99 15 58 X … ci-après appelé le « demandeur » c. SOCIÉTÉ DE TRANSPORT DE LA VILLE DE LAVAL ci-après appelée « l’organisme » OBJET DU LITIGE Vers le 10 août 1999, le demandeur s’adresse à l’organisme afin que soit détruit le rapport d’expertise produit à son sujet par le docteur Marc Guérin au profit de l’organisme, telle destruction devant valoir rectification au sens de l’article 89 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . Il ajoute : Plus particulièrement et sans limiter la généralité de ce qui précède, je demande la destruction du compte-rendu de ma rencontre avec le docteur Marc Guérin, de même que tout renseignement relatif au diagnostic, à mes antécédents médicaux et psychiatriques, de même que toute référence à un traitement prescrit ou administré. En outre de tout ce qui précède, je demande que tous les documents et/ou renseignements que détient [l’organisme] à mon sujet et qui contiennent des renseignements nominatifs dont la détention, par vous, est contraire à la [Loi] et à la directive de la [Commission] (Le régime d’assurance-invalidité et la cueillette du diagnostic médical par l’employeur (1994)) soient détruits conformément à l’article 89 de la [Loi]. (les mentions entre crochets sont de la soussignée) Le 24 août 1999, le responsable de l’accès de l’organisme formule la réponse suivante : Pour donner suite à votre lettre du 10 août dernier, nous avons le regret de vous informer que nous ne pouvons effectuer les corrections relatives aux renseignements personnels qui vous concernent. En effet : Considérant que [l’organisme] (STL) a dûment convoqué son employé, monsieur le demandeur, à subir une expertise médicale auprès du Dr Marc Guérin, son mandataire, le tout, conformément aux dispositions pertinentes de la convention collective le liant ; Considérant que le demandeur connaissait le cadre dans lequel intervenait ladite expertise et qu’il savait que celle-ci était initiée à la demande de l’employeur, la STL ; 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l'accès » ou « la Loi ».
99 15 58 2 Considérant que le demandeur a dûment été informé que le rapport de l’évaluation psychiatrique préparé par le Dr Guérin dans le cadre de son expertise serait transmis[] à la [STL], à l’attention de M e Marc-André Vigeant, directeur du Service des ressources humaines, et qu’il a autorisé cette transmission par écrit ; Considérant que la STL avait demandé au Dr Marc Guérin, dans le cadre global de son expertise, ses observations et ses recommandations dont les conclusions devaient permettre d’établir un diagnostic, la nécessité des traitements prescrits et administrés ainsi qu’une date prévisible de retour au travail pour le demandeur ; Considérant les règles applicables à l’expertise médicale et compte tenu de la demande de la STL au Dr Guérin, le document en litige devait nécessairement contenir des renseignements précis et détaillés ; Considérant que l’expertise médicale est essentiellement constituée de renseignements communiqués par le demandeur et le concernant, renseignements dont l’exactitude n’a aucunement été contestée ; Considérant que la STL est fondée à recueillir les documents en litige puisqu’ils sont nécessaires, selon les dispositions de la convention collective relatives à l’indemnisation des salariés durant leur absence, autrement dit, ils sont nécessaires à l’exercice des attributions de la STL ou à la mise en œuvre d’un programme dont elle a la gestion ; Considérant que l’expertise médicale était nécessaire à la STL, en tant qu’employeur, puisqu’elle devait connaître l’état de santé du demandeur pour vérifier le motif de son absence et contrôler la nature et la durée de l’invalidité de ce dernier, ceci afin de gérer adéquatement son absence ainsi que son retour au travail ; Considérant l’article 18, paragraphe 5, ainsi que l’article 53 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[ 2 ] ; Considérant que la confidentialité du dossier du demandeur est assurée et préservée ; En conséquence, le document en litige n’a pas à être rectifié. (les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) Le 16 septembre 1999, le demandeur requiert la Commission de réviser cette décision estimant que la collecte, la communication ou la conservation des renseignements visés n’est pas autorisée par la loi, entre autres n’est pas autorisée par l’article 64 de la Loi sur l’accès. Le demandeur requiert donc la destruction des renseignements en cause. Une audience se tient le 26 juin 2000, par téléconférence, et les 11 et 14 décembre 2000 aux bureaux de la Commissions sis en la ville de Montréal. 2 L.R.Q., c. P-39.1, ci après appelée la « Loi sur le privé ».
99 15 58 3 L’AUDIENCE LA PREUVE D’emblée, les parties conviennent que le litige se limite à la destruction de deux documents, savoir : 1) Le rapport de l’expertise psychiatrique du demandeur effectuée par le docteur Marc Guérin le 24 mars 1998, signé par ce dernier et daté du 26 mars 1998. Ce rapport est déposé par l’organisme, avec l’accord du demandeur, sous la cote O-1. 2) Le rapport de l’expertise psychiatrique du demandeur effectuée par le docteur Marc Guérin le 15 juillet 1998, signé par ce dernier et daté du 17 juillet 1998. Ce rapport est déposé par l’organisme, avec l’accord du demandeur, sous la cote O-2. À la demande du procureur du demandeur et avec l’accord de la procureure de l’organisme, la Commission frappe immédiatement les pièces O-1 et O-2 d’une ordonnance de non-publication, non-divulgation et de non-diffusion par la Commission. Également, le procureur du demandeur, dépose, avec l’accord de la procureure de l’organisme, les pièces présentées à l’appui de la demande de révision, savoir : D-1 Le rapport du 5 juillet 1999 signé par l’analyste de la Commission, monsieur Laurent Bilodeau, dans les dossiers de plainte numéros 98 14 80 et 98 15 75; D-2 La demande de rectification en cause libellée le 10 août 1999 ; et D-3 La réponse du responsable sous examen, datée du 24 août 1999. TÉMOIGNAGE DE M E MARC-ANDRÉ VIGEANT Le procureur de l’organisme appelle, pour témoigner, M e Marc-André Vigeant, le directeur des ressources humaines de l’organisme. Après avoir expliqué ses rôle et fonction au sein de l’organisme, il dépose, sous la cote O-3, un extrait de la convention collective régissant les relations de travail entre le demandeur et l’organisme du 1 er août 1994 au 31 juillet 1999, plus particulièrement son article 30 intitulé « INDEMNITÉ EN CAS DE MALADIE ».
99 15 58 4 Le témoin explique les mécanismes de l’assurance salaire en cas de maladie. Les trois premiers jours d’absence sont débités à même la banque de journées de maladie offertes par l’employeur. À compter de la quatrième journée jusqu’à la fin de la 26 ième semaine d’absence, l’employeur assume les coûts de l’assurance, c’est-à-dire verse à l’employé malade 85% de son salaire. C’est l’assurance salaire « court terme ». À compter de la 27 ième semaine d’absence, l’assureur prend le relais. Pendant une période de 104 semaines, l’assureur paie à l’employé une indemnité égale à 57 % du salaire régulier. C’est l’assurance salaire de « longue durée ». Pour les événements qui nous occupent, le témoin précise qu’ils sont survenus pendant la période d’assurance salaire de « court terme ». En sa qualité de directeur des ressources humaines, il a la responsabilité de traiter, pour l’employeur, les demandes d’indemnités des employés en collaboration avec le Service de santé de l’organisme. Ce dernier service emploie une infirmière à plein temps, madame Linda Lafontaine et un médecin désigné, le docteur Réginald Roy à l’époque. Le docteur Roy consacrait six heures semaines à l’organisme. Le témoin présente la suite des procédures d’assurance « court terme » que doit suivre l’employé et qui sont prévues aux articles 30.06 et 30.07 de la convention collective. Il mentionne, entre autres, que l’employé doit, pour justifier son absence, fournir à l’infirmière un certificat médical de son médecin traitant. Un dossier d’absence est alors ouvert au Service de santé de l’organisme afin que l’employé puisse bénéficier des indemnités auxquelles il a droit. Le témoin rappelle que l’employeur a le droit de faire examiner l’employé par son médecin, ce à quoi se soumet le demandeur. Le docteur Roy le rencontre, évalue le dossier et confirme l’invalidité. M e Vigeant reçoit, pour le suivi de son dossier, les recommandations du docteur Roy et le demandeur est sous indemnité. Le témoin Vigeant n’intervient pas, en principe, dans la gestion du dossier du Service de santé. Cependant, il précise qu’à l’occasion de problèmes litigieux ou d’autres problèmes particuliers, il lui arrive de poser certains gestes. Par exemple, il peut discuter avec le Service de santé de l’opportunité de référer le cas à un médecin expert externe, lorsqu’il y a besoin de vérifier la justification de l’absence, la nature des traitements ou d’avoir une idée plus précise de la date du retour probable au travail. Il est fréquent d’avoir recours à ce type d’expertise en orthopédie ou en psychiatrie, ajoute-il.
99 15 58 5 Le témoin est d’avis que le médecin expert externe est, tout comme le médecin du Service de santé, « le médecin de l’organisme » au sens de l’article 30.07 de la convention collective. M e Vigeant continue son témoignage. Le demandeur s’est absenté pour maladie à la mi-février 1998 et, vers la fin de février, l’infirmière, après consultation avec le docteur Roy, fait état au témoin du caractère sérieux de l’absence. Une expertise par un psychiatre s’avérait nécessaire aux yeux du service de santé, ce qui, selon le témoin, n’est pas exceptionnel. M e Vigeant a donc rédigé, le 16 mars 1998, un mandat écrit à l’attention du psychiatre Marc Guérin en ces termes : Dans le cadre de votre expertise, auriez-vous l’obligeance de nous transmettre vos observations et recommandations sur les aspects suivants : 1. Diagnostic 2. Nécessité de traitements prescrits et administrés 3. Date prévisible de retour au travail Ce mandat est déposé par le témoin sous la cote O-5. Au même moment, le témoin fait parvenir au demandeur un avis de se présenter chez le docteur Guérin aux lieu, jour et heure y mentionnés, avis dont copie est déposée sous la cote O-6. Le demandeur se présente chez le docteur Guérin et se soumet à l’expertise. L’expertise O-1 est, par la suite, acheminée au bureau du témoin par le docteur Guérin. Le témoin en prend connaissance et le fait suivre au Service de santé qui le conserve dans le dossier d’absence ouvert par l’infirmière. Le témoin Vigeant déclare que son service examine l’expertise avec le Service de santé afin de décider si l’absence est justifiée ou non et s’il est opportun de déclencher le mécanisme d’arbitrage médical prévu à l’article 30.07 B) de la convention collective. Ce mécanisme ne fut pas enclenché parce que l’expertise concluait que l’absence était justifiée. Le demandeur a donc continué de recevoir ses prestations d’invalidité. Le témoin dit qu’une deuxième expertise a été demandée après cinq mois d’absence afin de faire le suivi que le docteur Guérin recommandait d’ailleurs dans son premier rapport. Le demandeur a été convoqué, puis s’est présenté chez le docteur Guérin le 15 juillet 1998. Cette expertise a fait l’objet du rapport daté du 17 juillet 1998 déposé sous la cote O-2. Encore une fois, le témoin en prend connaissance, puis l’achemine au service de santé, qui le verse au dossier médical du demandeur. Le docteur Guérin y prévoit un retour au travail à compter du 8 septembre suivant. Le témoin dit qu’il doit prendre connaissance de ce rapport afin de connaître la date envisagée de retour au travail. Son rôle est de gérer ce
99 15 58 6 retour et il doit voir à ce qu’il se fasse conformément aux recommandations du médecin. Le témoin Vigeant déclare qu’il existait des problèmes purement administratifs qui, si on n’y faisait pas attention, risquaient de nuire à un retour harmonieux du demandeur au travail. Il explique le contexte auquel il réfère. À son retour au travail, le demandeur a requis, et finalement obtenu du service de santé, copie des deux expertises médicales O-1 et O-2. M e Vigeant explique la colère qu’a manifestée le demandeur après avoir pris connaissance du contenu des expertises. À la suite de cette communication, le témoin dit que le demandeur a déposé une plainte, à la présente Commission, sur la façon dont les expertises ont été obtenues. Le témoin dépose, sous la cote O-8, la version donnée par l’organisme à l’analyste de la Commission chargé d’étudier cette plainte, monsieur Laurent Bilodeau. Toujours en interrogatoire principal, le témoin déclare que l’organisme est tenu de tenir un calendrier de conservation en vertu de la Loi sur les archives 3 et dépose, sous la cote O-4, l’extrait certifié conforme de ce calendrier pour ce qui a trait aux dossiers médicaux des employés. En contre-interrogatoire, le témoin Vigeant déclare que l’affirmation qu’il faisait au paragraphe 8 de la version des faits O-8, concernant le consentement du demandeur à ce que le rapport d’expertise lui soit remis par le docteur Guérin, est basée sur les autorisations à ce faire des 24 mars et 15 juillet 1998, qu’il dépose respectivement sous les cotes O-8a) et O-8b). Plus tard, il affirme que le paragraphe 10 de cette version des faits O-8 relatif à la justification de l’utilisation et de la divulgation du rapport médical est fondée sur les droits de gestion de l’employeur conférés par l’article 30 de la convention collective (O-3). Toujours en contre-interrogatoire, le témoin Vigeant reconnaît trois formulaires de demande de règlement fournis par l’organisme à l’employé et que ce dernier complète et fait compléter par son médecin traitant. Le premier formulaire, intitulé « Asssurance salaire de courte durée », est signé par le demandeur le 26 février 3 L.R.Q., c. A-21.1.
99 15 58 7 1998 et par son médecin omnipraticien traitant, le 18 février 1998. Ce formulaire est déposé sous la cote D-4. Les deuxième et troisième formulaires, intitulés « Prolongation d’invalidité » sont respectivement signés en mars et en juin 1998 par le demandeur et son psychiatre traitant et sont déposés, dans l’ordre, sous les cotes D-5 et D-6. Le témoin ajoute que ces pièces sont directement versées au dossier d’absence du Service de santé de l’organisme. Il n’en a pas pris connaissance à l’époque. M e Vigeant déclare que le Service de santé de l’organisme lui a fait savoir qu’il n’était pas en désaccord avec la recommandation d’arrêt de travail du médecin traitant et que l’absence est justifiée. Le Service de santé l’informe néanmoins qu’une expertise externe est recommandée. Il met donc en branle le processus de consultation externe, prépare et expédie au docteur Guérin la demande d’expertise du 16 mars 1998, déposée sous la cote O-5. Le témoin reconnaît qu’il prend connaissance des deux rapports d’expertise O-1 et O-2 sur réception de ceux-ci et les transmet au Service de santé, pour opinion sur le retour au travail. Il prend ensuite connaissance de l’opinion du Service de santé à ce sujet. Le témoin explique qu’en raison de son poste de directeur des ressources humaines, c’est lui qui doit voir au retour harmonieux de l’employé au travail et, en cas de désaccord entre le médecin traitant et le médecin de l’organisme, à l’application de l’article 30.07 B) de la convention collective (O-3). Il doit donc avoir la connaissance du dossier médical de l’employé afin de prendre les bonnes décisions administratives. Il admet que dans le cas du demandeur, il n’y avait pas de désaccord entre les médecins et son retour au travail était prévu, au rapport de la deuxième expertise (O-2), pour le début du mois de septembre 1998. M e Vigeant confirme que le demandeur est revenu au travail comme prévu au début du mois de septembre 1998. Ce retour ne s’effectue pas au même poste qu’il occupait auparavant. Des changements administratifs importants de restructuration de l’organisme et le contexte difficile des relations de travail à l’époque ont causé des irritants lors de sa réintégration. Quelques-uns uns de ces irritants existaient déjà à son départ pour maladie et le témoin croit qu’ils sont une des composantes de son invalidité.
99 15 58 8 En ré-interrogatoire, M e Vigeant dépose, sous la cote O-14, la demande d’expertise prévue pour le 15 juillet 1998 qu’il a expédiée au docteur Guérin le 7 juillet 1998 et qui a donné lieu au deuxième rapport d’expertise (O-2). Le témoin demandait les observations et les recommandations du docteur Guérin sur deux points : la nécessité de traitements prescrits et administrés et la date prévisible de retour au travail. En réponse à la question de savoir si des procédures concernant l’application de la convention collective au demandeur sont en cours, le témoin Vigeant répond par l’affirmative, déposant le grief du 22 septembre 1998 et son référé à l’arbitrage par le syndicat daté du 5 octobre 1998, respectivement, sous les cotes O-15 et O-16. Le grief allègue l’utilisation abusive du diagnostic médical par l’organisme. TÉMOIGNAGE DE MADAME LINDA LAFONTAINE La procureure de l’organisme fait entendre madame Linda Lafontaine, infirmière au Service de santé de l’organisme. Elle occupe ce poste depuis 1988. Elle est actuellement en congé sans solde et ce, depuis le 27 novembre 2000. À ce titre d’infirmière, elle s’est occupée du dossier d’absence du demandeur pour son invalidité de 1998. C’est d’ailleurs elle qui a signé (non pas en 1997 comme y indiqué, mais bien en 1998, corrige-t-elle plus tard en contre-interrogatoire) la déclaration de l’employeur au formulaire déposé sous la cote D-4 ainsi que l’avis de retour au travail du 8 septembre 1998, qu’elle dépose sous la cote O-10. Elle remet ce dernier avis au service de la paye. Elle a également avisé M e Vigeant de la volonté du docteur Roy de consulter un expert et d’envoyer le demandeur en expertise psychiatrique. C’est alors que M e Vigeant a rédigé la demande d’expertise (O-5) et l’a fait parvenir au docteur Guérin. En substance, elle confirme le témoignage de M e Vigeant sur le rôle qu’elle joue au sein du Service de santé et sur la procédure d’ouverture et de suivi du dossier d’absence en général, et de celui du demandeur en particulier. Elle déclare que les dossiers d’absence sont détenus au Service de santé, dans une filière sous clé placée dans une pièce sous clé. Seuls les médecins du Service de santé et elle-même ont accès à ces dossiers.
99 15 58 9 En contre-interrogatoire, elle admet que les rapports d’expertise externe passent entre les mains de M e Vigeant, mais elle ajoute que ce dernier n’a pas accès, comme tel, au dossier médical des employés. TÉMOIGNAGE DU DOCTEUR RÉGINALD ROY La procureure de l’organisme fait entendre le docteur Réginald Roy, médecin à temps partiel au Service de santé de l’organisme à l’époque des événements. Il dépose son profil professionnel sous la cote O-11 afin d’éclairer la Commission sur le cheminement de sa carrière. Il occupe le poste de médecin désigné à ce service de 1988 à 1998, service qu’il a d’ailleurs implanté. Il explique les diverses activités de ce service. Le témoin Roy confirme qu’il était d’accord avec le diagnostic du médecin traitant du demandeur et qu’il était d’avis que l’arrêt de travail était justifié. Cependant, vu la lourdeur de la restructuration au sein de l’organisme et le possible impact de celle-ci sur l’environnement de travail du demandeur, docteur Roy dit qu’il croyait que le malaise du demandeur pouvait être plus vaste qu’on ne le pensait. Il voulait donc un avis éclairé et une expertise afin de l’aider à se former une opinion sur le diagnostic, la nécessité des traitements prescrits et la durée de l’invalidité. C’est dans cet esprit que, le 17 février 1998, il communique par écrit avec le psychiatre qu’il a choisi, le docteur Guérin. Il dépose cette lettre sous la cote O-12. Le docteur Roy établit, à l’intention du docteur Guérin, les trois motifs de la consultation (diagnostic, nécessité de traitements prescrits et administrés et date prévisible de retour au travail) et certains commentaires pertinents. Le témoin Roy ajoute que ne connaissant pas lui-même exactement la dimension administrative et l’ampleur des changements, il suggère au docteur Guérin, dans ces commentaires pertinents, de s’en enquérir auprès de M e Vigeant avant la tenue de l’expertise. Par la suite, il prend connaissance de l’expertise O-1 et constate que le docteur Guérin en arrive à la même conclusion médicale que lui et que l’arrêt de travail est justifié. Le témoin est d’avis que le rapport d’expertise doit contenir les informations suggérées par le Collège des médecins du Québec dans le fascicule qu’il a publié en janvier 1997 et intitulé « Le médecin en tant qu’expert – Aspects déontologiques et réglementaires », pages 12 à 15, sous le point 2.3.2. Il dépose cette publication
99 15 58 10 sous la cote O-13. Généralement, le docteur Roy s’attend à ce que la lecture d’un rapport d’expertise décrive la maladie actuelle, les antécédents pertinents ou d’autres causes de cette maladie, discute de cette condition médicale, du plan de traitement, de la date du retour au travail, s’il y a lieu, des conditions de ce retour et des attitudes à adopter avec les autres employés, s’il y a lieu. Le docteur Roy confirme le témoignage de madame Lafontaine sur les mesures de sécurité et de confidentialité entourant la garde des dossiers médicaux au Service de santé. Il ajoute que ses notes personnelles sont conservées dans une voûte et que personne n’y a accès. Il confirme enfin que les expertises peuvent aussi se trouver au Service des ressources humaines, par exemple, chez M e Vigeant, le directeur de ce service. TÉMOIGNAGE DU DOCTEUR MARC GUÉRIN Enfin, la procureure de l’organisme appelle, pour livrer ce qu’il sait de la présente affaire, le docteur Marc Guérin, psychiatre agissant à titre d’expert de l’organisme dans le dossier d’absence du demandeur. Le docteur Guérin est psychiatre depuis 1972 et effectue beaucoup d’expertises médico-légales. Il enseigne également la psychiatrie à l’Université McGill et à l’Institut de psychiatrie. Il dépose son curriculum vitae sous la cote O-17 pour plus de précisions. Il ne pratique plus comme médecin traitant depuis trois ans. Il déclare avoir examiné le demandeur. Ce dernier intervient alors pour rappeler au tribunal qu’il n’a pas relevé le docteur Guérin du secret professionnel, c’est-à-dire des confidences qu’il lui a faites en raison de la profession qu’il exerce. Le témoin est par ailleurs d’opinion que le lien professionnel et le respect du secret des confidences afférentes à ce lien se situent entre lui-même et son client, l’organisme, et non entre lui-même et la personne qu’il examine à la demande de l’organisme. Sans se prononcer sur le fond de cette question, la soussignée prend note de cette déclaration du demandeur et annonce qu’elle se propose d’intervenir au fur et à mesure du témoignage du docteur Guérin pour protéger le respect des confidences que lui aurait faites le demandeur, s’il y a lieu.
99 15 58 11 Le témoin Guérin reconnaît la demande d’expertise O-5 et déclare avoir reçu le demandeur à son bureau, le 24 mars 1998 pour les fins de ladite expertise. Au début de l’entretien, le docteur Guérin lit au demandeur le contenu de la demande d’expertise qui contient les motifs de celle-ci (O-5), l’avise que M e Vigeant recevra copie du rapport qu’il établira, puis procède aux questions d’usage pour ce genre d’examen. Il termine l’expertise en formulant verbalement son opinion au demandeur, rédige son rapport et le fait parvenir à M e Vigeant. Le docteur Guérin explique chacun des chapitres des rapports O-1 et O-2, ainsi que leur raison d’être. Il dit que le directeur des ressources humaines et le médecin de l’organisme doivent prendre connaissance de tout le contenu des rapports afin d’en comprendre les conclusions. En contre-interrogatoire, le docteur Guérin explique que même si la demande d’expertise (O-5) limite son intervention aux 1) diagnostic, 2) nécessité de traitements prescrits et administrés et 3) date prévisible de retour au travail, il allait de soi qu’il s’intéresse au degré d’invalidité et aux restrictions fonctionnelles comme il le mentionne à la page 2 de son rapport O-1, chapitre « But de l’expertise ». Lorsque le procureur du demandeur lui demande si les renseignements se trouvant dans sa conclusion du premier rapport (O-1, page 6) répondent exactement à ce que voulait savoir l’organisme (O-1, page 2, chapitre « But de l’expertise »), le témoin répond par l’affirmative. Il répond également par l’affirmative à la question de savoir si l’employeur savait donc à quoi s’attendre. TÉMOIGNAGE DU DEMANDEUR Le demandeur déclare avoir lu et signé les consentements à la transmission, à M e Vigeant, des rapports d'expertise. Ces consentements lui ont été présentés par le docteur Guérin à chacune de ses visites et sont déposés sous les cotes O-8a) et O-8b). Il ajoute que jamais le docteur Guérin ne lui a expliqué ce que contiendraient ces rapports, en particulier qu'y seraient mentionnées des informations sur sa famille et sur sa vie sentimentale. Il s'est senti totalement en confiance et a tout révélé de sa vie lors de ces entrevues, même des faits que ses proches les plus intimes ignorent. Jamais il n'a pensé, dit-il, que ces confidences feraient partie des rapports.
99 15 58 12 Il a pris connaissance du contenu de ces rapports peu de temps après son retour au travail et a été bouleversé à la pensée que d'autres employés de l'organisme pouvaient les avoir lus. Manifestant sa colère, il a fait savoir assez rapidement à M e Vigeant qu'il était en total désaccord avec le fait que son dossier médical contienne de tels renseignements sur lui. Le demandeur est convaincu que ces rapports contiennent des renseignements très intimes sur lui, renseignements qui ne sont pas nécessaires à l'organisme, y compris au médecin de son Service de santé. C'est pourquoi il en demande la destruction. LES REPRÉSENTATIONS REPRÉSENTATIONS DE L'ORGANISME La procureure de l'organisme reprend le texte de l'article 89 de la Loi : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l’existence dans un fichier d’un renseignement nominatif la concernant peut, s’il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. Elle rappelle que le demandeur ne prétend pas que les renseignements en litige sont inexacts, incomplets ou équivoques. Ce dernier allègue plutôt que leur collecte, communication ou conservation ne sont pas autorisées par la loi. Elle est d’avis que la collecte, communication et conservation, par l’organisme, des renseignements en litige sont autorisés par la convention collective liant les parties, en particulier par son article 30.07A (O-3) dont l’application n’est pas contestée ici : 30.07 : A) Dans tous les cas et aussi souvent qu’elle le désire, la Société peut faire examiner à ses frais un employé par son médecin. Ce dernier décide si l’absence est motivée et il peut déterminer la date à laquelle l’employé peut reprendre son travail. […]
99 15 58 13 Elle soutient que l’organisme y est autorisé par les articles 37, 2° et 62, 4° de la Loi sur la société des transports de la Ville de Laval 4 et l’article 2087 du Code civil du Québec 5 : 37. Le directeur général, sous l’autorité du conseil d’administration, doit s’acquitter des fonctions suivantes : […] 2° diriger les cadres et engager et diriger les chefs de services et les employés de la Société et exercer sur eux un droit de surveillance et de contrôle; […] 62. La Société exerce également les fonctions suivantes : […] 4° déterminer la politique salariale, les avantages sociaux et les autres conditions de travail applicables aux cadres, aux chefs de services et aux employés de la Société; […] 2087. L’employeur, outre qu’il est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié. La procureure argue que la preuve démontre que le directeur des ressources humaines, M e Vigeant, travaillant dans ce contexte, contrôle les absences, s’enquiert de la date probable de retour au travail, identifie et gère les problèmes de réinsertion au travail. Ainsi le processus suivi dans le cas du demandeur est transparent et en tout point conforme à la loi et à la convention collective, selon la preuve, tant testimoniale que documentaire (O-3, D-4, D-5, D-6, O-6, O-7, O-8a et O-8b). Le demandeur savait donc que les rapports d’expertises seraient communiqués à l’organisme et y a consenti. Elle ajoute que la preuve établit que le docteur Guérin a respecté en tout point les « mandats » (O-5, O-14 et O-12) que lui a confiés l’organisme en rédigeant de la sorte les documents en litige. La procureure de l’organisme soutient que la preuve démontre également que la confidentialité des renseignements en cause est adéquatement assurée à l’intérieur de l’organisme et que les documents en litige sont gardés sous clé et ne font l’objet que d’une circulation très restreinte. 4 L.Q. 1984, c. 42, ci après appelée la « LSTVL ». 5 L.Q. 1991, c. 64, ci-après appelé le « Code civil ».
99 15 58 14 La procureure argue ensuite que l’organisme doit conserver les rapports en litige à des fins légales et administratives puisque preuve est faite que le demandeur a déposé un grief qui met en cause l’utilisation des renseignements qu’ils contiennent (O-15 et O-16) et que ce grief est toujours pendant en arbitrage. Enfin, la Loi sur les archives obligeant l’organisme à conserver ce type de documents selon le calendrier déposé sous la cote O-4, la procureure est d’avis que ce dernier ne peut les détruire, les délais de conservation y prévus n’étant pas expirés. En conclusion, la procureure de l’organisme plaide que la cueillette, la conservation et la communication des renseignements en litige par l’organisme sont autorisées par la loi. Ceux-ci ne peuvent donc faire l’objet d’une demande de rectification. Elle cite, à l’appui de sa position, entre autres, les décisions de la Commission et de la Cour supérieure dans les affaires X c. Bérard 6 , X. c. Ministère du Revenu 7 , Benoît c. Ministère du Revenu 8 , X. c. Régie de l’assurance maladie du Québec 9 , X c. Ville de St-Laurent 10 , Ville de l’Ancienne-Lorette c. Communauté urbaine de Québec 11 . REPRÉSENTATIONS DU DEMANDEUR Le procureur du demandeur cible chacun des renseignements qu’il considère non nécessaire à l’exercice de la détermination que l’organisme avait à faire dans le cadre de l’administration de l’assurance salaire de courte durée et en conclut qu’ils en constituent la substance. Il demande donc que la Commission ordonne la destruction totale des rapports en litige. Il cite entre autres, à l’appui de ses prétentions, l’avis de la Commission intitulé Le régime d’assurance invalidité et la cueillette du diagnostic médical par l’employeur 12 et la décision de la Commission dans l’affaire X. c. Le Groupe Jean Coutu 13 . 6 [1998] C.A.I. 125, 138, 138, M e Hélène Grenier. 7 C.A.I. Montréal 93 08 42 et 93 09 69, le 3 août 1994, M e Pierre Cyr. La permission d’en appeler fut refusée par la Cour du Québec pour les motifs apparaissant dans [1994] CAI 392. 8 [1996] CAI 17, Monsieur Paul-André Comeau. 9 CAI Montréal 98 07 79, le 20 janvier 2000, M e E. Roberto Iuticone. 10 CAI Québec PP 97 04 78, le 14 juin 2000, M e Hélène Grenier, M e E. Roberto Iuticone, majoritaires et Monsieur Paul-André Comeau, dissident. 11 [1996] RJQ 1345 (C.S.). 12 publié en 1994, 29 pages 13 [1995] CAI 128, 132, 133.
99 15 58 15 DÉCISION PRÉCISIONS PRÉLIMINAIRES La Commission, dans l’exercice de sa fonction d’adjudication, n’est pas liée par les écrits et les opinions de son personnel administratif, professionnel ou juridique. Elle ne doit s’en tenir qu’à faire la détermination dont elle est strictement saisie et ce, selon la preuve et les représentations faites devant elle. Les conclusions auxquelles est parvenu l’analyste Laurent Bilodeau dans son écrit déposé sous la cote D-1 découlent du libellé des plaintes qu’il avait à examiner, dont je n’ai pu prendre connaissance, ainsi que des éléments de preuve qui lui ont été présentés, éléments qui me sont inconnus en grande partie. Je dois donc m’en tenir à la preuve et aux représentations faites devant moi et considérer l’analyse de monsieur Bilodeau comme une opinion. APPRÉCIATION Dans la présente appréciation, il convient d’éliminer toute la question de savoir si la cueillette, la communication ou la conservation des renseignements en litige par le docteur Guérin, le psychiatre externe désigné par l’organisme, sont autorisées ou non par la Loi. Cette question n’est pas pertinente au litige qui intervient exclusivement entre le demandeur et l’organisme et dans lequel le docteur Guérin n’est aucunement partie. Cette question aurait pu être pertinente si le docteur Guérin avait agit à titre de mandataire de l’organisme au sens du Code civil. Mais ce n’est pas le cas ici, même si le terme « mandat » est malencontreusement employé pour qualifier le cadre de ses actions. La preuve me convainc que le docteur Guérin a plutôt agi dans l’exécution d’un contrat de service au sens des articles 2098 et suivant du Code civil et le choix des moyens d’exécution de ce contrat lui appartient (a. 2099 C.c.) 14 . C’est pourquoi je n’ai considéré la preuve et les représentations entourant l’exécution de ce contrat par le docteur Guérin qu’en autant qu’elles étaient intimement reliées au litige opposant les parties. Ce qui est pertinent à la solution du litige c’est de savoir si la cueillette, la communication ou la conservation, par l’organisme, des renseignements visés par la demande de rectification sont autorisées ou non par la Loi. 14 Lire à ce sujet la décision de ma collègue M e Hélène Grenier, produite par le procureur du demandeur, dans Adam c. Cloutier, [1997] CAI 218, 221.
99 15 58 16 La cueillette Il faut se référer aux termes du contrat de service entre l’organisme et le docteur Guérin pour connaître la nature des renseignements recherchés par l’organisme. Selon la demande d’expertise O-5, l’organisme cherchait à obtenir du docteur Guérin les renseignements suivants : Dans le cadre de votre expertise, auriez-vous l’obligeance de nous transmettre vos observations et recommandations sur les aspects suivants : 1. Diagnostic 2. Nécessité de traitements prescrits et administrés 3. Date prévisible de retour au travail Selon la demande d’expertise O-14, l’organisme voulait recueillir les renseignements suivants : Dans le cadre de votre expertise, auriez-vous l’obligeance de nous transmettre vos observations et recommandations sur les aspects suivants : 1. Nécessité de traitements prescrits et administrés 2. Date prévisible de retour au travail Pour la gouverne du docteur Guérin, l’organisme joignait à ces demandes de service le dossier du demandeur qui comprenait essentiellement les déclarations des médecins traitants du demandeur contenues aux formulaires de demande de règlement pour l’assurance salaire de courte durée (D-4, D-5 et D-6) sur les mêmes sujets. Quant aux fins pour lesquelles l’organisme devait cueillir ces informations, la preuve démontre qu’elles étaient requises pour accomplir la détermination qu’il avait à faire à titre d’employeur assureur dans la gestion de l’assurance salaire de courte durée, savoir la justification de l’absence pour maladie et la date de retour au travail. Il découle des demandes de services O-5 et O-14 que l’organisme n’a aucunement requis du docteur Guérin quelque renseignement que ce soit sur le degré d’invalidité du demandeur ni sur les restrictions fonctionnelles lors de sa réintégration au travail, malgré ce que prétend le docteur Guérin, à la page 2 de son rapport O-1 : BUT DE L’EXPERTISE Cette expertise a pour but de préciser le diagnostic, d’évaluer le degré d’invalidité de même que la nécessité de traitements et de prévoir, si possible, la date de retour au travail et les restrictions fonctionnelles.
99 15 58 17 Il ne parle d’ailleurs plus de ces deux aspects dans la description du but de l’expertise de son deuxième rapport (O-2). Il faut conclure que l’organisme n’a pas jugé nécessaire d’être informé de ces deux aspects aux fins de déterminer la justification de l’absence et la date de retour au travail. De toute façon, ces deux aspects ne sont pas directement abordés dans le texte des rapports en litige. Cependant, l’amplitude des renseignements transmis par le docteur Guérin et la profondeur de sa première analyse pourraient s’expliquer, en partie du moins, par sa prise en considération de l’évaluation qu’il lui semblait devoir faire du degré d’invalidité et des restrictions fonctionnelles. Je suis d’avis que les renseignements requis du docteur Guérin par l’organisme sont clairement formulés dans les demandes de services O-5 et O-14, savoir : de quoi souffre le demandeur, les moyens envisagés et pris pour le guérir et la date prévue de sa capacité à reprendre le travail. Compte tenu du libellé de l’article 64 de la Loi et de l’exercice des attributions que les lois 15 et la convention collective en vigueur 16 confèrent à l’organisme, je suis d’avis que ces informations sont nécessaires à la détermination qu’il a à faire, soit la justification de l’absence et la date de retour au travail 17 . L’organisme n’a donc pas cherché à cueillir plus de renseignements que nécessaire : 64. Nul ne peut, au nom d’un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n’est pas nécessaire à l’exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion. La communication La preuve n’a révélé aucune communication, par l’organisme à un tiers, qui ne soit pas autorisée par la loi. La conservation Il s’agit de déterminer maintenant si les renseignements reçus du docteur Guérin et conservés par l’organisme remplissent les conditions reliées au critère de nécessité. Concrètement, il arrive parfois qu’un organisme n’ayant pas requis certains 15 L’article 2087 du Code civil du Québec, op. cit. supra note 5 et les articles 37, 2° et 62, 4° de la Loi sur la société des transports de la Ville de Laval, op. cit. supra note 4. 16 Art. 30.07. 17 Lire à ce sujet Le régime d’assurance invalidité et la cueillette du diagnostic médical par l’employeur publié en 1994 par la Commission, 29 pages (en particulier les pages 14 à 21) produit avec les notes et autorités du procureur du demandeur.
99 15 58 18 renseignements nominatifs s’en trouve néanmoins, par le jeu des circonstances, le détenteur involontaire. Peut-il conserver ces renseignements qu’il n’a jamais demandés et qui ne lui sont pas nécessaires ? L’esprit de la Loi et la logique nous poussent à conclure par la négative. En effet, si un organisme ne peut cueillir des renseignements qui ne lui sont pas nécessaires, il ne peut, à plus forte raison, conserver ce même type de renseignements. La conservation de tels renseignements n’est pas autorisée par la loi, d’où le droit à la rectification prévu par l’article 89 : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l’existence dans un fichier d’un renseignement nominatif la concernant peut, […] si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. (J’ai souligné) Le procureur du demandeur a passé en revue tous les renseignements qui, dans les rapports en litige, selon lui, ne répondent pas au critère de nécessité de conservation. Je suis d’accord avec ce procureur lorsqu’il soutient que les renseignements relatifs au statut marital et aux détails de la vie sentimentale du demandeur, à l’histoire médico-chirurgicale de sa mère et à son histoire personnelle de troubles digestifs, aux détails des problèmes familiaux survenus dans son enfance, à l’histoire psychiatrique antérieure dans la famille, à son cheminement scolaire et à ses premiers emplois ne sont pas nécessaires à la détermination de la justification de l’absence et de la date du retour au travail. Par ailleurs, je suis d’avis que les renseignements nominatifs contenus dans la conclusion des rapports en litige répondent exactement à ce que l’organisme veut légitimement savoir. À ce sujet, à la page 21 de son étude intitulée Le régime d’assurance invalidité et la cueillette du diagnostic médical par l’employeur plus haut cité, la Commission exprimait d’ailleurs l’opinion suivante sur les expertises psychiatriques demandées dans un cadre légal et contractuel similaire à celui qui est le nôtre ici : […] l’employeur ne peut recueillir la partie de l’expertise psychiatrique du médecin expert qui relate l’histoire psychiatrique de la personne concernée. Aux fins de l’exercice de ses attributions l’organisme pourra recevoir un document établissant la conclusion à laquelle en arrive le médecin expert ainsi que ses recommandations. À cet égard, qu’il suffise de rappeler que l’on [n’]a jamais démontré de façon satisfaisante que la connaissance par l’employeur des événements ayant marqué la vie psychiatrique lui était nécessaire pour administrer le régime d’assurance invalidité. Dans cette perspective, et prenant en considération la facture générale des rapports du médecin expert en psychiatrie, la Commission conclut que seules les sections consacrées à la conclusion et à la recommandation peuvent être recueillies par l’employeur aux fins de la gestion de ce régime d’assurance.
99 15 58 19 L’employeur rappellera au psychiatre la nécessité de conserver ses notes personnelles, si d’aventure elles devaient s’avérer nécessaires aux fins de l’arbitrage. (les inscriptions entre crochets sont de la soussignée) Il convient ici de s’inspirer de cette analyse de la Commission. De surcroît, et cet aspect est déterminant dans l’appréciation de la présente affaire, la démonstration n’a pas été faite par l’organisme que sa connaissance continue des renseignements contenus ailleurs que dans la conclusion des rapports, laquelle conclusion comprend aussi la recommandation de l’expert, était nécessaire à la détermination de la justification de l’absence et de la date de retour au travail. Si les attributions de l’organisme ou un programme dont il a la gestion consistait à traiter médicalement le demandeur ou à le soigner, la conservation des renseignements en litige répondrait probablement au critère de nécessité. Mais, nous l’avons vu, ce n’est pas le rôle que joue l’organisme ici. La seule démonstration qui a été faite à l’égard de ces renseignements est qu’ils étaient en général simplement utiles à comprendre la conclusion des rapports, ce qui, à mon avis, ne répond pas au critère de nécessité exigé. À ces égards, les affaires X. c. Ministère du Revenu et Benoît c. Ministère du Revenu citées par la procureure de l’organisme ne sont pas explicites. En effet, ces décisions ne laissent aucunement entrevoir la nature des renseignements conservés par l’organisme, de sorte qu’il n’est pas aisé de faire le parallèle avec les faits démontrés dans la présente cause. Par ailleurs, l’affaire X. c. Bédard, également citée par la procureure, présente des faits assez similaires pour la considérer ici. Avec respect, je ne puis être d’accord avec la conclusion de ma collègue, étant convaincue que la connaissance et la conservation d’un grand nombre des renseignements en cause ne sont pas nécessaires à la stricte détermination que l’organisme avait à effectuer. Dans l’affaire X. c. Régie de l’assurance maladie du Québec, le critère de nécessité était évident. Enfin, dans X c. Ville de St-Laurent, la Commission avait à se prononcer sur une plainte fondée sur des allégations que l’article 62 de la Loi relatif à la qualité requise d’un fonctionnaire pour recevoir des renseignements nominatifs n’avait pas été respecté. Cette décision ne s’applique pas ici où la légalité de la conservation des renseignements est considérée. De plus, l’examen de cette décision ne dévoile pas la nature des renseignements en cause, de sorte qu’il est difficile de faire un lien avec les faits établis ici.
99 15 58 20 La décision de la Commission dans l’affaire X. c. Le Groupe Jean Coutu, citée par le procureur du demandeur, a traité de faits similaires et de l’opportunité, pour une entreprise, de recevoir et conserver plus de renseignements qu’elle ne l’avait requis du psychiatre expert. Le critère de nécessité des renseignements personnels développé pour l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé étant le même que celui dont il est fait mention ici, je me sens autorisée à m’inspirer de cette jurisprudence. Ainsi, la commissaire Miller avait ordonné la suppression des renseignements non nécessaires en ces termes : Par exemple, le rapport, qui a 12 pages, contient les sous-titres suivants : - Identification - Antécédents médicaux et chirurgicaux - Habitudes personnelles - Traitement pharmacologique - Antécédents familiaux - Résumé des faits pertinents - Entrevue et examen objectif - Discussion et impression diagnostique Cela me semble aller à l'encontre de l'article 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé qui prévoit qu'une entreprise ne peut recueillir que les renseignements qui sont nécessaires à l'objet du dossier. On pourrait évidemment opposer que c'est le médecin qui a transmis plus de renseignements que nécessaire. En ce cas, je pense qu'il appartient à l'entreprise de s'assurer qu'elle ne recueille que les renseignements qui lui sont nécessaires. Dans ce contexte, il m'apparaît que les sous-titres Identification, Résumé des faits pertinents (pages 6 à 9 du rapport) et le dernier paragraphe de la page 12 du rapport qui donne le diagnostic, sont les seuls renseignements personnels concernant le demandeur, que l'entreprise est autorisée de recueillir sur le demandeur, bref, qui lui sont nécessaires. La collecte des autres renseignements personnels contenus dans ce rapport, n'étant pas nécessaire à l'objet du dossier tel que l'exige l'article 28 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, ces renseignements doivent être supprimés. En outre, le fait que le demandeur ait consenti à la transmission des rapports d’expertise à l’organisme ou à la cueillette par l’organisme des renseignements y contenus n’autorise pas cet organisme à conserver ce qui n’est pas nécessaire à la détermination qu’il a à faire. Tout consentement d’un individu, en matière de renseignement personnel le concernant, ne peut s’étendre au-delà de ce que la loi autorise cet organisme à cueillir, conserver ou communiquer.
99 15 58 21 L’organisme devra masquer tous les chapitres des deux rapports en litige à l’exception de leur premier paragraphe, qui identifie les lieu et date de l’expertise et le nom de la personne expertisée, ainsi que le dernier chapitre intitulé Conclusion. Dans les circonstances, vu que la conservation d’une partie significative des renseignements en litige est autorisée par la loi, je ne peux ordonner la destruction totale des deux rapports qui les contiennent. Quant à l’argument de la procureure de l’organisme que la Loi sur les archives contraint ce dernier à conserver ces documents, je ne peux lui donner mon aval. Un renseignement dont la conservation n’est pas autorisée par la loi, au départ, ne peut être assujetti à la Loi sur les archives. Je dois également rejeter un autre de ses arguments selon lequel la conservation serait devenue indispensable en raison du grief pendant devant l’arbitre et de la nécessité pour l’organisme de le détenir pour des motifs administratifs ou juridiques. Je suis convaincue que l’organisme pourra faire sa preuve devant l’arbitre sans pour autant continuer la détention des renseignements dont la conservation, pour fin de détermination de la justification de l’absence et de la date de retour au travail, n’est pas autorisée par la loi. Enfin, le fait que la confidentialité des renseignements soit assurée ne peut bonifier une conservation de ceux-ci qui n’est pas autorisée par la loi. POUR TOUS CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE en partie la demande de rectification; ORDONNE à l’organisme de masquer, dans chacun des rapports en litige (O-1 et O-2) qu’il détient, tous les chapitres à l’exception 1) du premier paragraphe, qui identifie les lieu et date de l’expertise et le nom de la personne expertisée, et 2) du dernier chapitre intitulé Conclusion; ORDONNE la non-publication, la non-divulgation et la non-diffusion, par la Commission, des pièces O-1 et O-2; ORDONNE à l’organisme de procurer gratuitement une copie rectifiée des rapports en litige au demandeur;
99 15 58 22 ORDONNE à l’organisme de faire parvenir une copie rectifiée des rapports en litige à toute personne ou organisme de qui il les aurait reçus ou à qui il en aurait fourni copie en vertu d’une disposition de la Loi; ORDONNE à la Commission de ne pas publier, diffuser ou communiquer de copie de la présente décision sans masquer les nom et prénom du demandeur, telle ordonnance ne devant pas valoir à l’encontre des parties. REJETTE la partie de la demande de rectification visant la destruction complète des deux rapports en litige. Québec, le 26 mars 2001 DIANE BOISSINOT commissaire Procureure de l’organisme : M e Marie St-Pierre Procureur du demandeur : M e Mario Évangéliste
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