00 21 43 X Demanderesse c. COMMUNAUTÉ URBAINE DE MONTRÉAL Organisme L'OBJET DU LITIGE X demande, en date du 20 novembre 2000, accès au dossier d’enquête de police portant sur les circonstances du décès de son père, tué en l972. X écrit : […] « Je sollicite votre position humaniste afin d'atténuer l'incertitude et les interrogations qui m'habitent et se manifestent de temps à autre depuis maintenant 28 ans. C'est un effet psychologique que vous avez les moyens de guérir en me permettant de consulter le dossier d'enquête policière ». […] Le 29 novembre 2000, Me Denis Asselin répond, au nom de la S.P.C.U.M., qu’il ne peut lui donner accès en vertu des articles 53 et 28 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection de renseignements
00 21 43 2 personnels 1 . La demande de révision de ce refus est reçue par la Commission sur l'accès à l'information (ci-après appelée « la Commission ») le 12 décembre 2000. L’AUDIENCE L’audience a eu lieu à Montréal le 2 mars 2001. Il ressort de la preuve que la police détient un dossier, déposé sous la cote O-1, qui contient toutes les informations receuillies dans le cadre de leur enquête sur la mort d’un certain homme en 1972. La demanderesse était impliquée de près dans les évènements entourant cet homicide en tant que fille de la victime. X explique qu’elle veut savoir les raisons de la mort de son père, survenue alors qu’elle était jeune fille. C’est elle qui a découvert le corps de son père assassiné et ce meurtre n’a jamais été élucidé. Elle estime qu’elle a le droit de connaître ce qui est dans le dossier de police avec laquelle elle a déjà collaboré activement à l’époque de l’enquête. Elle affirme que pour elle c’est une question de santé physique et mentale et que si elle peut avoir accès à ces informations elle n’en parlerait à personne. Elle est prête à accepter le portrait de son père qui pourrait être révelé par le dossier et de faire équipe avec les policiers. Le procureur de la police de la C.U.M. exprime son empathie avec la demande qui relève, selon lui, d’un ordre humaniste. Il s'agit de relations entre les personnes d’une même famille et le désir de savoir la raison du décès de son père. Toutefois, le service de police, dit-il, doit se conformer à la loi en ce qui concerne la gestion de ses dossiers. X n’a pas la qualité d’héritière d’une succession et ne peut pas, 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après nommée « Loi sur l'accès » ou « la loi ».
00 21 43 3 d’ailleurs, bénéficier d’un consentement de son père défunt. De plus, il s’agit d’une enquête policière et en dévoiler le contenu pourrait causer des préjudices à des tiers. Le capitaine Georges Ménard, expert en enquêtes policières, a témoigné pour donner plusieurs exemples d’enquêtes réactivées après plusieurs années pour faire porter des accusations contre des individus. Par ailleurs, la police peut ajouter des informations au dossier de temps à autre. Le dossier en question est inactif mais n’est pas fermé définitivement. Il pourrait être réactivé à l’avenir. Selon le Code criminel, l’homicide est imprescriptible et des accusations pourraient toujours être portées contre des individus. LA DÉCISION X souhaite avoir accès d'un dossier concernant son père qui est, au sens de la loi, une tierce personne. Faute de consentement, elle doit bénéficier d'une qualité particulière. Pour savoir si elle peut y accéder, il faut examiner l’article 88.1 qui s’adresse aux cas de personnes défuntes: 88.1 Un organisme public doit refuser de donner communication d'un renseignement nominatif à l'administrateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie, à l'héritier ou au successeur de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur.
00 21 43 4 En termes très simples, X ne semble pas rentrer dans les catégories que la loi envisage. Elle n’a pas allégué que c’est en fonction du règlement d’une succession ou d’autre intérêt matériel qu’elle souhaite avoir accès et il n'y a aucune preuve à cet égard. Par ailleurs, il s’agit d’un dossier d’enquête criminelle. L’article 28 de la loi dit : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1 o d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2 o d'entraver le déroulement d'une enquête; 3 o de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4 o de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5 o de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6 o de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 7 o de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; 8 o de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9 o de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. Il en est de même pour un organisme public, que le gouvernement peut désigner par règlement conformément aux normes qui y sont prévues, à l'égard d'un renseignement que cet organisme a obtenu par son service de sécurité interne, dans le cadre d'une enquête faite par ce service et ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, susceptibles d'être commis ou commis au sein de l'organisme par ses membres, ceux de son conseil d'administration ou son personnel, lorsque sa divulgation serait susceptible d'avoir l'un des effets mentionnés aux paragraphes 1 o et 9 o du premier alinéa. J’ai pris connaissance du dossier, qui est truffé de renseignements nominatifs, voir de photos de personnes impliquées dans l’enquête. Révéler ces informations
00 21 43 5 risquerait de compromettre la confidentialité du travail policier déjà accompli et possiblement mettre en question son efficacité à l’avenir. L'article 28 trouve ici son application. C’est pour ces raisons que je dois conclure, dans les circonstances, que la requête de X pour faire la lumière sur le sort de son père ne justifie pas l’accès au dossier détenu à ce sujet par la police. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission : REJETTE la présente demande de révision. Québec, le 20 mars 2001 JENNIFER STODDART Commissaire M e Paul Quézel Procureur de l’organisme
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