DOSSIER: 00 13 15 Municipalité de St-Cyrille-de-Wendover et als ci-après appelés «les demandeurs» c. MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT ci-après appelé «l'organisme» et 3103-6965 Québec inc. ci-après appelé «le tiers» _________________________________________________________________________ DÉCISION ________________________________________________________________________ Le 18 mai 2000, les demandeurs s’adressent à l’organisme afin qu’il leur communique copie complète de la nouvelle demande de certificat d’autorisation soumise par le tiers concernant l’agrandissement de sa sablière à St-Charles ainsi que copie de tous les documents qui y sont reliés. Les demandeurs précisent requérir copie de tous les nouveaux documents transmis par le tiers et visant l’obtention d’un certificat d’autorisation «quelconque pour agrandir sa sablière, pour en modifier les conditions d’exploitation, pour l’extensionner dans le temps ou pour toute autre fin.». Ils requièrent également copie de tous les autres documents qui émanent de l’organisme en relation avec cette nouvelle demande de certificat d’autorisation. Le 6 juillet 2000, le responsable de l’accès aux documents de l’organisme indique aux demandeurs que le tiers ne consent pas à la communication des renseignements qu’il a fournis à l’organisme et qui sont visés par la demande d’accès. Il ajoute «Après analyse, les observations de celui-ci relativement à la confidentialité de ces renseignements nous semblent répondre aux exigences des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.».
00 13 15 2 Insatisfaits, les demandeurs requièrent la révision de ce refus. Avis de leur demande de révision est donné par la Commission tant à l’organisme qu’au tiers, conformément à l’article 137 de la Loi sur l’accès. Les parties sont entendues le 17 avril 2001, à Trois-Rivières. PREUVE : Le procureur des demandeurs précise qu’il représente la municipalité de St-Cyrille-de-Wendover ainsi que des citoyens qui résident dans le Rang III de cette municipalité. Le procureur du tiers précise pour sa part que le recours entrepris par la municipalité de St-Cyrille-de-Wendover pour contester la validité du certificat d’autorisation accordé au tiers en 1995 pour l’exploitation de sa sablière à St-Charles a été rejeté par la Cour supérieure dont la décision a été maintenue en appel. Il ajoute que la Cour supérieure a par ailleurs rejeté, le 16 août 2000, la requête en injonction interlocutoire dont l’avaient saisie des citoyens représentés par le procureur des demandeurs qui notamment s’opposent au transport, via le Rang III, du sable extrait de la sablière susmentionnée; il spécifie que le recours au fond est toujours pendant. Le procureur de l’organisme fait entendre monsieur René Houle, répondant régional de l’accès aux documents de l’organisme depuis 5 ans, qui témoigne sous serment. Monsieur Houle affirme avoir traité la demande d’accès reçue le 23 mai 2000 après avoir donné avis de sa réception aux demandeurs (O-1). Il a, mentionne-t-il, examiné le dossier concerné et transmis certains documents aux demandeurs, savoir :
00 13 15 3 • copie d’une lettre de l’organisme adressée à Techni-Conseil H.C. inc., datée du 28 avril 2000 (O-1); • copie du résultat d’une recherche effectuée sur le système CIDREQ, datée du 28 avril 2000 (O-1); • liste détaillée des documents fournis par le tiers et visés par la demande d’accès (O-1). Monsieur Houle ajoute avoir donné au tiers avis de la demande d’accès, requis ses observations écrites et lui avoir transmis copie de la liste détaillée des documents visés par la demande d’accès (O-2). Il mentionne avoir reçu les observations du tiers le 20 juin 2000 (O-3), observations par lesquelles le tiers a exprimé son objection à la communication des documents en litige et spécifié que ces documents étaient traités de façon confidentielle tant par lui que par l’ensemble de l’industrie. Monsieur Houle indique avoir transmis copie de l’ensemble du dossier au responsable de l’accès aux documents de l’organisme afin qu’une décision soit rendue à la suite du refus exprimé par le tiers (O-3). Il ajoute que le responsable a rendu sa décision le 6 juillet 2000 en refusant de donner accès aux documents fournis par le tiers en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès. Il spécifie enfin que les seuls documents qui soient visés par la demande d’accès et détenus par l’organisme sont ceux qu’il a transmis aux demandeurs (O-1) ainsi que ceux qui demeurent en litige et dont copie est remise à la Commission séance tenante.
00 13 15 4 Contre-interrogé par le procureur des demandeurs, monsieur Houle précise que la décision de refuser l’accès aux documents fournis à l’organisme par le tiers a été prise par le responsable de l’accès aux documents de l’organisme. Le procureur du tiers fait entendre monsieur Yvon Benoît, propriétaire et administrateur du tiers, qui témoigne sous serment. Monsieur Benoît affirme que le tiers opère (excavation et transport) 3 sablières dans la région de Drummondville, qu’il n’a qu’une seule place d’affaires et qu’il emploie 18 personnes (opérateurs, chauffeurs, mécaniciens) parmi lesquelles on ne compte qu’une secrétaire. Il confirme le dépôt, par le tiers, d’une demande de certificat d’autorisation auprès de l’organisme en vue d’agrandir la sablière exploitée dans la municipalité de St-Charles. Il indique que le tiers a retenu les services de la société Techni-Conseil H.C. inc. au soutien de cette nouvelle demande de certificat d’autorisation, société avec laquelle il fait toujours affaire pour ses demandes de certificats d’autorisation. Il précise ne détenir qu’un exemplaire des documents en litige, exemplaire qu’il range dans une filière verrouillée à laquelle sa secrétaire et lui-même peuvent avoir un accès exclusif. Il ajoute que sa secrétaire ne remet aucun document sans son autorisation. Monsieur Benoît indique que la divulgation des documents en litige causerait préjudice au tiers en ce qu’elle fournirait à des compétiteurs certains renseignements propres à son entreprise et qu’elle leur procurerait des avantages dans un contexte de compétitivité.
00 13 15 5 Contre-interrogé par le procureur des demandeurs, monsieur Benoît confirme avoir fourni à l’organisme les renseignements exigés par ce dernier pour l’obtention d’un certificat d’autorisation. Le procureur du tiers fait également entendre monsieur Harold Chassé, président, directeur général et seul employé de la société Techni-Conseil H.C. inc. Monsieur Chassé dit opérer son entreprise spécialisée en technologies environnementales depuis 1991; il ajoute avoir été à l’emploi de l’organisme de 1985 à 1991, période au cours de laquelle il traitait les demandes de certificat d’autorisation. Il précise que son entreprise a préparé approximativement 300 demandes de certificat d’autorisation pour ses 40 clients, demandes qu’il conservait dans une voûte à laquelle il avait un accès exclusif. Il indique qu’à sa connaissance, les documents préparés en vue de l’obtention d’un certificat d’autorisation auprès de l’organisme ne sont pas requis dans le cadre d’appels d’offres. Il spécifie que chaque dossier est traité de façon confidentielle et que les clients s’attendent à ce qu’il en soit ainsi. À son avis, la divulgation des documents en litige avantagerait une personne qui projette de demander un certificat d’autorisation pour ses propres activités ou encore un compétiteur qui, informé de toute la mesure de l’activité autorisée par l’organisme au tiers, serait plus à même d’évaluer le contexte de compétitivité dans lequel il répondrait à un appel d’offres donné et d’ajuster sa soumission en conséquence.
00 13 15 6 Il précise enfin que son entreprise ne répond pas aux demandes d’accès aux documents détenus par elle. Il ajoute que les documents fournis par les tiers au soutien de demandes de certificat d’autorisation n’étaient pas divulgués durant la période au cours de laquelle il était à l’emploi de l’organisme. Contre-interrogé par le procureur des demandeurs, monsieur Chassé souligne qu’à sa connaissance, l’organisme traite les documents fournis par les tiers au soutien de leur demande de certificat d’autorisation de façon confidentielle et que les tiers concernés le savent. Monsieur Chassé souligne également que les renseignements techniques demeurent confidentiels et qu’ils ne sont pas inscrits dans les certificats d’autorisation. Le procureur des demandeurs signale alors que ses clients réduisent leur demande de révision aux renseignements suivants : • superficie totale de l’aire d’exploitation; • durée d’exploitation; • calendrier d’exploitation (nombre de jours par semaine, nombre d’heures par jour); • nombre de camions par heure; • taux de production annuelle totale. ARGUMENTATION : Le procureur du tiers rappelle le lourd contentieux existant entre les demandeurs et son client. Il réitère que la Cour d’appel a maintenu le jugement rendu par la Cour supérieure le 25 novembre 1999 et confirmant la validité du certificat d’autorisation octroyé au tiers en 1995 pour l’aménagement et l’exploitation d’une sablière à St-Charles, validité
00 13 15 7 contestée par la municipalité de St-Cyrille-de-Wendover (document déposé par le procureur des demandeurs sous la cote D-1); il rappelle également que les demandeurs (citoyens Milot et als) se sont adressés à la Cour supérieure qui a rejeté leur demande d’injonction interlocutoire contre le tiers (document déposé par le procureur des demandeurs sous la cote D-1) et que ce tribunal n’a pas encore rendu sa décision au fond dans cette affaire. Il se dit conséquemment d’avis que la divulgation des renseignements en litige aurait une incidence manifeste sur les procédures judiciaires pendantes. Le procureur du tiers soumet que l’article 23 de la Loi sur l’accès s’applique particulièrement à la demande d’accès telle qu’elle a été réduite par les demandeurs; à son avis, la preuve établit que les renseignements qui demeurent en litige sont techniques, qu’ils ont été fournis par le tiers, qu’ils sont de nature confidentielle et qu’ils sont habituellement traités par le tiers de façon confidentielle. Il soumet par ailleurs que la divulgation des renseignements qui demeurent en litige aurait pour effet combiné de procurer des avantages à des compétiteurs ainsi qu’aux demandeurs (citoyens) dans le cadre du recours pendant devant la Cour supérieure. Il soumet enfin que ces renseignements n’ont aucun caractère public. Le procureur de l’organisme soumet pour sa part que la preuve établit que les documents en litige ont été analysés par le responsable de l’accès qui, à la suite du refus du tiers, a reconnu le bien fondé des motifs invoqués par lui au soutien de son refus. Le procureur des demandeurs soumet que les demandeurs ont le droit de savoir ce qui se passe chez eux.
00 13 15 8 Il soumet également que les renseignements qui demeurent en litige ne sont pas techniques. Il soumet que ces renseignements lui seraient accessibles dans le cadre d’un interrogatoire préalable. Il soumet enfin que le tiers fait preuve de mauvaise foi en refusant l’accès aux documents en litige. Le procureur du tiers soumet à cet égard que son client exerce légitimement son droit de refuser la communication des renseignements fournis par lui à l’organisme. DÉCISION : J’ai pris connaissance des documents auxquels l’accès a été refusé par le responsable de l’organisme en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels qui se lisent comme suit : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. Ces documents, qui ont été identifiés dans la liste transmise aux demandeurs (O-1) et qui concernent un projet d’exploitation commerciale, comprennent les renseignements qui, limités en audience par les demandeurs, demeurent en litige :
00 13 15 9 • superficie totale de l’aire d’exploitation; • durée d’exploitation; • calendrier d’exploitation (nombre de jours par semaine, nombre d’heures par jour); • nombre de camions par heure; • taux de production annuelle totale. La preuve démontre, en qui concerne l’application de l’article 23 précité, que ces renseignements sont de nature confidentielle, qu’ils ont été fournis par le tiers, qu’ils sont habituellement traités par le tiers de façon confidentielle et que le tiers ne consent pas à leur communication. Avec égards cependant, je ne crois pas que ces renseignements soient techniques, c’est-à-dire qu’ils appartiennent à un domaine particulier ou spécialisé de l’activité ou de la connaissance par opposition à ce qui est commun ou général 1 . La superficie totale de l’aire d’exploitation, la durée ainsi que le calendrier d’exploitation de même que le taux de production annuelle totale sont d’abord et avant tout des renseignements commerciaux 2 proprement et directement reliés à l’exploitation profitable d’une sablière et à son aménagement ultérieur, activités identifiées sur la liste des documents transmise par l’organisme à l’intention du procureur des demandeurs (O-1). Je suis également d’avis que le nombre de camions par heure, tel qu’il est exprimé par le tiers dans les documents fournis par lui à l’organisme, est un renseignement commercial qui, à l’instar du calendrier d’exploitation, décrit concrètement l’une des opérations visant la vente du sable par le tiers. Je comprends que les renseignements commerciaux en litige font partie d’un ensemble de renseignements fournis à l’organisme par le tiers, ensemble constitué de renseignements pour la plupart techniques auxquels les demandeurs ont cependant finalement renoncé. À mon avis également, la transmission, par l’entremise d’un chargé de projet en 1 La Presse c. Université de Montréal (1991) C.A.I. 29.
00 13 15 10 technologies environnementales, de renseignements d’abord et avant tout commerciaux, n’en fait pas pour autant des renseignements techniques. La preuve me convainc que les conditions d’application de l’article 23 précité sont réunies et que la décision du responsable de l’organisme était, au moment où elle a été prise, fondée en droit. Le responsable devait refuser de communiquer les renseignements en litige en vertu de cet article. Je souligne que les arguments invoqués au soutien de l’application de l’article 24, bien qu’intéressants, n’étaient pas suffisamment appuyés par des faits; les conditions d’application de cet article exigent que la preuve démontre à la Commission que les risques qui y sont très précisément énumérés résultent vraisemblablement de la divulgation des renseignements auxquels l’accès est refusé. Je comprends enfin que la preuve qui aurait peut-être permis l’application de l’article 26 de la Loi sur l’accès n’a pas été présentée devant la Commission et qu’elle est susceptible de l’être devant la Cour supérieure dans le cadre des procédures pendantes (D-1). POUR CES MOTIFS, la Commission rejette la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire Québec, le 27 avril 2001. Procureur des demandeurs : 2 Berku c. Cité de Côte-St-Luc (1990) C.A.I. 237.
00 13 15 11 M e Maurice Laplante Procureur de l’organisme : M e Jonathan Branchaud Procureur du tiers : M e Claude Jean
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.