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99 07 79 URA GREENBAUM Demandeur c. LE CURATEUR PUBLIC DU QUÉBEC Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 13 avril 1999, le demandeur veut obtenir de l'organisme « une copie des rapports de chaque mois en 1999 préparés par le Chef de service de L'Unité des immeubles compilant les contrats accordés pour l'entretien des immeubles appartenants aux administrés du Curateur public. » (sic). Le 12 mai 1999, l'organisme invoque les articles 51 à 53 de la Loi sur le curateur public 1 pour lui signifier que les renseignements demandés sont tirés de dossiers d'usagers qui ne peuvent être communiqués. Le 14 mai 1999, le demandeur veut que soit révisée cette décision et la Commission, le 7 février 2001, tient audience à Montréal sur le dossier. LA PREUVE M. Jean Nadeau, responsable du Service de traitement des demandes d'accès, remet les documents en relation avec la demande sous le sceau de la confidentialité. Il explique que les documents recensent pour tous les mois de l'année 1999, sous forme de tableau, les mandats confiés à des entreprises pour assurer la gestion et l'entretien des immeubles de personnes sous la responsabilité de l'organisme. Il affirme que les renseignements qui apparaissent aux tableaux
99 07 79 - 2 -sont tirés du dossier des personnes sous curatelle. Les tableaux en litige, décrit-il, sont divisés en 3 colonnes : la 1 ère colonne mentionne le numéro de dossier d' sont extraits les renseignements, la 2 e colonne indique le nom du mandataire et la 3 e colonne révèle le coût des services payés par l'organisme. M. Nadeau rappelle que l'organisme a un registre public qui contient le nom et le numéro de dossier d'une personne sous administration de l'organisme. Il soutient que la communication des documents en litige, dans les circonstances, révélerait des renseignements protégés par la Loi sur le curateur public. Il ajoute que même en masquant le numéro de dossier inscrit à la 1 ère colonne, une personne pourrait « potentiellement », avec le nom de l'entreprise mandataire, repérer l'immeuble et, par conséquent, retrouver le nom de la personne sous curatelle. Interrogé par le demandeur, M. Nadeau indique que pour la gestion d'un immeuble, il doit signifier qu'il en est gestionnaire. LES ARGUMENTS La procureure de l'organisme m'invite à utiliser l'article 130.1 de la loi parce que la Commission a déjà rejeté une demande similaire de la part du demandeur 2 : 130.1 La Commission peut refuser ou cesser d'examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire que la demande est frivole ou faite de mauvaise foi ou que son intervention n'est manifestement pas utile. 1 L.R.Q., c. C-81.
99 07 79 - 3 La procureure invoque les articles 51, 52 et 53 de la Loi sur le curateur public et l'article 2.2 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 3 (ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la loi ») : Loi sur le curateur public 51. Le dossier d'une personne que le curateur public représente ou dont il administre les biens est confidentiel. 52. Nul ne peut prendre connaissance d'un dossier maintenu par le curateur public sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens, en recevoir communication écrite ou verbale ou autrement y avoir accès si ce n'est: 1° le personnel du curateur public dans l'exercice de leurs fonctions; 2° la personne que le curateur public représente ou a représenté et celle dont il administre les biens ou leurs ayants cause ou héritiers; 3° le titulaire de l'autorité parentale de la personne que le curateur public représente, avec l'autorisation de ce dernier; 4° le conjoint, un proche parent, un allié, toute autre personne ayant démontré un intérêt particulier pour le majeur ou la personne qui a reçu une délégation du curateur public, avec l'autorisation de ce dernier; 5° le Protecteur du citoyen. Néanmoins, le curateur public peut attester qu'une personne est mineure ou sous un régime de protection et indiquer le nom du tuteur ou curateur, à la demande d'une personne intéressée. 53. Le curateur public peut refuser momentanément de donner communication à une personne qu'il représente d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale la concernant et contenu dans son dossier lorsque, de l'avis du médecin traitant, il en résulterait vraisemblablement un préjudice grave pour sa santé. Le curateur public, sur recommandation du médecin traitant, détermine le moment ce renseignement pourra être communiqué et en avise la personne qui en a fait la demande. Loi sur l'accès 2.2 L'accès aux documents contenus dans un dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens, de même que la protection des renseignements personnels contenus dans un tel dossier, sont régis par la Loi sur le curateur public. A l'égard des renseignements personnels contenus dans un tel dossier, la présente loi ne s'applique que pour permettre à la Commission d'exercer la fonction visée au 2 Greenbaum c. Curateur public, C.A.I., n o 94 16 30, 1 er septembre 1995, commissaire Miller. 3 L.R.Q., c. A-2.1.
99 07 79 - 4 -paragraphe 6 o de l'article 123 et les pouvoirs visés au paragraphe 3 o de l'article 127 et à l'article 128.1. Elle soutient que la Commission n'a pas compétence lorsqu'il s'agit de renseignements contenus dans un dossier de personnes qui sont représentées par le Curateur public et dont les biens sont gérés par l'organisme. Elle prétend que les renseignements consignés aux documents en litige ne peuvent provenir que du dossier d'un pupille. Le demandeur réplique que l'actuelle demande ne vise pas l'obtention des honoraires sur un dossier en particulier comme celle qui a fait l'objet d'une décision par la Commission le concernant 4 . Il soumet que les informations sur les immeubles sont des renseignements à caractère public. Il avance que le nom d'une entreprise choisie et payée par l'organisme public lui est accessible. Il souligne qu'il ne veut pas le nom des administrés, mais plutôt les rapports préparés par les fonctionnaires pour pouvoir vérifier si l'organisme se conforme à la réglementation en vigueur. Le demandeur soutient que l'organisme cherche à « camoufler », sous le couvert de la protection de renseignements confidentiels, les déficiences administratives du Curateur public et, de ce fait, « déforme » la Loi sur l'accès. APPRÉCIATION L'article 2.2 de la loi nous enseigne que la Loi sur le curateur public s'applique aux documents et renseignements personnels contenus dans un dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens. La Commission a conclu à l'application de l'article 2.2 dans l'affaire Greenbaum c. Curateur public 5 , parce que le demandeur voulait obtenir des renseignements consignés spécifiquement dans le dossier de sa mère dont 4 Id. 5 Précitée, note 2.
99 07 79 - 5 l'organisme administrait les biens. Cette dernière situation est très différente de la présente demande. D'une part, la preuve démontre que les documents en litige ont été confectionnés par l'organisme pour des fins administratives et qu'il s'agit, en fait, de nouveaux documents. D'autre part, aucune preuve n'établit que lesdits documents sont contenus dans un dossier d'une personne dont l'organisme administre les biens. La Commission ne peut retenir les prétentions de l'organisme concernant l'application de l'article 2.2 de la loi. En conséquence, la requête soumise par l'organisme en vertu de l'article 130.1 de la loi doit subir le même sort. Est-ce que le demandeur peut obtenir une copie intégrale des documents en litige en vertu de la Loi sur l'accès? L'article 54 de la Loi sur le curateur public et l'article 7 du règlement 6 confirment le témoignage de M. Nadeau sur le caractère public des renseignements versés aux registres de l'organisme, spécifiquement en ce qui concerne le numéro de dossier du curateur et les nom et prénom du pupille : Loi sur le curateur 54. Le curateur public doit maintenir un registre des tutelles au mineur, un registre des tutelles et curatelles au majeur, un registre des mandats homologués donnés par une personne en prévision de son inaptitude et un registre des biens sous administration provisoire, autres que ceux prévus au paragraphe 8° de l'article 24. Les registres ne contiennent que les renseignements prévus par règlement. Ces renseignements ont un caractère public. Le règlement 7. Les renseignements devant figurer sur les registres prévus à l'article 54 de la loi sont les suivants: 1° pour le registre des tutelles au mineur: a) le numéro de dossier du curateur public; b) les nom et prénoms du ou des tuteurs; c) la référence au testament, à la déclaration ou au jugement, le cas échéant, portant nomination du ou des tuteurs; d) les nom et prénoms du mineur; 2° pour le registre des tutelles ou curatelles au majeur: 6 Règlement d'application de la Loi sur le curateur public, c. C-81.
99 07 79 - 6 a) le numéro de dossier du curateur public; b) les nom et prénoms du ou des tuteurs ou curateurs; c) la nature du régime de protection; d) la date et le numéro du jugement de nomination du ou des tuteurs ou curateurs; e) les nom et prénoms du majeur; f) la nature et la date de toute modification au régime de protection; 3° pour le registre des biens sous administration provisoire: a) le numéro de dossier du curateur public et la date du début de son administration; b) la nature de l'administration provisoire; c) les nom et adresse du débiteur ou détenteur ayant remis les biens au curateur public; d) sauf dans les cas prévus à l'article 26.2 de la loi, l'identification du ou des propriétaires ou autres ayants droit connus relativement aux biens administrés, de même que leur dernière adresse ou, si elle est inconnue, l'indication du lieu de la provenance des biens; e) la description sommaire des biens, si leur propriétaire ou autre ayant droit est inconnu; 4° pour le registre des mandats homologués donnés par une personne en prévision de son inaptitude: a) le numéro de dossier du curateur public; b) les nom et prénoms du mandant; c) les nom et prénoms du mandataire; d) la date du mandat; e) la nature ou la portée du mandat; f) la date et le numéro du jugement d'homologation; g) la date de la fin du mandat, si elle est connue; h) la date et le numéro du jugement révoquant le mandat, le cas échéant. (soulignements ajoutés) L'examen des documents en litige et la preuve m'ont convaincu que les renseignements inscrits à la 2 e colonne ne concernent que des entreprises et que ceux à la 3 e colonne ne sont que les montants versés par l'organisme à ces entreprises. Je n'ai relevé toutefois, ni à la Loi sur le curateur public ni au règlement, de dispositions qui donnent un caractère public aux documents sous étude. Il faut donc se rabattre sur les articles 53, 56 et 14 de la loi pour sceller le sort des documents en litige : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors
99 07 79 - 7 -qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. La preuve ne m'a pas convaincu que le nom d'une entreprise et le montant qui lui a été versé pour un mois en particulier en 1999 peuvent permettre à une personne de connaître ou de révéler un renseignement nominatif. Je suis d'avis que le demandeur peut recevoir les documents en litige d' sera retranchée intégralement la 1 ère colonne pour empêcher, justement, d'associer une personne à un autre renseignement la concernant et lui donner ainsi un caractère nominatif. POUR CES MOTIFS , LA COMMISSION : ACCUEILLE en partie la demande de révision; et ORDONNE l'organisme de remettre au demandeur copie des documents en litige, après en avoir retranché la 1 ère colonne. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 22 mars 2001 M e Birgitta Storjohann
99 07 79 - 8 -Procureure de l'organisme
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