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00 12 44 MARTIN LÉCUYER Demandeur c. VILLE DE LASALLE Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 14 avril 2000, le demandeur a fait une demande pour consulter les documents qui sont rattachés aux fournisseurs GU034, HE054, PE088 et DU082 pour les années 1999 et 2000. Le 31 mai 2000, le demandeur reconnaît avoir obtenu les documents de l'organisme. Il prétend toutefois qu'ils sont incomplets parce qu'ils ne le renseignent pas sur la nature des dépenses. Le 5 juillet 2000, le demandeur veut que la Commission révise cette décision de l'organisme parce que celui-ci lui a signifié, le 19 juin, son refus de lui remettre les documents, et ce, en vertu des articles 53, 55, 57 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la loi ») et de l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 (ci-après appelée « la Charte »). Le 16 janvier 2001, une audience a lieu à Montréal. 1 L.R.Q., c. A-2.1. 2 L.R.Q., c. C-12.
00 12 44 - 2 LA PREUVE Le procureur de l'organisme dépose les documents qui ont été remis au demandeur le 12 mai 2000 (pièce O-1 en liasse). Il rapporte que ces documents mentionnent le motif, le montant total et la date du chèque émis à M. Pierre Guérin, chef de cabinet du maire de Ville de LaSalle. Pour les services professionnels des firmes d'avocats Dunton Rainville et Dufresne Hébert Comeau (ci-après appelées « les Firmes »), les documents renferment les informations telles que la date du chèque, le numéro de la facture et le montant total payé. Le demandeur confirme à la Commission avoir obtenu les documents de l'organisme. Le procureur fait part que le demandeur n'a pas obtenu les factures et le détail des comptes de dépenses de M. Guérin parce qu'ils comportent des renseignements nominatifs protégés par la loi. Il dit également que le demandeur n'a pas reçu les renseignements qui sont protégés par le secret professionnel en ce qui concerne les Firmes. M e Marie-France Bissonnette, responsable de l'accès, remet à la Commission sous pli confidentiel les documents identifiés comme suit : 1. Les documents attachés au chèque du 21 octobre 1999 et versés à M. Pierre Guérin : la copie du chèque, la réquisition remplie pour réclamer le montant, le formulaire de frais de déplacement et les pièces justificatives; 2. Les documents liés à la réclamation d'honoraires de la firme Dunton Rainville du 12 avril 1999 : la copie du chèque et de la réquisition et la facture de la Firme; et 3. Les documents liés à la réclamation d'honoraires de la firme Dufresne Hébert Comeau du 11 janvier 1999 : la copie du chèque et de la réquisition et la facture de la Firme.
00 12 44 - 3 Pour les autres dates que celles ci-dessus identifiées et qui sont inscrites à la pièce O-1, M e Bissonnette affirme à la Commission que les exemplaires des documents qui m'ont été remis confidentiellement correspondent au même type de documents et de renseignements que ceux qui viennent de m'être donnés. Elle certifie que statuer sur les documents en litige déterminera du sort pour tous les autres documents. M e Bissonnette atteste qu'elle a vérifié au « dossier fournisseur » et qu'il n'existe pas d'autres documents détenus par l'organisme. Elle mentionne s'être référée à la décision rendue dans Ville de Lachine c. Leclerc 3 et au projet de loi 122 4 pour ne transmettre au demandeur que les renseignements généraux, tels que la catégorie de dépenses, la date du chèque et le montant total payé par l'organisme. Interrogée par le demandeur, M e Bissonnette reconnaît que la liste qui lui a été remise ne comprend pas le chèque émis par l'organisme à la firme Dufresne Hébert Comeau en date du 3 mars 2000 (pièce D-1). Elle constate que ce dernier chèque a été fait à la Firme, en fidéicommis, pour le paiement d'un dossier réglé hors de cour. De sa compréhension, elle signale que la demande d'accès ne concernait que les honoraires des Firmes. La Commission signale que la demande était précise et non limitative, le demandeur réclamant de « consulter les documents qui sont rattachés aux fournisseurs ». La Commission décide de réserver les droits du demandeur pour tous les autres documents qui ne sont pas les honoraires des Firmes. M e Bissonnette indique que les documents en litige sont détenus par le Service des finances, mais ne sont pas soumis aux membres du conseil de la Ville ni versés aux archives. Le demandeur prétexte que M. Guérin n'est pas un employé de l'organisme, mais le chef de cabinet du maire et qu'il doit rendre des comptes. Il réitère son droit d'obtenir, à 3 [1999] C.A.I. 482 (C.Q.). 4 Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
00 12 44 - 4 -titre de citoyen, les pièces justificatives qui ont servi à rembourser les dépenses de M. Guérin et à payer les Firmes. LES ARGUMENTS Le procureur de l'organisme soutient que les renseignements au sujet de M. Guérin sont des renseignements nominatifs protégés en vertu de l'article 53 de la loi : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale ; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires ; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. Il prétend que le 4 e paragraphe de l'article 57 de la loi ne s'applique pas à M. Guérin, fonctionnaire, dit-il, n'étant pas un élu et ne s'agissant pas d'un avantage économique qui lui est octroyé ni d'un pouvoir discrétionnaire de l'organisme : 57. Les renseignements suivants ont un caractère public : 1 o le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement ; 2 o le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public ; 3 o un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat ; 4 o le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage. 5 o le nom et l'adresse d'affaires du titulaire d'un permis délivré par un organisme public et dont la détention est requise en vertu de la loi pour exercer une activité ou une profession ou pour exploiter un commerce. Toutefois, les renseignements prévus au premier alinéa n'ont pas un caractère public si leur divulgation est de nature à nuire ou à renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives, Projet de loi 122, 1 ère Session, 36 e législature (Québec).
00 12 44 - 5 -entraver le travail d'une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime. En outre, les renseignements prévus au paragraphe 2 o ne peuvent avoir pour effet de révéler le traitement d'un membre du personnel d'un organisme public. Le procureur fait remarquer que les factures en litige correspondent à des repas commandés pour des réunions du maire et qu'il ne s'agit pas de frais de représentation. Il soumet que l'article 57 doit être interprété de façon restrictive parce qu'il constitue une exception au principe énoncé à l'article 53 de la loi 5 . Il ajoute que l'on ne peut révéler les gestes quotidiens de M. Guérin, notamment quand et à quelle heure ont eu lieu ses voyages en taxi d'un lieu à un autre. Il soumet que la question de l'accessibilité aux comptes de dépenses a fait l'objet de deux décisions contradictoires par la Cour du Québec 6 . De cette controverse, il plaide que le législateur a réagi par le dépôt du projet de loi 122. Ce dernier vient modifier les renseignements qui peuvent être communiqués lors d'un remboursement d'une dépense faite par une personne dans l'exercice de ses fonctions, soit l'article 57 de la loi actuelle pour prévoir « le type de dépense, la date et le montant de cette dépense, le nombre de personnes visées par la dépense ainsi que la région elle a été faite ». Il retient de cette dernière disposition que le législateur n'a pas l'intention de donner un accès illimité aux informations relatives aux comptes de dépenses et, dans les circonstances, les renseignements fournis au demandeur sont suffisants. Le procureur invoque l'article 9 de la Charte pour ne pas communiquer le contenu des notes d'honoraires d'avocats 7 : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. 5 Ville de Lachine c. Leclerc, [1999] C.A.I. 482 (C.Q.); Université de Montréal c. Lamontagne, 1998] C.A.I. 467 (C.Q.). 6 Bourque c. Ville de Saint-Romuald, [2000] R.J.Q. 546 (C.Q.); Ville de Lachine c. Leclerc, précité, note 5; 7 Otis c. Ville de Fermont, C.A.I. n o 98 18 97, M. Paul-André Comeau, commissaire, le 17 mars 2000; Lanctôt c. Corporation municipale de Ste-Geneviève-de-Berthier, [1989] C.A.I. 350; Syndicat des employés de la Société du Palais des congrès de Montréal c. Société du Palais des congrès de Montréal, [1987] C.A.I. 149; The Gazette c. Ministère de la justice, [1994] C.A.I. 127.
00 12 44 - 6 -Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. Le procureur avance que la situation visant à déterminer si les documents sont versés aux archives est une question de droit. Il argue que les documents n'ont pas un caractère public; le conseil et les membres du conseil ne reçoivent qu'une liste et non les documents qui m'ont été remis sous pli confidentiel. Le demandeur fait valoir que la Ville est un organisme public qui a des comptes à rendre à la population, tout comme une entreprise doit le faire pour ses actionnaires. Il soumet que le projet de loi 122 n'a jamais été adopté et ne peut nous être utile dans le présent dossier. Il répète vouloir obtenir tout ce qui relie les chèques payés par l'organisme aux fournisseurs pour vérifier la raison du paiement. Le demandeur indique que la Loi sur les cités et villes 8 donne un caractère public aux renseignements en litige. Il invoque l'article 55 de la loi pour dire que si un renseignement a un caractère public, il ne peut pas être considéré comme un renseignement nominatif : 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. Le demandeur soutient qu'il ne veut pas recevoir le numéro de carte de crédit, ni une adresse personnelle, ni les dépenses qui n'ont pas été remboursées par l'organisme. Ce qu'il veut, c'est la date de la dépense, le lieu, la qualité des personnes, les motifs et l'objet de la dépense. Il prétend qu'un citoyen, comme lui, a le droit de s'interroger et de vérifier le paiement par la Ville des honoraires des avocats au montant de 46 000 $ ou de 30 000 $. Il se questionne à savoir si l'organisme peut dépenser dans les restaurants ou pour une activité politique sans droit de regard des citoyens. 8 L.R.Q., c. C-19.
00 12 44 - 7 -Le procureur réplique que l'article 102 de la Loi sur les Cités et Villes doit être lu en lien avec les articles 168, 169 et 171 de la Loi sur l'accès et que l'organisme doit protéger les renseignements personnels : 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. 169. Sous réserve de l'article 170, toute disposition d'une loi générale ou spéciale qui est inconciliable avec celles du chapitre II relatives à l'accès aux documents des organismes publics ou celles du chapitre III relatives à la protection des renseignements personnels cesse d'avoir effet le 31 décembre 1987. Il en est de même de toute disposition d'un règlement qui est inconciliable avec celles de la présente loi ou d'un règlement du gouvernement adopté en vertu de la présente loi. 171. Malgré les articles 168 et 169, la présente loi n'a pas pour effet de restreindre : 1 o l'exercice du droit d'accès d'une personne à un document résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le l er octobre 1982, à moins que l'exercice de ce droit ne porte atteinte à la protection des renseignements personnels ; 2 o la protection des renseignements personnels ni l'exercice du droit d'accès d'une personne à un renseignement nominatif la concernant, résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le ler octobre 1982 ; 3 o la communication de documents ou de renseignements exigés par le Protecteur du citoyen ou par assignation, mandat ou ordonnance d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication. Le procureur allègue qu'il faut donner un sens à l'article 169 de la loi et que la décision rendue dans l'affaire Leclerc 9 est celle qui s'accorde le mieux avec la Loi sur l'accès. Bien que nous ne soyons pas dans ce type de situation, il note que le demandeur aurait eu accès à tous les documents s'il s'agissait d'un plombier. APPRÉCIATION La Commission tient à signaler qu'elle n'entend pas s'appuyer ni commenter le projet de loi 122 actuellement en discussion et qui n'est pas encore adopté par les membres de l'Assemblée nationale. 9 Ville de Lachine c. Leclerc, précitée, note 5.
00 12 44 - 8 DOCUMENTS CONFIDENTIELS 1. Le demandeur peut-il consulter, selon sa demande et conformément à l'article 9 de la loi, les chèques, les formulaires de frais de déplacement, les pièces justificatives et les réquisitions qui ont été remplies pour réclamer le montant concernant les frais engagés par M. Pierre Guérin et remboursés par l'organisme? Les dispositions pertinentes de la Loi sur les cités et villes sont les articles 100, 102 et 114.2 : 100. 1. Le trésorier doit tenir des livres de comptes dans lesquels il inscrit, par ordre de date, les recettes et les dépenses, en faisant mention des personnes qui ont versé des deniers entre ses mains ou à qui il a fait quelque paiement. 2. Il doit obtenir et conserver les pièces justificatives de tous les paiements qu'il a faits pour la municipalité, les produire pour la vérification et l'inspection, et les déposer dans les archives de la municipalité. 3. Ces livres doivent être tenus dans la forme prescrite ou approuvée par le ministre des Affaires municipales, ou suivant le système établi par le gouvernement. 102. Les livres de comptes du trésorier et les pièces justificatives de ses déboursés peuvent être consultés durant les heures habituelles de travail, par toute personne qui en fait la demande. 114.2. Le responsable de l'accès aux documents de la municipalité est tenu de délivrer à quiconque en fait la demande des copies ou des extraits de tout livre, rôle, registre ou autre document faisant partie des archives. Toutefois, le responsable de l'accès aux documents peut, malgré l'article 171 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), refuser pour un motif prévu aux articles 21 à 27 de cette loi de donner accès à un document concernant une compagnie avec laquelle la municipalité a conclu une convention relative à l'exercice d'une de ses compétences et dont elle est actionnaire. L'article 100 n'a pas été changé depuis 1964 et la substance de l'article 102 n'a pas été modifiée 10 , mais le législateur a introduit, en 1995, à l'article 114.2 11 , la possibilité pour le responsable de l'accès de ne pas communiquer un document concernant une compagnie avec laquelle l'organisme entretient une relation d'actionnariat pour l'exercice de l'une de ses compétences. Il y est spécifiquement stipulé, ce qui n'existait pas avant, que le 10 S. R. 1964, c. 193, art. 98; 1979, c. 36, art. 64; 1987, c. 68, art. 28. 11 S. R. 1964, c. 193, art. 87; 1968, c. 55, art. 29; 1975, c. 66, art. 9; 1987, c. 68, art. 26; 1995, c. 34, art 13.
00 12 44 - 9 -responsable de l'accès peut refuser de donner les documents lorsque l'une des situations des articles 21 à 27 de la loi se présente, et ce, malgré l'article 171 de la loi. Les articles 21 à 27 se lisent comme suit : 21. Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler un emprunt, un projet d'emprunt, une transaction ou un projet de transaction relatifs à des biens, des services ou des travaux, un projet de tarification, un projet d'imposition d'une taxe ou d'une redevance ou de modification d'une taxe ou d'une redevance, lorsque, vraisemblablement, une telle divulgation : 1 o procurerait un avantage indu à une personne ou lui causerait un préjudice sérieux ; ou 2 o porterait sérieusement atteinte aux intérêts économiques de l'organisme public ou de la collectivité à l'égard de laquelle il est compétent. 22. Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient. Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Un organisme public constitué à des fins industrielles, commerciales ou de gestion financière peut aussi refuser de communiquer un tel renseignement lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement de nuire de façon substantielle à sa compétitivité. 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. 25. Un organisme public doit, avant de communiquer un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical fourni par un tiers, lui en donner avis, conformément à l'article 49, afin de lui permettre de présenter ses observations, sauf dans les cas le renseignement a été fourni en application d'une loi qui exige que le renseignement soit accessible au requérant et dans les cas le tiers a renoncé à l'avis en consentant à la communication du renseignement ou autrement. 26. Un organisme public ne peut refuser de communiquer un renseignement visé par les articles 22, 23 et 24 lorsque ce renseignement permet de connaître ou de confirmer l'existence d'un risque immédiat pour la santé ou la sécurité d'une personne ou
00 12 44 - 10 d'une atteinte sérieuse ou irréparable à son droit à la qualité de l'environnement. En pareil cas, l'organisme public peut, malgré l'article 49, rendre sa décision dès qu'il a donné au tiers l'avis requis par l'article 25. 27. Un organisme public peut refuser de communiquer un renseigne ment dont la divulgation aurait vraisemblablement pour effet de révéler un mandat ou une stratégie de négociation de convention collective ou de contrat, pendant huit ans à compter du début de la négociation. Il peut également refuser de communiquer, pendant dix ans à compter de sa date, une étude préparée en vue de l'imposition d'une taxe, d'un tarif ou d'une redevance. (soulignements ajoutés) Il faut y voir l'expression manifeste du législateur de permettre l'accès aux documents de la Ville décrits à cet article 114.2 de la Loi sur les cités et villes, sauf pour les situations prévues au 2 e alinéa de cet article. Dans notre cas, la restriction du 2 e alinéa de l'article 114.2 n'a pas été soulevée ni fait l'objet d'une preuve. Est-ce que les documents en litige font partie des archives de la Ville? M e Bissonnette a déclaré que les documents sont détenus par l'organisme au « dossier fournisseur » du Service des finances, mais qu'ils n'ont pas été soumis aux membres du conseil ni versés aux archives. À mon avis, le 2 e paragraphe de l'article 100 de la Loi sur les cités et villes est explicite et me permet de conclure que les documents font bien partie des archives : Le trésorier de l'organisme 12 « doit obtenir et conserver les pièces justificatives de tous les paiements qu'il a faits pour la municipalité, les produire pour la vérification et l'inspection, et les déposer dans les archives de la municipalité. ». Est-ce que l'organisme était justifié de refuser l'accès aux documents parce qu'ils contiennent des renseignements nominatifs? Je crois que la décision phare de la Commission sur le sujet qui nous intéresse est celle rendue par le commissaire Pierre Cyr dans l'affaire Trottier c. Loto-Québec 13 , rapportée 12 Voir notamment les articles 97 et 107 de la Loi sur les cités et villes au sujet de la nomination d'un trésorier. 13 [1996] C.A.I. 54; voir également Aspiros c. Ville de Chandler, C.A.I. n o 98 17 78, 24 février 2000, commissaire Comeau.
00 12 44 - 11 d'ailleurs par la Cour du Québec dans l'affaire Bourque 14 . Il m'apparaît opportun de reproduire un large extrait de cette décision 15 qui traite du principe énoncé à l'article 9 de la loi et de la relation entre les articles 53, 55 et 57 de la loi : « 3.3. Caractère public des renseignements Il n'est pas contesté en l'instance que les comptes de dépenses sollicités concernent des personnes qui sont membres «d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction» au sens du premier paragraphe de l'article 57 de la loi. Il s'agit de personnes nommées par le gouvernement suivant l'article 7 de la Loi sur la Société des loteries du Québec : (…) Le gouvernement fixe le traitement, les allocations ou les honoraires des membres du Conseil d'administration suivant l'article 11 de cette même loi. Au regard d'une volumineuse jurisprudence développée par la Commission depuis au delà d'une décennie, les comptes de dépenses de ces personnes ont toujours été considérés comme possédant un caractère public, qu'il s'agisse des membres des organismes gouvernementaux, municipaux, scolaires ou des établissements de santé ou de services sociaux, suivant la classification des organismes publics retenue par la loi. Au fil des ans et des circonstances propres à chaque cause, le compte de dépenses a été assimilé à un avantage économique conféré par l'organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire, aux conditions d'un contrat de service, au traitement, à la fonction et à la classification de la personne concernée, suivant la nomenclature des paragraphes 1, 3 et 4 de l'article 57 de la loi. En l'absence de preuve à l'effet contraire et devant l'ampleur des autorités jurisprudentielles en la matière, je ne saurais conclure autrement en l'instance. 3.4 Caractère non-nominatif des renseignements En plus du caractère public des comptes de dépenses, je n'arrive pas à me convaincre que ces renseignements puissent être qualifiés de renseignements personnels, nominatifs et confidentiels. Relativement au caractère nominatif d'un renseignement personnel, l'article 54 de la loi est plutôt laconique : dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. L'article 53, par ailleurs, élève le renseignement nominatif au rang de renseignement confidentiel. Suivant le sens courant et usuel des termes, est nominatif le renseignement personnel «qui nomme ; qui contient, énonce expressément le nom» ; est confidentiel, ce «qui se dit, se fait sous le sceau du secret». Encore faut-il que le renseignement en cause soit un renseignement personnel, c'est-à-dire «qui concerne une personne, lui appartient en propre». Par contre, suivant les articles 55 et 57 de la loi, n'est pas nominatif un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi. Qu'en est-il des comptes de dépenses des administrateurs publics? Dans la mesure , suivant les articles 55 et 57, le nom de ces personnes n'est pas nominatif, je vois difficilement comment leurs comptes de dépenses pourraient le devenir puisque c'est seulement par association au nom qu'une dépense particulière peut présenter un caractère nominatif. En soi, une dépense dans un lieu donné, pour un bien ou un service particulier, en un temps déterminé, n'a rien de 14 Bourque c. Ville de St-Romuald, précité, note 6, 553. 15 Trottier c. Loto-Québec, précité, note 13, 59-60.
00 12 44 - 12 -nominatif, en l'absence de l'identification de son auteur et des tiers impliqués, s'il en est. Ce qui ne veut pas dire pour autant que tout renseignement associé au nom d'un employé public possède nécessairement un caractère public. Certains renseignements personnels conservent leur caractère nominatif et confidentiel même s'ils concernent un employé de l'état. Comme l'a déjà reconnu la Commission, ainsi en est-il notamment des motifs d'absence au travail d'un employé, ses journées de vacances, l'appréciation de son travail ou son dossier disciplinaire. Ce type de renseignement m'apparaît directement rattaché à la personnalité du sujet. Dans le cas particulier des comptes de dépenses, dans la mesure ils font l'objet d'un remboursement par l'organisme, il me semble qu'ils concernent moins la personne physique de l'administrateur que la gestion même des fonds publics par l'organisme public. Peut-on raisonnablement parler de renseignements personnels relativement à des dépenses effectuées par des administrateurs publics, dans l'exercice de leur fonction publique au moyen des fonds publics! Je ne le crois pas. Enfin, l'esprit de la Loi sur l'accès et de ses promoteurs lors de son adoption, m'empêche de croire que le législateur ait voulu placer les comptes de dépenses de l'administration publique «sous le sceau du secret». Une des pierres angulaires de la Loi sur l'accès demeure la transparence de l'administration publique, condition essentielle au maintien du lien de confiance de la population envers ses institutions. » (soulignements ajoutés) L'honorable juge Daniel Lavoie, dans l'affaire Bourque 16 , énonce que: « Les articles de la Loi sur les cités et villes et cet article 171 de la Loi sur l'accès se trouvent en quelque sorte compléter, selon nous, l'article 55 de la Loi sur l'accès au chapitre de la protection des renseignements personnels. L'article 55 établit le principe qu'un renseignement personnel qui a un caractère public «en vertu de la loi» n'est pas nominatif et, par conséquent, n'est pas confidentiel au sens de l'article 53. Ces articles constituent un corpus de dispositions d' découle la règle qu'en matière de documents municipaux l'accès prime, plutôt que le contraire. » Et de poursuivre 17 : « Plutôt que de voir l'article 55 de la Loi sur l'accès comme un complément de l'article 57, nous sommes d'opinion que l'article 55 confirme le principe qu'un renseignement personnel que la loi établit comme ayant un caractère public n'est pas nominatif et n'est pas confidentiel. Dans le domaine municipal, la loi dont parle l'article 55 est certes la Loi sur les cités et villes, qui constitue une loi cadre. Un peu à l'instar de l'article 171 de la Loi sur l'accès, l'article 55 sert de trait d'union avec d'autres situations le législateur a jugé opportun d'assurer un plus grand caractère public à certains renseignements personnels. 16 Bourque c. Ville de St-Romuald, précité, note 6, 555. 17 Bourque c. Ville de St-Romuald, précité, note 6, 556.
00 12 44 - 13 -Quant à associer la vie de l'article 55 à celle de l'article 57, avec égards, cela risquerait de le rendre redondant. Par ailleurs, notre collègue suggère de résoudre la contradiction née de l'article 171 par l'article 169 de la Loi sur l'accès. En tout respect, nous ne pouvons nous rallier à cette idée, compte tenu du libellé explicite de l'article 171, lequel s'applique malgré les articles 168 et 169. » Je souscris à ces dernières décisions. Il faut préciser que les documents en litige détenus par le trésorier ne sont pas une plainte 18 ou l'un des renseignements qui sont directement reliés « à la personnalité du sujet », comme il l'est rapporté dans l'affaire Trottier 19 . Les documents réfèrent à des dépenses qui ont fait l'objet d'un remboursement par l'organisme et concernent moins la personne physique, directeur du cabinet du maire, que la personnalité publique qui gère les fonds pour l'organisme. D'ailleurs, il n'a pas été contesté que M. Guérin est le directeur de cabinet du maire de la Ville de LaSalle, qu'il a réclamé le paiement de certaines dépenses occasionnées dans le cadre de ses fonctions et que l'organisme l'a remboursé. Sur la question de savoir si M. Guérin est un fonctionnaire ou non de l'organisme, à l'exception de l'affirmation faite en ce sens par le procureur lors de son plaidoyer, la preuve ne me permet pas de statuer sur cet aspect. En outre, je constate que l'organisme n'a présenté aucune preuve qui puisse me permettre de déterminer si le remboursement effectué à M. Guérin a été fait selon une directive précise de l'organisme. J'en arrive à la conclusion, en l'espèce, à l'application du 4 e paragraphe de l'article 57 de la loi. J'ai examiné attentivement les documents en litige. Comme il l'a été énoncé, il s'agit de documents qui se rapportent à des remboursements pour repas, transport ou articles de bureaux. J'arrive difficilement à déceler ce qui appartient en propre à M. Guérin de ces diverses pièces. Est-ce que les noms d'un restaurant, d'une chaîne de taxis ou d'un commerce de ventes d'articles de bureaux, associés au paiement par M. Guérin et ce dernier remboursé par l'organisme, peuvent être considérés comme des renseignements nominatifs? Rien de la 18 Giguère c. Ville de East Angus, [1997] C.A.I. 65.
00 12 44 - 14 -preuve ne m'en convainc. Les articles 100, 102 et 114.2 de la Loi sur les cités et villes donnent un caractère public à ce type de renseignements et l'article 55 énonce, dans les circonstances, qu'il ne s'agit pas de renseignements nominatifs. De plus, le 4 e paragraphe de l'article 57 révèle qu'un avantage économique conféré à une personne par un organisme a un caractère public. Bien que le demandeur ait clairement exprimé qu'il ne voulait pas connaître « le numéro de carte de crédit, l'adresse personnelle ou les dépenses qui n'ont pas été remboursées par l'organisme », je n'ai identifié aucun de ces types de renseignements. Le demandeur pourra consulter intégralement, conformément à l'article 10 de la loi, les chèques, les réquisitions, les formulaires de remboursement et les factures en litige : 10. Le droit d'accès à un document s'exerce par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail. Le requérant peut également obtenir copie du document, à moins que sa reproduction ne nuise à sa conservation ou ne soulève des difficultés pratiques sérieuses en raison de sa forme. A la demande du requérant, un document informatisé doit être communiqué sous la forme d'une transcription écrite et intelligible. DOCUMENTS CONFIDENTIELS 2 et 3. Le demandeur peut-il consulter les factures adressées à l'organisme par les Firmes, la copie des réquisitions et des chèques faits à la suite à ces réclamations? La Commission a d'emblée accordé la protection du secret professionnel prévue à l'article 9 de la Charte aux renseignements qui permettraient de dévoiler les confidences faites aux avocats dans le cadre de la relation client-avocat. C'est ainsi qu'un demandeur s'est vu refuser l'accès aux activités accomplies de personnes rencontrées ou contactées par l'avocat, le mandat assumé 20 , l'objet du compte et la divulgation de faits confidentiels qui ne sont pas des faits de commune renommée 21 . 19 Précitée, note 13. 20 Otis c. Ville de Fermont, précité, note 7, 4. 21 Lanctôt c. Corporation municipale de Ste-Geneviève-de-Bernier, précité, note 7, 353.
00 12 44 - 15 -Cependant, ne bénéficient pas de la protection de l'article 9 de la Charte la date du compte, les noms et adresse du destinataire, le nom de l'étude, le numéro de dossier, les dates les services ont été rendus, le temps consacré, le taux horaire 22 , le détail des déboursés encourus par l'avocat et le total réclamé. De plus, j'ai observé, à la facture du 30 novembre de la firme de Dunton Rainville, qu'il existe, à sa face même, des renseignements qui concernent des organismes publics. Ces derniers renseignements ne sont pas, à mon avis, des renseignements nominatifs et revêtent un caractère public en vertu des articles 9 et 55 de la loi et de l'article 114.2 de la Loi sur les cités et villes. La lecture et la vérification des documents en litige m'amènent à conclure que le demandeur pourra consulter les chèques, les réquisitions et les factures après que l'organisme en ait masqué les parties inscrites et identifiées ci-dessous au dispositif. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE en partie la demande de révision; ORDONNE à l'organisme que le demandeur puisse consulter, au sens de l'article 10 de la loi, tous les documents en relation avec sa demande, à l'exception du type de renseignements ci-après identifiés qui devront être masqués : POUR LA FIRME DUNTON RAINVILLE : - Le numéro d'assurance sociale à la réquisition; et - La partie intitulée « Objet » à la facture. POUR LA FIRME DUFRESNE HÉBERT COMEAU : - Le numéro d'assurance sociale à la réquisition; - La partie manuscrite aux factures des 16, 19 et 22 décembre 1998; et - La partie intitulée « Objet » sur les autres factures. 22 The Gazette c. Ministère de la Justice, précitée, note 8.
00 12 44 - 16 -RÉSERVE les droits et recours du demandeur pour tout ce qui concerne les montants remboursés par l'organisme aux Firmes, à l'exception des honoraires de ces Firmes. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 7 mars 2001 M e André Comeau Procureur de l'organisme
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