Commission d’accès à l’information du Québec Dossiers : 05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Date : Le 20 novembre 2007 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE L’INNOVATION ET DE L’EXPORTATION et MINISTÈRE DES FINANCES DU QUÉBEC et INVESTISSEMENT-QUÉBEC INC. Organismes BOMBARDIER INC. et FONDS DE SOLIDARITÉ DES TRAVAILLEURS DU QUÉBEC et GROUPE AXOR INC. Tierces parties DÉCISION INTERLOCUTOIRE
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 2 LE LITIGE DEMANDES DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 Dossiers n os 05 03 97, 05 07 89 et 05 07 90 [1] Le 2 mars 2005, le demandeur requiert de M. Georges Boulet, responsable de l’accès aux documents pour le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE), de M me Lucie Lépine, responsable de l’accès aux documents au sein du ministère des Finances du Québec (le ministère des Finances) et de M e Pierre B. Lafrenière, responsable de l’accès aux documents au sein d’Investissement-Québec inc. (Investissement-Québec), une copie des documents qu’il décrit en ces termes : […] Tout document relatif à la nature et l’étendue de l’aide financière ou autre offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le gouvernement du Québec à Bombardier ou à ses filiales; Tout document relatif à la nature et à l’étendue de l’aide financière ou autre offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le gouvernement du Québec pour la construction à Mirabel d’une usine d’assemblage d’avions pour le compte de Bombardier; Tout document relatif à la nature et à l’étendue de l’aide offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le gouvernement du Québec concernant le financement des coûts de recherche et de développement des avions de Série C que Bombardier ou ses filiales proposent de fabriquer; Tout document utilisé, consulté, étudié ou échangé dans le cadre de la préparation et de l’élaboration de l’aide offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le gouvernement du Québec à Bombardier; 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 3 Tout document rédigé, préparé et échangé entre le Ministère des Finances et Bombardier relativement à toute aide offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le gouvernement du Québec et ce, jusqu’à ce jour; Tout document rédigé, préparé et échangé entre Investissement-Québec et Bombardier relativement à toute aide offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le gouvernement du Québec et ce, jusqu’à ce jour; Tout document se rapportant aux demandes de précisions de Bombardier sur toute forme d’aide offerte par le gouvernement du Québec ainsi que les précisions apportées notamment par Investissement-Québec; Tout document se rapportant aux demandes de précisions de Bombardier sur toute forme d’aide offerte par le gouvernement du Québec ainsi que les précisions apportées notamment par le Ministère des Finances; Tout document se rapportant aux demandes de précisions de Bombardier sur toute forme d’aide offerte par le gouvernement du Québec ainsi que les précisions apportées notamment par le ministre Michel Audet. Dossier n o 05 03 97 [2] Le 3 mars 2005, M e Lafrenière invite le demandeur à s’adresser au MDEIE, en lui fournissant le nom et les coordonnées de M. Boulet, responsable de l’accès. [3] Le 9 mars 2005, le demandeur sollicite l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que soit révisée la décision d’Investissement-Québec. Dossier n o 05 07 89 [4] Le 21 mars 2005, M me Lépine refuse de transmettre au demandeur les documents recherchés : « […] parce qu’ils contiennent des renseignements ayant des incidences sur les relations intergouvernementales, l’économie, les décisions administratives ou politiques ou sont en fait des ébauches ou des documents de même nature. » À l’appui des motifs de refus, elle invoque les articles 9, 19, 21, 22, 23, 24, 34, 37, 38 et 39 de la Loi sur l’accès.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 4 [5] Le 4 avril 2005, le demandeur sollicite l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que soit révisée la décision du ministère des Finances. Dossier n o 05 07 90 [6] Le 1 er avril 2005, M. Boulet refuse de transmettre au demandeur une copie des documents recherchés. Ceux-ci contiendraient notamment des secrets ou renseignements industriels, commerciaux et syndicaux. Leur communication risquerait, entre autres, d’entraver une négociation en vue de la conclusion d’un contrat. Il invoque, à cet effet, les articles 22, 23 et 24 de la Loi sur l’accès, ajoutant que la plupart des documents recherchés ont été produits dans le cadre : […] d’un processus décisionnel qui se poursuit dans la perspective de la conclusion d’une entente dont l’objet est le soutien financier de Bombardier Aéronautique pour son projet d’avion de série C. Nous retenons ces documents en nous référant à l’article 39 de la Loi sur l’accès. [7] M. Boulet ajoute que les motifs de refus sont en outre basés sur les articles 9, 14, 18, 19, 30, 31, 33, 34 et 37 de la Loi sur l’accès. [8] Le 6 avril 2005, le demandeur soumet à la Commission une demande de révision. CONTEXTE [9] Le 15 juin 2006, la Commission tient une conférence préparatoire dans les dossiers impliquant initialement : Le demandeur, le ministère des Finances du Québec et Bombardier inc. (Bombardier) (n o 05 07 89); Le demandeur, le ministère du Conseil du Trésor et Bombardier (n o 05 05 18); Le demandeur, le ministère du Conseil exécutif et Bombardier (n o 05 09 40); Le demandeur, le MDEEIE et Bombardier (n o 05 07 90); Le demandeur, Investissement-Québec, Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FSTQ), Groupe Axor inc. et Bombardier (n o 05 03 97).
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 5 [10] M e Jean Bazin du cabinet d’avocats Fraser Milner Casgrain, procureurs du demandeur, informe la Commission que celui-ci se désiste de ses demandes à l’égard du ministère du Conseil du Trésor et de Bombardier (n o 05 05 18) et du ministère du Conseil exécutif et de Bombardier (n o 05 09 40). [11] M e Bertrand Roy, pour le ministère des Finances et le MDEIE, informe la Commission de son intention de soumettre conjointement avec M e Dominique Legault, du cabinet d’avocats Bernard Roy (Justice Québec) pour le MDEIE, une preuve commune lors de l’audience sur le fond du litige dans les trois dossiers devant se tenir à une date ultérieure. Cette preuve commune se veut nécessaire afin d’expliquer le contexte dans lequel le gouvernement du Québec a fait l’annonce de la construction par Bombardier aéronautique inc. des avions « série C ». [12] Cependant, une preuve distincte concernant chaque partie sera soumise à la Commission au moment opportun. [13] Par l’entremise de leur procureur respectif, les tierces parties et le demandeur ne s’opposent pas à la suggestion de M e Roy. Ces tierces parties sont représentées par : - M e Isabelle Dionne et M e Jean Lozeau alors du cabinet d’avocats Lozeau L’Africain pour Investissement-Québec; - M e Marie-Julie Croteau du cabinet d’avocats Desjardins Ducharme pour le Groupe Axor inc.; - M e Véronique Landry du cabinet d’avocats Themens Landry pour le FSTQ; - M e François Fontaine et M e Amélie Dussault du cabinet d’avocats Ogilvy Renaud pour Bombardier aéronautique inc. [14] Par ailleurs, à la suite d’une audience tenue dans les dossiers n o 05 07 90 (le MDEIE) et n o 05 03 97 (Investissement-Québec), les parties ont été autorisées par la Commission à invoquer tardivement les articles 9 (2 e alinéa), 14 (2 e alinéa), 21, 22, 23, 24, 27, 37, 38 et 39 de la Loi sur l’accès, tel qu’il appert d’une décision interlocutoire datée du 11 janvier 2007. [15] Il est opportun de souligner que le ministère des Finances, le FSTQ et le Groupe Axor inc. n’étaient pas concernés par cette décision interlocutoire.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 6 L’AUDIENCE DU 11 JUIN 2007 [16] L’audience sur le fond du litige est tenue les 11, 12 et 13 juin 2007, à Montréal, dans le dossier impliquant le demandeur, le MDEIE et la tierce partie Bombardier inc. Sont présents : - M e Bertrand Roy pour le ministère des Finances et le MDEIE, - M e Dominique Legault pour le MDEIE, - M e Isabelle Dionne et M. Shawn Jacobaccio, stagiaire en droit, pour Investissement-Québec, - M e Olivier Truesdell-Ménard et M e Marie-Julie Croteau pour le Groupe Axor inc., - M e Véronique Landry pour le FSTQ, - M e François Fontaine et M e Amélie Dussault pour Bombardier. LA PREUVE DU MDEIE Témoignage de M. Georges Boulet [17] Interrogé par M e Roy, M. Boulet affirme qu’il est secrétaire général et responsable de l’accès à l’information au sein du MDEIE, tel qu’il appert d’un organigramme de ce ministère approuvé le 6 avril 2004 et mis à jour le 7 février 2005 (O-1). Dans le cadre de ses fonctions, il s’occupe du cheminement des processus décisionnels et de tous les documents requérant des décisions devant être prises par le ministre du MDEIE. [18] M. Boulet décrit notamment la mission du MDEIE, selon les termes de la Loi sur le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation 2 . Il décrit de plus les fonctions occupées par le ministre dans le cadre de sa compétence (art. 3), dont le rôle vise à créer et à susciter le développement de l’industrie. Il supporte toutes les autres missions dont le gouvernement a la responsabilité. Dans ce contexte, il a traité la demande d’accès formulée par le 2 L.R.Q., c. M-30.01.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 7 demandeur (O-2), le 2 mars 2005, concernant l’aide financière relative à la construction d’une usine d’assemblage d’avions de « série C » à Mirabel « et à l’assemblage même de ces avions » offerte par le gouvernement du Québec à Bombardier. Le lendemain, il transmet un accusé de réception au demandeur (O -3). [19] Il fait parvenir également au demandeur une lettre datée du 22 mars 2005 l’avisant qu’un délai additionnel de dix jours est nécessaire pour le traitement de sa demande d’accès (O-4). Il lui transmet finalement, à la même date, la décision du MDEIE refusant l’accès aux documents recherchés (O-5) en raison des articles qui y sont mentionnés. [20] M. Boulet n’a pas avisé les tierces parties de la demande d’accès aux documents les concernant selon les termes de l’article 23 de la Loi sur l’accès, puisque le MDEIE n’avait pas l’intention de transmettre au demandeur les documents qu’il souhaitait obtenir. Dans le cas de Bombardier, plus particulièrement, l’une des tierces parties dans la présente instance, le MDEIE détient des documents confidentiels qui lui ont été remis par celle-ci. Il a alors pris pour acquis que Bombardier ne consentirait pas à leur divulgation. [21] M. Boulet indique qu’une personne l’assiste dans le cadre de ses fonctions et cette dernière a transmis une note adressée à la Direction générale du MDEIE concernant le dossier Bombardier. [22] Se référant à l’organigramme (O-1), M. Boulet signale qu’au sein du MDEIE, la Direction des équipements de transport relevant de la Direction générale de l’industrie et du Commerce au sein du MDEIE est dirigée par M. Charles Dieudé, responsable du dossier concernant Bombardier. [23] M e Roy dépose, sous le sceau de la confidentialité, 27 documents appartenant au MDEIE et détenus par celui-ci ou par d’autres organismes. Il spécifie que certains documents peuvent être accessibles au demandeur. M e Roy dépose également, sous le sceau de la confidentialité, 19 documents qui proviendraient de Bombardier et il remet à M e Bazin, procureur du demandeur, des extraits de renseignements qui lui sont accessibles. [24] À la demande de M e Bazin, M e Roy souligne que les documents en litige sont composés de notes ministérielles et sous-ministérielles, lesquelles ont été préparées pour le ministre du MDEIE, des lettres provenant de celui-ci, de la correspondance, des notes et comptes-rendus de rencontres. On y trouve également une note et un mémoire adressés au Conseil des ministres et des décisions des instances décisionnelles, etc. Il réitère que les motifs de refus à la
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 8 divulgation des documents portent sur les articles 9, 14, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 30, 33, 34 et 37 de la Loi sur l’accès. Poursuite du témoignage de M. Boulet [25] M. Boulet signale que la demande d’accès du demandeur a été formulée dans le cadre d’un projet présenté par Bombardier, lors du Salon aéronautique de Farmborough en Angleterre, consistant à l’assemblage d’un nouvel avion comportant 100 à 130 places. Bombardier a alors lancé un appel d’offres international afin d’inviter les gouvernements intéressés « à postuler pour recevoir le site d’assemblage de ces avions » sur leur territoire. En fait, l’appel d’offres visait à savoir si les gouvernements intéressés étaient prêts à construire une usine destinée à faire l’assemblage final des avions. [26] Le témoin ajoute que les salons aéronautiques se tiennent au Bourget à Paris en France ou à Farmborough en Angleterre. Le Québec y participe depuis plusieurs années. M. Dieudé, pour sa part, participe à ces salons de l’aéronautique depuis 1983. [27] M. Boulet prétend que le MDEIE a été appelé à répondre au projet de Bombardier puisqu’il est chargé de repérer toutes les occasions d’affaires et tous les projets d’investissement ayant trait à la création d’emplois. Le gouvernement du Québec cherche à intéresser une entreprise à venir s’installer au Québec. Par exemple, le projet de « série C » de Bombardier est important pour le MDEIE compte tenu de la possibilité de création d’emplois et de richesse dans le domaine de l’aéronautique. Les retombées économiques peuvent susciter la création de près de 6 500 emplois au Québec. Le MDEIE était intéressé à ce projet afin de coordonner les discussions et les offres qui seraient soumises à Bombardier. Plusieurs gouvernements à travers le monde s’y intéressaient également. [28] Selon M. Boulet, la Direction des équipements de transport a communiqué avec les représentants de Bombardier concernant ce projet. Le MDEIE joue un rôle important dans ce dossier. Il appartient donc à celui-ci d’en faire l’étude, d’émettre des avis, de formuler des recommandations au Conseil exécutif qui regroupe le conseil des ministres. [29] Outre le MDEIE, quatre autres organismes étaient impliqués dans ce dossier. Le ministère des Finances intervient en raison de son rôle en matière de politique budgétaire. Le Conseil du Trésor est responsable du respect des enveloppes budgétaires et s’assure que les sommes sont dépensées en respect des normes et barèmes établis à cet effet. Investissement-Québec est également impliqué dans ce dossier, puisqu’il représente un élément essentiel du
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 9 gouvernement pour tout ce qui concerne le secteur industriel. Finalement, le ministère du Conseil exécutif regroupant, entre autres, le Conseil des ministres et les comités ministériels y est aussi impliqué. [30] M. Boulet ajoute notamment que M. Gilles Demers, sous-ministre adjoint à l’industrie et au Commerce au sein du MDEIE, jouait un rôle important dans le dossier de Bombardier et était appuyé par la Direction des équipements de transport dirigée par M. Dieudé. [31] Le témoin ajoute que 60% de toute l’activité aéronautique au Canada se passe au Québec, ce qui représente un chiffre de ventes de 11,4 milliards de dollars. De plus, 80% de la production dans ce secteur est destinée à l’exportation, le Québec occupant la 6 e place sur le plan mondial. Il signale que 238 entreprises oeuvrant dans ce domaine se trouvent au Québec et près de 40 400 Québécois y occupent un emploi direct. [32] M. Boulet indique que la divulgation des documents en litige serait dommageable pour le gouvernement. Elle aurait pour effet de révéler des secrets industriels concernant Bombardier et donnerait un avantage appréciable à ses concurrents. Les relations d’affaires entre le gouvernement du Québec et Bombardier souffriraient de conséquences non souhaitées puisque, à son avis, les discussions d’affaires revêtent un caractère confidentiel. [33] M. Boulet précise que d’autres partenaires sont également impliqués dans le projet de construction des avions « série C » de Bombardier. Il s’agit des autres tierces parties, à savoir le FSTQ et le Groupe Axor inc. [34] Il souligne que le gouvernement est en compétition, notamment avec des États américains, des pays de l’Europe, la Chine, le Brésil, l’Irlande et la Grande-Bretagne. Ceux-ci souhaitent également recevoir Bombardier sur leur territoire en raison des retombées économiques que ce projet peut engendrer. Ce projet vise la construction de diverses parties des avions au Québec tandis que d’autres peuvent être construites ailleurs. L’assemblage final se ferait au Québec. Il précise que M. Dieudé fournira plus d’informations au cours de son témoignage. Témoignage de M. Charles Dieudé [35] Interrogé par M e Roy, M. Dieudé déclare qu’il a commencé à travailler au sein du MDEIE, en 1984, à titre de conseiller en aéronautique. Il mentionne qu’il a obtenu son diplôme, en 1967, en France, après avoir suivi une formation d’ingénieur généraliste, spécialisé en turbomachine, dont les moteurs d’avion.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 10 [36] Dès 1970, il commence à travailler dans ce domaine au sein de l’entreprise « Aérospatial », devenue par la suite « la Société EADS », l’entreprise numéro 1 européenne et le numéro 2 mondial dans le secteur de l’aéronautique et du spatial. Cette entreprise construit tout ce qui a trait aux avions, aux hélicoptères, etc. Il produit en preuve ses notes biographiques décrivant ses expériences académiques et professionnelles et les diverses fonctions qu’il a occupées dans ce domaine. Il était, en outre, « chef de service de coordination aux partenaires européens », c’est-à-dire responsable des avions construits dans une chaîne d’assemblage à un endroit précis (O-6). [37] En 1984, il agit à titre d’aviseur, de conseiller en aéronautique au sein du MDEIE dans le dossier de l’implantation de Bell Helicopter à Québec et à Mirabel. Son rôle est d’établir des liens étroits avec l’industrie locale québécoise, canadienne et internationale. Il agit à titre d’expert dans ce domaine et, dans le cadre de son travail, il est en communication, notamment, avec le président de Bombardier et d’autres intervenants. [38] Il confirme essentiellement le témoignage de M. Boulet visant, entre autres, le nombre d’emplois directs visés par le secteur de l’aéronautique au Québec, ajoutant que cette industrie représente 7% de toute la production du Québec. [39] Il affirme qu’il est au courant de la demande d’accès formulée par le demandeur. En 2004, Bombardier avait comme projet de construire des avions régionaux pouvant transporter 100 personnes. Cette annonce s’est faite au cours du Salon de Farmborough, vers le 19 juillet 2004. L’entreprise Embraer était un autre compétiteur dans la construction d’avions régionaux. INTERVENTION [40] Par ailleurs, pour faire suite à la demande de M e Bazin concernant, notamment, les titres des 27 documents en litige, M e Legault remet à celui-ci une liste des documents provenant du MDEIE (O-7). DES 12 ET 13 JUIN 2007 : PREUVE EX PARTE [41] Les 12 et 13 juin 2007, MM. Boulet et Dieudé poursuivent leurs interrogatoires lors de la preuve ex parte, à l’exclusion du demandeur et des autres parties, conformément à l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 3 : 3 R.R.Q., c. A-2.1, r.2, D-2058-84, les Règles de preuve et de procédure.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 11 20. La Commission peut prendre connaissance, en l’absence du requérant et à huis clos, d’un document que l’organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l’accès en vertu d’une restriction prévue à la section II de la Loi. CONTEXTE [42] Le 31 août 2007, M e Roy me transmet une lettre dans laquelle il indique : Tel que mentionné à l’occasion de la présentation de la preuve du 13 juin 2007, je vous informe qu’à la reprise des audiences publiques, le 11 septembre prochain, j’ai l’intention de vous demander de reconnaître à monsieur Charles Dieudé le statut d’expert dans le domaine de l’aéronautique. Quelques questions additionnelles pourront lui être posées par la suite. Afin de justifier cette demande, outre les représentations que je ferai le 11 septembre prochain, je me permets de vous référer au témoignage fait publiquement par monsieur Charles Dieudé, le 11 juin 2007, à l’occasion de présentation de la preuve commune dans les dossiers mentionnés en titre, en ce qui regarde ses connaissances et son expérience professionnelle. DU 11 SEPTEMBRE 2007 [43] À la reprise de l’audience du 11 septembre 2007, M e Roy réitère la demande qu’il a formulée dans sa lettre datée du 31 août précédent. [44] En réponse à cette demande, le demandeur indique qu’il a préalablement avisé M e Roy qu’il s’y opposait considérant sa tardiveté. Il ajoute qu’en l’absence de M e Bazin, il est prêt à débuter le contre-interrogatoire des témoins du MDEIE, à savoir MM. Boulet et Dieudé. Le demandeur précise que M e Bazin fera les représentations nécessaires quant à la demande du MDEIE de reconnaître M. Dieudé à titre de témoin expert dans le domaine de l’aéronautique, lorsqu’il se présentera à l’audience.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 12 INTERVENTIONS DES TIERCES PARTIES [45] M e Fontaine s’interroge sur l’intervention du demandeur qui souhaite contre-interroger les témoins du MDEIE puisque, depuis le début de l’audience, il est représenté par un avocat devant la Commission. Il appartient à son avocat de le faire. [46] M e Fontaine ajoute néanmoins que si le demandeur n’était pas représenté par un avocat, il aurait pu procéder au contre-interrogatoire des témoins du MDEIE. Or, ce n’est pas le cas. Il s’oppose à ce que le demandeur agisse à titre d’avocat dans les trois dossiers, et ce, pour les motifs déjà mentionnés. [47] M e Lozeau pour Investissement-Québec et M e Truesdell-Ménard pour le Groupe Axor inc. abondent dans le même sens que le procureur de Bombardier. [48] M e Roy pour le MDEIE et le ministère des Finances et M e Legault pour le MDEIE sont également en accord avec les commentaires émis par M e Fontaine relatifs à l’information soumise par le demandeur. [49] En réponse aux représentations des procureurs des parties, le demandeur fait remarquer qu’il agit « à titre de mandataire […] oui, on m’a donné le chapeau de demandeur; j’ai signé la lettre de la Commission, ensuite j’ai fait ma demande de révision […] ». [50] Le demandeur ajoute cependant que les procureurs du MDEIE le considèrent possiblement et implicitement comme procureur dans ce dossier, puisqu’en vertu du Code de déontologie des avocats 4 , un avocat ne peut pas communiquer avec une partie lorsqu’il sait que cette dernière est représentée par avocat. Il fournit en exemple que ces procureurs communiquent avec lui par téléphone ou par écrit. Ils le considèrent « comme étant le représentant d’un demandeur qui nous a demandé, FMC, Fraser Milner Casgrain, de faire la demande. […] ». [51] M e Roy réplique que ses lettres étaient toujours adressées à la fois au demandeur et à son procureur, M e Bazin. Il précise cependant que le demandeur « agit dans le dossier à la fois comme demandeur et comme procureur, et comme il nous écrit, je verrais mal qu’on ne lui réponde pas. » 4 L.R.Q., c. B-1, a. 15.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 13 [52] M e Fontaine est en désaccord avec l’interprétation de M e Roy ajoutant que le demandeur devrait décider à quel titre il agit devant la Commission. Cependant, dans la situation actuelle, il serait prêt à retirer son objection si le demandeur dévoile le nom du mandant auprès des autorités gouvernementales. [53] M e Lozeau, pour sa part, insiste sur le fait que le demandeur dévoile l’identité du mandant considérant son affirmation voulant qu’il agisse pour quelqu’un d’autre. [54] Le demandeur signale, qu’en matière d’accès à l’information, la qualité du demandeur n’est pas pertinente. Il refuse pour l’instant de modifier l’information qu’il a préalablement indiquée en début d’audience voulant qu’il soit un mandataire. [55] M e Fontaine signale, après avoir discuté avec les procureurs des autres parties, qu’il considère que l’aveu du demandeur est sérieux et que la demande de révision de celui-ci est viciée à sa base. Cette demande est donc nulle et la Commission n’en est pas légalement saisie. [56] Il reconnaît qu’un demandeur n’est jamais obligé de justifier sa demande, d’autant plus que selon les termes de l’article 9 de la Loi sur l’accès, toute personne a droit d’accès aux documents détenus par un organisme public. Dans le cadre d’une demande de révision formulée devant la Commission, un demandeur doit exister en vertu des articles 135 et suivants de la Loi sur l’accès. Celui-ci n’a pas besoin de témoigner dans sa cause. [57] M e Fontaine indique cependant que, dans le cadre de la preuve qu’il a à soumettre au nom de Bombardier relativement aux articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès, l’identité du demandeur est pertinente. [58] M e Roy pour le MDEIE et le ministère des Finances fait remarquer qu’il existe un principe fondamental selon lequel le demandeur doit s’identifier dans le cadre d’un débat judiciaire. En matière d’accès, il doit également le faire. Or, le demandeur a mentionné qu’il est un prête-nom. M e Roy ajoute : « Alors, il me semble qu’il y a effectivement matière grave et questionnement important. » [59] M e Landry pour le FSTQ abonde dans le même sens que M e Roy, mais ajoute que l’identité du véritable demandeur a une incidence pour son client puisque lors de la présentation de sa preuve, elle devrait être en mesure de démontrer qu’en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès, la divulgation des renseignements recherchés peut nuire de façon substantielle à sa compétitivité. Elle a un « droit minimum de savoir qui est le demandeur. »
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 14 REPRÉSENTATIONS DE M E BAZIN [60] M e Fontaine réitère l’essentiel des représentations qu’il a déjà faites, de manière à ce que M e Bazin puisse intervenir. Il s’interroge sur la compétence de la Commission à entendre les causes impliquant le demandeur en raison de l’information soumise préalablement par celui-ci en présence des autres procureurs. [61] M e Bazin fait une mise en garde relativement au questionnement du procureur de Bombardier et à « l’obligation pour un avocat de dévoiler ou non le nom de ses clients, le mandat qu’il a ou qu’il n’a pas; et enfin, M e Fontaine soulève, plusieurs questions assez fondamentales, et […] il en fait une question d’appel à la juridiction de la Commission. » DISCUSSION [62] Pour bien circonscrire le débat lors de la prochaine audience et après discussion avec les procureurs, il est décidé que ceux-ci feront parvenir à la Commission leur plan d’argumentation eu égard à la déclaration du demandeur du 11 septembre 2007. LES ARGUMENTS RECUEILLIS À L’AUDIENCE TENUE LE 10 OCTOBRE 2007 DU DEMANDEUR 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. 169. Sous réserve de l'article 170, toute disposition d'une loi générale ou spéciale qui est inconciliable avec celles du chapitre II relatives à l'accès aux documents des organismes publics ou celles du chapitre III relatives à la protection des renseignements personnels cesse d'avoir effet le 31 décembre 1987.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 15 [63] M e Bazin plaide qu’il existe un principe fondamental voulant que toute personne a droit d’accès à un document. Ce principe est renforcé par les dispositions de la présente loi qui prévalent sur celles d’une loi générale ou spéciale qui serait contraire aux dispositions de la loi prévoyant l’accès aux documents des organismes publics ou celles relatives à la protection des renseignements personnels; cette loi cesse d’avoir effet le 31 décembre 1987. [64] M e Bazin argue de plus que la Loi sur l’accès est renforcée par l’article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne 5 . À son avis, l’article 44 de la Charte inclut l’article 9 de la Loi sur l’accès : 44. Toute personne a droit à l'information, dans la mesure prévue par la loi. [65] Il fait remarquer qu’une demande d’accès a été formulée le 2 mars 2005, notamment auprès du ministère des Finances, par le cabinet d’avocats Fraser Milner Casgrain et qu’elle porte la signature du demandeur, agissant pour le compte de ce cabinet d’avocats pour lequel il travaille. Il réfère à la réponse de la responsable d’accès aux documents de ce ministère adressée à son client, lui refusant l’accès aux documents et à son invitation à formuler sa demande auprès des ministères et organismes mentionnés dans la présente cause. Le demandeur sollicite par la suite l’intervention de la Commission afin de réviser cette décision du ministère des Finances. [66] Il réfère aux demandes d’accès formulées également le 2 mars 2005 par le même cabinet d’avocats, signées par le demandeur, auprès du MDEIE et d’Investissement Québec recherchant l’accès aux mêmes documents. Les décisions des responsables d’accès de ces organismes ont été adressées au demandeur et celui-ci s’est adressé à la Commission afin de réviser ces décisions. [67] Il souligne qu’il s’agit de la même personne ayant formulé les trois demandes d’accès et les trois demandes de révision. À cet effet, il commente la jurisprudence soumise par Bombardier qui, à son avis, est inapplicable dans les cas sous étude. Il s’agit, entre autres, de l’affaire Larivière c. Office de la protection du consommateur 6 et de Green c. Ministère de l’Environnement 7 . Dans ce dernier cas, les demandes d’accès et de révision ont été formulées par la Société pour vaincre la pollution, laquelle a fait faillite, alors que la requête pour permission d’appeler à la Cour du Québec, quant à elle, a été faite par M. Green 8 . 5 L.R.Q., c. C-12. la Charte. 6 [1987] C.A.I., 2880. 7 [2002] C.A.I., 392. 8 (500-02-098394-013).
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 16 [68] Il rappelle que lors de la conférence préparatoire et des interventions dans les présentes causes, il n’a jamais été question de douter de l’identité du demandeur. Il réfère notamment à la correspondance adressée à celui-ci et aux avis de convocation de la Commission. Les parties savaient qu’elles s’adressaient à un avocat travaillant dans un cabinet d’avocats qui représente des clients. Il ne s’agit donc pas de « finalité cléricale » et cela n’affecte pas la compétence de la Commission à entendre les présentes causes. [69] Il signale que, si tel est le cas, l’article 141 de la Loi sur l’accès accorde à la Commission tous les pouvoirs pour préserver les droits des parties. [70] M e Bazin prétend qu’aucune procédure ne doit être considérée nulle ou rejetée pour vice de forme (art. 3 des Règles de preuve et de procédure). Il énumère les renseignements que peut contenir une demande formulée par un requérant ou par son représentant (art. 10 de ces mêmes règles). Ces règles prévoient également les pouvoirs de la Commission avant de procéder à une audition (art. 14) : 3. Aucune procédure faite en vertu du présent règlement ne doit être considérée comme nulle ou rejetée pour vice de forme. 10. Cette demande contient également: 1°la mention et la date de l'événement lui donnant lieu; 2°la signature du requérant ou de son représentant; 3°les nom et adresse du requérant et, le cas échéant, de son représentant. 14. Avant de procéder à une audition, la Commission peut requérir la comparution des parties ou de leur représentant à une rencontre préliminaire afin de conférer sur les moyens propres à simplifier ou à abréger l'audition, définir les points en litige et admettre quelque fait ou document. L’ARTICLE 130.1 DE LA LOI SUR L’ACCÈS [71] Quant à la demande de Bombardier auprès de la Commission de rejeter les demandes de révision du demandeur sous l’angle de l’article 130.1 de la Loi sur l’accès, en vigueur au moment de ces demandes et avant l’adoption du Projet de loi 86 au mois de juin 2006, M e Bazin précise qu’il n’y a pas lieu d’y réponde positivement.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 17 [72] M e Bazin énumère à cet effet toutes les demandes de révision formulées par son client auprès de la Commission, pour un total de huit, dont trois font l’objet de débats dans la présente audience. Son client s’est désisté des demandes de révision visant le ministère du Conseil exécutif et Bombardier (dossier C.A.I. 05 09 40) et le ministère du Conseil du Trésor et Bombardier (dossier C.A.I. 05 05 18). TARDIVITÉ DE LA REQUÊTE DE BOMBARDIER [73] La requête de Bombardier cherchant le rejet des demandes du demandeur est non fondée, puisque celui-ci a été impliqué dans un échange de correspondance, notamment avec les procureurs du MDEIE et la Commission. D’ailleurs, la Commission a rendu plusieurs décisions 9 visant des cabinets d’avocats qui se sont identifiés comme demandeurs dans les demandes de révision qui lui étaient adressées. Tous ces cabinets d’avocats représentaient des clients devant la Commission et n’étaient pas tenus de dévoiler l’identité de ceux-ci. [74] M e Bazin réitère que le droit d’une personne d’avoir accès aux documents des organismes publics au sens de l’article 9 de la Loi sur l’accès est inclus à l’article 44 de la Charte voulant que « toute personne a droit à l’information, dans la mesure prévue par la loi.» M e Bazin argue de plus que la qualité, l’intérêt, le statut ou les intentions du demandeur n’ont pas à être dévoilés par celui-ci afin d’avoir accès aux documents en litige, conformément, entre autres, à l’affaire Boudrias, Fréchette, Gélinas & associés précitée. Ces derniers avaient été représentés par un cabinet d’avocats. La Loi sur le Barreau serait inapplicable dans la présente instance. [75] Conséquemment, M e Bazin invite la Commission à rendre sa décision selon la Loi sur l’accès et non en vertu de la Loi sur le Barreau. [76] Il soumet et commente l’affaire Joli-Cœur, Lacasse, Lemieux, Simard, St-Pierre c. Québec (Ministère du Revenu) précitée, qui, à son avis, ressemble aux questions soulevées dans la présente instance. Dans cette affaire, le demandeur a précisé à la Commission qu’il agit au nom d’un fournisseur ayant présenté une proposition à la suite d’un appel d’offres lancé par le ministère du Revenu. 9 Stikeman Elliott c. Québec (Ministère de l’Environnement et de la Faune), [2004] C.A.I. 40; Boudrias, Fréchette, Gélinas & associés c. Régie de l’électricité et du gaz, [1984-86] C.A.I. 331; Joli-Cœur, Lacasse, Lemieux, Simard, St-Pierre c. Québec (Ministère du Revenu), [1998] C.A.I. 34; Martineau, Walker c. Québec (Ministère du Revenu), [1998] C.A.I. 117.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 18 LE SECRET PROFESSIONNEL DE L’AVOCAT [77] M e Bazin plaide que le demandeur n’est pas obligé de dévoiler l’identité de son client, tel qu’il en est ressorti dans l’affaire Belley c. La Cité de Québec 10 où la Cour du banc du roi mentionnait notamment : […] Rendant témoignage en faveur de sa réclamation, l’appelant a refusé de dévoiler, en transquestion, le nom d’une personne qui lui aurait versé par anticipation et pour ses services, une somme de $2500; il prétend se justifier en disant que cette personne est un client et que c’est avec entente expresse que la chose serait traitée confidentiellement, que son nom ne serait pas dévoilé, que cette personne a donné la somme en question; il ajoute qu’il devra compte à cette personne de la dite somme, quand il aura été payé de l’intimée. [78] Commentant l’affaire Procureur général du Québec c. Landreville 11 , M e Bazin fait remarquer également que l’identité du client ne devrait pas être dévoilée par son avocat, sauf si celui-ci est relevé du secret professionnel. Dans cette affaire, la Cour supérieure a décidé que : […] Toutes ces considérations mènent à la conclusion qu’il pourrait y avoir des circonstances, tel le cas présent, où le fait de la communication, y compris le nom de la personne qui a communiqué avec l’avocat, même si seulement pour prendre rendez-vous, est protégé par le privilège. Dans tel cas le nom de la personne ne peut être divulgué, d’après la Cour, sauf et en autant que l’avocat est relevé expressément ou implicitement par la personne qui lui a fait cette confidence. [79] Par analogie entre la cause Landreville précitée et celles visées par la présente instance, M e Bazin argue que la Commission ne peut exiger du demandeur de dévoiler l’identité de son client. 10 (1927), 42 B.R. 263, p. 264. 11 J.E. 86-849, p. 8.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 19 [80] Finalement, M e Bazin précise que la Commission doit décider si : Une demande d’accès a été formulée par une personne auprès d’un organisme public? Cette demande a fait l’objet d’une demande de révision auprès de la Commission et s’il existe un manque de clarté eu égard à cette demande? Si tel est le cas, l’article 141 de la Loi sur l’accès accorde à la Commission tous les pouvoirs à l’exercice de sa compétence. RÉPLIQUE DE BOMBARDIER [81] M e Fontaine, pour Bombardier, réplique en faisant remarquer que les parties savaient jusqu’au 11 septembre 2007 qui était le demandeur dans les dossiers, mais, depuis cette date, le demandeur ayant avoué qu’il n’est pas le véritable demandeur qu’il prétendait être, lorsqu’il indique notamment : « […] on m’a donné le chapeau de demandeur, […] », mais depuis cette date, les parties ne savent plus à qui ils ont affaire. [82] M e Fontaine invite la Commission à distinguer l’aveu du demandeur dans la présente instance de celui relaté dans l’affaire Joli-Cœur, Lacasse, Lemieux Simard, St-Pierre précitée, en ce que, dans ce dernier cas, la Commission n’a pas été appelée à statuer sur l’aveu de l’avocat. Il précise de plus que dans ce dossier, cet avocat a dévoilé l’identité du client pour lequel il agissait à titre de demandeur. [83] M e Fontaine signale que rien n’empêche un cabinet d’avocats d’agir pour son compte ou que l’un de ses procureurs se porte demandeur dans une cause devant la Commission. La distinction dans la présente affaire, c’est que le demandeur a avoué qu’il n’est pas celui qu’il prétend être. [84] M e Fontaine indique que les dispositions législatives contenues à l’article 9 de la Loi sur l’accès sont claires, à savoir que toute personne a le droit d’avoir accès à un document. Cela ne signifie pas que cette dernière doit agir comme « prête-nom » dans une affaire. Il précise que l’identité du vrai demandeur dans une cause doit être connue des parties, conformément à l’affaire Green c. Québec (Ministère de l’Environnement) précitée, où la Cour supérieure du Québec a accordé aux parties une requête en irrecevabilité, puisque M. Green n’était pas celui ayant formulé les demandes d’accès et de révision.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 20 [85] M e Fontaine souligne que le secret professionnel s’applique dans la mesure où un client qui consulte un avocat n’a pas intenté de procédure judiciaire ou quasi judiciaire contre une autre partie. Cependant, lorsqu’il intente un recours judiciaire par l’intermédiaire d’un avocat, il renonce alors à la confidentialité et son identité doit être dévoilée. [86] M e Fontaine commente notamment les décisions produites par le procureur du demandeur à l’égard desquelles le secret professionnel est inapplicable : dans Belley précitée, l’avocat n’agit pas comme demandeur, mais plutôt comme témoin. Celui-ci refuse de répondre aux questions concernant son client. Dans l’affaire Landreville précitée, il s’agit d’une perquisition dans un cabinet d’avocats. Dans la cause Legault 12 , le client a consulté son avocat qui a été accusé en vertu du Code pénal et acquitté par la Cour d’appel du Québec. [87] M e Fontaine reconnaît par ailleurs que les relations professionnelles entre un client et son avocat sont protégées par le secret professionnel en vertu notamment de la Loi sur le Barreau et l’article 9 de la Charte. Il cite l’affaire Pearl c. Bissegger, [1985], C.A. 695: […] Il est essentiel que les relations confidentielles entre un avocat et son client soient protégés par les lois; d’autre part, il est dans l’intérêt de la justice qu’on ne se serve pas indûment du manteau du secret pour entraver la marche normale des procédures judiciaires. […] Dans la cause Constantine c. La Commission des valeurs mobilières du Québec (R.L. 1975 P. 396 et suivantes) trois juges de la Cour provinciale décidaient que : « le secret professionnel est un tout et ne peut se diviser en partie. L’identité du client fait partie du secret professionnel de la même façon que la consultation ou les documents que peut préparer un avocat. » [88] M e Fontaine fait remarquer de plus que, dans l’affaire Ménard 13 , il en est ressorti que celui-ci avait mandaté son procureur, M e Gauthier, pour formuler une demande d’accès auprès de l’organisme en question, mais il a formulé sa propre demande de révision auprès de la Commission. 12 J.E. 89-197 (C.A.). 13 Ménard c. Régie de l’assurance-dépôt du Québec, [1997] C.A.I. 155.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 21 [89] Dans la cause X c. Centre jeunesse de Montréal 14 , bien qu’il s’agisse du vrai demandeur, la demande de révision de celui-ci portait la signature de son représentant syndical. Elle ne comprenait pas la signature du demandeur. La Commission a alors statué que le représentant syndical « n’est pas une personne intéressée pour exercer, au nom du demandeur, le recours en révision que prévoit la Loi sur l’accès […]. » N’ayant pas été faite conformément à la Loi sur l’accès, la demande de révision a été rejetée par la Commission selon les termes de l’article 130.1 de la Loi sur l’accès alors en vigueur avant l’adoption du Projet de loi 86 au mois de juin 2006. [90] Par ailleurs, en ce qui a trait à la plaidoirie du procureur du demandeur voulant que l’information soumise par celui-ci serait « une erreur cléricale », M e Fontaine n’est pas de cet avis. Il s’agit plutôt d’un vice important aux dossiers, la Commission ne peut pas l’ignorer et n’est donc pas valablement saisie des demandes de révision qui lui sont adressées dans les dossiers en titre. [91] M. Shawn Jacobaccio, stagiaire en droit, au cabinet d’avocats d’alors Lozeau L’Africain (pour Investissement-Québec), souscrit aux arguments de M e Fontaine pour Bombardier. [92] M e Landry (pour le FSTQ) appuie les arguments de M e Fontaine, ajoutant que la preuve qu’elle doit soumettre aurait été différente si elle avait connu l’identité du vrai demandeur. [93] M e Truesdell-Ménard, maintenant du cabinet d’avocats Donati Maisonneuve (pour le Groupe Axor inc.), souscrit également aux arguments de M e Fontaine et ajoute que la preuve à soumettre, selon les termes des articles 23 et suivants de la Loi sur l’accès, dépendrait en partie de l’identité réelle du demandeur dans le dossier qui le concerne. [94] M e Legault (pour le MDEIE) et M e Roy (pour le MDEIE et le ministère des Finances) signalent qu’ils n’ont pas de représentations à soumettre à la Commission. DÉCISION RELATIVE AUX TROIS DOSSIERS [95] Sur demande des parties, la Commission a recueilli une preuve commune relativement au contexte selon lequel le gouvernement du Québec a fait l’annonce de la construction par Bombardier des avions « Série C ». 14 o C.A.I. Québec, n 03 12 30, 27 juillet 2005, c. Grenier.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 22 [96] La présente décision vise donc les trois dossiers dont les parties sont ci-avant mentionnées. De plus, la Commission doit déterminer si le demandeur, qui est avocat, a l’obligation de dévoiler ou non l’identité de la ou des personnes à l’égard desquelles il a indiqué être le mandataire. [97] La Commission doit aussi déterminer si elle est valablement saisie des trois demandes de révision. L’ARTICLE 9 DE LA LOI SUR L’ACCÈS [98] Afin de pouvoir y répondre, il est opportun de se rappeler des dispositions législatives de l’article 9 de la Loi sur l’accès, tel qu’il se lisait au moment de la demande : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. (Soulignements ajoutés) [99] Le 1 er alinéa de cet article s’adresse à toute personne qui en fait la demande. Le législateur a décidé de ne pas émettre de catégorie de personne. N’importe qui peut en faire partie. [100] À cet effet, le dictionnaire Le Petit Larousse Illustré 15 définit « tout, toute » notamment comme suit : 1. […] tout le monde, l’ensemble des hommes, n’importe qui. […] 2. exprime la totalité, l’intégralité; entier. […] 3. tout qui : quiconque […] en tout : tout compris. [101] Le mot « personne » est défini dans le dictionnaire Le Petit Larousse Illustré précité, en ces termes notamment, page 769 : 1. Être humain, individu. […] 2. Quelqu’un, quiconque. 15 Édition 2002, p. 1021.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 23 [102] Le Petit Larousse Illustré précité définit également en ces termes ce qu’est une personne morale, page 769 : […] 3. […] Groupement d’individus auquel la loi reconnaît une personnalité juridique distincte de celle de ces membres (par oppos. à personne à personne physique, l’individu). [103] Dans les cas sous étude et malgré la position des parties en regard de l’aveu fait par le demandeur lors de l’audience tenue le 11 septembre 2007, force est de constater que l’article 9 de la Loi sur l’accès, tel que libellé, vise toute personne quelle qu’elle soit 16 , tel qu’il appert de quelques exemples de jurisprudence. [104] De plus, le droit d’accès consacré par l’article 9 de la Loi sur l’accès est inconditionnel, conformément à l’affaire Sirois c. Ville de Montréal 17 . [105] Il n’existe donc pas de disposition législative à la Loi sur l’accès pour exiger du demandeur qu’il dévoile l’identité du ou de ses mandants. De plus, même si l’identité de ces derniers était dévoilée, cette information ne pourrait avoir d’impact dans la prise de décision de la Commission eu égard à l’accessibilité d’un document. [106] À cet égard, il s’agira pour la Commission de déterminer, au moment opportun et à partir de la preuve sur le fond du litige qui lui sera soumise, si le demandeur peut avoir accès aux documents qu’il tente d’obtenir en vertu des articles de la Loi sur l’accès déjà mentionnés. [107] De plus, en lien avec l’article 9 de la Loi sur l’accès et faisant référence à une personne, l’article 135 de cette loi stipule : 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. 16 La Presse ltée c. Centre hospitalier Pierre-Boucher, [1996] C.A.I. 109 à 111, Roberge c. Bolduc (1991) 1 R.C.S. 374, Sept-Iles (Ville de) c. Commission municipale du Québec, C.S. Mingan (Sept-Iles) 650-05-000151-945, le 29 mars 995, Clément Roy c. Jean Bisson [2006] C.A.I. 78 à 80 et Association pour la protection de l’environnement de Lévis c. Hydro Québec et al [2006] C.A.I. 267 à 277. 17 (1984-86) 1 CAI 228.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 24 Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. […] [108] Le fait pour le demandeur d’indiquer qu’il agit à titre de mandataire dans les présentes causes n’est pas pertinent pour régler le litige l’opposant aux autres parties. Tel que mentionné dans l’affaire Morin c. Ministère de l’Environnement 18 à la page 9 : Le demandeur explique les raisons qui le poussent à demander accès aux renseignements en litige et qu’il est, en sa qualité d’ingénieur, lui aussi tenu au secret professionnel. Ses questions au témoin Laberge font l’objet d’opposition de la part des avocats des autres parties et la Commission les maintient. La Commission rappelle que les motifs du demandeur ne sont pas pertinents au litige. Le droit d’accès existe ou n’existe pas en lui-même, de sorte que si les renseignements lui étaient accessibles ils le seraient pour toute personne qui veut les obtenir, les compétiteurs du tiers compris. (soulignements ajoutés) [109] À la lumière de ce qui précède, la Commission considère qu’elle est valablement saisie des trois causes et possède la compétence nécessaire pour trancher le litige opposant le demandeur aux autres parties. [110] Il faut par ailleurs spécifier qu’étant représenté par avocat, le demandeur ne peut ni intervenir à l’audience ni procéder au contre-interrogatoire des témoins. Il appartient donc à son avocat de le faire. L’ARTICLE 130.1 DE LA LOI SUR L’ACCÈS [111] Les tierces parties requièrent que la Commission cesse d’examiner les présentes causes, aux motifs notamment que son intervention n’est manifestement pas utile au sens de l’article 130.1 de la Loi sur l’accès : 18 C.A.I. 99 16 86, le 11 juillet 2002, c. D. Boissinot.
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 25 130.1 La Commission peut refuser ou cesser d'examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire que la demande est frivole ou faite de mauvaise foi ou que son intervention n'est manifestement pas utile. [112] La Commission refuse de cesser d’examiner les présentes causes puisque les critères d’application de cet article ne sont pas satisfaits et que la preuve ne permet pas de conclure en ce sens. [113] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DÉCLARE qu’elle est valablement saisie des trois causes impliquant les parties dans les dossiers portant les numéros 05 03 97, 05 07 89 et 05 07 90; ORDONNE la poursuite de l’audience dans les trois dossiers ci-dessus mentionnés aux dates préalablement retenues par la Commission, à savoir les 5, 6, et 7 décembre 2007, en collaboration avec tous les procureurs des parties. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Fraser Milner Casgrain (M e Jean Bazin) Procureurs du demandeur Joli-Cœur, Lcasse, Geoffrion, Jetté, St-Pierre (M e Isabelle Dionne et M e Jean Lozeau) et M. Shawn Jacobaccio, stagiaire en droit Procureurs d’Investissement-Québec inc. Bernard, Roy (Justice-Québec) (M e Dominique Legault) Procureurs du ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation
05 03 97, 05 07 89, 05 07 90 Page : 26 Ministère de la Justice du Québec (M e Bertrand Roy) Procureurs du ministère des Finances et du ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation Themens Landry (M e Véronique Landry et M e Sébastien Ghantous) Procureurs de Fonds de solidarité FTQ Donati Maisonneuve (M e Olivier Truesdell-Ménard) Procureurs de Groupe Axor inc. Ogilvy Renault (M e François Fontaine et M e Amélie Dussault) Procureurs de Bombardier aéronautique inc.
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