00 04 89 Le 6 janvier 2000, le demandeur s’adresse à la responsable de la protection des renseignements personnels de l’organisme renseignements qu’il identifie précisément et qui sont inscrits dans un rapport de consultation médicale qui fait partie de son dossier d’usager détenu par l’organisme; le demandeur allègue que ces renseignements qui le concernent ne sont aucunement fondés. Le 11 janvier 2000, la responsable lui répond essentiellement ce qui suit :« …L’opinion du consultant médical, en l’occurrence Dr Jean-Guy Parent, lui appartient. Nous transmettons donc votre demande à ce dernier…et les résultats de cette démarche vous seront communiqués au plus tard le 30 janvier 2000.». Le 20 janvier 2000, la responsable avise le demandeur du résultat de ses démarches : • le D r Parent n’apportera aucune modification ou rectification au rapport de consultation émis; • la correspondance échangée faisant état de la demande de rectification sera incluse au dossier.X … ci-après appelé «le demandeur» c. CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE QUÉBEC ci-après appelé «l'organisme» afin d’obtenir la suppression de
00 04 89 2 Le 25 janvier 2000, le demandeur requiert de la responsable qu’elle lui communique les motifs justifiant la position du D r Parent. Ces motifs lui sont communiqués le 15 février suivant : «Après réflexion, nous ne pourrons accepter de modifier le contenu de notre consultation. Les renseignements recueillis l’ont été de bonne foi et compilés dans l’observation faite lors de notre consultation. Nos conclusions à notre plan de traitement sont appuyées sur les renseignements inclus dans l’observation et aident à l’orientation thérapeutique. Ces données sont obtenues à partir du questionnaire du patient et par consultation du dossier médical. Nous n’avons pas de raison valable de changer ce que nous pensions.». Le 28 février 2000, le demandeur soumet une demande de révision à la Commission. Avis de cette demande de révision est donné, le 24 mars 2000, par la Commission, à la responsable de la protection des renseignements personnels de l’organisme détenteur du dossier d’usager du demandeur, conformément à l’article 137 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : 137. La demande de révision doit être faite par écrit; elle peut exposer brièvement les raisons pour lesquelles la décision devrait être révisée. Avis en est donné à l'organisme par la Commission. Lorsque la demande de révision porte sur le refus de communiquer un renseignement fourni par un tiers, la Commission doit en donner avis au tiers concerné. Avis de convocation à une audition est adressé par la Commission, le 4 juillet 2000, aux 2 parties; l’audition est tenue le 18 octobre 2000, à Québec.
00 04 89 3 PREUVE : Les renseignements dont la suppression est demandée sont à nouveau identifiés par le demandeur, séance tenante, et ci-après, par un soulignement : «…X est un fumeur de 25 cigarettes par jour depuis plusieurs années. Il a été hospitalisé récemment en chirurgie suite à une fracture de côtes gauches, à la région axillaire, suite à une chute causée par la prise d’alcool… …Finalement, si un épaississement pleural résiduel devait persister, une thoracotomie avec décortication pourra être discutée mais compte tenu du contexte d’éthylisme aigu entraînant ces chutes avec traumatismes répétitifs, il m’apparaît disproportionné d’effectuer cette chirurgie majeure.» Les documents des 6, 11, 20 et 25 janvier 2000 et des 15 et 28 février 2000, précités, sont admis. L’organisme, partie au litige, est présent à l’audition pour contester cette demande de rectification. Sa procureure administre sa preuve : elle dépose le dossier intégral (O-1) du demandeur, tel qu’il est détenu par l’organisme à la date de la demande de rectification, et elle fait entendre son témoin, le D r Jean-Guy Parent, qui témoigne sous serment et qui, à titre de témoin, est assisté de sa propre procureure. Le D r Parent affirme être médecin spécialiste en pneumologie et pratiquer, depuis 1977, à l’Hôpital St-François d’Assise, qui est un établissement de l’organisme; à ce titre, mentionne-t-il, il traite les personnes souffrant de maladies du système respiratoire. Il indique effectuer de 800 à 900 consultations annuellement comme médecin spécialiste et ainsi procéder à l’évaluation de situations plus complexes qui lui sont référées par des médecins.
00 04 89 4 Il reconnaît le rapport de consultation médicale signé par lui (O-1), rapport rédigé après avoir, en sa qualité de spécialiste, évalué le demandeur à la requête d’un médecin référant, à savoir un médecin de famille ou un médecin de l’urgence de l’organisme. Il n’a cependant pas souvenir de sa première rencontre avec le demandeur, intervenue le 28 septembre 1998. Il explique par ailleurs le fonctionnement général de ses rencontres en consultation : questionnaire et examen physique du patient, ce, le dossier hospitalier complet en main, prise de notes au cours de la rencontre et rédaction du rapport de consultation à transmettre au médecin référant. Il précise rédiger ses rapports de consultation de façon contemporaine, les cas plus complexes nécessitant de 2 à 3 jours; il ajoute qu’il arrive souvent qu’il ait à revoir un patient afin de procéder à des examens complémentaires. Le D r Parent signale avoir, aux fins de son évaluation du demandeur, pris connaissance des renseignements consignés dans le dossier médical de celui-ci, notamment de ceux qui avaient été inscrits par le médecin référant, et avoir cherché à identifier les causes de la chute du demandeur. Il indique que le dossier du demandeur faisait déjà état d’observations relatives à la consommation d’alcool chez le demandeur et qu’une autre chute avait été notée à son dossier le 9 septembre 1997. Il ajoute que le dossier du demandeur révèle aussi la prise d’un puissant anxiolytique ainsi que la prescription de thiamine possiblement due à un déficit alimentaire causé par l’alcool. Il souligne avoir pris connaissance des renseignements consignés au dossier médical du demandeur «de façon contemporaine à sa rencontre avec le demandeur» pour en arriver à inscrire son opinion dans son rapport de consultation médicale du 28 septembre 1998.
00 04 89 5 Il précise que la conduite médicale recommandée par lui au médecin référant tenait compte des renseignements précités, suggérait un suivi du patient et ne recommandait pas la thoracotomie avec décortication. Contre-interrogatoire du témoin de l’organisme : Contre-interrogé par le procureur du demandeur, le D r Parent réitère ne pas particulièrement se souvenir de sa consultation médicale du 28 septembre 1998 avec le demandeur. Il réitère également avoir, aux fins de cette consultation, questionné le demandeur. Il ajoute ne pas se rappeler, de façon claire, avoir discuté du contenu du dossier médical avec le demandeur; il précise cependant que la rédaction d’un rapport de consultation médicale présuppose que le médecin questionne le patient et qu’il consulte le dossier qui le concerne. Il spécifie que son questionnaire porte sur la fonction respiratoire du patient ainsi que sur les facteurs qui influencent les problèmes respiratoires. Il indique ne pas se rappeler avoir, à l’occasion de sa consultation médicale du 28 septembre 1998, pris connaissance de documents préparés par le service d’accueil à l’urgence du Centre hospitalier Portneuf (Centre régional d’hébergement et de santé de Portneuf). Il ajoute ne pas avoir pris connaissance de ces documents lors de sa récente révision du dossier médical du demandeur. Le D r Parent réaffirme que le dossier du demandeur indiquait que celui-ci faisait usage de l’anxiolytique le plus puissant (clonazepam ou rivotril) et que la thiamine, ou vitamine
00 04 89 6 B1, qui lui avait prescrite le 1 er septembre 1998 pendant son hospitalisation chez l’organisme, est administrée aux personnes qui consomment beaucoup d’alcool et qui ont un déficit nutritionnel. Il explique que l’expression «éthylisme aigu» signifie une prise d’alcool en quantité suffisante pour entraîner des troubles du comportement; il ajoute que les gens qui sont alcooliques prennent souvent des quantités importantes d’alcool. À nouveau interrogé par la procureure de l’organisme, le D r Parent souligne que l’alcool n’atteint pas les poumons en tant que tel mais qu’il constitue un facteur que l’on vérifie dans un contexte particulier. Le témoin Parent est par la suite libéré; il quitte, accompagné de sa procureure. Le procureur du demandeur fait entendre son client qui témoigne sous serment. Le demandeur affirme être âgé de 49 ans et être à l’emploi d’un organisme gouvernemental; il mentionne y exercer, depuis septembre 1999, la fonction d’agent de recherche en planification socio-économique et y avoir exercé, à compter de septembre 1996, la fonction d’analyste en informatique et procédés administratifs, la fonction d’attaché d’administration à compter de juillet 1993 ainsi que la fonction de technicien en administration; il ajoute être à l’emploi de l’État depuis janvier 1973. Il explique, en ce qui concerne sa chute survenue le 29 août 1998 alors qu’il était à la pêche avec sa conjointe dans la réserve faunique de Portneuf, avoir perdu pied «en prenant les escaliers, jusqu’en bas», après avoir allumé les lumières, en soirée, par temps bruineux. Il précise qu’il avait préalablement commencé sa consommation d’alcool avec une «petite bière» dans la chaloupe vers 14 heures, en avoir pris une autre vers 16h30,
00 04 89 7 avoir bu un «petit verre de vin» au repas du soir et avoir apporté dans la chaloupe, pour la pêche en soirée, une «petite bière» qu’il a consommée vers 19heures ou 19h30. Il indique avoir chuté à 20h30, au retour au chalet, alors qu’il se sentait très alerte, en forme. Le demandeur mentionne avoir été transporté par ambulance parce qu’il avait le souffle «très coupé» et qu’il craignait le manque d’oxygène; il était, ajoute-t-il, seul avec l’ambulancier à qui il a fait part de ses douleurs, son épouse l’ayant suivi en automobile. Il dépose, en liasse, le rapport d’intervention préhospitalière du technicien ambulancier, le rapport d’accueil à l’urgence ainsi que le rapport de consultation externe à l’urgence du Centre hospitalier Portneuf, documents datés du 29 août 1998 (D-1). Il indique avoir marché, à son arrivée au centre hospitalier, de l’ambulance à l’accueil de l’urgence; il ajoute que les radiographies qui y ont été faites ont permis de mettre en évidence des fractures aux côtes pour lesquelles un analgésique lui a été injecté et prescrit avant qu’il ne quitte le centre hospitalier. Il mentionne que l’urgentologue qui l’a examiné ne lui a pas posé de questions relatives aux circonstances de sa chute; il précise que l’urgentologue «a fait son examen normal qu’ils font tout le temps, je suis habitué, depuis le temps, ils tâtonnent les côtes, ils regardent ton cou, ta colonne, pour voir si tout est correct, ils demandent si on a mal quelque part, on fait juste dire oui quand ça fait mal.» Le demandeur affirme avoir par la suite été traité chez l’organisme le 31 août 1998, là où un drain thoracique lui a été installé. Il précise ne pas avoir parlé des circonstances de sa chute au personnel infirmier ou aux médecins chez l’organisme; il dit croire que son épouse, qui l’accompagnait toujours, ait pu les renseigner. Il spécifie avoir fait état de son mode de vie à l’urgentologue, le D r Rouleau, qui l’a traité chez l’organisme : «ils m’ont demandé, le Dr Rouleau entre autres qui m’a accueilli à l’urgence le premier, les questions habituelles -fumez-vous ? buvez-vous ?- le tabagisme, je l’ai donné; les habitudes de consommation alcoolique, moi j’ai dit, je suis allé bien franc, pour jouer le jeu, pour qu’il me soigne adéquatement, justement parce j’étais presque pratiquement
00 04 89 8 entre la vie et la mort. Sauf que j’ai spécifié, ce sont des maximums que j’ai spécifiés au Dr Rouleau; quand je dis que je prends 3 bières et un verre de vin par jour et que les fins de semaine je m’achète un 26 onces de rhum, il faut quand même modérer ça un petit peu. Je l’avais expliqué comme il faut au Dr Rouleau; j’avais dit, écoute là, ça c’est le gros top des tops. Moi, ce qui arrive, un moment donné, c’est que je vais avoir du vin pour souper un soir et je ne prendrai pas de bière ou un moment donné, je n’ai pas de vin et je vais prendre une couple de bières; je ne dépasse jamais trois, c’est officiel, je ne suis pas capable de prendre plus que 3 bières.» Il spécifie également qu’il s’agit là d’un maximum. Il ajoute avoir pris «de la 0,5» pendant un an, pour sa santé, selon les conseils de son médecin, sans que cela ne le dérange aucunement. Le demandeur explique avoir consulté le D r Parent parce qu’il lui avait été référé pour évaluation de ses poumons. Il indique que l’entrevue s’est bien déroulée, que le D r Parent l’a questionné sur son état de santé depuis sa chute, sans l’interroger sur les circonstances de l’accident, et qu’il l’a examiné. Il spécifie, en ce qui concerne le premier renseignement dont il demande la suppression, que sa chute n’a pas été causée par la prise d’alcool; le renseignement inscrit par le D r Parent, voulant que sa chute ait été causée par la prise d’alcool, est inexact, souligne-t-il. Le demandeur dit ignorer où le D r Parent a pu prendre ce renseignement; il ajoute n’avoir jamais dit à quiconque que sa chute avait été causée par l’alcool. Le demandeur admet être tombé une première fois, d’un escabeau, en septembre 1997, dans sa propre cour, en revenant du travail, vers 17 heures, alors qu’il n’avait pas bu; il ajoute s’être rendu chez l’organisme, 2 heures plus tard, et y avoir été traité par le D r Rizzo à qui il n’a pas indiqué avoir consommé de l’alcool. Il précise ne pas avoir dit à quiconque qu’il était tombé parce qu’il avait trop bu au cours de cette visite chez l’organisme.
00 04 89 9 Il spécifie, en ce qui concerne les autres renseignements dont il demande la suppression, à savoir «(éthylisme) aigu entraînant ces chutes avec traumatismes répétitifs», que ces renseignements sont inexacts parce qu’il n’est tombé que 2 fois; il reconnaît que l’éthylisme puisse entraîner des chutes et précise que l’éthylisme n’est pas la cause de ses chutes. Le demandeur mentionne enfin avoir intenté des procédures (D-2) contre le propriétaire et gestionnaire de la réserve faunique qu’il rend responsable de sa chute du 29 août 1998 en raison, prétend-il, d’un équipement inadéquat et non sécuritaire. Contre-interrogatoire du demandeur par la procureure de l’organisme : Le demandeur affirme, en ce qui concerne le contenu du rapport d’intervention préhospitalière du technicien ambulancier (D-1), ne pas avoir dit à l’ambulancier qu’il avait consommé de l’alcool avant sa chute. La procureure de l’organisme souligne que ce rapport fait état de prise d’alcool (R.O.H.) par le demandeur. Le demandeur maintient ne pas avoir parlé d’alcool avec l’ambulancier. Il affirme ne pas avoir dit à l’infirmière de l’accueil à l’urgence du Centre hospitalier Portneuf qu’il avait pris 2 bières et un verre de vin. La procureure de l’organisme souligne que ce renseignement est inscrit dans le rapport de l’accueil à l’urgence (D-1). Le demandeur reconnaît avoir témoigné avoir pris 2 bières et un verre de vin dans les heures qui ont précédé sa chute.
00 04 89 10 Il réitère que son épouse n’était pas dans l’ambulance avec lui et qu’elle a probablement rencontré la préposée à l’accueil du Centre hospitalier Portneuf avant de le rejoindre alors qu’il était déjà avec le médecin. Il affirme avoir rencontré, le 31 août 1998, chez l’organisme, l’externe Verret ainsi que le D r Rouleau (O-1); il ajoute avoir été accompagné de son épouse à son arrivée à l’urgence. Il reconnaît avoir témoigné se rappeler avoir discuté de ses habitudes de vie avec le D r Rouleau; il maintient ne pas se rappeler avoir discuté des circonstances de sa chute avec celui-ci. Il reconnaît avoir témoigné qu’il soit possible que son épouse ait communiqué ces circonstances au D r Rouleau, celle-ci ayant été pratiquement toujours à ses côtés. Il affirme avoir probablement indiqué lui-même à l’urgentologue qu’il avait cessé de faire usage de clonazepam un an auparavant. Il affirme ne pas se souvenir de la consultation intervenue en pré-chirurgie chez l’organisme (O-1) sinon que son épouse était présente. Il ajoute que celle-ci n’était cependant pas présente lors de la consultation avec le D r Parent avec qui il s’est entretenu seul. Il précise très bien se souvenir de sa rencontre avec le D r Parent et indique se rappeler ne pas avoir parlé de ses habitudes de vie et de sa médication avec lui. Le procureur du demandeur fait entendre la conjointe de celui-ci qui témoigne sous serment. Celle-ci affirme être mariée au demandeur depuis 28 ans. Elle précise : • avoir appelé l’ambulance le 29 août 1998, à la suite de la chute du demandeur; • avoir suivi l’ambulance qui transportait son conjoint jusqu’au Centre hospitalier Portneuf; • s’être présentée à l’accueil de l’urgence de ce centre hospitalier et y avoir mentionné à la préposée que son conjoint avait fait une chute dans un escalier ce, pendant que son
00 04 89 11 conjoint était pris en charge par un médecin et une infirmière; ne pas avoir indiqué à la préposée que cette chute avait été causée par la prise d’alcool; avoir répondu, en réponse à la question «avez-vous pris quelque chose ?» qu’ils avaient pris un verre de vin en soupant, que son conjoint avait bu une bouteille de bière alors qu’elle préparait le repas et qu’il s’était apporté une bière dans la chaloupe; • avoir indiqué au médecin que son conjoint avait fait une chute dans un escalier; • avoir été présente lorsque le médecin faisait la lecture des radiographies; • que les habitudes de consommation d’alcool de son conjoint sont les suivantes : 2 à 3 bières par jour, à cause de ses pierres sur le rein et un verre de vin rouge en raison de son angine de poitrine; • que la consommation d’alcool par son mari n’a aucune influence sur leur vie de couple, leur vie familiale ou sur la vie professionnelle de celui-ci; • à son avis, son mari n’est pas un alcoolique aigu parce qu’il n’est pas un «robineux», parce qu’il ne se soûle pas. ARGUMENTATION : La preuve des parties présentes étant close, la procureure de l’organisme soumet d’abord son argumentation. Elle souligne que la responsable de la protection des renseignements personnels de l’organisme a, en cette qualité, refusé d’acquiescer à la demande de rectification après avoir consulté le D r Parent, auteur des renseignements en litige, et en avisant le demandeur du refus du D r Parent de modifier son rapport de consultation, refus dont elle a fourni les motifs ultérieurement.
00 04 89 12 Elle soumet que la Commission doit, d’une part, se prononcer sur la crédibilité des témoins. Elle rappelle à cet égard que le D r Parent a témoigné avoir rédigé son rapport après sa consultation avec le demandeur et après avoir pris connaissance du dossier d’usager de celui-ci tel qu’il était alors détenu par l’organisme, dossier comprenant notamment des renseignements relatifs à la médication du demandeur et à sa consommation habituelle d’alcool. Elle rappelle par ailleurs que le demandeur ainsi que sa conjointe ont témoigné que le demandeur avait pris de l’alcool dans les quelques heures qui ont précédé sa chute du 29 août 1998. Elle soumet que la Commission n’a pas à déterminer si le demandeur est alcoolique. Elle soumet que la Commission doit comprendre que le D r Parent a, à partir de faits objectifs, donné son opinion subjective et suggestive 1 concernant le demandeur après l’avoir rencontré et pris connaissance de son dossier médical. À son avis, le D r Parent a apporté son jugement. Elle soumet particulièrement que l’expression «éthylisme aigu» constitue l’opinion du D r Parent lorsqu’il a rédigé son rapport, opinion qui fait aussi partie de sa conduite médicale; à son avis, l’opinion du médecin ne peut être rectifiée. Elle soumet que le D r Parent n’avait aucun intérêt à inscrire des renseignements qu’il n’avait pas subjectivement déduits de l’ensemble de l’information dont il disposait, notamment des discussions avec le demandeur 2 . Le procureur du demandeur soumet pour sa part que les renseignements en litige sont inexacts. Il souligne à cet égard que la preuve démontre que le D r Parent ne se rappelle 1 J. c. Clinique Roy-Rousseau (1986) C.A.I. 129, 132. 2 Dubois c. Hôtel-Dieu de St-Jérôme (1993) C.A.I. 11; L. c. Ministère du Travail (1990) C.A.I. 318.
00 04 89 pas sa consultation avec le demandeur alors que ce dernier affirme ne pas avoir dit au D Parent que sa chute avait été causée par l’alcool.13 r
00 04 89 14 Il soumet également que les renseignements nominatifs en litige ne sont pas de nature subjective et ne constituent pas une opinion, une appréciation ou une perception des faits 3 . Il soumet particulièrement que le renseignement «causée par la prise d’alcool» constitue une affirmation relative à un fait ou à la cause d’un événement que le D r Parent ne connaît pas, non pas une perception ou une opinion. Il souligne que le D r Parent ne se souvient pas de l’entrevue. Il soumet que le renseignement «(éthylisme) aigu entraînant ces chutes avec traumatismes répétitifs» constitue aussi une affirmation inexacte relative à la cause de la chute du demandeur. Il souligne à cet égard que le rapport de consultation externe concernant la chute survenue en septembre 1997 ne comprend aucun renseignement relatif à la prise d’alcool (O-1). Le terme «aigu», soumet-il, a été choisi par le D r Parent en raison des réponses apportées par le demandeur lors du questionnaire et des renseignements inscrits dans son dossier médical qui ne comprend que 2 mentions relatives à l’alcoolisme et à ses habitudes de consommation. Il souligne que le D r Parent a témoigné que ce terme qualifie le cas où la quantité d’alcool consommé par une personne affecte son comportement. À son avis, le D r Parent a voulu indiquer un renseignement autre que celui signifié par le terme «aigu» puisque ce qualificatif signifie, selon le dictionnaire Le Petit Robert et dans un contexte de maladie, «à apparition brusque et évolution rapide (opposé à chronique)». Il soumet que les renseignements nominatifs en litige, qui selon lui ne sont pas des opinions, sont inexacts parce que, tel que l’établit la preuve non contredite, la 3 Dupuis c. Hôtel-Dieu de St-Jérôme (1999) C.A.I. 346, 351; Gravel c. Commission scolaire des Chutes-de-la-Chaudière (1995) C.A.I. 237, 246; F. c. Hôpital Général du Lakeshore (1986) C.A.I. 490, 491.
00 04 89 15 consommation d’alcool précédant la chute du demandeur ne peut avoir été la cause de celle-ci. À son avis, aucun renseignement inscrit par l’organisme ou par le Centre hospitalier Portneuf n’établit de lien entre les 2 chutes du demandeur et sa consommation d’alcool. Il soumet que la preuve relative à l’inexactitude des renseignements en litige est prépondérante. À son avis, l’organisme n’a pas prouvé l’exactitude de ces renseignements et n’a pas démontré que le rapport n’a pas à être rectifié. Il soumet spécifiquement qu’aucune preuve ne démontre que le demandeur ait indiqué que l’une ou l’autre de ses 2 chutes avait été causée par l’alcool. À son avis, le D r Parent a, de bonne foi, inscrit les renseignements inexacts dont la suppression est demandée. La procureure de l’organisme réplique que son témoin, le D r Parent, qui effectue de 800 à 900 consultations annuellement et qui a indiqué ne pas se souvenir particulièrement de sa consultation avec le demandeur, a affirmé qu’il rencontre les patients, qu’il les questionne et qu’il rédige ses rapports de façon contemporaine; à son avis, la preuve établit la façon de faire habituelle de son témoin depuis plusieurs années. Elle soumet que la preuve démontre que les renseignements dont la suppression est demandée sont des opinions faites à partir des réponses du demandeur au questionnaire et à même le contenu du dossier médical du demandeur, non pas des opinions résultant du fait que le D r Parent aurait été témoin des chutes du demandeur. Elle soumet à nouveau que son témoin a perçu chez le demandeur et analysé des éléments qui l’ont amené à rédiger un rapport subjectif.
00 04 89 16 Elle soumet spécifiquement que l’expression «éthylisme aigu» constitue un tout utilisé par son témoin pour exprimer son opinion en cette qualité; elle précise à cet égard que son témoin n’a pas indiqué que cette expression n’était pas celle qu’il entendait utiliser. À son avis, une définition du dictionnaire n’est d’aucune utilité pour interpréter l’opinion de son témoin. Elle soumet enfin que les motifs exprimés par son témoin et repris par la responsable de la protection des renseignements personnels de l’organisme dans sa note du 15 février 2000 indiquent que le D r Parent a toujours refusé de modifier son rapport de consultation. DÉCISION : La juridiction de la Commission : La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels est, dans la mesure prévue par ses articles 168 à 171, une loi prépondérante. Au chapitre de la protection des renseignements personnels, cette loi attribue à la personne concernée par des renseignements nominatifs un droit d’accès à ces renseignements ainsi qu’un droit de rectification de ceux-ci, droits dont l’exercice est régi par des règles expresses de fond (articles 83 et suivants, auxquels réfèrent les articles 38 et suivants du Code civil du Québec) et de procédure (articles 94 et suivants). La Loi sur l’accès s’applique aux documents détenus par un organisme public dans l’exercice de ses fonctions (article 1) et les établissements de santé et de services sociaux, tels ceux visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (c. S-4.2), sont des organismes publics au sens de la Loi sur l’accès (articles 3 et 7).
00 04 89 17 La Loi sur l’accès confère à la Commission la fonction d’entendre, à l’exclusion de tout autre tribunal, les demandes de révision faites en vertu de cette loi (article 122). L’article 28 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit que les articles 17 à 27 de cette loi s’appliquent malgré la Loi sur l’accès; parce que ces articles 17 à 27 ne traitent que du droit d’accès au dossier de l’usager, les dispositions de la Loi sur l’accès, relatives au tribunal dont la compétence est exclusive et à l’exercice du droit de rectification, s’appliquent nécessairement : 122. La Commission a pour fonction d'entendre, à l'exclusion de tout autre tribunal, les demandes de révision faites en vertu de la présente loi. La Commission exerce également les fonctions qui lui sont attribuées par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. 94. Une demande de communication ou de rectification ne peut être considérée que si elle est faite par écrit par une personne physique justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant, d'héritier ou de successeur de cette dernière, d'administrateur de la succession, de bénéficiaire d'assurance-vie ou comme titulaire de l'autorité parentale. Elle est adressée au responsable de la protection des renseignements personnels au sein de l'organisme public. Si la demande est adressée à la personne ayant la plus haute autorité au sein de l'organisme public, cette personne doit la transmettre avec diligence au responsable qu'elle a désigné en vertu de l'article 8, le cas échéant. 97. Le responsable doit donner au requérant un avis de la date de la réception de sa demande. Cet avis est écrit; il indique les délais prescrits pour donner suite à la demande et l'effet que cette loi attache au défaut, par le responsable, de les respecter. En outre, il informe le requérant des recours prévus par le chapitre V. 101. Le responsable rend sa décision par écrit et en transmet une copie au requérant. Elle doit être accompagnée d'un avis l'informant des recours prévus par le chapitre V et indiquant notamment les délais dans lesquels ils peuvent être exercés. 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des
00 04 89 18 renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. Le législateur a donc clairement établi la compétence exclusive de la Commission pour entendre la demande de révision de la décision qu’un responsable de la protection des renseignements personnels d’un établissement de santé ou de services sociaux a prise concernant une demande de rectification qui lui a été faite en cette qualité. Rappelons que le responsable de la protection des renseignements personnels détenus par un organisme public n’est nul autre que la personne visée par l’article 8 de la Loi sur l’accès : 8. La personne ayant la plus haute autorité au sein d'un organisme public exerce les fonctions que la présente loi confère à la personne responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels. Toutefois, cette personne peut désigner comme responsable un membre de l'organisme public ou de son conseil d'administration, selon le cas, ou un membre de son personnel de direction et lui déléguer tout ou partie de ses fonctions. Cette délégation doit être faite par écrit. Celui qui la fait doit en donner publiquement avis. La Loi sur l’accès est très claire quant à l’importance accordée par le législateur au responsable de l’accès ou de la protection des renseignements personnels ainsi qu’à la fonction qu’il lui attribue. En tant que tribunal, la Commission comprend, dans la présente affaire, que l’organisme est un organisme public au sens de l’article 3 de la Loi sur l’accès, qu’il détient, dans l’exercice de ses fonctions, le dossier d’usager du demandeur, qu’une demande de rectification d’un document compris dans ce dossier a été formulée par le demandeur à la
00 04 89 19 responsable de la protection des renseignements personnels qui, dans l’exercice des fonctions que lui a attribuées le législateur et après avoir consulté l’auteur des renseignements litigieux, a décidé de ne pas acquiescer à la demande de rectification, d’où la demande de révision de cette décision soumise à la Commission en vertu de la loi. Conformément aux dispositions de la Loi sur l’accès, la Commission a avisé l’organisme de la demande de révision et l’a convoqué à une audition. L’organisme convoqué par le tribunal était présent, c’est-à-dire dûment représenté pour contester la demande; sa procureure a administré sa preuve en choisissant de faire entendre l’auteur des renseignements en litige détenus par l’organisme, preuve visant à démontrer que le refus de la responsable était justifié et que la rectification demandée ne devait conséquemment pas être autorisée. La Commission souligne que la procureure de l’organisme avait aussi vu à la présence, à l’audition, de la responsable de la protection des renseignements personnels de l’organisme. La Commission, qui a juridiction en vertu de la loi, analyse donc la preuve qu’ont bien voulu lui soumettre les 2 parties au litige, parties convoquées, conformément à la loi, à un débat contradictoire et présentes à ce débat. Le droit applicable : Le droit de rectification du demandeur est prévu par l’article 89 de la Loi sur l’accès : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié.
00 04 89 20 Je comprends de la preuve et des arguments du demandeur que celui-ci considère que les renseignements dont il demande la suppression sont inexacts. La règle de preuve imposée par cette loi est la suivante : 90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. La preuve démontre que le D r Parent, auteur des renseignements en litige, a, en sa qualité de spécialiste expérimenté et dans sa spécialité, examiné et évalué le demandeur, à la requête d’un médecin référant. La preuve démontre que ces renseignements résultent de l’évaluation faite par le D r Parent et qu’ils constituent le fondement du plan de traitement recommandé par lui. La preuve démontre que l’évaluation effectuée par le médecin spécialiste tient notamment compte des réponses qui lui ont été données par le demandeur ainsi que des renseignements inscrits dans son dossier médical concernant ses habitudes de vie. La preuve démontre que le facteur alcool a fait l’objet d’une vérification particulière chez le demandeur, par le témoin Parent, et que le choix des mots utilisés par celui-ci dans l’inscription des renseignements en litige au dossier du demandeur a été délibéré. La preuve démontre que l’auteur des renseignements en litige, le D r Parent, à qui le demandeur a été référé par un médecin, a exprimé, en sa qualité de spécialiste et après avoir fait l’évaluation du demandeur, son opinion diagnostique ainsi que ses recommandations dans un rapport de consultation de 2 pages (O-1) en réponse au médecin référant. Le D r Parent y identifie clairement la prise d’alcool comme étant, selon lui, la cause de la chute survenue le samedi 29 août 1998 et ayant entraîné une fracture de
00 04 89 21 côtes gauches à la région axillaire; après avoir fait état des renseignements et recommandations résultant de l’ensemble de sa consultation, le D r Parent se dit finalement d’opinion qu’une chirurgie majeure déterminée pourra être discutée advenant la persistance d’une condition particulière tout en indiquant qu’il lui apparaît disproportionné d’effectuer cette chirurgie compte tenu du contexte d’éthylisme aigu entraînant ces chutes avec traumatismes répétitifs. La preuve établit que le D r Parent maintient son opinion diagnostique ainsi que ses recommandations formulées, en sa qualité de médecin spécialiste, après évaluation du demandeur. Le témoignage du D r Parent me convainc qu’il n’y a pas lieu de rectifier l’opinion qui est sienne, opinion par laquelle il exprime, entre autres, que la prise d’alcool soit la cause de la chute du demandeur survenue le 29 août 1998 et qu’il lui apparaît disproportionné d’effectuer une thoracotomie avec décortication compte tenu du contexte d’éthylisme aigu entraînant les chutes du demandeur avec traumatismes répétitifs. L’organisme a prouvé, à même le témoignage du médecin concerné, que les renseignements en litige, qui sont des éléments constitutifs de l’opinion préparée par ce médecin et maintenue par celui-ci, n’ont pas à être rectifiés. La décision de la responsable de la protection des renseignements personnels de l’organisme, dont la révision a été soumise à la Commission conformément à la loi, est, vu la preuve, fondée en droit. POUR CES MOTIFS, la Commission REJETTE la demande de révision;
00 04 89 22 ORDONNE la non-communication, par la Commission, des pièces O-1 et D-1 déposées au dossier lors de l’audition. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 23 mars 2001. Procureur du demandeur : M e Mathieu Jobin Procureure de l’organisme : M e Stéphanie Lelièvre
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