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00 05 61 Le 24 janvier 2000, le procureur des demandeurs sadresse à lentreprise afin dobtenir « les pièces produites lors des audiences tenues devant larbitre André Sylvestre dans le grief 803. ». Le procureur identifie les demandeurs, à savoir MM. Robert Beaudoin, Jacques Gauthier, Serge Pinet, André Thibodeau, Régent Patry, Marcel Germain et Doris Tremblay; il ajoute : «Nous vous rappelons que les syndicats sont régis par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et vous êtes tenus de nous communiquer ces documents, conformément à larticle 27…». Le 22 février 2000, le procureur de lentreprise lui indique que les dispositions de la loi précitée ne sont pas applicables en lespèce et quil ne donnera pas suite à la demande daccès. Le 9 mars 2000, le procureur des demandeurs formule une demande dexamen de la mésentente résultant du refus de lentreprise dacquiescer à la demande daccès du 24 janvier 2000. Les parties sont entendues le 25 octobre 2000, à Québec.BEAUDOIN, Robert et als ci-après appelés «les demandeurs» c. SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE LÉNERGIE ET DU PAPIER (S.C.E.P.) section locale 530 ci-après appelé «l'entreprise»
00 05 61 2 PREUVE : Le procureur de lentreprise soumet que sa cliente nest pas une entreprise au sens de larticle 1525 du Code civil du Québec; il souligne que cet argument, quil invoque afin de préserver les droits de sa cliente, ne sera cependant pas développé compte tenu de décisions antérieures de la Commission voulant que cette loi sapplique en lespèce. Il soumet quà son avis, il nest pas non plus évident que les documents en litige soient constitués de renseignements personnels recueillis, détenus, utilisés ou communiqués à des tiers à loccasion de lexploitation dune entreprise. Il soumet principalement que les documents en litige ne sont pas constitués de renseignements personnels au sens de larticle 2 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 ; il précise à cet égard que ces documents sont constitués de renseignements qui concernent des personnes auxquelles une convention collective est applicable, non pas les demandeurs en particulier ou de façon distinctive. Il souligne quaucun des documents en litige nidentifie les demandeurs, ne permet de les identifier ou de les distinguer des autres personnes. Les parties admettent que les demandeurs ont pu assister aux audiences publiques tenues par larbitre Sylvestre dans le cadre du grief 803. Le procureur de lentreprise explique que sa cliente représente la majorité des employés de Cartons Saint-Laurent inc. (usine de La Tuque) qui travaillent dans le secteur de la production du papier ou qui, à linstar des demandeurs, travaillent dans le secteur de lentretien mécanique. Il précise que la convention collective applicable comprend des 1 Stébenne c. Assurance-Vie Desjardins (1995) C.A.I. 14 à 17; Pineault c. Ordre des technologues en radiologie du Québec (1996) C.A.I. 7, 10.
00 05 61 3 dispositions communes aux employés de ces deux secteurs ainsi que des dispositions spécifiques à chacun, au chapitre de la réduction du personnel ou de lancienneté notamment. Il rappelle quen 1993, lemployeur a procédé à une importante réduction de personnel qui a affecté des employés des deux secteurs sans toutefois concerner les demandeurs. Il précise que le grief 803 résulte dune situation qui sest produite en 1994, à loccasion de la modification de la convention collective et des importantes mises à pied qui ont été effectuées par le nouveau propriétaire; il spécifie que les demandeurs font partie des employés du secteur de lentretien mécanique qui ont alors été mis à pied. Il ajoute que le grief 803, qui concerne une trentaine demployés des deux secteurs précités, a été entendu et mis en délibéré, lentreprise ayant entre autres prétendu que ces congédiements ont été faits en contravention des dispositions de la convention collective relatives à lancienneté. Le procureur de lentreprise indique quil y avait, parmi les autres employés de lusine, un pool formé de personnes (section 40) qui ne détenaient pas de postes et qui remplaçaient les absents. Il ajoute que lentreprise a prétendu que les employés des secteurs de la production et de lentretien mécanique qui ont été mis à pied en mai 1994 avaient le droit dêtre inclus dans ce pool, dy supplanter les personnes qui avaient moins dancienneté queux et de recevoir, de la part de lemployeur, toute la formation nécessaire, ce, à linstar des travailleurs qui, antérieurement et particulièrement en 1993, avaient été mis à pied. Il précise que la référence à la situation spécifique de 1993 ainsi que les prétentions que lentreprise a appuyées sur cette situation expliquent le dépôt, dans le cadre du grief 803, de documents concernant cette situation. Il souligne que lentreprise a donc produit devant larbitre des documents qui sont relatifs à la situation de 1993 mais qui ne concernent pas les demandeurs. Le procureur de lentreprise mentionne que les documents produits devant larbitre lors de laudition du grief 803 ne sont pas confidentiels puisque déposés publiquement devant
00 05 61 4 un tribunal, notamment à la connaissance de ceux qui, parmi les demandeurs, étaient présents. Il souligne que les demandeurs exigent lobtention de copie des documents en litige; il précise que lentreprise ne soppose pas à la consultation de ces documents par les demandeurs, lentreprise nayant rien à cacher. Il signale que les documents en litige remplissent deux caisses et que lentreprise nest pas tenue, en vertu de la loi, de fournir, à chacun des demandeurs, copie de tous ces documents qui ne sont pas constitués de renseignements personnels les concernant. Le procureur de lentreprise identifie chacun des 51 documents produits lors de laudition du grief 803 (ci-après énumérés) et il en commente le contenu, eu égard au droit daccès des demandeurs, après avoir pris le soin de préciser que sa cliente a produit devant larbitre Sylvestre les 30 premiers documents alors que les autres documents (31 à 51) ont été déposés par lemployeur; il soulignera aussi que lentreprise na pas recueilli les documents ainsi produits par lemployeur, quelle ne les a pas utilisés ou communiqués à un tiers et quelle ne les détient pas plus que larbitre ne les détient : 1. convention collective 1993-1998 : ce document nest plus en litige, les demandeurs en ayant déjà un exemplaire; 2. libellé du grief du 17 mai 1994, signé par le demandeur Robert Beaudoin, reprochant à lemployeur davoir gardé au travail « des plus juniors par rapport à des plus anciens lors des mises à pied du 13 mai 1994 »; ce document nest plus en litige, les demandeurs en ayant copie; 3. liste des employés du département de lentretien mécanique qui, lors des mises à pied de 1993, se sont retrouvés dans la section 40; ce document ne comprend, en ce qui concerne les demandeurs, que le nom de monsieur Jacques Gauthier avec certains renseignements concernant son ancienneté, renseignements que lentreprise accepte de lui communiquer;
00 05 61 5 4. horaires de travail des employés de la section 40 pour les semaines du 6 novembre 1993 au 14 mai 1994, semaines précédant les mises à pied contestées par le grief 803; aucun de ces documents ne concerne conséquemment les demandeurs qui ne faisaient pas partie de la section 40; 5. entente intervenue, en mai 1992, entre lemployeur et 3 syndicats présents à lusine de La Tuque portant sur lancienneté universelle et habilitant, à certaines conditions, les employés représentés par ces syndicats à « travailler dans les 3 accréditations pour leur permettre dobtenir 5 jours de travail »; cette entente sapplique notamment à tous les employés de lusine représentés par les sections 530 et 27; 6. liste des employés de lusine, secteur de lentretien mécanique qui, à la suite des mises à pied de mai 1994, se sont retrouvés dans le pool de la section 40; lentreprise na aucune objection à donner aux demandeurs communication des renseignements qui les concernent et qui sont inscrits sur cette liste; 7. liste des employés qui, après les mises à pied de mai 1994, ont travaillé dans la section 40 et dont lancienneté dusine était inférieure à celle des demandeurs; lentreprise a prétendu, dans le cadre du grief 803, quune partie de ces employés aurait quitter lusine après ces mises à pied; le nom des demandeurs, mis à pied en mai 1994, nest conséquemment pas inscrit sur cette liste; 8. lettre des procureurs de lentreprise à lemployeur, datée du 28 novembre 1998; il ny a, dans ce document, aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 9. réponse de lemployeur à la demande de renseignements formulée le 28 novembre 1998 par lentreprise; cette réponse ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 10. liste des employés du secteur de lentretien mécanique qui ont obtenu de lemployeur une formation du 1 er novembre 1993 au 14 mai 1994; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 11. liste des postes ou des occupations du Local 34; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs;
00 05 61 6 12. convention collective (1993-1998) du Local 34; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 13. liste des employés du secteur de lentretien mécanique, qui, après les mises à pied de mai 1994, se sont retrouvés dans la section locale 40 et qui ont obtenu de lemployeur une formation du 15 mai 1994 au 31 décembre 1994; cette liste ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 14. historique de temps concernant plusieurs employés; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 15. description des emplois et taux horaires (section locale 530) au 30 septembre 1998; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 16. liste des codes et descriptions des types de paiement; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 17. horaires de travail des employés de la section 40 pour la semaine finissant le 28 mai 1994; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 18. extraits de la convention collective 1976-1978; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 19. manuel de spécifications faisant partie intégrante de la convention collective; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 20. mémoire dinformation relatif à une rencontre tenue le 20 juillet 1982; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 21. réponse de lemployeur à la demande de renseignements formulée par lentreprise le 25 août 1999; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 22. liste historique demplois au 1 er avril 1997; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 23. liste historique demplois au 1 er avril 1997: ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs;
00 05 61 7 24. liste nominative complétant le document 7; cette liste, identifiant des employés demeurés à lusine après la mise à pied de 1994 et qui avaient une ancienneté dusine inférieure à celle des demandeurs alors mis à pied, ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 25. historique de temps des employés demeurés à lusine après la mise à pied de 1994 et qui avaient une ancienneté inférieure à celle des demandeurs; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 26. liste nominative établissant les fonctions de base occupées par des employés de la section 40 à partir de juin 1994 jusquà la réembauche des demandeurs en 1997; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 27. tableaux synthèse non nominatif établissant, pour chaque jour à compter du 15 mai 1994 jusquen 1997, le nombre de postes de base occupés ainsi que le nombre de personnes du secteur de lentretien mises à pied et ayant une ancienneté dusine supérieure aux employés de la section 40 qui occupaient une position de base; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 28. liste nominative des employés de la section 40, avec leur ancienneté respective, présentée parallèlement à une liste nominative demployés du secteur de lentretien mécanique mis à pied, avec leur ancienneté respective; le nom des demandeurs est, entre autres, inscrit sur lune de ces listes et lentreprise consent à leur communiquer les renseignements qui les concernent respectivement; 29. mémoire dinformation concernant une réunion tenue le 27 octobre 1982; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 30. liste demployés désignés comme étant les nouveaux engagés représentés par la section locale 530 pour la semaine se terminant le 30 janvier 1982; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 31. graphique illustrant les lignes de progression et le mouvement de main-dœuvre à lintérieur du secteur de lentretien mécanique; ce graphique ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs;
00 05 61 8 32. historique 1993 relatif à la réduction des effectifs dans le secteur «opération»; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 33. liste nominative des employés affectés par la réduction deffectifs de 1993 et qui ont supplanté dautres employés ou qui ont refusé de le faire; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 34. liste nominative des employés affectés par la réduction deffectifs de 1993, par département; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 35. liste nominative demployés des sections 99 et 40 avec leur ancienneté dusine respective; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 36. liste nominative demployés du secteur de lentretien mécanique mis en disponibilité en 1993; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 37. liste nominative demployés du secteur de lentretien mécanique mis en disponibilité en 1993; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 38. liste des fonctions avec la formation et lexpérience correspondantes requises; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 39. «Cédule 6-3» non nominative; document préparé une année à lavance; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 40. description et spécifications de tâche; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 41. tableau établissant la réduction deffectifs de lusine en février, mai, octobre novembre et décembre 1994 de même quen novembre et décembre 1995; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 42. tableau établissant la réduction deffectifs de lusine, par département, en 1994; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs;
00 05 61 9 43. liste nominative des employés qui ont exercé leur droit de supplantation en mai 1994 et des employés qui ont été supplantés; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 44. liste nominative des employés du secteur de la production qui ont été mis à pied en 1994, avec leur ancienneté; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 45. liste nominative des employés du secteur de lentretien mécanique qui ont été mis à pied en 1994, avec des renseignements les concernant; cette liste comprend des renseignements personnels qui concernent les demandeurs et dont lentreprise consent à leur donner copie; 46. tableau concernant la réorganisation de tous les effectifs de lusine en mai 1994; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 47. liste nominative des employés du secteur de la production qui ont été supplantés et qui se sont retrouvés dans la section 40, avec dautres renseignements les concernant; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 48. lettre du 26 mai 1994 confirmant une acceptation de la réduction deffectifs; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 49. sommaire relatif au procédé utilisé pour les activités de lusine; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 50. liste nominative des employés embauchés au 30 janvier 1982 et représentés par la section locale 530; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs; 51. liste nominative démontrant la progression existant en janvier 1983 et concernant certains employés du parc à bois; ce document ne comprend aucun renseignement personnel concernant les demandeurs.
00 05 61 10 Le procureur de lentreprise rappelle que tous ces documents ont été déposés et discutés publiquement et quils peuvent être consultés par les demandeurs. Il réitère également que sa cliente est disposée à communiquer aux demandeurs les renseignements personnels qui les concernent. Il soumet que le grief 803 ne se limite pas aux demandeurs. À son avis, les demandeurs nont pas, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, un droit daccès aux renseignements personnels concernant dautres employés ou aux renseignements non personnels. Il soumet enfin que lentreprise détient une copie des documents produits par lemployeur (31 à 51) parce que cette copie lui a été remise dans le cadre du grief 803. Le procureur des demandeurs choisit de ne pas consulter les documents en litige. Il explique que les demandeurs, qui occupaient des fonctions dans le secteur de lentretien mécanique chez Cartons Saint-Laurent inc., ont été mis à pied le 14 mai 1994 parce que, selon lemployeur, leur ancienneté était moindre que celle dautres employés. Les demandeurs, ajoute-t-il, prétendent avoir le droit de continuer à occuper des emplois dans lusine de lemployeur, emplois quoccupent des salariés dont lancienneté serait inférieure à la leur, alors que lemployeur soutient que les demandeurs nont pas la formation nécessaire pour le faire. Il indique que lentreprise a, dans un premier temps, refusé de soumettre le grief à larbitrage et quelle a été contrainte de le faire après y avoir été tenue par lassemblée générale des membres. Il précise que les demandeurs sétaient adressés au Tribunal du travail afin dêtre autorisés à soumettre leur réclamation à un arbitre, autorisation qui leur
00 05 61 11 a été refusée le 9 septembre 1996, le Tribunal estimant que lentreprise navait pas violé larticle 47.2 du Code du travail (D-1) et quelle pouvait procéder elle-même. Il mentionne que les demandeurs ont, néanmoins, voulu être assistés de leur propre procureur pour la préparation du grief, autorisation qui leur a aussi été refusée par le Tribunal du travail le 3 novembre 1998 (D-2). Il ajoute que les demandeurs nont conséquemment pas participé à la préparation du grief et quils se sont limités à être présents durant une partie de laudition, ce qui les a amenés à requérir copie des documents produits devant larbitre, ce, tant auprès de lentreprise que de larbitre qui ont respectivement refusé dacquiescer à leur demande. Il souligne que ses clients comprennent que la consultation des documents en litige est acceptée par lentreprise; il signale que les demandeurs veulent aussi obtenir copie des documents visés par leur demande daccès. Il soumet que lentreprise, qui est constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels (L.R.Q., c. S-40) et dont les activités économiques (D-3) peuvent être exercées en vertu de cette loi, est une entreprise au sens de larticle 1525 du Code civil du Québec 2 . Il soumet par ailleurs que les documents en litige sont constitués de renseignements personnels au sens de larticle 2 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. 2 Code civil du Québec- Commentaires du ministre de la Justice, Publications DACFO inc., Édition 1993, page 510; Revue du Barreau/Tome 54/Automne 1994, pp. 43 et 44; Girard c. Association des courtiers dassurance de la province de Québec (1997) R.J.Q. 206 à 210; Gauthier c. Syndicat des employé(e)s de la Bibliothèque de Québec (1997) C.A.I. 1.
00 05 61 12 Il soumet que lobjet de cette loi est de permettre laccès à un dossier qui concerne la personne qui y demande accès et qui est constitué par une entreprise. Il soumet particulièrement que larticle 2, précité, vise strictement à préciser, dune part, que cette loi ne sapplique pas aux renseignements concernant les personnes morales et, dautre part, que cette loi ne vise pas seulement les renseignements qui permettent lidentification de personnes physiques. Cette loi, soumet-il, confère notamment à une personne un droit daccès aux renseignements qui la concernent et qui sont constitués dans un dossier. Il soumet spécifiquement que larticle 2 ne définit pas ce quest un renseignement personnel; il ajoute que cette notion a, à son avis, déjà été interprétée de façon restrictive par la Commission 3 qui a par ailleurs rajusté son tir 4 . À son avis, lentreprise, qui a un mandat légal dagir pour les salariés quelle représente dans le cadre dun grief 5 , détient des renseignements concernant les demandeurs dans le cadre du grief 803. À son avis également, les renseignements utilisés dans le cadre de ce grief concernent nécessairement les demandeurs puisquils sont essentiellement produits pour promouvoir leur cause. Le procureur des demandeurs admet quil soit possible que chacun des documents produits devant larbitre ne nomme pas les demandeurs; il soumet cependant que ces documents ont été produits pour faire valoir les droits des demandeurs, documents que lentreprise détient et quelle a utilisés dans le cadre du grief 803. Il soumet que les demandeurs nont pas à justifier leur demande daccès aux documents en litige. 3 Stébenne c. Assurance-Vie Desjardins (1995) C.A.I. 14. 4 Fédération compagnie dassurances c. Pauzé (1998) C.A.I.(C.Q.) 455. 5 Code du travail L.R.Q., c. C-27, article 69.
00 05 61 13 Il soumet que larticle 40 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, qui se lit comme suit, ne sapplique pas : 40. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers, à moins que ce dernier ne consente à sa communication ou qu'il ne s'agisse d'un cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. Les demandeurs ont, à son avis, notamment droit à lintégralité des listes dancienneté sur lesquelles leur nom est inscrit afin de comprendre leur situation par rapport à celle dautres salariés dont le nom y est aussi inscrit et afin dutiliser ces documents. Il soutient que lobtention de lensemble des documents en litige est nécessaire afin de permettre aux demandeurs de comprendre la situation qui est la leur et qui a été mise en preuve devant larbitre. Il soumet quun renseignement connu publiquement ne peut être protégé par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 6 et il rappelle à cet égard que laudition du grief 803 a été tenue publiquement. Il soumet enfin que la demande daccès vise lobtention dune seule copie de tous les documents produits devant larbitre Sylvestre et que larticle 33 de la loi précitée règle la question des frais de reproduction et de transmission de ces documents : 33. L'accès aux renseignements personnels contenus dans un dossier est gratuit. Toutefois, des frais raisonnables peuvent être exigés du requérant pour la transcription, la reproduction ou la transmission de ces renseignements. 6 Lionel Lavoie c. Pinkerton du Québec Ltée (1996) C.A.I. 67.
00 05 61 14 La personne qui exploite une entreprise et qui entend exiger des frais en vertu du présent article doit informer le requérant du montant approximatif exigible, avant de procéder à la transcription, la reproduction ou la transmission de ces renseignements. Le procureur de lentreprise réplique que le mandat confié par les demandeurs à leur propre procureur na aucun effet sur létendue du droit daccès que leur attribue la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Il soumet conséquemment que lentreprise na aucune obligation de donner accès aux documents en litige en vertu de cette loi; il réitère cependant que sa cliente autorise les demandeurs à les consulter. Il soumet particulièrement que les documents en litige ne sont pas, pour la plupart, constitués de renseignements personnels au sens de larticle 2 précité. Il spécifie que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ne confère pas de droit daccès aux dossiers ou documents qui ne comprennent pas de renseignements personnels. Il soumet que les demandeurs nont droit quaux seuls renseignements personnels qui les concernent, renseignements quil considère peu nombreux et dont il accepte de leur donner copie. Il soumet particulièrement que les documents produits par lemployeur au soutien de ses prétentions ne sont conséquemment pas des documents de lentreprise, que les listes nominatives des employés mis à pied en 1993 ne concernent nécessairement pas les demandeurs qui ont été mis à pied en mai 1994 et que les tableaux, graphiques et textes de conventions collectives ne comprennent pas de renseignements personnels. Il soumet enfin que les documents en litige ne sont pas constitués de renseignements personnels concernant les demandeurs même si ces documents sont susceptibles de leur
00 05 61 15 permettre de se situer par rapport à dautres personnes. Lentreprise, soutient-il, na conséquemment aucune obligation de communiquer les documents en litige aux demandeurs, exception faite des quelques renseignements personnels les concernant. Le procureur des demandeurs réitère que tous les documents visés par la demande sont des dossiers concernant les demandeurs, dossiers constitués de documents détenus et utilisés par lentreprise, quil sagisse de documents produits devant larbitre par lentreprise ou par lemployeur. Tous ces documents, soumet-il, sont constitués de renseignements relatifs à la situation des demandeurs, renseignements qui les concernent indirectement et qui sont des renseignements personnels visés par larticle 2 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. DÉCISION : Application de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé : La preuve établit que lentreprise est constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. Lentreprise a, en vertu de larticle 6 de cette loi, exclusivement pour objet létude, la défense et le développement des intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres; les règles régissant cet objet ainsi que les pouvoirs nécessaires à la poursuite de celui-ci (article 9) démontrent à eux seuls quun syndicat professionnel exerce nécessairement une activité économique organisée consistant, à tout le moins, dans la prestation de services variés et de haut niveau. Jen conclus que lexercice de lactivité économique de lentreprise (D-3) constitue lexploitation dune entreprise au sens de larticle 1525 du Code civil du Québec : 1525…. Constitue lexploitation dune entreprise, lexercice, par une ou plusieurs personnes, dune
00 05 61 16 activité économique organisée, quelle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou dans la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé a, pour sa part, lobjet suivant : 1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec. Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique à une fin d'information du public. Cette loi établit donc, notamment pour lexercice du droit daccès à des renseignements personnels, des règles particulières à légard des renseignements personnels sur autrui quune personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à loccasion de lexploitation dune entreprise au sens de larticle 1525 précité. Laccès aux renseignements personnels : Avec égards, je suis davis, compte tenu de lobjet même de cette loi, que larticle 2 définit ce quest un renseignement personnel. Je suis également davis que cette définition est claire, simple et quelle ne nécessite aucune interprétation. Ainsi, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de lidentifier est un renseignement personnel :
00 05 61 17 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. Un renseignement qui concerne une personne physique mais qui ne permet pas didentifier cette personne nest pas un renseignement personnel au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. De même, un renseignement qui intéresse une personne physique et qui la concerne sans pour autant permettre de lidentifier nest pas un renseignement personnel au sens de cette loi. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ne confère aux demandeurs aucun droit daccès à des renseignements qui ne les concernent pas ou qui ne permettent pas de les identifier. Je partage également lavis du procureur de lentreprise voulant que les demandeurs naient pas, en vertu de cette loi, un droit daccès aux renseignements personnels qui concernent dautres employés ou aux renseignements non personnels détenus par lentreprise. Les demandeurs invoquent le droit daccès prévu par larticle 27 de cette loi pour obtenir copie des documents produits devant larbitre : 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. La seule obligation faite à lentreprise, en vertu de cet article et vu la demande daccès, est de donner à chaque demandeur communication des renseignements personnels qui sont détenus et qui le concernent ou, si lon veut, communication des renseignements détenus qui le concernent et qui permettent de lidentifier. Je suis davis que tous les documents produits devant larbitre, tant ceux qui ont été déposés par lentreprise que ceux dont copie lui a été remise alors quelle exerçait les
00 05 61 18 droits de ses membres, sont détenus par lentreprise à loccasion de lexploitation, en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels, de son activité économique organisée. Le droit daccès attribué à chacun des demandeurs ainsi que lobligation de donner communication qui incombe à lentreprise sont donc déterminés par les articles 2 et 27 précités. Jai pris connaissance des documents qui demeurent en litige et qui mont été remis par le procureur de lentreprise. Les documents qui comprennent des renseignements concernant lun ou lautre des demandeurs et qui permettent de les identifier sont inscrits sur les documents suivants : 3, 6, 28, 30, 45 et 50. Seuls les renseignements personnels qui concernent les demandeurs et qui sont inscrits sur ces documents peuvent être communiqués à leur procureur en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Les autres documents, inaccessibles aux demandeurs, sont constitués de renseignements personnels concernant dautres employés de lusine ou de renseignements non personnels. POUR CES MOTIFS, la Commission ORDONNE à lentreprise de donner au procureur des demandeurs communication des seuls renseignements personnels qui les concernent et qui sont dans les documents 3, 6, 28, 30, 45 et 50; REJETTE la demande quant au reste. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 9 avril 2001.
00 05 61 19 Procureur des demandeurs : M e Marius Ménard Procureur de lentreprise : M e Normand Beaulieu
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