99 18 31 BITTON, David ci-après appelé le « demandeur » c. MINISTÈRE DU REVENU DU QUÉBEC ci-après appelé l’ « organisme » Le 25 août 1999, le demandeur, par l’entremise de son procureur, s’adresse à l’organisme, ce dernier agissant à titre de percepteur des pensions alimentaires, afin qu’il lui fournisse copie de l’ensemble de son dossier et plus particulièrement, la correspondance qu’il contient ainsi que toute note faisant état de toute communication qui aurait pu avoir lieu relativement à ce dossier. Le 1 er octobre suivant, l’organisme après lui avoir accordé accès total à certains documents et accès partiel à d’autres, lui refuse entièrement la communication d’un groupe de 12 pages en fondant sa décision, pour tous les renseignements refusés, sur les articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . Le 15 octobre 1999, insatisfait de cette décision en ce qui concerne les 12 pages totalement soustraites à l’accès, la procureure du demandeur requiert la Commission de la réviser et une audience se tient aux bureaux de la Commission sis en la ville de Montréal, le 23 janvier 2001. L’AUDIENCE Le demandeur conteste la décision de l’organisme de lui refuser l’accès à ces 12 pages en ces termes : 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « la Loi » ou « la Loi sur l’accès ».
99 18 31 2 […] Le motif de refus allégué est que l’accès à ces renseignements « révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant des personnes physiques et que ces personnes n’y ont pas consenti par écrit ». Il est en effet vraisemblable que la divulgation de ces renseignements permettrait l’identification des parties au dossier, soit David Bitton ou son ex épouse, [R. T.] ou encore son procureur M e [C. A. ...] Nous soumettons que l’identification de la créancière alimentaire ou de son procureur ne devrait pas être considéré comme de l’information confidentielle à l’égard du débiteur alimentaire. Nous comprenons que la loi d’accès à l’information de même que l’article 75 de la [L]oi facilitant le paiement de pensions alimentaires protègent certains renseignements mais nous soumettons que cette protection ne devrait pas s’appliquer aux personnes personnellement impliquées au dossier. […] Enfin notre client n’a pas d’objection à ce que les noms, adresses ou toutes autres coordonnées des personnes pouvant apparaître dans ces documents soit élagués. (sic) Les parties conviennent que le litige se limite au refus de communiquer ces 12 pages totalement soustraites de l’accès. Il est admis par les procureurs au dossier que l’administration de la Loi facilitant la perception des pensions alimentaires 2 cause, chez l’organisme, la création d’un dossier commun aux ex-conjoints et que la Loi sur le ministère du revenu 3 et ses règles particulières de confidentialité ne s’appliquent pas au présent dossier. Les 12 pages en litige sont remis à la soussignée sous le sceau de la confidentialité. La procureure du demandeur dépose, sous la cote D-1, une déclaration assermentée signée le 11 août 2000 par le demandeur dans laquelle il affirme connaître tous les renseignements qui s’y trouvent énumérés. Le demandeur est présent à l’audience. Malgré l’occasion qui lui est offerte, le procureur de l’organisme signifie au tribunal qu’il ne désire pas contre-interroger le demandeur sur le contenu de cet affidavit. La procureure du demandeur déclare que ce dernier ne veut pas obtenir les renseignements qui font partie de l’affidavit D-1, puisqu’il les connaît. Elle rappelle également que le demandeur ne désire pas obtenir de renseignements personnels concernant des tiers tels des numéros de téléphones, des adresses ou des codes postaux. 2 L.R.Q., c. P-2.2, ci après appelée la « LPPA ». 3 L.R.Q., c. M-31, ci-après appelée la « LMR ».
99 18 31 3 Le procureur de l’organisme plaide que les renseignements que contiennent les 12 pages en litige ne concernent que l’ex-épouse du demandeur. Il est d’avis que les articles 53, 54 et 88 de la Loi et l’article 75 de la LPPA obligent l’organisme à ne pas les divulguer au demandeur et ce, comme la jurisprudence 4 et la doctrine 5 l’ont confirmé. Il souligne que la jurisprudence citée indique au lecteur que la Commission et la Cour du Québec ont été prudentes devant l’affirmation des demandeurs qu’ils connaissaient les renseignements en cause et qu’elles n’ont pas hésité, en cas de doute, à leur en refuser l’accès. 75. Tout renseignement obtenu en vertu de la présente loi est confidentiel. Nul ne peut faire usage d'un tel renseignement à une fin non prévue par la loi, communiquer ou permettre que soit communiqué un tel renseignement à une personne qui n'y a pas légalement droit ou permettre à cette personne de prendre connaissance d'un document contenant un tel renseignement ou d'y avoir accès. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. 4 La Personnelle-vie, corporation d’assurance c. Ministère de l’Environnement et de la Faune, [1999] CAI 275, 276 et 277; Lebel c. Ville de Sainte-Foy, [1999] CAI 97, 99 et 100; Corporation d’habitations Jeanne-Mance c. Laroche, [1997] CAI 427, 428 et 429 (C.Q.). 5 Lire à ce sujet la LPPA annotée, version du 20 novembre 1998, concernant l’article 75 de la LPPA, pages 92 à 95.
99 18 31 4 Le procureur de l’organisme ajoute que ce dernier et la Commission doivent également protéger les renseignements visés par le secret des communications privilégiées entre l’ex-conjointe du demandeur et le procureur qui la représente dans le dossier de la pension alimentaire et ce, en application de l’article 9 de la Charte des droits et libertés 6 : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. La procureure du demandeur plaide que, par le jeu de l’article 168 de la Loi sur l’accès, l’article 75 de la LPPA, loi postérieure à la Loi sur l’accès, ne s’applique pas à l’encontre des l’alinéas premier et deuxième de l’article 83 la Loi sur l’accès, consacrant le droit d’accès des individus aux renseignements qui les concernent, puisqu’il aucune disposition de la LPPA ne prévoit qu’il aura préséance 7 : 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. […] La procureure du demandeur cite quelques décisions 8 de la Commission où il a été statué que l’organisme ne peut retenir les renseignements nominatifs concernant le 6 L.R.Q., c. C-12, ci-après appelée la « Charte ». 7 Lelièvre c. Ministère du Revenu, [1999] CAI 221, 230,231. 8 Lebel c, Sainte-Foy, op. cit. supra note 4; D. c. Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, [1989] CAI 281; Aubin c. Ministère de la Sécurité publique, [1995] CAI 250.
99 18 31 5 demandeur et une autre personne physique qui sont connus du demandeur en application de l’article 88 de la Loi. DÉCISION L’article 75 de la LPPA ne peut valoir à l’encontre du droit d’accès consacré par l’article 83 de la Loi. Sur ce point, je partage entièrement la position que la procureure du demandeur a développée et dont il est fait état plus haut. J’ai exclu de l’appréciation qui suit les renseignements contenus à la déclaration assermentée du demandeur (D-1) et qui se retrouveraient dans les documents en litige puisque le demandeur, les connaissant, a informé le Tribunal qu’il ne veut pas les obtenir de l’organisme. Ils ne sont donc pas en litige. J’ai bien examiné les documents visés par la demande de révision. Ils constituent une liasse de 12 pages. Il s’agit de trois bordereaux de transmission à l’interne par télécopie ou autre moyen de communication d’une page chacun et contenant un message (9 août 1999, 12 août 1999, 27 août 1999), de trois communications provenant de l’ex-conjointe du demandeur d’une page chacune (9 août 1999, 12 août 1999, 26 août 1999), d’une lettre du procureur de l’ex-conjointe du demandeur de deux pages, accompagnée d’un bordereau de transmission par télécopieur (26 août 1999, la lettre se trouvant en double exemplaire dans cette liasse) et d’une communication d’une page provenant d’un autre organisme (13 septembre 1999). Les trois communications provenant de l’ex-conjointe du demandeur sont protégées en vertu de l’article 88 de la Loi parce qu’elles apprendraient au demandeur des renseignements nominatifs concernant leur auteur qu’il ne connaît pas. Ces renseignements forment la substance de ces documents. La communication du 26 août 1999 provenant de la procureure de l’ex-épouse du demandeur contient, en substance, des renseignements privilégiés protégés par l’article 9 de la Charte parce qu’elle révèle des confidences par une cliente à son avocate, confidences faites en raison de la profession de cette dernière. Il en est de même pour le bordereau de transmission du 27 août 1999 faisant état de cette dernière communication.
99 18 31 6 La note du 13 septembre provenant d’un autre organisme concerne entièrement une autre personne physique et d’aucune façon le demandeur. Ce document n’est pas accessible au demandeur en application des articles 53, 54 (plus haut cités) et de l’alinéa premier de l’article 59 de la Loi : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. […] Les bordereaux de transmission à l’interne des 9 et 12 août 1999 ne contiennent aucun renseignement nominatif qui puisse concerner une autre personne physique. Ils sont accessibles au demandeur en vertu de l’article 83 de la Loi. POUR CES MOTIFS, la Commission ACCUEILLE en partie la demande de révision; ORDONNE à l’organisme de remettre au demandeur copie des bordereaux de transmission interne datés des 9 et 12 août 1999; et REJETTE la demande de révision quant au reste. Québec, le 4 avril 2001. DIANE BOISSINOT Commissaire Procureur de l’organisme : M e François Trudel Procureure du demandeur : M e Geneviève Maranda
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