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00 10 12 L Demandeur c. LES CENTRES BUTTERS-SAVOY ET HORIZON Organisme public L'OBJET DU LITIGE Le 7 avril 2000, le demandeur signale avoir été congédié par l'organisme le 16 février 2000 après y avoir travaillé pendant 23 ans. Il veut recevoir de l'organisme copie de son dossier, notamment les renseignements recueillis lors d'une enquête le concernant, les dépositions verbales ou écrites de personnes et d'experts rencontrés et le rapport d'enquête. Le 20 avril 2000, l'organisme lui achemine une copie du compte rendu de la rencontre du 17 janvier 2000. Il invoque les articles 32, 53, 59 et 88 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 pour lui refuser l'accès aux autres documents. Le 26 avril 2000, le demandeur écrit de nouveau à l'organisme pour que celui-ci lui fasse parvenir lesdits documents. Il soulève une série d'arguments à l'appui de sa demande. Le 17 mai 2000, l'organisme avise le demandeur que sa position du 20 avril demeure inchangée. 1 L.R.Q., c. A-2.1 (ci-après nommée « Loi sur laccès » ou « la loi »).
00 10 12 - 2 -Le 19 mai suivant, le demandeur exige l'intervention de la Commission d'accès à l'information du Québec (ci-après nommée « la Commission ») pour qu'elle révise la décision de l'organisme. L'audience débute à Montréal le 15 décembre 2000 et se poursuit le 12 mars 2001. LA PREUVE Séance du 15 décembre 2000 Les parties déposent de consentement les pièces O-1 à O-12 et D-1 relatives au congédiement du demandeur par l'organisme. M. Raymond Jacques, chef des Ressources humaines et responsable des relations de travail, mentionne que les pièces O-1 à O-4 rapportent l'entente intervenue entre les parties patronale et syndicale pour procéder rapidement au choix d'un arbitre et à l'étude du grief. Le procureur de l'organisme soumet que la contestation du congédiement du demandeur a donné lieu à « un chassé-croisé » de correspondance, dont une requête pour précisions de la part du syndicat, notamment pour obtenir le rapport d'expertise. Cette dernière requête est encore à l'étude devant l'arbitre de grief, M e Marc Boisvert (pièces O-6 et O-11). Il fait valoir que l'arbitre doit décider de l'accessibilité aux mêmes documents que ceux requis par l'actuelle demande d'accès. Il prétend qu'il y a litispendance, ayant identité de parties 2 , d'objet et de cause 3 . Il requiert de la Commission de rejeter la demande de révision pour éviter la multiplicité de procès et la possibilité de jugements contradictoires. 2 Carrière c. Société de transport de la Ville de Laval, [1995] C.T. 386 (C.T.); Liberty Mutual Insurance Co. c. Commission des normes du travail du travail, [1990] R.D.J. 421 (C.A.). 3 Rocois Construction inc. c. Dominion Ready Mix Inc., [1990] 2 R.C.S. 440; Valois c. Caisse populaire Notre-Dame-de-la-Merci, J.E. 95T-1260 (C.A.).
00 10 12 - 3 -Subsidiairement, le procureur réclame que la Commission utilise l'article 141 de la loi pour suspendre le dossier jusqu'à ce qu'une « décision finale » soit rendue par l'arbitre de grief 4 : 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa juridiction; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements nominatifs. À défaut, le procureur invoque les articles 14 5 , 32 6 , 37 7 et 53 à 57 8 de la loi pour refuser l'accès aux documents demandés : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. 4 Labonté c. Corporation municipale de Dolbeau, 97BE-52 (C.S.); La Garantie, compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord c. Gordon Capital Corporation, [1995] R.D.J. 537 (C.A.). 5 Petkov c. Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche, [1995] C.A.I. 9; Simard c. Ministère de la Culture et des Communications, C.A.I. Québec, n o 98 01 61, 1 er mai 200, commissaire Boissinot; Fournier c. Ministère des Finances, [1998] C.A.I. 341; Commission scolaire Laurenval c. Mehta, [1990] C.A.I. 279; Burcombe c. Hydro-Québec, [1999] C.A.I. 91. 6 Germain c. Commission de police du Québec, [1987] C.A.I. 37; Racette c. Centre hospitalier Le Gardeur, [1986] C.A.I. 266; Cléroux c. Ville de Laval, [1992] C.A.I. 28; Office municipal d'habitation de Montréal c. Beaulieu, [1998] C.A.I. 450 (C.Q.). 7 Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, [1991] C.A.I. 311; Ville de Rimouski c. Syndicat national des employés municipaux (manuels) de Rimouski, [1998] C.A.I. 525 (C.Q.); Gouvernement d'Alberta c. Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, C.Q. Montréal, n o 500-02-043985-964, 6 février 1997, j. Durand; Société Radio-Canada c. Ministère de la Santé et des Services sociaux, [1992] C.A.I. 153. 8 Leroux c. Ministère de la Sécurité publique, [1993] C.A.I. 299; Moreau c. Ville de Val-Bélair, [1999] C.A.I. 214; Ville de Montréal c. Chevalier, [1998] C.A.I. 501 (C.Q.).
00 10 12 - 4 -37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. 57. Les renseignements suivants ont un caractère public : 1 o le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2 o le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; 3 o un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat; 4 o le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage. 5 o le nom et l'adresse d'affaires du titulaire d'un permis délivré par un organisme public et dont la détention est requise en vertu de la loi pour exercer une activité ou une profession ou pour exploiter un commerce. Toutefois, les renseignements prévus au premier alinéa n'ont pas un caractère public si leur divulgation est de nature à nuire ou à entraver le travail d'une personne qui, en
00 10 12 - 5 -vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime. En outre, les renseignements prévus au paragraphe 2 o ne peuvent avoir pour effet de révéler le traitement d'un membre du personnel d'un organisme public. Le procureur allègue que la loi n'a pas de disposition qui prévoit qu'un organisme est forclos de soulever des restrictions prévues à la loi, même après avoir répondu par écrit au demandeur 9 . La procureure du demandeur réplique que les conditions de la litispendance ne sont pas rencontrées parce qu'il n'y a pas identité d'objet et de cause, les conclusions recherchées étant distinctes. Dans un cas, l'on conteste la suspension et le congédiement du demandeur en réclamant sa réintégration en emploi et, dans l'autre, on veut obtenir des documents en vertu de l'article 83 de la loi : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. La procureure soumet que seule la Commission est compétente pour entendre une demande de révision, à la suite de la réponse fournie par le responsable de l'accès, et ce, en vertu des articles 122, 141 et 168 de la loi : 122. La Commission a pour fonction d'entendre, à l'exclusion de tout autre tribunal, les demandes de révision faites en vertu de la présente loi. La Commission exerce également les fonctions qui lui sont attribuées par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. 9 Ministère de la Sécurité publique c. Joncas, J.E. 99-1653 (C.Q.); Letendre c. Société de l'assurance automobile du Québec, [1999] C.A.I. 384; Rioux c. Recyclage Kebec inc., A.I.E. 2000AC-20.
00 10 12 - 6 La procureure signale que l'arbitre de grief ne possède d'ailleurs pas de pouvoir pour contraindre une partie à divulguer préalablement sa preuve 10 . Elle avance que la Loi sur l'accès prévoit un droit qui n'existe pas en matière de relations de travail et que le bénéfice recherché est différent en droit d'accès qu'en droit du travail. Elle demande de rejeter le moyen préliminaire visant la litispendance. La Commission prend sous réserve l'objection préliminaire de l'organisme. Séance du 12 mars 2001 M. Jacques relate qu'il a traité le dossier dans le cadre de la présente demande d'accès. Il situe le contexte de la relation existante entre les parties au moment de la demande d'accès : Le demandeur est congédié le 16 février 2000 au motif qu'il a eu des relations sexuelles avec une cliente de l'organisme. Le demandeur conteste ce congédiement; Le 28 avril 2000, une première séance d'arbitrage est consacrée à la composition du tribunal d'arbitrage. L'arbitre, M e Marc Boisvert, décide que l'arbitrage sera tenu par un arbitre unique; 10 BRODEUR, Jean-Marc, « Divulgation de la preuve en arbitrage de grief : l'employeur doit-il se mettre à nu? » dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en droit du travail 2000, Cowansville, Éditions Yvon Blais, pp. 143-185, 172 et suiv.; BLOUIN, Rodrique et MORIN, Fernand, Droit de l'arbitrage de grief, 5 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000, p. 330 et suiv.; Fraternité des policiers de Val-d'Or inc. c. Ville de Val-d'Or, [1998] R.J.D.T. 955; Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP section locale 352) c. Donohue division pâtes et papier (secteur Baie-Comeau), REJB 2000-19327 (C.S.); Société nationale de l'amiante c. Lab Chrysotile inc., [1995] R.J.Q. 757 (C.A.); Communauté urbaine de Montréal c. CHUBB du Canada, compagnie d'assurances, [1998] R.J.Q. 759 (C.A.); Thibeault c. Ministère de l'Environnement et de la Faune, [1998] C.A.I. 106; Sigouin c. Paroisse Sainte-Julienne, [1998] C.A.I. 24.
00 10 12 - 7 - Le demandeur, par l'entremise de son syndicat, demande à l'arbitre de grief, le 14 avril 2000, que l'organisme lui communique plusieurs informations, particulièrement les renseignements administratifs reliés aux actes reprochés au demandeur. Lors d'une deuxième séance, M e Boisvert rejette la requête du syndicat pour obtenir lesdits documents (pièce O-13 en liasse); Une troisième séance d'arbitrage porte sur la « tardiveté » de soumettre au syndicat le congédiement du demandeur par l'organisme. Cette requête du syndicat est également rejetée par M e Boisvert; et Il est prévu initialement deux autres jours d'audience devant l'arbitre, en avril 2001, sur le fond du litige. M. Jacques identifie et commente les documents qui sont remis à la Commission sous pli confidentiel comme suit : 1) Document rédigé par M me Kathleen Hogan, chef de programmes et supérieure du demandeur M. Jacques indique que ce document fait état d'une conversation avec une intervenante et des circonstances entourant la connaissance des actes reprochés au demandeur avec la cliente. Il en refuse l'accès parce que la communication de ce document révélerait l'identité d'un individu sans son consentement, une appréciation et une analyse des faits qui serviront de preuve devant le tribunal d'arbitrage. Il souligne que les mêmes motifs de restrictions s'appliquent pour tous les autres documents qui suivront. 2) Document rédigé par M me Kathleen Hogan
00 10 12 - 8 M. Jacques relate que ce document fait état de rencontres avec des représentants de l'organisme et des démarches entreprises par ce dernier pour gérer la situation. 3) Document rédigé par M me Kathleen Hogan M. Jacques note que ce document est en relation avec les démarches entreprises par l'organisme dans le dossier et les rencontres de M me Hogan avec la cliente et des personnes-ressources. 4) Document rédigé par M me Kathleen Hogan M. Jacques mentionne que le document porte sur des conversations téléphoniques avec des tierces personnes et qu'il renferme des renseignements au sujet de la cliente. 5) Déclaration écrite de la cliente 6) Document rédigé par M me Kathleen Hogan M. Jacques dit que ce document fait état des rencontres de M me Hogan avec les autorités de l'organisme, d'une analyse de la situation, des suites à donner au dossier et des dispositions qui ont été prises concernant la cliente. 7) Document rédigé par M me Kathleen Hogan M. Jacques allègue que le document rapporte les conversations de M me Hogan avec des tierces personnes. 8 à 13) Les parties conviennent que ces documents ont été produits devant l'arbitre Boisvert et qu'ils ne sont plus en litige. 14) Document rédigé par M me Kathleen Hogan
00 10 12 - 9 M. Jacques soutient qu'il s'agit d'observations au sujet de la cliente. 15) L'expertise du D r Drolet M. Jacques prétend que ce document est une analyse visant à évaluer la crédibilité de la cliente. Interrogé par la procureure du demandeur, M. Jacques mentionne que M me Micheline Dion, conseillère en gestion des ressources humaines, a été mandatée par l'organisme pour faire l'enquête administrative concernant le demandeur et qu'elle a signé certains documents actuellement en litige. Il atteste que M me Hogan a rédigé les documents en litige dans le cadre de ses fonctions à titre de supérieure hiérarchique du demandeur. Il affirme que l'organisme a pris la décision de congédier le demandeur le 16 février 2000. M me Micheline Dion confirme avoir été responsable de l'enquête administrative au sujet du demandeur et dépose, sous pli confidentiel, les documents suivants qu'elle détenait : 16) Note du 19 octobre 1999 Le document identifie les personnes impliquées et ce qu'elle doit vérifier dans le cadre de l'enquête. 17) Le profil d'employé du demandeur Les parties conviennent que ce document n'est pas en litige. 18) Les notes prises en novembre 1999 à la suite d'une conversation avec M me Hogan
00 10 12 - 10 -19) Les notes prises à la suite de rencontres avec M me Hogan et des employés. 20) Un document traitant de tiers et de dates de rencontre. 21) Une note manuscrite de la rencontre avec le demandeur et le compte rendu de cette dernière Le procureur de l'organisme note que ce document n'est pas en litige, à l'exception des renseignements sur deux pages qui identifient des tiers. 22) Les notes prises à la suite d'une conversation avec M me Hogan le 20 janvier 2000 23) Une note du 7 février 2000 à la suite de sa deuxième rencontre avec le demandeur M me Dion affirme que tous les documents qu'elle détenait en relation avec la demande d'accès ont été remis à la Commission sous pli confidentiel et qu'il n'en existe pas d'autres. Interrogée par la procureure du demandeur, M me Dion fait part qu'elle a eu des rencontres avec M. Jacques, mais qu'elle n'a pas pris aucune note de leurs conversations verbales. LES ARGUMENTS Le procureur de l'organisme réitère l'invitation faite à la Commission de suspendre la présente audience jusqu'à ce qu'une décision arbitrale soit rendue, et ce, pour ne pas dénaturer le processus arbitral.
00 10 12 - 11 -Il invoque l'article 88 de la loi pour que ne soient pas communiqués des renseignements sur des tiers, sans leur consentement 11 : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. Le procureur soutient que l'on ne peut donner une analyse si ces renseignements ont un impact sur une procédure judiciaire 12 . Il plaide que les documents recherchés par le demandeur lui permettront d'identifier des ressources familiales et des renseignements personnels qui touchent des employés ou des tierces personnes. Il prétend que l'on ne peut appliquer aux documents en litige l'article 14 de la loi sans en altérer le sens et que, dans les circonstances, la substance même des documents, aux termes des articles 32 et 37 de la loi, en empêche la communication. La procureure du demandeur soutient pour sa part qu'il n'y a pas litispendance parce que nous sommes en présence de deux tribunaux, de deux lois différentes et que la Loi sur l'accès n'est pas incompatible avec celle en matière de relations de travail. La procureure fait valoir que le demandeur connaît la cliente et le nom de celle-ci. Ce renseignement ne constitue pas, en soi, un renseignement nominatif en ce qui concerne le demandeur. Elle argue que l'organisme n'a pas fait la démonstration que les documents en litige puissent avoir un effet sur une procédure judiciaire parce qu'il s'agit de comptes rendus, factuels, et que ceux-ci 11 Gélinas c. Centre local de services communautaires de Hull, C.A.I. Montréal, n o 99 12 88, 6 octobre 2000, commissaire Laporte; Patenaude c. Protecteur du citoyen, C.A.I. Québec, n o 99 23 12, 4 décembre 2000, commissaire Boissinot. 12 Fleury c. Tribunal administratif du Québec, C.A.I. Québec, n o 99 06 10, 16 février 2000, commissaire Grenier.
00 10 12 - 12 -ne constituent pas une analyse au sens de l'article 32 de la loi 13 . Elle note que le contenu des versions déjà connues du demandeur ne peut avoir un impact sur une procédure judiciaire 14 . Elle prétend que le demandeur peut obtenir copie des 13 Tissus Chez Denise inc. c. Ville de Rouyn-Noranda, [1990] C.A.I. 48; Thériault c. Ville d'Eastman, [1998] C.A.I. 97; Ville de Saint-Constant c. Filiatrault, McNeil & Associés, [1999] C.A.I. 523; R c. Communauté urbaine de Montréal, [1988] C.A.I. 357; L'Archevêque c. Ville de Laval, [1999] C.A.I. 164; Giroux c. Centre d'accueil la Cité des Prairies inc., [1993] C.A.I. 53. 14 Dagenais c. Ministère de la Main-d'œuvre et de la Sécurité du revenu du Québec, [1988] C.A.I. 220; Paul Revere, compagnie d'assurance-vie c. Chaîné, J.E. 2000T-545 (C.Q.).
00 10 12 - 13 documents conformément à l'article 86.1 de la loi parce qu'une « décision finale » a été prise, soit de le congédier 15 : 86.1 Un organisme public peut refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, lorsque ce renseignement est contenu dans un avis ou une recommandation fait par un de ses membres ou un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions, ou fait à la demande de l'organisme par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence et que l'organisme n'a pas rendu sa décision finale sur la matière faisant l'objet de cet avis ou de cette recommandation. La procureure ajoute que l'organisme ne peut invoquer tardivement, comme motif de refus, l'article 37 de la loi 16 et que, de toute façon, l'article 86.1 de la loi en dispose. Elle allègue que le demandeur a le droit de recevoir, en vertu de l'article 83 de la loi, tous les renseignements le concernant 17 et, à défaut, l'organisme, d'en masquer les parties inaccessibles 18 . DÉCISION J'ai lu avec intérêt les notes et autorités des procureurs au sujet de la requête de l'organisme de rejeter la présente demande d'accès pour cause de litispendance. La Commission ne croit pas que l'on retrouve, entre la procédure de grief et la demande d'accès, les trois conditions requises pour conclure à litispendance. La source des droits réclamés diffère : dans un cas, il est réclamé la réintégration en emploi du demandeur en vertu de la convention collective, du grief 15 Laurin c. Centre d'accueil Sénécal, [1992] C.A.I. 30; Drouin c. Ville de St-Georges, [1992] C.A.I. 55; Bourassa c. Foyer d'Asbestos, [1993] C.A.I. 18; Bernier c. Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, [1992] C.A.I. 100. 16 Thériault c. Village d'Eastman, précitée, note 13. Tralee Mc Elhaw c. Société de l'assurance automobile du Québec, [1992] C.A.I. 157; Procureur général du Québec c. Bernier, [1991] C.A.I. 278; Collège Dawson c. Beaudin, [1989] C.A.I. 94. 17 Lelièvre c. Ministère du Revenu, [1998] C.A.I. 424; Ministère de la Justice c. Flamand, [1999] C.A.I. 509; Alliance des professeures et professeurs de Montréal c. Commission des écoles catholiques de Montréal, [1992] C.A.I. 284; Filiatreault c. Ville de Boucherville, [1991] C.A.I. 41. 18 Association des propriétaires de cinémas et ciné-parcs du Québec inc. c. Société de développement de la main-d'œuvre, [1998] C.A.I. 53; L'Archevêque c. Ville de Laval, précitée, note 13;
00 10 12 - 14 -et du Code du travail; dans l'autre cas, il s'agit d'un droit reconnu au demandeur pour obtenir les documents détenus par l'organisme le concernant en vertu de la Loi sur l'accès. Je suis d'ailleurs d'avis qu'il n'y a aucun danger de jugement contradictoire, l'effet d'une demande d'accès ne pouvant entraîner la réintégration en emploi du demandeur. Je rejette donc la requête de l'organisme pour litispendance. Le demandeur a exercé, le 7 avril 2000, un droit qui lui est reconnu à l'article 83 de la loi, et ce, après que le demandeur a contesté le congédiement qui lui a été signifié par l'organisme (pièces O-3 et O-4). Il a été reconnu que l'organisme détient les documents exigés par le demandeur et la Commission a statué, au début de l'audience, qu'elle était valablement saisie d'une demande de révision. Dans les circonstances, la Commission rejette également la requête de l'organisme de suspendre la présente audience dans l'attente d'une décision arbitrale parce qu'elle est habilitée à décider toute question relative à l'accès 19 . En ce qui concerne l'article 37 de la loi, restriction soulevée par l'organisme à l'audience, la preuve démontre sans équivoque que nous sommes dans la situation l'organisme a rendu une « décision finale » et par laquelle s'applique l'article 86.1 de la loi. Je partage les arguments soumis par la procureure du demandeur et rejette, comme motif de restrictions, l'article 37 de la loi. Sur le fond du litige, est-ce que le demandeur peut obtenir copie des documents 1 à 7, 14 à 16, 18 à 20, 22 et 23 qui demeurent en litige ainsi que certains renseignements concernant des tiers inscrits au document 21? J'ai examiné les documents en litige et en disposerai de la façon suivante. Lavoie c. Régie des rentes du Québec, [1999] C.A.I. 195. 19 Fraternité des policiers de Val-d'Or inc. c. Ville de Val-d'Or, précitée, note 10; Hydro-Québec c. Banville, C.Q. Montréal, n o 500-02-063937-986, 22 janvier 2001, j. Barbe.
00 10 12 - 15 La Cour du Québec, dans l'affaire Chevalier 20 , a décidé qu'un document rédigé par une personne dans le cadre de ses fonctions ne peut être nominatif s'il ne relate froidement qu'un fait, sans appréciation personnelle. Ainsi, un « rapport disciplinaire à teneur disciplinaire doit être considéré nominatif pour celui qui l'écrit : il ne s'agit pas d'une relation froide, dans l'exécution de ses fonctions... ». Et le Tribunal, d'ajouter : « Sur ce point, la décision dont appel, à sa page 13, semble considérer non nominatif tout document provenant de co-travailleur, qui ne serait pas alors considéré comme nominatif quant à leur auteur. Or, la Cour est d'avis que les décisions précitées ne supportent pas cette application. Les plaintes portées contre un individu par ses collègues de travail, et qui ne portent pas que sur une froide description des faits, mais sur des gestes à répercussions disciplinaires, sont considérées nominatives vis-à-vis leur auteur. » Dans l'affaire Galipeau 21 , la Commission a déterminé que : « Un renseignement nominatif est donc un renseignement qui se rapporte à un individu, qui le concerne personnellement et qui l'identifie ou permet de l'identifier. Un renseignement sur le comportement d'un individu au travail peut très certainement, aux termes de cette définition, être nominatif, ce qui ne signifie pas que tous les documents faisant état des gestes posés au travail soient nominatifs. La Commission a fait, à cet égard, une distinction entre des renseignements qui traduisent une appréciation du travail d'un employé et ceux qui ne font que relater froidement les activités auxquelles il a participé. La Commission a reconnu le caractère nominatif des premiers, mais pas des seconds, qu'elle a considérés comme étant le prolongement de la fonction. En raison des articles 55 et 57 paragraphe 2, ce dernier renseignement n'est pas nominatif. » (soulignement ajouté) Un renseignement nominatif est confidentiel selon l'article 53 de la loi. Un renseignement est nominatif lorsqu'il concerne une personne physique et qu'il permet de l'identifier selon les articles 54 et 56 de la loi. L'article 88 de la loi prohibe la communication d'un renseignement qui révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre 20 Ville de Montréal c. Chevalier, précité, note 8, 504-405. 21 Galipeau c. M.M.O.S.R., [1989] C.A.I. 1.
00 10 12 - 16 -personne physique, en l'absence du consentement de cette dernière. Cet article ne peut toutefois justifier un refus d'accès lorsque le renseignement nominatif concerne celui d'un tiers déjà connu d'un demandeur. La Commission ajoute que le terme « vraisemblablement » à l'article 88 de la loi empêche la communication lorsqu'il subsiste un doute que l'identité d'une personne puisse être dévoilée 22 . Dans le présent dossier, aucune preuve n'établit que les renseignements en litige soient connus du demandeur ni que les personnes concernées aient consenti à la communication desdits renseignements. J'ai analysé soigneusement les documents rédigés par M me Hogan, les notes de M me Dion et l'expertise en litige. J'en arrive à la conclusion que les documents 1 à 6, 7, 14, 16, 18 à 20 et 22 bénéficient de la restriction de l'article 88 de la loi parce qu'ils renferment des renseignements nominatifs sur la cliente et des tiers. Je suis également d'avis qu'il est impossible de masquer les documents en litige sans en altérer le sens et, surtout, leur compréhension. L'expertise médicale (document 15) et le document 23 ne sont pas non plus accessibles au demandeur. Il s'agit de documents qui, à l'évidence, ne révèlent que des renseignements nominatifs au sujet de la cliente. Toutefois, la première ligne et le deuxième paragraphe sous le titre « Résultat », à la page 1 du document 6, et les trois paragraphes qui suivent le titre « 17heures15 », à la page 2 du même document, sont des renseignements qui, de la preuve, sont déjà connus du demandeur et par lesquels il est possible d'appliquer le test de l'article 14 de la loi. Il en est de même pour tout le document 21 : ce dernier ne lui dévoilerait rien qu'il ne sache déjà sur des tiers ou la cliente. Ces renseignements lui sont donc accessibles. 22 Corporation d'habitations Jeanne-Mance c. Laroche, [1997] C.A.I. 427, p. 429 (C.Q.); Hébert c. Régie de l'assurance-maladie du Québec, [1994] C.A.I. 136, p. 138.
00 10 12 - 17 -En outre, il est reconnu que le terme « analyse » à l'article 32 de la loi se définit comme « une opération intellectuelle consistant à décomposer une œuvre, un texte en ses éléments essentiels, afin d'en saisir les rapports et de donner un schéma de l'ensemble. Il s'agit d'une opération l'auteur tire une proposition d'une autre par une série de raisonnements » 23 . Cette analyse ne peut être communiquée si « la divulgation du document risquerait d'avoir un effet sur une procédure judiciaire ». Les documents 2 et 15 répondent également aux conditions de cet article 32 et ne peuvent, sur cet autre motif, être donnés au demandeur. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE en partie la demande de révision; CONSTATE que les documents 8 à 13 et 17 ne sont plus en litige; ORDONNE à l'organisme de transmettre au demandeur une copie intégrale du document 21 et les parties suivantes du document 6 : - la première ligne et le deuxième paragraphe sous le titre « Résultat » à la page 1; - les trois paragraphes qui suivent le titre « 17heures15 » à la page 2. REJETTE, quant au reste, la demande de révision. MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 8 mai 2001 M e Michelle Desfonds Procureure du demandeur M e Jacques A. Nadeau 23 Précitées, note 6.
00 10 12 - 18 -Procureur de lorganisme
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