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00 10 11 MANON CHOLETTE Demanderesse c. MINISTÈRE DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 12 avril 2000, le procureur de la demanderesse s'adresse à l'organisme pour obtenir copie intégrale du dossier de sa cliente. L'organisme invoque, le 10 mai 2000, l'article 88 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la loi ») pour lui en refuser l'accès. Il précise que les renseignements qui ne lui ont pas été transmis contiennent des renseignements nominatifs qui se rapportent à « des documents reliés à un présumé conjoint ainsi qu'à trois déclarations de tiers. ». Insatisfait, le procureur de la demanderesse réclame, le 22 mai suivant, l'intervention de la Commission pour qu'elle révise cette décision de l'organisme et, le 5 février 2001, une audience a lieu à Saint-Jérôme. LA PREUVE M me Pierrette Brie, responsable de l'accès pour l'organisme, dépose la liste des documents qui ont été transmis à la demanderesse ainsi que ceux qui ne lui ont pas été remis (pièce O-1). Elle dépose également les documents en litige 1 L.R.Q., c. A-2.1.
00 10 11 - 2 -sous pli confidentiel. Elle remet séance tenante une copie intégrale des pages 29, 30, 181, 184, 195, 204 et 22. Elle soumet que les pages 31, 156 et 166 lui ont aussi été remises, masquées des renseignements nominatifs. Elle affirme qu'il n'existe plus aucun autre document en relation avec la demande. M me Brie passe en revue les renseignements en litige et souligne qu'elle en a refusé l'accès parce qu'ils renferment des adresses, des numéros de téléphone, des numéros de comptes bancaires, des numéros d'assurance sociale, des déclarations de témoins ou des renseignements d'ordre financier ou fiscal de tiers. Interrogée par le procureur de la demanderesse, M me Brie lui répond que les déclarations obtenues par l'organisme ont été faites de façon volontaire. Elle ne peut certifier si les déclarants ont été informés qu'ils pouvaient être appelés à témoigner sur leur déclaration. Elle lui mentionne que la demande d'accès est considérée en regard des informations que l'organisme détient au moment de ladite demande et c'est ce qui a été fait au sujet des pages 182 et 183 concernant l'un des enfants. LES ARGUMENTS Le procureur de l'organisme prétend que les renseignements concernant un tiers sont protégés par l'article 88 de la loi 2 : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. 2 X c. M.M.S.R., [1988] C.A.I. 180; Mori c. Ministère de la Justice, [1992] C.A.I. 146; A c. Centre hospitalier de Sherbrooke, [1990] C.A.I. 316.
00 10 11 - 3 -Il fait valoir que l'organisme est contraint de refuser l'accès aux déclarations de tiers et que le mot « vraisemblablement » de l'article 88 de la loi est interprété de façon à ce que s'il subsiste un doute à ce que soit communiqués des renseignements au sujet d'une autre personne physique 3 , ces derniers ne peuvent être transmis à la demanderesse. Le procureur de la demanderesse invite la Commission à adopter une nouvelle approche qui puisse tenir compte de l'entrée en vigueur de la nouvelle politique en matière de justice administrative. Il invoque les articles 2, 4 et 7 de la Loi sur la justice administrative 4 à l'appui de ses arguments : 2. Les procédures menant à une décision individuelle prise à l'égard d'un administré par l'Administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi, sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement. 4. L'Administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer: 1° que les procédures sont conduites dans le respect des normes législatives et administratives, ainsi que des autres règles de droit applicables, suivant des règles simples, souples et sans formalisme et avec respect, prudence et célérité, conformément aux normes d'éthique et de discipline qui régissent ses agents, et selon les exigences de la bonne foi; 2° que l'administré a eu l'occasion de fournir les renseignements utiles à la prise de la décision et, le cas échéant, de compléter son dossier; 3° que les décisions sont prises avec diligence, qu'elles sont communiquées à l'administré concerné en termes clairs et concis et que les renseignements pour communiquer avec elle lui sont fournis; 4° que les directives à l'endroit des agents chargés de prendre la décision sont conformes aux principes et obligations prévus au présent chapitre et qu'elles peuvent être consultées par l'administré. 7. Lorsqu'une situation est réexaminée ou une décision révisée à la demande de l'administré, l'autorité administrative donne à ce dernier l'occasion de présenter ses observations et, s'il y a lieu, de produire des documents pour compléter son dossier. 3 Lemieux c. M.M.S.R., [1987] C.A.I. 171; Moreau c. M.M.S.R.F.P., C.A.I. n os 93 06 14 et 93 06 14, 9 mars 1993, commissaire Comeau; Sirois c. M.M.S.R.F.P , C.A.I. no 91 04 93, 21 avril 1994, commissaire Comeau. Veilleux c. Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, C.A.I. n o 98 16 46, 28 avril 1999, commissaire Boissinot. 4 L.R.Q., c. J-3.
00 10 11 - 4 -Le procureur soutient que sa cliente a le droit de connaître les reproches qui lui sont faits et, dans les circonstances, la Commission doit pouvoir se demander s'il y a un risque réel à la communication ou de voir à l'application de l'article 14 : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. Le procureur avance que la jurisprudence doit évoluer et que la Commission ne doit pas interpréter trop restrictivement l'article 88 de la loi. Elle doit vérifier si la personne qui a complété une déclaration n'a pas, de ce fait, consenti à donner sa version des faits à sa cliente, ne serait-ce que par leurs éventuels témoignages devant le tribunal. Le procureur de l'organisme réplique qu'aucune preuve ne permet de relever de consentement de la part des déclarants et que la Loi sur la justice administrative est certes une loi cadre, mais que la Loi sur l'accès, elle, est une loi à laquelle on ne peut déroger en raison de son caractère quasi constitutionnel. Le procureur de la demanderesse rappelle que la déclaration d'un tiers joue un rôle capital en matière de contestation pour vie maritale. APPRÉCIATION La Loi sur la justice administrative a été adoptée en 1996 et comprend, aux articles 99 et suivants, la procédure à suivre en regard des trois sections qui couvrent sa juridiction. Les dérogations à la Loi sur l'accès prévues notamment aux articles 89 et 123 de la Loi sur la justice administrative ne concernent aucunement l'article 88 de la Loi sur l'accès.
00 10 11 - 5 -Loi sur la justice administrative 89. Malgré l'article 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), seule une personne autorisée par le Tribunal a droit d'accès, pour cause, à un dossier de la section des affaires sociales contenant des renseignements relatifs à la santé physique ou mentale d'une personne ou contenant des renseignements que le Tribunal estime d'un caractère confidentiel et dont la divulgation serait de nature à porter préjudice à une personne. Une personne autorisée à prendre connaissance d'un tel dossier est tenue de respecter son caractère confidentiel. Si une copie ou un extrait lui a été remis, elle doit le détruire dès qu'il ne lui est plus utile. 123. Le conciliateur ne peut être contraint de divulguer ce qui lui a été révélé ou ce dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, ni de produire un document confectionné ou obtenu dans cet exercice devant un tribunal judiciaire ou devant une personne ou un organisme de l'ordre administratif lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles. Malgré l'article 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), nul n'a droit d'accès à un document contenu dans le dossier de conciliation. À tout événement, l'article 168 de la Loi sur l'accès dispose des arguments du procureur de la demanderesse en ce qui concerne la prépondérance de la Loi sur l'accès sur celle de la Loi sur la justice administrative et, par le fait même, de la protection des renseignements personnels : 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. Les renseignements en litige (pièce O-1 en liasse) ont été identifiés par l'organisme comme suit : p. 25 : Historique de paiement du présumé conjoint; p. 28 : Extrait d'un bottin téléphonique identifiant un prestataire; p. 31 : Les parties masquées en haut à droite et l'avant-dernier paragraphe concernant le présumé conjoint;
00 10 11 - 6 - pp. 38 à 43 : Revenus de travail du présumé conjoint; pp. 61 à 66 : Fiches de salaire du présumé conjoint; pp. 67 à 134 : Déclarations des revenus du présumé conjoint; pp. 148, 149 : Déclaration; pp. 150 à 155 : Déclarations de tiers; p. 156 : Un numéro de téléphone masqué; p. 157 : Compte de Bell Canada du présumé conjoint; pp. 163 à 165 : Déclarations de tiers; p. 166 : Le numéro d'assurance sociale et un numéro de compte masqués; pp. 167 à 180 : Un relevé de Visa Desjardins concernant le présumé conjoint; pp. 182, 183 et 185 à 194 : Renseignements concernant les enfants; pp. 196 à 203 : Dossier financier du présumé conjoint; pp. 205 à 226 : Dossier de crédit du présumé conjoint; pp. 228 à 230 : Compte Vidéotron du présumé conjoint. L'article 53 de la loi nous enseigne qu'un renseignement nominatif est confidentiel : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. Les articles 54 et 56 nous apprennent que le nom d'une personne mentionné avec un renseignement la concernant est un renseignement nominatif : 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier.
00 10 11 - 7 -56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. L'examen attentif des documents en litige et la preuve m'ont convaincu que leur communication révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique. La demanderesse ne pourra donc pas les obtenir. Toutefois, la teneur des pages 185 à 194, apparaît sur la plupart de celles-ci la signature de la demanderesse, m'amène à conclure que lesdites pages peuvent lui être communiquées parce qu'elles ne lui révéleraient rien qu'elle ne sache déjà. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE en partie la demande de révision; PREND ACTE que l'organisme a donné à la demanderesse tous les documents en relation avec sa demande, à l'exception de ceux en litige; ORDONNE à l'organisme de transmettre à la demanderesse les pages 185 à 194; et REJETTE pour le reste la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 22 mars 2001 M e Ronald Rodrigue Procureur de la demanderesse
00 10 11 - 8 M e Sébastien Rochette Procureur de l'organisme
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