyen et les médecins. La pièce D-1 contient également une série de lettres expédiées en 1997 au ministre du Travail, au premier ministre du Québec ainsi que la transcription de l'intervention faite par le demandeur en Commission parlementaire lors de l'étude du projet de loi 79 instituant la Commission des
00 04 74 - 5 -lésions professionnelles. Finalement, plusieurs lettres récentes, de l'an 2000, sont adressées à M. Trefflé Lacombe, président de la C.S.S.T., dont la dernière est datée du 29 septembre 2000. Par cette lettre, le demandeur se plaint que M. Lacombe ne veut pas le rencontrer ni répondre à ses lettres. À l'évidence, tous les documents de la pièce D-1, bien qu'intéressants pour apprécier un contexte, ne me sont pas pertinents pour décider si le demandeur peut obtenir le document en litige en vertu de la Loi sur l'accès. Je tiens à le répéter, la Commission n'est pas le bon forum pour trancher un litige en matière de lésions professionnelles. Toutefois, la pièce D-1 me permet de rejeter la requête du demandeur qui a exigé la présence de M. Trefflé Lacombe pour aider la Commission à rendre sa décision. La correspondance du demandeur au président de la C.S.S.T. me confirme que le témoignage de M. Lacombe ne m'est aucunement utile pour trancher l'actuel litige. Sur le fond du litige, le demandeur a exercé un droit qui lui est reconnu à l'article 83 de la loi : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. L'organisme a invoqué trois dispositions prévues à la loi pour en refuser l'accès, soit les articles 28, 29 et 53 de la loi. Dans les circonstances, est-ce que le demandeur peut obtenir copie du document en litige?
00 04 74 - 6 -Il importe de signaler que si les renseignements demandés ne sont pas consignés sur un document, tel que le prévoit le 2 e alinéa de l'article 1 de la loi, un organisme n'a pas à produire un nouveau document pour satisfaire un demandeur d'accès aux termes de l'article 15 de la loi : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. L'examen du document en litige et la preuve me convainquent que le document contient plusieurs renseignements dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité au sens du 2 e alinéa de l'article 29 de la loi et, de plus, qu'il renferme plusieurs renseignements nominatifs qui ne peuvent être communiqués selon l'article 88 de la loi : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. En conséquence, le demandeur ne pourra pas obtenir le document en litige. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur.
00 04 74 - 7 -MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 22 mars 2001 M e Jean-François Boulais Procureur de l'organisme
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