00 11 84 LAPOINTE, Jean-Claude ci-après appelé «le demandeur» c. Centre hospitalier et d’hébergement de Rivière-du-Loup ci-après appelé «l'organisme» Le 29 mai 2000, le demandeur s’adresse au directeur général de l’organisme afin d’obtenir copie de la «plainte» qui a été logée contre lui par 22 employés de l’équipe soignante ainsi que copie des signatures des personnes qui ont signé cette «pétition». Le même jour, le directeur général de l’organisme lui répond que la plainte logée contre lui et signée par plus de 20 employés existe, qu’elle a fait l’objet d’une rencontre de l’organisme avec les employés concernés qui ont cependant refusé de la lui remettre par crainte de représailles de la part du demandeur. Il précise que l’organisme ne détient pas les documents visés par la demande d’accès. Insatisfait de cette décision, le demandeur soumet une demande de révision à la Commission le 12 juin 2000. Les parties sont entendues le 26 avril 2001, par conférence téléphonique. PREUVE : Le directeur général de l’organisme, monsieur Raymond April, témoigne sous serment.
00 11 84 2 Il affirme avoir pris part à une rencontre concernant le demandeur et tenue à la requête de certains des membres du personnel de l’organisme, rencontre à laquelle ont pris part toute l’équipe de direction de l’organisme, l’infirmière chef de l’unité de soins ainsi que la conseillère à la direction générale. Il ajoute que les membres du personnel alors présents, qui étaient un peu plus d’une vingtaine, ont montré un document comprenant plusieurs signatures aux membres de l’équipe de direction, document dont le contenu, exprimant notamment une crainte à l’endroit du demandeur et requérant que les visites de celui-ci à l’hôpital St-Joseph soient contrôlées, a été discuté durant environ 1 ½ heure, au plus. Monsieur April précise qu’au terme de cette discussion, l’équipe de direction s’est engagée à rencontrer le demandeur afin de trouver des solutions permettant une amélioration de son comportement et régissant ses visites. Il ajoute avoir ensuite rencontré un membre du personnel qui, au nom des signataires du document précité, lui a montré de très près l’original de ce document avec les signatures y apposées et qui lui a spécifié que celui-ci ne lui serait pas remis parce que les commentaires du personnel avaient été entendus par l’équipe de direction et parce qu’il n’était pas question que ce document soit détenu par l’organisme et que le demandeur ait accès aux signatures. Il indique que ce document ne lui a conséquemment pas été remis. Madame Anne-Marie Rieux, conseillère à la direction générale, témoigne également, sous serment. Elle mentionne avoir assisté à la rencontre précitée et elle confirme le témoignage de monsieur April. Elle ajoute que les membres du personnel présents lors de la rencontre ont souligné que le document comprenait 28 signatures. La procureure du demandeur admet les faits. Elle précise qu’elle comprend que le directeur général a pris connaissance du document et que le personnel a refusé de lui en laisser un exemplaire.
00 11 84 3 Elle dépose copie d’un extrait (page 7) du rapport de gestion que le directeur général a communiqué au conseil d’administration de l’organisme pour la période du 1 er au 30 avril 2000 (D-1), rapport dans lequel monsieur April écrit que le demandeur a fait l’objet d’une plainte adressée à la direction générale et que «…Sans même discuter ni même commenter cette plainte, je veux simplement mentionner que les employés qui nous ont fait confiance en nous faisant part de cette situation disons «irrégulière» obtiendront tout le support de la direction…». La procureure dépose également copie de la mise en demeure signifiée au demandeur par les procureurs de l’organisme le 26 mai 2000 (D-2) et alléguant notamment que l’organisme a reçu «de la part des membres du personnel ayant à prodiguer des soins à votre épouse…la demande d’intervenir auprès de vous en rapport avec l’attitude que vous adoptez à leur égard et votre façon d’intervenir auprès d’eux.». Le demandeur témoigne sous serment. Il mentionne essentiellement que le dossier médical de son épouse, qui était hospitalisée chez l’organisme et qu’il visitait régulièrement, comprend les renseignements suivants : «Je lui réponds qu’il est de même pour l’équipe de soins qui en a assez de le subir et qu’une plainte de notre part sera déposée contre lui…»; il ajoute que ces renseignements sont signés. En réponse à la Commission, monsieur April réitère qu’une vingtaine de membres du personnel de l’organisme ont rencontré 6 représentants de l’équipe de direction, rencontre qui a approximativement duré une heure et demie et au cours de laquelle les membres du personnel présents, qui se sont verbalement exprimés concernant le demandeur, ont convaincu l’équipe de direction du problème résultant de la présence de celui-ci dans leur milieu de travail. Monsieur April précise que ce sont ces témoignages exprimés verbalement lors de cette rencontre qui ont amené l’organisme à agir à l’endroit du demandeur. Il reconnaît que le personnel présent lui a montré le document en litige en vue d’établir le sérieux de la démarche qui était faite et il souligne à nouveau que ce document ne lui a aucunement et jamais été remis. Il signale ne pouvoir récupérer ce qu’il
00 11 84 4 n’a jamais détenu ou eu en sa possession. Il réitère qu’après la tenue de la rencontre susmentionnée, un membre du personnel lui a clairement indiqué avoir été mandaté pour montrer le document à la direction et qu’il était expressément entendu que ce document ne devait pas être remis; il ajoute que cette personne lui a clairement indiqué que le document ne lui était volontairement pas remis par crainte de représailles de la part du demandeur. Il souligne ne pas avoir demandé que le document lui soit remis et que les témoignages exprimés lors de la rencontre précitée étaient suffisants pour prendre action. Il n’a pas, signale-t-il, lu le contenu du document constitué d’une lettre signée par plusieurs personnes. ARGUMENTATION : La procureure du demandeur soumet que la preuve établit que le document en litige existe, qu’il a été montré au directeur général de l’organisme et que, suite à son dépôt, une mise en demeure a été signifiée au demandeur. À son avis, le document est détenu juridiquement par l’organisme public, ce, dans l’exercice de ses fonctions. Elle soumet spécifiquement que l’organisme a été en possession du document, qu’il l’a utilisé pour être éclairé quant à une situation ou pour prendre une décision, qu’il l’a conséquemment détenu juridiquement et qu’il peut le récupérer. Elle soumet que l’organisme détient le document dans l’exercice de ses fonctions, par l’entremise de ses employés. À son avis, l’organisme est en mesure de le récupérer auprès de ses employés qui le détiennent dans l’exercice de fonctions accessoires de l’organisme. Monsieur April soumet pour sa part que l’organisme ne détient pas le document en litige; il précise qu’il n’a jamais détenu ni la plainte, ni les signatures la complétant.
00 11 84 5 DÉCISION : La preuve établit clairement que certains des membres du personnel de l’organisme ont pris l’initiative de se plaindre auprès de la direction de celui-ci relativement au demandeur. La preuve établit que la plainte a, pour l’essentiel, été mise sur papier et signée par les membres du personnel concernés, que son contenu a fait l’objet d’une rencontre avec la direction de l’organisme, rencontre au cours de laquelle les membres du personnel présents ont verbalement exprimé leurs doléances. La preuve établit que le document n’a pas été fourni à l’organisme par les employés concernés. La preuve établit que les témoignages exprimés lors de la rencontre, dont la durée est significative, ont permis à l’organisme de prendre les mesures qu’il a jugées appropriées dans les circonstances, ce, dans l’exercice de ses fonctions; ces témoignages auront, entre autres, pu inspirer la rédaction des propos du directeur général (D-1) ainsi que la signification d’une mise en demeure au demandeur (D-2). La preuve me convainc que la rencontre tenue entre certains des membres du personnel et l’équipe de direction de l’organisme ainsi que les mesures prises par celui-ci concernant le demandeur se situent dans l’exercice des fonctions de l’organisme. Il n’en demeure pas moins que l’organisme n’a pas détenu et ne détient pas le document en litige, qu’il ne le conserve pas, que nul n’en assure la conservation pour lui et qu’il ne peut conséquemment le récupérer.
00 11 84 6 La preuve me convainc enfin qu’aucun motif n’obligeait l’organisme à se voir remettre et à détenir juridiquement le document en litige dans l’exercice de ses fonctions ou aux fins de l’exercice de celles-ci. Rien dans la preuve ne me permet, non plus, de considérer que l’initiative de certains des membres du personnel de l’organisme, parce qu’elle a notamment été exprimée par écrit, soit une initiative de l’organisme plutôt qu’une initiative personnelle. À mon avis, ce document, non détenu par l’organisme, demeure un document personnel et privé. L’article 1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels prévoit que : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. La preuve non contredite démontre de façon convaincante que le document en litige n’est pas détenu pas l’organisme; dès lors, ce document ne peut être conservé par l’organisme ou par un tiers. La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ne s’applique pas au document en litige. POUR CES MOTIFS, la Commission rejette la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 27 avril 2001. Procureure du demandeur :
00 11 84 7 M e Dominique Demers
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.