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00 12 50 LOUISE CHARLEBOIS Demanderesse c. CHSLD ST-JUDE INC. Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 7 juin 2000, la demanderesse désire obtenir de l'organisme le dossier médical de sa mère. Le 15 juin 2000, l'organisme l'informe que le D r Chantal St-Yves, médecin responsable de l'unité 1, est disponible pour lui expliquer les circonstances entourant le décès de sa mère. Le 4 juillet 2000, la demanderesse requiert l'intervention de la Commission d'accès à l'information du Québec (ci-après appelée « la Commission ») pour qu'elle révise cette décision de l'organisme. Le 20 février 2001, une audience se tient à Montréal. Le 22 février suivant, la Commission reçoit de l'organisme, sous pli confidentiel, le dossier médical de feue M me Dolores Allard. LA PREUVE M. Daniel Leclerc, directeur général et responsable de l'accès, fait part que le dossier exigé par la demanderesse concerne sa mère, M me Dolores Allard, décédée le 8
00 12 50 - 2 -janvier 1999. Il affirme que la représentante légale de feue M me Allard est sa sœur, M me Marielle Allard. Il indique avoir traité la demande d'accès dans le cadre de l'article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 (ci-après appelée « Loi sur la santé ») : 23. Les héritiers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. M. Leclerc affirme avoir requis du D r Chantal St-Yves qu'elle communique avec la demanderesse, mais, malgré cette démarche relancée à deux reprises, celle-ci est demeurée infructueuse. Il a cru, à ce moment, que le dossier était réglé jusqu'à ce qu'il reçoive l'avis de convocation pour une audience de la Commission. Il a redemandé au D r St-Yves d'appeler la demanderesse mais, encore une fois, ce fut sans succès. M. Leclerc fait part qu'il n'a reçu que le 16 février 2001 copie du testament qui démontre que la demanderesse est héritière (pièce O-1 en liasse). Il note que la demanderesse ne lui annonce pas l'existence d'une poursuite judiciaire ni de fait accidentel qui justifie une telle poursuite et, qu'à sa connaissance, feue M me Allard est décédée d'une mort naturelle. Dans les circonstances, il affirme qu'il n'y a rien qui permet à l'organisme de remettre à la demanderesse le dossier médical de sa mère. 1 L.R.Q., c. S-4.2.
00 12 50 - 3 La demanderesse reconnaît que sa sœur Marielle s'occupait des biens de sa mère. Elle soutient n'avoir jamais parlé avec M. Leclerc et que l'organisme ne lui a jamais demandé copie du testament. Elle affirme ne pas avoir eu de message pour rappeler le D r St-Yves. Elle mentionne qu'elle ne voulait toutefois pas parler au médecin parce que son objectif était de faire vérifier, par un expert indépendant, si sa mère avait reçu les soins appropriés. Interrogée par la procureure de l'organisme, la demanderesse spécifie que la succession de sa mère, concernant les 15 enfants qui ont hérité, a été réglée à l'été 2000. Elle réitère que son intention n'est pas d'intenter une poursuite civile mais, s'il y a lieu, après la tenue d'une expertise indépendante, de porter plainte sur la qualité des services donnés à sa mère par l'organisme, et ce, en vertu de la Loi sur la santé. Elle atteste ne pas avoir déposé de plainte depuis janvier 1999. Elle certifie également qu'elle possède le même numéro de téléphone résidentiel depuis 20 ans. LES ARGUMENTS La procureure de l'organisme soutient que la Loi sur la santé est un régime prépondérant sur celui de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 (ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la loi ») en ce qui touche la confidentialité du dossier d'un usager, selon les articles 19 et 28 de la Loi sur la santé : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec l'autorisation de l'usager ou de la personne pouvant donner une autorisation en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions ou dans le cas la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement. Toutefois, un professionnel peut prendre connaissance d'un tel dossier à des fins d'étude, d'enseignement ou de recherche, avec l'autorisation du directeur des services professionnels ou, à défaut d'un tel directeur, avec l'autorisation du directeur général, accordée conformément aux critères établis à l'article 125 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). 2 L.R.Q., c. A-2.1.
00 12 50 - 4 -28. Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1). La procureure soumet que le 1 er alinéa de l'article 23 de la Loi sur la santé édicte que les héritiers peuvent obtenir des renseignements si ceux-ci leur sont nécessaires à l'exercice de leurs droits à ce titre, ce qui, selon elle, n'est pas notre situation. Elle signale que l'organisme ne sait pas quels sont les droits que veut faire valoir la demanderesse. Elle prétend que s'il subsistait un droit de poursuite judiciaire à faire valoir, celui-ci relèverait plutôt des 15 héritiers et pas seulement de la demanderesse. D'autant plus, signale-t-elle, que la succession est réglée depuis l'été 2000. Elle soumet que la demanderesse ne répond pas aux exigences de l'article 23 de la Loi sur la santé et qu'une simple déclaration de sa part ne justifie pas de lui remettre le dossier 3 . Elle mentionne toutefois que l'organisme n'a aucune objection à lui remettre le bulletin de santé de sa mère. La demanderesse fait part qu'elle veut obtenir le dossier de sa mère pour « confirmer ses doutes » sur les services que cette dernière a reçus de l'organisme et qu'elle n'a pas voulu rédiger une lettre accusatrice avant d'avoir obtenu confirmation de ses soupçons. La procureure réplique qu'il faut plus qu'un doute pour anéantir le droit à la confidentialité d'un dossier d'usager. Elle ajoute que le processus de plainte est lié à la personne, de son vivant, en vertu de l'article 12 de la Loi sur la santé : 12. Les droits reconnus à toute personne dans la présente loi peuvent être exercés par un représentant. Sont présumées être des représentants les personnes suivantes, selon les circonstances et sous réserve des priorités prévues au Code civil du Bas Canada: 1° le titulaire de l'autorité parentale de l'usager mineur ou le tuteur de cet usager; 2° le curateur, le tuteur, le conjoint ou un proche parent de l'usager majeur inapte; 3° la personne autorisée par un mandat donné par l'usager majeur inapte antérieurement à son inaptitude; 3 X c. Hôpital du Saint-Sacrement, [1996] C.A.I. 33.
00 12 50 - 5 -4° la personne qui démontre un intérêt particulier pour l'usager majeur inapte. APPRÉCIATION La demande d'accès originale spécifie quelle est faite en vertu de l'article 23 de la Loi sur la santé. La preuve démontre que le testament de feue M me Dolores Allard (pièce O-1) n'a pas été contesté et que la succession est réglée depuis l'été 2000, soit au moment de la demande d'accès. La preuve démontre également que la demanderesse ne veut pas obtenir communication du dossier médical de sa mère pour faire valoir ses droits d'héritière. En l'espèce, ma collègue, la commissaire Diane Boissinot, dans l'affaire X c. Hôpital du Saint-Sacrement 4 , a bien exprimé les exigences relatives à l'application de l'article 23 de la Loi sur la santé : « Les termes de l'alinéa premier de l'article 23 de la LSSS sont claires: les renseignements sont accessibles dans la mesure cette communication est nécessaire à l'exercice des droits de l'héritier qui les demande. Le critère de nécessité est plus exigeant que celui de la simple utilité; il implique que sans la communication de ces renseignements, l'héritier ne pourra vraisemblablement exercer ses droits. De plus, l'emploi des termes «exercice des droits» à la suite des mots «nécessaire à» impose logiquement qu'au moment il fait la demande, l'héritier puisse identifier ou décrire un événement, un fait ou une irrégularité qui, à sa face même, laisse raisonnablement supposer qu'il a un droit à faire valoir à ce titre, en raison de la survenance de cet événement, de cette irrégularité ou en raison de l'existence de ce fait. La simple déclaration, comme le fait le demandeur à l'instance, que la communication de ces renseignements pourrait servir à évaluer s'il a des droits à exercer tient de la simple conjecture ou de la pure hypothèse; elle n'est pas suffisante pour autoriser l'établissement à briser la confidentialité à laquelle il est tenu. » Le principe de la confidentialité du dossier médical énoncé à l'article 19 de la Loi sur la santé doit être retenu. L'exception prévue au 1 er alinéa de l'article 23 de la Loi sur la santé ne s'applique pas en la présente. 4 Id., 39.
00 12 50 - 6 -Toutefois, je suis d'avis, conformément au 2 e alinéa de l'article 23 de la Loi sur la santé, que la demanderesse peut recevoir le bulletin de santé au dossier en litige qui rapporte les causes du décès de sa mère et qui ne lui a pas été remis par l'organisme. PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE en partie la demande de révision; ORDONNE à l'organisme de remettre à la demanderesse copie du bulletin de santé versé au dossier médical en litige; et REJETTE, quant au reste, la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 26 mars 2001 M e Christiane Lepage Procureure de l'organisme
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