Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 07 04 54 Date : Le 27 décembre 2007 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION ET DES COMMUNAUTÉS CULTURELLES Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] La demande d’accès porte la date du 25 janvier 2007; le demandeur veut obtenir les « preuves de fonds » que la mère de son ex-locataire avait produites « pour garantir et satisfaire aux exigences de l’immigration ». 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
07 04 54 Page : 2 [2] La décision de la responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels de l’organisme porte la date du 31 janvier 2007; la responsable écrit essentiellement : « En réponse à votre courrier électronique du 25 janvier dernier, faisant état de votre requête concernant l’engagement de prise en charge financière pris par madame [E… D…] à l’égard de sa fille, nous avons le regret de vous informer que le ministère ne peut y donner une suite favorable. En effet, en vertu des articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, il s’agit de renseignements personnels concernant des tiers et ces renseignements ne peuvent vous être communiqués qu’à la condition que les personnes concernées consentent à leur divulgation. » [3] Dans sa demande de révision de cette décision, le demandeur expose, entre autres, que sa conjointe et lui sont copropriétaires d’un appartement qu’ils ont loué à une étudiante internationale qui a unilatéralement cessé d’exécuter ses obligations envers eux. Il mentionne qu’ils ont obtenu gain de cause contre cette ex-locataire devant la Régie du logement et qu’ils entendent exécuter les décisions qui leur sont favorables et qui n’ont pas été contestées. Selon le demandeur, les articles 171 et 68 (2°) de la Loi sur l’accès habilitent l’organisme à lui communiquer les renseignements demandés puisqu’il est clair que son ex-locataire et sa mère, [E… D…], ne consentiront pas à la communication de ces renseignements. Le demandeur ajoute que la confidentialité de ces renseignements a pour effet de garantir immunité et impunité à [E… D…] ainsi qu’à sa fille, de les encourager à ne pas payer leurs dettes et d’aggraver le préjudice qu’elles lui ont causé de même qu’à sa conjointe. AUDIENCE A) PREUVE i) De l’organisme [4] Monsieur Jean-François Marcotte témoigne sous serment à titre de responsable adjoint de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels de l’organisme.
07 04 54 Page : 3 [5] Monsieur Marcotte affirme que le traitement de la demande d’accès du 25 janvier 2007 a nécessité une analyse du dossier des personnes visées dans cette demande. [6] Il confirme que ce dossier comprend la « preuve de fonds » demandée et il en remet copie à la Commission sous pli confidentiel; il réaffirme que l’organisme maintient son refus de donner communication des renseignements personnels qui constituent ce document. [7] En contre-interrogatoire, monsieur Marcotte indique que son prédécesseur, monsieur Gilles Deschamps, l’avait renseigné sur ce dossier avant de prendre sa retraite. ii) Du demandeur [8] Le demandeur témoigne sous serment. [9] Il mentionne que monsieur Deschamps lui avait confirmé que l’organisme détenait la « preuve de fonds » demandée mais qu’il ne pouvait la communiquer à moins que la Commission n’en décide autrement. [10] Selon ce que le demandeur avance, [E… D…], mère de son ex-locataire, s’était engagée envers l’organisme à la prise en charge financière des loyers de sa fille afin d’obtenir en faveur de celle-ci un certificat d’acceptation du Québec pour études. De l’avis du demandeur, les engagements de cette nature sont requis par l’organisme pour protéger et garantir le paiement des loyers dus aux propriétaires par des étudiants internationaux. [11] Le demandeur réitère qu’il veut obtenir ce document pour faire exécuter, au Cameroun ou au Québec, les décisions de la Régie du logement qui ordonnent à son ex-locataire de lui payer certaines sommes incluant des loyers. B) REPRÉSENTATIONS i) De l’organisme [12] L’organisme doit traiter la demande d’accès du 25 janvier 2007 en vertu de la loi et appliquer en conséquence les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès. Ces articles sont impératifs et d’ordre public; ils protègent tout renseignement qui concerne une personne physique et qui permet de l’identifier, et ce, quels que soient les motifs, si louables soient-ils, invoqués par un demandeur d’accès 2 . 2 Nadeau c.Ville de Laval, [2002] C.A.I. 54.
07 04 54 Page : 4 [13] Le document en litige est constitué de renseignements personnels qui ne concernent pas le demandeur. [14] L’organisme n’a pas à tenter d’obtenir le consentement des personnes concernées par des renseignements personnels avant de refuser l’accès à ces renseignements 3 . [15] Les renseignements personnels auxquels l’accès est refusé comprennent des adresses, des déclarations et des renseignements financiers; ces renseignements qui concernent des personnes physiques autres que le demandeur sont confidentiels 4 . [16] Une demande d’accès adressée à un organisme public ne constitue pas toujours le processus qui soit approprié pour obtenir un document ou des renseignements. [17] Le demandeur confond ses efforts de recouvrement de sa créance et sa demande d’accès; la Loi sur l’accès s’applique à cette dernière. ii) Du demandeur [18] La protection des fraudeurs ne se justifie pas. [19] La protection des renseignements personnels encourage les gens à contrevenir à la loi, à abuser du système. [20] L’organisme devrait demander aux personnes concernées si elles consentent à la divulgation des renseignements qui les concernent. DÉCISION [21] Le demandeur a choisi d’adresser une demande d’accès à l’organisme pour obtenir des renseignements personnels concernant son ex-locataire et la mère de celle-ci. 3 o Proulx c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, C.A.I. Québec, n 05 07 72, 3 octobre 2005, c. Boissinot. 4 Cholette c. Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, C.A.I. [2001] 126.
07 04 54 Page : 5 [22] Sa demande d’accès est régie par la Loi sur l’accès; cette loi prévoit que les renseignements personnels sont confidentiels : 53. Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu par un organisme public dans l’exercice d’une fonction juridictionelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [23] Aucune preuve ne démontre que l’une des exceptions prévues à l’article 53 de la Loi sur l’accès s’applique. La responsable devait, dans ce contexte et parce que la loi l’exige, protéger la confidentialité des renseignements personnels demandés. [24] Aucune preuve ne démontre, non plus, que les personnes concernées aient consenti à la communication de ces renseignements au demandeur ou encore que l’une des exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès s’applique en faveur du demandeur : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent : 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est nécessaire aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Directeur des poursuites criminelles et pénales si le renseignement est nécessaire aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2° au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est nécessaire aux fins
07 04 54 Page : 6 d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1°; 3° à un organisme qui, en vertu de la loi, est chargé de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est nécessaire aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5° à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6° (paragraphe abrogé); 7° (paragraphe abrogé); 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 66, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police ou par une personne ou un organisme agissant en application d’une loi qui exige un rapport de même nature, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. [25] Le demandeur a particulièrement invoqué le paragraphe 2° de l’article 68 de la Loi sur l’accès pour obtenir, sans le consentement des personnes concernées, les renseignements visés par sa demande d’accès du 25 janvier 2007 : 68. Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel : 1° à un organisme public ou à un organisme d’un autre gouvernement lorsque cette communication est nécessaire à l'exercice des attributions de l'organisme receveur ou à la mise en oeuvre d'un programme dont cet organisme a la gestion; 1.1° à un organisme public ou à un organisme d'un autre gouvernement lorsque la communication est manifestement au bénéfice de la personne concernée;
07 04 54 Page : 7 2° à une personne ou un organisme lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient. [... ] [26] L’article 68 habilite, toutefois sans l’y obliger, un organisme public à communiquer des renseignements personnels dans des circonstances déterminées; il appartient donc à l’organisme public de décider, dans chaque cas, comment il exerce la discrétion qui lui est attribuée si les conditions requises par l’article 68 sont réunies. Il est clair, en ce qui concerne la demande d’accès du 25 janvier 2007, que l’organisme a décidé de refuser de communiquer les renseignements personnels demandés et d’appuyer sa décision sur les articles 53 et 54 précités. [27] Il n’en demeure pas moins que le demandeur veut, par voie judiciaire, procéder à l’exécution des décisions de la Régie du logement pour recouvrer les sommes qui lui sont dues. Il appartiendra au juge de décider si les « preuves de fonds » doivent être produites aux fins de l’exécution de ces décisions et, le cas échéant, d’en ordonner la communication; la responsable ne pourra alors, dans la mesure prévue au paragraphe 3° de l’article 171 de la Loi sur l’accès, refuser de communiquer ces renseignements conformément aux conditions de cette ordonnance : 171. Malgré les articles 168 et 169, la présente loi n'a pas pour effet de restreindre : 1° l'exercice du droit d'accès d'une personne à un document résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le 1 er octobre 1982, à moins que l'exercice de ce droit ne porte atteinte à la protection des renseignements personnels; 2° la protection des renseignements personnels ni l’exercice du droit d’accès d’une personne à un renseignement personnel la concernant, résultant de l'application d'une autre loi ou d'une pratique établie avant le 1 er octobre 1982; 2.1° la protection d'un renseignement contenu dans un dossier fiscal prévue à la section VIII du chapitre III de la Loi sur le ministère du Revenu (chapitre M-31) à l'égard d'une personne visée par cette section; 3° la communication de documents ou de renseignements exigés par le Protecteur du citoyen ou par assignation, mandat ou ordonnance d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication.
07 04 54 Page : 8 [28] Dans toute procédure, même pénale, qui serait entreprise à la suite des décisions de la Régie du logement qui sont favorables au demandeur, il appartiendra au juge du procès de statuer sur la communication des renseignements personnels que le demandeur a tenté d’obtenir en s’adressant directement à l’organisme. [29] La décision de la responsable n’a pas à être révisée; elle est conforme à la Loi sur l’accès qui s’applique à la demande du 25 janvier 2007. [30] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [31] REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Samuel Chayer Avocat de l’organisme
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