Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 07 00 91 Date : Le 20 décembre 2007 Commissaire : M e Jean Chartier VILLE DE QUÉBEC Demanderesse c. X Défenderesse DÉCISION OBJET Demande en vertu de l’article 137.1 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 19 décembre 2006, la demanderesse transmet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande pour être autorisée à ne pas donner suite à une demande d’accès de la défenderesse libellée comme suit : « Par la présente, je demande accès à des documents qui démontrent le montant ou la subvention globale que l’arrondissement de Charlesbourg de la Ville de Québec a 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
07 00 91 Page : 2 accordé au Programme Vacances-été et versé aux huit(8) corporations de quartier, pour les années 2002, 2003, 2004 et 2005 à titre de budget de fonctionnement pour l’ensemble des quatorze (14) parcs de l’arrondissement de Charlesbourg de la Ville de Québec incluant le Parc du Patro de Charlesbourg, s’il y a lieu. » [2] Selon la demanderesse, cette demande d’accès est la vingt-quatrième transmise par la défenderesse depuis le début de l’année 2006. [3] La procureure de la demanderesse insiste sur le caractère répétitif et abusif de ces demandes. AUDIENCE [4] L’audience a eu lieu à Québec le 22 octobre 2007 en présence des parties. A) PREUVE i) De la demanderesse [5] Maître Line Trudel, responsable de l’accès à l’information pour la demanderesse, dépose une copie de la demande d’accès du 13 décembre 2006. [6] Elle explique qu’elle est la responsable de l’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels pour la Ville de Québec. Cela sous-entend que depuis 2001, elle doit assumer cette tâche pour l’ensemble des arrondissements faisant partie de la Ville. Elle ajoute qu’elle assume également la responsabilité d’assistante-greffière et de responsable des archives. [7] Malgré l’importance grandissante de ses responsabilités, elle n’a pas d’adjoint pour l’assister et elle ne peut compter que sur l’aide de deux agentes de secrétariat. Elle précise qu’avant le 1 er janvier 2001 (date de la prise d’effet des fusions municipales) elle traitait en moyenne 800 demandes par année. [8] Après le 1 er janvier 2001, les demandes ont augmenté jusqu’à 1500 par année. Depuis trois ans, elle traite 2300 à 2500 demandes par année.
07 00 91 Page : 3 [9] Elle affirme qu’elle a toujours répondu aux demandes dans les délais prévus par la Loi sur l’accès. C’est la première fois qu’elle présente à la Commission une demande en vertu de l’article 137.1 de la Loi sur l’accès. [10] En ce qui concerne les demandes de la défenderesse, elle précise qu’elle doit prendre contact avec tous les arrondissements dans le but de colliger les renseignements réclamés. [11] Elle ne prétend pas que les demandes de la défenderesse ont pour effet de paralyser les activités de la municipalité. Toutefois, la répétition de ces demandes a un caractère abusif qui monopolise les activités des mêmes personnes dans les mêmes arrondissements et elles ont évidemment pour effet de retarder le traitement d’autres demandes. [12] De plus, la responsable de l’accès indique que les demandes visent, dans la plupart des cas, à obtenir les informations déjà transmises dans des réponses antérieures. [13] L’organisation des loisirs et des parcs, les subventions et le financement des loisirs font l’objet des préoccupations de la défenderesse. Bien que formulées différemment, ses demandes visent toujours à obtenir les mêmes renseignements. En conséquence, elle obtient invariablement les mêmes réponses de la part de la responsable de l’accès. [14] Puisque la défenderesse considère que les réponses sont insatisfaisantes, elle refait, en d’autres termes, les mêmes demandes et le processus recommence. [15] La responsable de l’accès dépose trois décisions rendues par cette Commission dans des affaires opposant les parties (pièces O-1, O-2 et O-3). Ces décisions portent sur la même question. [16] Elle dépose deux documents additionnels. Le premier (pièce O-4) contient une liste des 25 demandes d’accès soumises par la défenderesse entre le 5 juillet 2005 et le 13 décembre 2006. Une seule de ces demandes a été faite en 2005. [17] Le deuxième document (pièce O-5) contient une description détaillée de l’objet de chaque demande d’accès. La pièce O-5 précise que la demande d’accès a fait l’objet d’une demande de révision, d’une décision de la Commission d’accès, d’un désistement ou d’un traitement.
07 00 91 Page : 4 [18] Selon la responsable de l’accès, l’examen attentif de la pièce O-5 et de la description de l’objet des demandes démontre le caractère abusif et répétitif des demandes. [19] Elle soumet que la Commission peut tenir compte des demandes antérieures afin de déterminer s’il y a abus de la part de la défenderesse. [20] Enfin, elle indique avoir reçu la copie d’une lettre que la défenderesse a transmise au président de la Commission, le 3 janvier 2007, pour réagir à la demande d’autorisation faite par la demanderesse. Dans cette lettre, la défenderesse, loin de reconnaître le caractère abusif de ses demandes, maintient la demande du 13 décembre 2006. [21] Elle termine en indiquant qu’elle transmettra au soussigné une copie de toutes les demandes de façon à ce que la Commission puisse en faire la comparaison. [22] Le 23 octobre 2007, le soussigné recevait une copie des 25 demandes de la défenderesse. ii) De la défenderesse [23] La défenderesse réplique qu’elle a limité ses demandes d’information à quatre organismes qui collaborent avec la Ville pour fournir des services de loisirs : la Corporation Notre-Dame-des-Laurentides, le Club de natation Excel, le Club de Taekwon-do WTF ainsi que le Club de baseball de Charlesbourg. [24] Elle affirme que toutes les demandes visent ces organismes. [25] Poursuivant son témoignage, la défenderesse dépose un document (pièce D-2) qu’elle a conçu et qui contient un résumé des demandes qu’elle admet avoir faites entre le 5 juillet 2005 et le 13 décembre 2006. [26] Elle fait valoir qu’elle voulait obtenir des réponses précises sur la gestion des organismes visés par ces demandes. Elle ajoute que les réponses obtenues suscitaient de nouvelles demandes. [27] La pièce D-2 et le témoignage de la défenderesse démontrent que 7 demandes ont été satisfaites sans l’intervention de la Commission.
07 00 91 Page : 5 [28] Elle affirme que la demande d’accès du 13 décembre 2006 (qui a suscité la requête de la demanderesse sous l’article 137.1) est la dernière demande qu’elle entend faire relativement à ces organismes. Elle soumet que ces demandes ne sont pas répétitives et que chacune d’elles vise à obtenir des informations différentes. [29] Par la suite, la défenderesse explique la nature de chacune des demandes d’accès (apparaissant sur la pièce D-2), les motifs à la source de chacune des demandes et les réponses obtenues de la demanderesse. [30] La défenderesse dit chercher à comprendre la façon dont la Ville administre les activités de loisirs mais ajoute qu’elle n’obtient aucune coopération des employés de la demanderesse. DÉCISION [31] La preuve a démontré qu’entre le 5 juillet 2005 et le 13 décembre 2006, la défenderesse a transmis à la demanderesse 25 demandes d’accès, dont 24 pendant la seule année 2006. Le soussigné a eu l’occasion d’examiner le contenu de chacune de ces demandes et il appert que même si plusieurs d’entre elles ont fait l’objet d’une réponse de la part de la demanderesse, les réponses ont parfois suscité de nouvelles demandes d’accès. [32] La défenderesse prétend qu’elle n’a pas abusé de son droit d’accès à l’information et que l’organisme public ne répond pas à ses demandes ou tente de les éluder. [33] Il importe de reprendre ci-après le texte de quelques-unes d’entre elles : Je veux l’état financier démontrant les revenus et les dépenses incluant les subventions, programmes d’aide financière et budget accordé aux apprentis moniteurs du parc Bon-Pasteur, 2003-2004 ou 2005 afin d’en comprendre le fonctionnement (5 juillet 2005); Par la présente, je demande accès à un document démontrant le montant de la subvention accordée par la Ville de Québec au Club de Taekwon-do de Charlesbourg pour les années 1999 à 2001; de plus, je demande accès à des revenus en sus des inscriptions figurant dans le Guide des loisirs de la Ville pour les années 1999 à 2001 (28 avril 2006); Par la présente, je demande accès aux documents qui comptabilisent les montants des inscriptions (cours de natation
07 00 91 Page : 6 et natation libre) perçues par la Ville de Québec par l’entremise du Guide des loisirs et autres brochures publicitaires divers pour et au nom du Club aquatique de Charlesbourg inc. ainsi que pour le Club de natation inc. pour les années 2001 à 2004 (11 août 2006); Par la présente, je demande accès aux documents concernant le montant que la Ville de Québec retourne au Club aquatique de Charlesbourg inc. en compensation des montants reçus des inscriptions … (11 août 2006); Par la présente, je demande accès aux documents concernant le montant que la Ville de Québec retourne au Club de Taekwon-do de Beauport inc. en compensation des montants reçus des inscriptions perçues par la Ville de Québec par l’entremise du Guide des loisirs et autres brochures publicitaires divers pour et au nom du Club de Taekwon-do de Beauport inc. pour les années 2002 à 2005 (11 août 2006); (Des demandes semblables sont faites pour l’Association du baseball et la Corporation de loisirs – secteur Notre-Dame-des-Laurentides). [34] Par ces demandes, la défenderesse tente de comprendre la façon dont sont administrées toutes ces corporations qui offrent des activités de loisirs aux citoyens de la Ville. [35] Tantôt, elle réclame les états financiers, tantôt elle réclame le montant de la subvention accordée par la Ville, tantôt elle réclame le montant versé par la Ville en compensation des montants reçus des inscriptions par l’entremise du « Guide des loisirs ». En fait, toutes ces demandes démontrent une grande incompréhension de la part de la défenderesse quant à la façon dont sont administrés les loisirs au sein de la municipalité demanderesse. [36] Le soussigné a rendu au cours des derniers mois trois décisions concernant des demandes de révision de la défenderesse. [37] Dans chacun de ces cas (dossiers CAI 06 15 46, CAI 05 15 99 et CAI 06 09 02) le soussigné a rappelé à la défenderesse qu’une municipalité pouvait accorder à une corporation privée le privilège d’organiser des loisirs dans une discipline particulière sur son territoire. La corporation ainsi reconnue peut alors offrir, moyennant un tarif déterminé, l’inscription à des cours ou à des compétitions dans la discipline choisie. [38] Chacune de ces corporations recueille les frais d’inscription ainsi récoltés, voit à l’organisation de ses activités et dresse des états financiers chaque année. En plus de ce qui précède, il est possible pour la municipalité de subventionner les
07 00 91 Page : 7 corporations privées de loisir. Finalement, une municipalité peut également assumer elle-même, en fournissant les équipements et le personnel, l’organisation d’activités de loisir particulières. Dans ce dernier cas, la demanderesse ne détient pas et ne conçoit pas d’états financiers de ses activités et n’a pas la documentation voulue pour répondre à toutes les questions de la défenderesse. [39] Cela étant dit, et en tout respect pour cette dernière, la défenderesse ne semble pas encore avoir compris les réponses qui ont été données par la demanderesse et qui tendent à expliquer l’organisation des loisirs dans la Ville de Québec. [40] Il est vrai que les demandes d’accès ne sont pas toutes identiques mais elles visent à obtenir de la demanderesse les documents qui contiennent les sommes qu’elle touche au titre des inscriptions, les subventions qu’elle accorde aux organismes privés, les coûts qu’elle doit assumer, les profits ou les déficits des organismes privés qui sont reconnus par la politique de loisir, de même que les revenus et dépenses des activités offertes et organisées par la municipalité. [41] La preuve a démontré que la demanderesse a répondu aux demandes d’accès de la défenderesse. Toutefois, elle a communiqué à la défenderesse les documents qu’elle détient avec les informations contenues dans ces documents. Elle n’a pas fabriqué (sur mesure) les documents qui auraient pu répondre aux interrogations de la défenderesse et elle n’avait pas à le faire. [42] L’article 137.1 de la Loi sur l’accès prévoit : 137.1. La Commission peut autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique ou d'une demande dont le traitement serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de l'organisme. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. [43] La procureure de la demanderesse ne prétend pas que le traitement des demandes est susceptible de nuire sérieusement aux activités de l’organisme. Elle soumet toutefois que le nombre des demandes depuis les 12 derniers mois est manifestement abusif et qu’elles ont un caractère répétitif ou systématique.
07 00 91 Page : 8 [44] À l’examen de la pièce O-5, on constate que 8 demandes visent à obtenir des informations sur les Clubs de Taekwon-do de Beauport ou de Charlesbourg. Cinq d’entre elles visent le Club aquatique de Charlesbourg inc., 4 d’entre d’elles visent l’Association du baseball. Invariablement, ces demandes se répètent et visent à obtenir des documents qui n’existent pas ou des informations qui ont déjà été données. [45] Le fait de répéter constamment les mêmes demandes, libellées d’une autre façon, n’apportera rien d’autre que la même réponse. Un tel comportement doit cesser. [46] L’article 9 de la Loi sur l’accès consacre le droit d’accès aux documents d’un organisme public : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [47] Le législateur a toutefois prévu une limite à l’exercice de ce droit et elle réside dans la possibilité de demander à la Commission d’évaluer le caractère abusif ou systématique de certaines demandes. [48] Dans l’affaire Desloges c. Hôpital Sainte-Justine 2 , le demandeur en était à sa quatrième demande d’accès dans le but d’obtenir des informations relatives à la Fondation de l’hôpital Sainte-Justine. La commissaire Stoddart la considère abusive et écrit : « […]. Dans la présente cause, les demandes sont, de toute évidence, répétitives en ce qu’elles visent par quatre demandes successives en moins de quatre mois, à cerner une même problématique sous des angles différents. Cette problématique peut se définir comme étant la disposition des fonds reçus par l’Hôpital en provenance de la Fondation. Elles sont aussi systématiques en ce qu’elles visent à obtenir les détails sur tous les montants d’argent dépensés par rapport aux sommes versés par la Fondation. Dans sa quête pour obtenir cette information, M. Desloges revient 2 os C.A.I. Montréal, n 00 11 94 et 00 12 38, 28 janvier 2002, c. Stoddart. Voir au même effet Ville o de Saint-Jean-sur-Richelieu c. X, C.A.I. Montréal, n 03 04 14, 18 février 2004, c. Grenier.
07 00 91 Page : 9 sur le même sujet, demandant de plus en plus de détails. Bien qu’il reçoive certains documents assez volumineux à ce sujet, ils ne possèdent pas le détail d’information qu’il recherche. Ceci l’amène à demander, dans sa dernière requête des quatre et celle dont il est question ici, d’avoir tous les détails des dépenses de l’Hôpital sur une période de cinq ans. [sic]. » [49] Dans Centre hospitalier de Baie-des-Chaleurs c. Leblanc 3 , le représentant du syndicat local avait fait trois demandes d’accès ayant pour objet les salaires des cadres et du personnel non syndiqué. L’auteur des demandes d’accès a expliqué à la Commission le contexte entourant les demandes d’accès. Il explique avoir obtenu des réponses à sa première demande qui ont soulevé de nouvelles interrogations. [50] Il mentionne ensuite son insatisfaction concernant les réponses obtenues à la suite de sa deuxième demande. Il en a formulé une troisième. Le commissaire écrit 4 : « La Commission est d’avis que la troisième demande a, pour certains éléments, le même objet que celui des deux premières demandes réunies. […]. Comme la Commission l’a déjà décidé, on doit bien sûr tenir compte des demandes antérieures auxquelles un organisme aurait déjà répondu pour apprécier le caractère répétitif d’une demande : « Bien entendu, un abus ne se manifestant généralement qu’avec le temps, la Commission accepte de tenir compte, dans l’appréciation du caractère abusif d’une demande, de demandes antérieures qui auraient pu être faites par une personne et auxquelles l’organisme aurait déjà répondu. » Ici la demande en litige reprend certains éléments des deux demandes antérieures. Elle constitue donc en partie une demande manifestement abusive par son caractère répétitif. » 3 [1990] C.A.I. 230. 4 Précitée, note 3.
07 00 91 Page : 10 [51] Le législateur n’a pas voulu que le droit d’accès aux documents d’un organisme public soit utilisé de telle façon. [52] La Commission considère que des réponses ont été données aux demandes d’accès formulées par la défenderesse. On ne saurait exiger de la demanderesse qu’elle fasse plus. [53] En conséquence, la Commission autorise la demanderesse à ne pas tenir compte et à ne pas répondre à la demande d’accès de la défenderesse en date du 13 décembre 2006. [54] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [55] ACCUEILLE la requête de la demanderesse; [56] AUTORISE la demanderesse à ne pas tenir compte de la demande d’accès de la défenderesse en date du 13 décembre 2006 relative au programme « Vacances été » de l’arrondissement de Charlesbourg pour les années 2002, 2003, 2004 et 2005. JEAN CHARTIER Commissaire
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