Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 10 76 Date : Le 13 novembre 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demanderesse c. HYDRO-QUÉBEC Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 29 mai 2006, la procureure de la demanderesse transmet à l’organisme la demande suivante : « Nous représentons les intérêts de M me [X], dans le cadre du dossier mentionné en titre. Notre cliente est l’épouse de feu [J… C… T…], né le […]. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 10 76 Page : 2 […], M. [J… C… T…] est décédé alors qu’il oeuvrait dans le cadre du chantier de construction Péribonka 4. Auriez-vous l’obligeance de nous transmettre par le retour du courrier, copie intégrale du dossier médical détenu par la clinique médicale du chantier Péribonka 4, tel que le prévoit la Loi d’accès des documents, organisme public et sur la protection des renseignements personnels. […] » (Une autorisation à la transmission des rapports médicaux, signée par la demanderesse était jointe à la demande d’accès.) [2] Le 31 mai 2006, l’organisme accuse réception de la demande du 29 mai 2006. [3] Le 6 juin 2006, une représentante de l’organisme écrit à la procureure de la demanderesse en vue de lui demander de documenter les droits de la demanderesse à obtenir la documentation recherchée. Ainsi, elle demande une copie du dernier testament de son époux ou une preuve de recherche testamentaire au Barreau du Québec et à la Chambre des notaires, ainsi qu’une preuve démontrant que les intérêts ou les droits de la demanderesse sont mis en cause à titre d’héritière. [4] Le 14 juin 2006, la procureure de la demanderesse transmet à l’organisme une preuve de recherche testamentaire auprès du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires indiquant que son époux est décédé « ab intestat ». De plus, cette lettre fait état des motifs pour lesquels la demanderesse veut obtenir la copie du dossier médical de son époux. [5] Le 15 juin 2006, un représentant de l’organisme écrit à la procureure de la demanderesse pour accuser réception des documents et des informations transmises par cette dernière. [6] Dans cette lettre, l’organisme refuse de remettre à la demanderesse les documents demandés en s’appuyant sur l’article 88.1 de la Loi sur l’accès. [7] Le 21 juin 2006, la procureure de la demanderesse transmet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de la décision de l’organisme.
06 10 76 Page : 3 AUDIENCE [8] Le 10 octobre 2006, une audience est tenue à Saguenay en présence des parties. A) PREUVE i) De l’organisme [9] À l’ouverture de l’audience, Amélie Cardinal, stagiaire représentant l’organisme, remet à la Commission la documentation visée par la demande d’accès. Ces documents sont remis au soussigné sous le sceau de la confidentialité conformément à l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 2 qui prévoit : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [10] La représentante de l’organisme déclare à la Commission qu’elle s’en remettra à sa décision quant à la divulgation de la documentation à la demanderesse. En somme, l’organisme indique qu’aucune représentation ne sera faite à l’encontre de la demande de révision de la demanderesse. ii) De la demanderesse [11] La demanderesse est assermentée et témoigne être la veuve de feu [J… C… T…]. [12] Son époux est décédé d’un infarctus sur le chantier de construction Péribonka 4 alors qu’il y travaillait pour la compagnie Inter-cité construction ltée, sous-traitant pour Hydro-Québec. [13] Elle raconte que le 10 avril 2005, son époux a quitté le domicile pour se rendre au chantier Péribonka 4. 2 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
06 10 76 Page : 4 [14] L’organisme, propriétaire du chantier, exigeait des employés des sous-traitants qu’ils se soumettent à un bilan de santé. Selon la demanderesse, son époux s’est soumis à ce bilan de santé. [15] La documentation qu’elle a réussi à obtenir à la suite du décès de son époux (notamment le rapport d’autopsie) mentionne que ce dernier aurait subi, au moment de son décès, des blessures autres. Elle croit que l’infarctus n’est peut-être pas la seule cause du décès. [16] Elle ajoute qu’à la suite du décès de son mari, elle a fait une réclamation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et que ses démarches auprès de cet organisme sont toujours en cours. Elle a également fait une réclamation à l’organisme et à Inter-cité construction ltée, employeur de son mari. [17] Elle explique qu’elle veut obtenir les documents de la clinique médicale du chantier puisque c’est la clinique qui a prodigué les premiers soins à son mari. [18] La procureure de la demanderesse dépose par la suite les documents suivants pour appuyer la demande de sa cliente : Le certificat de décès de son époux et les certificats de recherche auprès du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires qui ont déterminé qu’aucun testament n’avait été dressé à la demande de ce dernier; Le contrat de mariage intervenu entre la demanderesse et son époux dans lequel les époux se font une donation mutuelle au survivant de l’un deux de l’universalité de l’ensemble de leurs possessions, instituant ainsi la demanderesse légataire universelle des biens de son époux; Le rapport du coroner, le rapport d’autopsie ainsi que les rapports de police qui ont été dressés la journée du décès; Une décision rendue le 16 janvier 2007 par la C.S.S.T. qui refuse de verser une indemnité de décès à la demanderesse parce que « la personne décédée n’a pas subi d’accident du travail au sens de la loi ». [19] La procureure de la demanderesse prétend qu’il est essentiel pour sa cliente d’obtenir les rapports rédigés par les employés de la clinique médicale installée sur le chantier. Selon elle, ces documents pourront apporter des précisions sur la cause du décès de l’époux de la demanderesse.
06 10 76 Page : 5 [20] Le contenu de ces documents pourrait ainsi avoir une incidence sur les droits de la demanderesse auprès de la C.S.S.T., de l’organisme ou de l’employeur de son époux. [21] La procureure soumet que sa cliente rencontre les conditions d’application de l’article 88.1 de la Loi sur l’accès et qu’à ce titre, elle a le droit d’obtenir les documents demandés. Elle s’appuie également sur les décisions rendues par la Commission 3 . DÉCISION [22] L’organisme a déposé sous le sceau de la confidentialité les documents qui émanent de la clinique installée sur le chantier Péribonka 4 où travaillait l’époux de la demanderesse au moment des circonstances ayant entraîné son décès. [23] L’organisme s’en remet à la décision du soussigné quant à la communication de ces documents. [24] La Loi sur l’accès prévoit, à son article 83, que toute personne a le droit d’être informée des renseignements personnels la concernant : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [25] Sauf exception, ce droit d’accès est réservé à la personne concernée par ces renseignements. L’article 88.1 de la Loi sur l’accès est une exception à ce principe et permet à l’héritier ou au successeur de la personne concernée par les renseignements d’en obtenir communication dans la mesure où cette communication met en cause ses intérêts ou ses droits à titre d’héritier : 3 Lavoie c. Centre hospitalier Fleury, [2004] C.A.I. 453; S B c. Hydro-Québec, [2004] C.A.I. 504; Grégoire c. Société de l’assurance automobile du Québec, [1999] C.A.I. 395.
06 10 76 Page : 6 88.1 Un organisme public doit refuser de donner communication d'un renseignement nominatif à l'administrateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie, à l'héritier ou au successeur de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur. (Tel qu’il se lisait en mai 2006, date de la demande d’accès.) [26] L’organisme ne conteste pas le statut d’héritière de la demanderesse et l’article 88.1 permet la communication des renseignements détenus par l’organisme dans la mesure où ces renseignements pourraient mettre en cause les intérêts ou les droits de la demanderesse en sa qualité d’héritière. [27] Dans Lavoie c. Centre hospitalier Fleury, la demanderesse voulait obtenir du centre hospitalier une copie complète du dossier médical de son frère décédé. Le commissaire Laporte écrit 4 : « La demanderesse […] veut obtenir une copie intégrale du dossier de son frère pour vérifier si les événements précédemment décrits sont de nature à lui permettre, au nom de la succession, d’intenter des recours de nature civile. Elle a exprimé clairement qu’elle se laisse l’opportunité d’étudier les informations contenues au dossier avant de décider ou non d’intenter des procédures judiciaires. On ne peut lui faire le reproche de l’existence d’événements pouvant « […] raisonnablement laisser croire qu’un droit est véritablement en cause sans qu’il soit pour autant nécessaire d’avoir déjà intenté une procédure devant quelque instance que ce soit. » Je suis donc d’avis que les motifs soulevés par la demanderesse pour accéder au dossier médical de son frère sont sérieux et importants et satisfont les exigences du 1 er alinéa de l’article 23 de la Loi sur la santé et les services sociaux et de l’article 88.1 de la Loi.» 4 [2004] C.A.I. 453
06 10 76 Page : 7 [28] Dans une autre affaire, les héritiers d’une personne décédée réclamaient la communication de documents détenus par la Société de l’assurance automobile du Québec. La commissaire Boissinot écrit 5 : « […] je constate que certains de ces renseignements dont on a refusé l’accès aux demandeurs concernent la personne décédée et je suis d’avis que la communication de tous ces renseignements met en cause les droits et les intérêts des demandeurs. » [29] Enfin, dans Tanguay c. Université Laval 6 , la demanderesse s’était adressée à l’université pour obtenir des relevés de notes de son époux décédé afin d’exercer ses droits dans une poursuite en dommages et intérêts contre le centre hospitalier. La Commission écrit : « La preuve au dossier établit clairement la pertinence pour la demanderesse d’obtenir communication des relevés de notes afin de faire valoir ses intérêts à titre d’héritière dans le cadre du recours en responsabilité engagé contre le centre médical et le médecin radiologiste à la suite du décès de son époux, ne serait-ce que pour prouver la perte du revenu que ce dernier pouvait espérer tirer de l’exercice de sa profession. Pour tous ces motifs, la Commission accueille la demande de révision et ordonne à l’université de communiquer à la demanderesse les documents en litige. » [30] Dans la présente affaire, la demanderesse a fait une demande d’indemnité auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Le 16 janvier 2007, la C.S.S.T. refusait la demande formulée par la demanderesse en indiquant « que la personne décédée n’a pas subi d’accident du travail au sens de la loi. » [31] La demanderesse veut poursuivre ses démarches à l’encontre de cette décision et elle croit que les rapports médicaux détenus par l’organisme pourraient l’aider à faire valoir ses droits ou, à tout le moins, à en évaluer l’étendue. 5 Grégoire et Vachon, c. Société de l’assurance automobile du Québec, [1999] C.A.I. 395. 6 [1990] C.A.I. 364.
06 10 76 Page : 8 [32] Après examen des documents en litige, il ne fait aucun doute que les documents faisant l’objet de la demande contiennent des renseignements qui concernent l’époux de la demanderesse et que, conformément aux décisions précitées, ils lui sont nécessaires pour décider de l’opportunité de faire valoir ses droits. Ils mettent donc en cause ses intérêts et ses droits à titre d’héritière de son époux. [33] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [34] ACCUEILLE la demande de révision de la demanderesse; [35] ORDONNE à l’organisme de communiquer à la demanderesse dans les trente jours de la date de la réception de la présente décision; Un document d’une page recto verso intitulé : « Déclaration de santé » ; Un document de cinq pages recto verso intitulé : « Notes – Services de santé » concernant l’époux de la demanderesse. JEAN CHARTIER Commissaire M e Chantale Girardin Avocate de la demanderesse Amélie Cardinal (stagiaire) Représentante de l’organisme
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