Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 16 42 et 06 16 89 Date : Le 18 décembre 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X et Y Demandeurs c. CONSEIL DU TRÉSOR Organisme DÉCISION OBJET DEMANDES DE RÉVISION en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 16 42 et 06 16 89 Page : 2 [1] Le 21 juillet 2006, les demandeurs transmettent au responsable de l’accès de l’organisme, M. Robert Cavanagh, une demande identique rédigée comme suit : « Dans le cadre de la Loi sur l’accès aux documents, je demande à recevoir tout document, courriel, texte présent ou passé dans tout ordinateur du Secrétariat du Conseil du Trésor ou du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, entités qui étaient en relation et discussion dans le cadre de l’intégration des ingénieurs du MDDEP, ainsi que dans tout back-up du SCT et du MDDEP effectué depuis janvier 2001 qui donneraient les informations suivantes : a) Les explications requises relatives aux sous-facteurs énumérés au premier tableau Évaluation par points et facteurs des emplois d’ingénieurs. En fait, à quoi fait référence chacun de ces sous-facteurs; b) Le maximum possible pour chaque sous-facteur; c) Les pointages minimums requis pour accéder aux niveaux d’emplois 2, 3 et 4 et comment ceux-ci ont été établis; d) La justification du pointage que j’ai reçu pour chaque sous-facteur évalué; e) Comment ces sous-facteurs ont été regroupés selon les 4 facteurs présentés dans le second tableau intitulé Évaluation – Emploi de la classe 2 d’ingénieurs – Chargé de projet – MENV ; f) La pondération de chacun des sous-facteurs et des facteurs dans le calcul du résultat final; g) Mon résultat final et toutes les informations et explications qui auraient dû accompagner mon avis d’intégration, le tout conformément à la lettre d’entente numéro 8; h) La valeur relative de mon emploi par rapport à l’ensemble des postes évalués au gouvernement et à ceux du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP); i) La courbe de distribution des résultats pour l’ensemble des postes d’ingénieurs évalués et pour ceux du MDDEP; j) Le nombre d’ingénieurs s’étant vu octroyé les niveaux 1, 2, 3 et 4 globalement et par ministère et pour le MDDEP globalement et par service et direction au terme de chacune des trois étapes du processus de
06 16 42 et 06 16 89 Page : 3 classification soit, à la classification initiale, après l’appel ministériel, au terme de l’entente finale signée au début de la présente année ainsi que suite à tout entente ultérieure. » [2] Le 25 juillet 2006, le responsable de l’accès de l’organisme avise chacun des demandeurs de la réception de leur demande et leur indique que le nécessaire sera fait dans le but de donner suite à leur demande dans les délais prévus par la Loi sur l’accès. [3] Le 11 août 2006, le responsable de l’accès de l’organisme transmet une lettre aux demandeurs les avisant qu’un délai additionnel de dix jours sera nécessaire pour traiter leur demande, conformément à l’article 47 de la Loi sur l’accès. [4] Le 24 août 2006, le responsable de l’accès de l’organisme transmet une réponse aux demandeurs. [5] Dans cette réponse, l’organisme fourni des explications aux demandeurs sur chacun des paragraphes a) à j) de leur demande respective. L’organisme refuse toutefois de communiquer aux demandeurs les documents qui appuient les réponses fournies puisque ces documents risqueraient vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire au sens de l’article 32 de la Loi sur l’accès. [6] Le 15 septembre 2006, le demandeur [Y] transmet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de la décision de l’organisme. [7] Le 18 septembre 2006, le demandeur [X] en transmet une demande de révision à la Commission. [8] L’audition de cette affaire a eu lieu les 20 mars, 31 mai et 9 octobre 2007, à Québec, en présence des parties. AUDIENCE DU 20 MARS 2007 A) PREUVE i) De l’organisme
06 16 42 et 06 16 89 Page : 4 [9] Madame Céline Charest, conseillère du responsable de l’accès de l’organisme, depuis avril 2003, est assermentée. Elle indique qu’elle a traité les demandes d’accès. [10] Elle a transmis les demandes d’accès à M. Jacques Fréchette. Elle souligne que les deux demandes ont été reçues le 24 juillet 2006 au cours de la période des vacances estivales. À cette date, M. Jacques Fréchette était en vacances. Il a fallu faire des recherches pour obtenir l’ensemble des informations réclamées par les demandeurs et un délai additionnel de dix jours a été nécessaire. [11] Malgré tous les efforts qu’elle dit avoir déployés pour donner suite aux demandes dans le délai prévu par la loi, ce n’est que le 24 août 2006, soit une journée après l’expiration du délai de trente jours prévu par la loi, que la réponse a été transmise aux demandeurs. [12] Elle dépose à l’audience, tant pour les demandeurs que pour le soussigné, une copie des documents suivants : la description d’emploi du poste occupé par chacun des demandeurs; le rapport du « comité ad hoc » ayant procédé à l’évaluation de l’emploi de chacun des demandeurs et qui a conclu à un classement de niveau 2; une lettre du 6 janvier 2006 transmise par l’Association provinciale des ingénieurs du gouvernement du Québec aux demandeurs les avisant que leur association avait décidé de ne plus contester la classification qui avait été attribuée à leur emploi; une lettre du 7 février 2006 de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec adressée aux demandeurs les avisant qu’après un examen additionnel de leur dossier respectif, l’Association ne poursuivait pas la contestation de leur classification; une brochure intitulée « Système d’évaluation des emplois pour les évaluatrices et les évaluateurs » portant la date du 28 octobre 2002; un document de deux pages intitulé « Plan A, scénario 1 » comportant une énumération de chiffres utilisés pour la méthode d’évaluation « par points et facteurs. »
06 16 42 et 06 16 89 Page : 5 [13] Madame Charest dépose, sous le sceau de la confidentialité, deux enveloppes contenant le résultat de l’évaluation de l’emploi de chacun des demandeurs qui demeurent les seuls documents dont la communication est refusée aux demandeurs. [14] Elle dépose en liasse la « pièce O-1 » contenant 3 griefs pour chaque demandeur portant la date du 19 mai 2006. Ces griefs visent à contester la classification attribuée à chacun de leur emploi. Pour le témoin, ces griefs constituent la base du refus de l’organisme, et ce, en conformité avec l’article 32 de la Loi sur l’accès. [15] Contre interrogée par les demandeurs, elle confirme qu’une recherche a été faite dans le but de vérifier s’il existait des documents ou des courriels dans tout ordinateur de l’organisme qui étaient en relation avec le processus de l’intégration des ingénieurs. Le témoin affirme qu’aucun document de cette nature n’a été identifié. De même, le ministère employeur des demandeurs « le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs » n’a transmis à l’organisme aucun document concernant les demandeurs. [16] Interrogée sur l’expiration du délai de trente jours prévu par la Loi sur l’accès, elle réitère qu’il s’agissait d’une période de vacances estivales et que durant cette période, les ressources humaines étaient insuffisantes pour donner suite à la demande. [17] Monsieur Jacques Fréchette, coordonnateur des activités de rémunération du personnel syndiqué dans la fonction publique, témoigne pour l’organisme. [18] Dans le cours normal de ses fonctions, il explique qu’il a œuvré au cœur du processus ayant entraîné en 2001 la nouvelle classification des emplois d’ingénieur du gouvernement du Québec en collaboration avec l’organisme. [19] Cette nouvelle classification prévoit 4 niveaux de rémunération selon la complexité de chacun des emplois occupés. Il explique que l’organisme a demandé que chaque ingénieur produise une description d’emploi propre aux fonctions qu’il effectuait. Chacun des ministères procédait ensuite à l’évaluation des emplois en collaboration avec l’organisme. [20] Une fois ce processus terminé, l’ingénieur était avisé du classement attribué à son emploi et avait l’opportunité de contester et de demander une réévaluation de son classement.
06 16 42 et 06 16 89 Page : 6 [21] Les deux demandeurs ont contesté leur classement de niveau 2 devant un comité formé à cet effet. [22] Les personnes chargées de l’évaluation des emplois ont utilisé pour ce faire deux méthodes. La méthode « d’appariement » et la méthode par « points et facteurs ». AUDIENCE DU 31 MAI 2007 A) SUITE DE LA PREUVE i) De l’organisme [23] Le témoin Jacques Fréchette poursuit son témoignage. Il explique le contenu de la lettre du 24 août 2006 qui donne les réponses à la plupart des demandes d’information des demandeurs. [24] Il est ensuite entendu à huis clos tel que le permettent les Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 2 qui prévoient : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [25] Le témoin explique le processus suivi par l’organisme pour procéder à l’évaluation de chacun des emplois. Comme résultat de ce processus, il dépose également, sous le sceau de la confidentialité, les fiches d’évaluation relatives aux emplois des demandeurs. [26] Selon lui, ces documents doivent demeurer confidentiels puisque l’évaluation qui a été faite sera débattue devant l’arbitre qui entendra les griefs déposés par chacun des demandeurs. [27] Il affirme que l’organisme ne dévoile jamais le contenu des documents remis sous pli confidentiel. 2 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
06 16 42 et 06 16 89 Page : 7 [28] Après le témoignage de M. Fréchette, les demandeurs ont déposé deux lettres de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec qui entend se désister des griefs déposés en mai 2006 pour contester le classement qui leur a été attribué. Puisqu’il est acquis que la Commission doit statuer sur la situation de fait qui existait entre les parties à la date de la demande d’accès, en juillet 2006, le retrait des griefs ne devrait pas changer la situation juridique soumise à la Commission. [29] Devant cette situation, l’organisme a demandé de réévaluer sa position afin de tenir compte de l’abandon des griefs des demandeurs. Une nouvelle date d’audience a alors été fixée et il a été convenu que l’organisme pourrait, le cas échéant, transmettre aux demandeurs une nouvelle réponse. [30] Le 6 septembre 2007, la procureure de l’organisme a transmis aux demandeurs une lettre dans laquelle elle tient compte de l’abandon des procédures judiciaires entre les parties. Elle avise les demandeurs que l’organisme refuse de communiquer les documents conformément à l’article 37 de la Loi sur l’accès. AUDIENCE DU 9 OCTOBRE 2007 A) PREUVE ii) Des demandeurs [31] Les demandeurs ont déclaré au début de l’audience qu’ils désiraient maintenir leur demande d’accès du 21 juillet 2006, en considérant la situation factuelle existant à cette date. Les parties consentent donc à retirer du dossier la réponse transmise par l’organisme le 6 septembre 2007. [32] Les demandeurs ont ensuite déposé les documents suivants : a) une lettre de la directrice des ressources humaines du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, en date du 26 mars 2004, avisant les demandeurs du résultat de l’évaluation de leur emploi « pièce D-4 »; b) deux lettres de l’Association professionnelle des ingénieurs avisant les demandeurs du désistement de l’appel du classement de leur emploi en février 2006 « pièce D-5 »;
06 16 42 et 06 16 89 Page : 8 c) la liste des ingénieurs à l’emploi du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs indiquant le classement attribué à chacun des individus en fonction de l’emploi occupé « pièce D-6 ». B) REPRÉSENTATIONS DES PARTIES i) De l’organisme [33] La procureure de l’organisme explique que la transmission de la réponse le trente et unième jour après la réception de la demande est imputable à la période de vacances de l’été 2006. De plus, elle invoque le fait que l’organisme a accepté d’inclure à sa réponse certains tableaux qu’il a confectionnés pour fournir aux demandeurs les explications réclamées dans leur demande. [34] Les documents qui restent en litige sont ceux qui ont été déposés sous le sceau de la confidentialité et qui concernent les sous-paragraphes d), e) et f) de la demande d’accès. [35] La procureure soutient que la réponse du 24 août 2006 est toujours valable et que les documents soumis, sous le sceau de la confidentialité, contiennent une analyse dont la divulgation risquerait d’avoir un effet sur une procédure judiciaire 3 . [36] Enfin, elle rappelle que l’organisme a déclaré ne détenir aucun autre document « mémo, courriel, texte présent ou passé contenu dans un ordinateur ». ii) Des demandeurs [37] Les demandeurs rappellent que l’organisme a répondu après l’expiration du délai de 30 jours, que ce retard est injustifié et que, de toute façon, la réponse du 24 août 2006 n’est pas satisfaisante. [38] Selon les demandeurs, les réponses apportées par l’organisme aux sous-paragraphes a), b), e) et f) ne sont supportées par aucun document. [39] Quant au pointage minimum requis pour accéder aux niveaux d’emploi 1, 2, 3 et 4, il n’a pas été justifié bien qu’il ait été communiqué. 3 o Drouin c. Conseil du trésor, C.A.I. Québec, n 04 10 83, 3 juin 2005, c. Grenier.
06 16 42 et 06 16 89 Page : 9 [40] Les demandeurs prétendent que l’organisme ne pouvait invoquer l’article 37 ou l’article 32 au regard de la situation puisqu’il s’agit ici de renseignements personnels qui les concernent. En conséquence, l’article 87 s’applique à la présente affaire. [41] De plus, l’organisme devait démontrer à la Commission que les documents en litige constituent une analyse qui risque vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire en cours. DÉCISION [42] La Loi sur l’accès accorde à l’organisme un délai de vingt jours « auquel peut être ajouté un délai de dix jours additionnels » pour donner une réponse à une demande : 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande : 1° donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit; 1.1° donner accès au document par des mesures d’accommodement raisonnables lorsque le requérant est une personne handicapée; 2° informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; 3° informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5° informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; 6° informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9; 7° informer le requérant que le tiers concerné par la demande ne peut être avisé par courrier et qu’il le sera par avis public;
06 16 42 et 06 16 89 Page : 10 8° informer le requérant que l’organisme demande à la Commission de ne pas tenir compte de sa demande conformément à l’article 137.1. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. [43] Dans cette réponse, le responsable de l’accès doit motiver le refus de donner communication d’un renseignement : 50. Le responsable doit motiver tout refus de donner communication d'un renseignement et indiquer la disposition de la loi sur laquelle ce refus s'appuie. [44] L’organisme a transmis la réponse un jour après l’expiration du délai de trente jours qui lui était accordé. Les demandeurs nous ont soumis une décision de la commissaire Boissinot dans laquelle un organisme n’a pas été autorisé à invoquer des motifs de refus au-delà du délai de trente jours. La commissaire écrit 4 : « Permettre à l’organisme de soulever tardivement des motifs facultatifs de refus, qu’il était possible de soulever lors de la préparation de la réponse sous révision, ouvre finalement la porte à l’invocation par l’organisme public, en tout temps, même durant l’audience, d’un nombre supplémentaire significatif de ces restrictions à l’accès, modifiant par le fait même la décision sous révision. […] En effet, l’objectif premier et essentiel de ce chapitre II ne vise pas le respect du droit d’un organisme public à invoquer les exceptions à ce principe hors du délai statutaire et obligatoire. Étirer le délai statutaire ou en faire fi produirait l’effet contraire visé par cet énoncé : le droit d’accès risquerait plutôt de disparaître. » 4 Simard c. Sécurité publique, [2005] C.A.I. 306, 315. Requête pour permission d’appeler accueillie par la Cour du Québec.
06 16 42 et 06 16 89 Page : 11 [45] En tout respect, le soussigné ne croit pas devoir suivre cette position pour les motifs suivants. D’abord, il importe de le rappeler, le retard imputé à l’organisme n’est que d’une journée. De plus, la preuve a démontré que la responsable de l’accès a agi avec célérité en transmettant la demande pour traitement. Cette demande a été reçue durant la période de vacances estivales et compte tenu de la particularité des informations demandées, il importait qu’elle soit traitée par les personnes qui ont agi au dossier. [46] Il n’est pas question de permettre à l’organisme de soulever des motifs de refus en tout temps. Telle n’est pas la situation de la présente affaire. Le soussigné considère que les demandeurs ont toujours été valablement informés du motif invoqué par l’organisme et ils n’ont pas été pris par surprise. [47] La jurisprudence a beaucoup évolué au cours des dernières années relativement à cette question. Ainsi, dans l’affaire « Schulze 5 », la juge Charron de la Cour du Québec écrit : « Cette attitude constitue de fait un refus d’exercer la discrétion que lui donne le législateur et, à tout le moins, un aveuglement qui n’a plus sa place de nos jours devant les tribunaux et encore moins devant un organisme comme la Commission. La procédure ne sert qu’à faire apparaître le droit et non à l’occulter. L’appréciation de la preuve en l’espèce doit permettre de démontrer, d’une part, s’il y a quelque préjudice que ce soit pour la partie intimée ou requérante devant la Commission au fait que l’on n’ait pas soulevé en temps opportun les bons arguments pour justifier le refus de communiquer les documents. » [48] Auparavant, la juge Villeneuve avait rendu une décision semblable 6 : « Aucune disposition de la Loi sur l’accès ne permet à la Commission de déclarer un organisme forclos de soulever un article de loi. Aucune forclusion n’ayant été créée par le législateur, l’organisme peut soulever la restriction prévue par la loi en tout temps. » 5 Ministère de la Justice c. Schulze, [2000] C.A.I. 413. 6 o Ministère de la Sécurité publique c. Joncas, C.Q., n 200-02-020553-980, 11 juin 1999, j. Villeneuve.
06 16 42 et 06 16 89 Page : 12 [49] Enfin, les demandeurs n’ont, en tout état de cause, subi aucun préjudice et c’est le devoir de la Commission de permettre aux parties de faire valoir leurs droits respectifs 7 : « Un tribunal qui a le pouvoir de le faire a le devoir de sauvegarder les droits des parties et de donner la possibilité à la partie déchéante de remédier au défaut si cela ne cause pas une injustice à la partie adverse. » [50] Le soussigné autorise l’organisme à soulever le motif de refus facultatif fondé sur l’article 32 de la Loi sur l’accès. C) LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS [51] Les demandeurs soumettent qu’ils ont un droit d’accès aux documents demandés en vertu de l’article 83 de la Loi sur l’accès qui prévoit : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement personnel la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement personnel la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement personnel de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [52] Cette disposition vise à permettre l’accès d’une personne aux renseignements personnels qui la concernent. Sans révéler le contenu des documents déposés, sous le sceau de la confidentialité, il apparaît clairement qu’ils portent sur un « emploi » et non sur un individu. En effet, ces documents traitent des diverses attributions et responsabilités des postes détenus par les demandeurs au moment de leur demande d’accès. [53] L’exercice de l’organisme, au moment de l’évaluation des postes d’ingénieur, consistait à faire une évaluation des postes et non des individus qui les occupaient. Aussi n’est-il pas surprenant de ne retrouver à aucun endroit la désignation personnelle du titulaire du poste évalué. Qui plus est, la preuve a 7 o Service anti-crime des assureurs c. Ménard, C.Q., n 500-80-001893-032, 20 septembre 2004, j. Charrette.
06 16 42 et 06 16 89 Page : 13 démontré que le demandeur [Y] est aujourd’hui retraité. Ainsi, le poste qu’il a laissé est probablement occupé aujourd’hui par une autre personne. [54] En conséquence, le soussigné considère que les documents recherchés par les demandeurs ne contiennent pas de renseignements personnels les concernant. E) L’APPLICATION DE L’ARTICLE 32 DE LA LOI SUR L’ACCÈS [55] Dans sa réponse du 24 août 2006, le responsable de l’accès de l’organisme invoque l’article 32 de la Loi sur l’accès pour soutenir le refus de communiquer les documents qui contiennent l’évaluation du poste des demandeurs : 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. [56] L’organisme devait faire la preuve de trois éléments pour que la restriction constatée à cette disposition trouve application : 1) le document en litige doit répondre à la définition d’analyse, 2) il doit établir qu’il existe une procédure judiciaire en cours, 3) et il doit faire la preuve que la divulgation de l’analyse risque d’avoir un effet sur une procédure judiciaire ou quasi judiciaire. 1) Les documents réclamés contiennent-ils une analyse ? : [57] Deux documents ont été déposés sous le sceau de la confidentialité. La « fiche d’évaluation validée » est le résultat de l’évaluation « par points et facteurs ». L’autre est intitulée « fiche de consignation de l’analyse de l’emploi pour la détermination du niveau de mobilité ». Ce document représente le résultat de l’analyse de l’emploi faite en vertu de « la méthode d’appariement ». L’accès à chacun de ces documents est refusé par l’organisme. [58] Ce n’est pas parce que l’un porte en son titre le mot « évaluation » et l’autre le mot « analyse » qu’il faille nécessairement en conclure que leur contenu correspond à chacune de ces notions. [59] Dans la « fiche d’évaluation validée », les évaluateurs ont accordé une cote pour chacun des 17 sous-facteurs décrits dans le document « système d’évaluation des emplois ». L’attribution d’une cote pour chacun des sous-facteurs est justifiée sur ce document et cette justification est propre et pertinente à l’emploi
06 16 42 et 06 16 89 Page : 14 examiné. Pour y arriver, on procède à une analyse des principales tâches et responsabilités contenues dans la description d’emploi. [60] Il apparaît au soussigné que cette section du document qui comporte les « justifications » correspond à la définition de l’expression « analyse des emplois » contenue au Dictionnaire canadien dont la définition est la suivante : « Technique de détermination par l’observation et l’étude des éléments qui composent un poste ainsi que des connaissances, de la qualification et des aptitudes exigées du titulaire. L’analyse est la première étape pour en arriver à la spécification et à la description d’un poste. » [61] Ce même document comporte en plus une cote pour chaque sous-facteur. Cette cote est numérique et ne comporte aucune analyse. Elle représente le « résultat » de l’analyse et permet, par le calcul du pointage, de donner une classification à l’emploi. [62] En ce qui concerne le deuxième document, « la fiche de consignation de l’analyse de l’emploi… », il contient une description des différentes responsabilités de l’emploi ainsi qu’un pourcentage correspondant à la proportion occupée par chacune de ces responsabilités dans l’ensemble des attributions de l’emploi. Finalement, une classification de niveau 1, 2, 3 ou 4 est donnée à chaque tâche. [63] La description des différentes responsabilités reliées à l’emploi constitue une analyse. Par contre, la répartition par pourcentage de chacune d’elles représente « une évaluation des renseignements qui décrivent l’emploi ». 2) Une procédure judiciaire doit être en cours : [64] L’existence de procédures judiciaires au moment de la demande d’accès en juillet 2006 ne fait aucun doute. En effet, la preuve a démontré que le 19 mai 2006, les demandeurs avaient déposé chacun trois griefs devant le tribunal d’arbitrage de la fonction publique. Le grief principal se lit comme suit : « Je conteste la décision arbitraire et non équitable de l’employeur, dont j’ai été saisi le 7 février 2006 de refuser mon intégration à la classe 3 de mon corps d’emploi (118), le tout en particulier en contravention à la lettre d’entente numéro 8 de ma convention collective.
06 16 42 et 06 16 89 Page : 15 Je demande d’être intégré au niveau 3 de mon corps d’emploi, le tout, notamment, dans le respect des articles 6-6.05 et 7-1.05. » [65] Le processus d’arbitrage prévu à la convention collective des ingénieurs à l’emploi du gouvernement du Québec a déjà fait l’objet d’une décision de cette Commission et la commissaire Hélène Grenier écrit 8 : « La Commission conclut que le processus d’arbitrage prévu par la convention collective de travail des ingénieurs (O-1) est de nature essentiellement judiciaire. La Commission comprend également que la demanderesse a elle-même entrepris de contester la classe d’emploi qui lui a été attribuée et qu’à moins d’un règlement, cette contestation amorcée avant la demande d’accès sera tranchée par l’arbitre, comme le veut la convention collective applicable. » Le soussigné n’a reçu, dans la présente affaire, aucune preuve lui permettant de conclure autrement. 3) Le risque d’un effet sur une procédure judiciaire : [66] Les demandeurs soutiennent dans leur argumentation qu’aucune preuve n’a été faite par l’organisme pour démontrer que la divulgation des documents recherchés risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire. [67] Dans son témoignage rendu à huis clos, M. Jacques Fréchette, représentant de l’organisme, a discuté de ce risque éventuel. Il rappelle que les deux demandeurs ont déposé des griefs pour contester le classement qui a été attribué à leur emploi et qu’en conséquence, la preuve qui sera faite par l’organisme lors de l’audience sur ces griefs sera concentrée sur le contenu de ces documents et le processus qui a mené à leur élaboration. [68] La question en litige portera sur la qualité et la pertinence de l’évaluation qui a été faite et sans présumer des moyens qu’il utilisera pour ce faire, l’organisme aura à justifier et expliquer les conclusions auxquels il en est venu. 8 Précitée, note 3.
06 16 42 et 06 16 89 Page : 16 [69] Le soussigné considère donc que la communication des documents déposés, sous le sceau de la confidentialité, risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur la procédure judiciaire enclenchée suite au dépôt des griefs. [70] En ce qui concerne les autres documents requis dans les demandes d’accès, la preuve a démontré que les documents ont été remis ou qu’ils n’existent pas et les demandeurs n’ont, en contrepartie, apporté aucune preuve de leur existence. [71] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [72] ACCUEILLE en partie la demande de révision; [73] ORDONNE à l’organisme de communiquer dans les trente jours de la date de la réception de la présente décision, à chacun des demandeurs, les documents suivants : la fiche d’évaluation validée, révisée le 7 novembre 2003, pour ce qui concerne les informations contenues aux deux colonnes de gauche comportant la désignation du sous-facteur et la cote; la fiche de consignation de l’analyse de l’emploi, révisée le 5 mars 2004, pour les quatre premières sections comportant les pourcentages et les commentaires de la présence d’attributions caractéristiques des niveaux 1 à 4; [74] REJETTE les demandes d’accès pour le reste. JEAN CHARTIER Commissaire M e Isabelle Gagné Avocate de l’organisme
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