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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 22 18 Date : Le 2 novembre 2007 Commissaire : M e Hélène Grenier CLIMATISATION ABITIBI-TÉMISCAMINGUE EXPERTS INC. Demanderesse c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Poursuivie, devant le tribunal civil compétent, par la Ville de Rouyn-Noranda à la suite dun incendie, la demanderesse sest adressée à lorganisme pour obtenir le dossier denquête complet que la Sûreté du Québec a constitué sur lévénement et qui inclut un rapport dincendie. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
05 22 18 Page : 2 [2] Le responsable de laccès aux documents de lorganisme lui a partiellement refusé laccès à ce dossier en vertu des articles 28 (3 e paragraphe), 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur laccès. [3] La demande de révision du 2 décembre 2005 résulte de ce refus entièrement contesté. AUDIENCE A) PREUVE i) De lorganisme [4] Lavocate de lorganisme indique que larticle 28 (3 e paragraphe) de la Loi sur laccès nest plus invoqué puisque des documents autres que ceux auxquels la demanderesse avait initialement eu accès lui ont été communiqués; elle précise que seuls des renseignements nominatifs, incluant des déclarations de témoins, demeurent en litige. Elle fait entendre monsieur Jean Boulé. Témoignage de monsieur Jean Boulé : [5] Monsieur Jean Boulé témoigne sous serment. Il exerce la fonction de responsable de laccès aux documents de lorganisme depuis lannée 2001. [6] Monsieur Boulé a reçu la demande daccès le 25 octobre 2005 et il la traitée. Après avoir analysé le dossier denquête visé par cette demande, il a communiqué certains documents à la demanderesse le 2 novembre 2005. Il a communiqué dautres documents à la demanderesse le 13 septembre 2007 de même quavant la tenue de laudience devant la Commission; le retrait de larticle 28 (3 e paragraphe) comme motif appuyant son refus partiel résulte de sa décision récente de communiquer ces autres documents. [7] Il décrit, à partir de chacune des pages numérotées du dossier denquête demandé, la nature des renseignements qui demeurent en litige et qui, à son avis, sont nominatifs et confidentiels. Contre-interrogatoire de monsieur Jean Boulé : [8] Les renseignements du point 6.1 de la page 23 auxquels laccès est refusé constituent une partie de la déclaration quune personne a faite à un policier enquêteur; monsieur Boulé ignore si la personne qui a fait cette déclaration est un(e) employé(e) de la Ville de Rouyn-Noranda.
05 22 18 Page : 3 [9] Les factures dont il est question en page 26 concernant la livraison de propane ont été remises au policier enquêteur par un(e) employé(e) de la Ville de Rouyn-Noranda. [10] La déclaration inscrite en page 29 est celle dun expert en sinistre agissant pour le compte de la Ville de Rouyn-Noranda ou pour le compte des assureurs de celle-ci. [11] Certaines déclarations proviennent demployé(e)s de la Ville de Rouyn-Noranda; ces déclarations se trouvent aux pages 93 à 96 de même quaux pages 102 à 105, 110 à 117, 118 à 122, 123 à 125, 126 à 130, 131 à 133, 134 à 138 et 153 à 162. Les pages 139 à 143 et 144 à 147 comprennent les déclarations de personnes qui nont pas ce statut. Les pages 29 à 43 comprennent le condensé des déclarations faites aux policiers enquêteurs et pleinement reproduites au dossier. [12] Les pages 45 à 54 du dossier sont constituées de factures que la demanderesse a établies avant lincendie; seuls les renseignements manuscrits sont en litige dans ces pages. Pour permettre à la demanderesse de trouver ces factures, lorganisme sengage à lui en communiquer le numéro et la date. [13] Les pages 55 à 71 sont des factures qui ont été établies avant lincendie et qui ont été faites par une personne autre que la demanderesse; ces pages comprennent des renseignements manuscrits. ii) De la demanderesse [14] La demanderesse ne présente aucune preuve. B) REPRÉSENTATIONS i) De lorganisme [15] Les renseignements qui demeurent en litige sont nominatifs en vertu de larticle 54 de la Loi sur laccès parce quils renseignent sur une personne physique et quils permettent de reconnaître cette personne et de la distinguer dune autre 2 . 2 Segal c. CSSS de Québec, [1988] C.A.I. 315.
05 22 18 Page : 4 [16] Les déclarations obtenues par les policiers enquêteurs révèlent des particularités sur les personnes qui en sont les auteurs et sur les personnes physiques qui en sont lobjet; la lecture des seules parties de ces textes qui pourraient être accessibles nen permettrait quune connaissance inintelligible. 3 [17] Les déclarations nominatives sont confidentielles, et ce, quelle que soit la raison pour laquelle la demanderesse veut en recevoir communication. 4 [18] Le fait quune personne identifiable ait fait une déclaration à des policiers est un renseignement nominatif; il en est de même de la déclaration qui permet didentifier son auteur et de comparer ses autres déclarations. 5 [19] Le responsable devait protéger le caractère confidentiel des renseignements nominatifs en litige en labsence du consentement des personnes concernées. [20] Les déclarations des employé(e)s de la Ville de Rouyn-Noranda sont celles de témoins rencontrés en leur nom personnel, hors du cadre de leurs fonctions exercées pour la Ville; ces déclarations sont protégées par les articles 53 et 54 de la Loi sur laccès. ii) De la demanderesse [21] La somme réclamée en justice à la demanderesse est supérieure à 1,5 million de dollars; cette somme lui est réclamée devant un tribunal civil par la Ville de Rouyn-Noranda et par les assureurs de celle-ci. [22] La demanderesse a, en vertu des Chartes canadienne 6 et québécoise 7 , droit à une défense pleine et entière. Elle a donc le droit dobtenir les déclarations faites aux policiers enquêteurs, notamment celles qui ont été faites par des employé(e)s de la Ville de Rouyn-Noranda. [23] La preuve démontre que la plupart des déclarations faites aux policiers proviennent de personnes qui, au moment de lincendie, étaient des employé(e)s de la Ville de Rouyn-Noranda ou du Centre communautaire dÉvain. 3 o Michaud c. Drummondville, C.A.I. Québec, n 01 05 93, 15 mars 2002, c. Boissinot. 4 Commission scolaire des Chênes c. Ministère de la Sécurité publique, [2004] C.A.I. 289. 5 o Servirap c. Ville de Laval, C.A.I. Montréal, n 01 05 00, 5 février 2002, c. Grenier. 6 Charte canadienne des droits et libertés, Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B, partie I, 1982, ch.11 (R-U). 7 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12.
05 22 18 Page : 5 [24] Dans laffaire Di Maggio c. Saint-Lazare 8 , la Commission a décidé quune personne visée par des procédures judiciaires avait droit à une défense pleine et entière et que les renseignements nominatifs qui la concernaient devaient lui être communiqués. La Commission avait aussi tenu compte du fait que le procureur des demandeurs avait obtenu copie des renseignements qui concernaient ses clients. [25] La preuve démontre que la demanderesse a obtenu une partie des documents demandés. Elle veut obtenir le reste, toutes les déclarations, notamment. [26] La demanderesse veut particulièrement obtenir les déclarations de ses employés Gauvin, Morency et Pronovost, celles des employé(e)s de la Ville de Rouyn-Noranda et celles des employé(e)s du Centre communautaire dÉvain. [27] Les déclarations faites aux policiers enquêteurs par les employé(e)s de la Ville de Rouyn-Noranda sont des déclarations personnelles faites dans le cadre de leurs fonctions; ces déclarations ont été faites par ces personnes agissant à titre demployé(e)s et de représentants de cet organisme public. Ces déclarations sont donc celles de la Ville de Rouyn-Noranda; elles portent sur des faits constatés et elles ont un caractère public. DÉCISION [28] La demanderesse a choisi de sadresser à lorganisme plutôt quau juge du procès pour obtenir communication de documents ou de renseignements. Le responsable de laccès aux documents de lorganisme devait, pour sa part, traiter la demande daccès en vertu des règles que prévoit la Loi sur laccès, ce quil a fait; un responsable ne peut se substituer au juge dun procès et exercer la compétence de celui-ci en matière de communication de documents ou de renseignements. [29] La demande daccès du 19 août 2005, le traitement de celle-ci de même que la demande de révision du 2 décembre 2005 sont donc régies par la Loi sur laccès telle quelle était alors applicable. 8 [1997] C.A.I. 152.
05 22 18 Page : 6 [30] On trouve, parmi les renseignements qui demeurent en litige, des renseignements qui concernent des personnes physiques en ce quils indiquent que ces personnes ont fourni des renseignements aux policiers ou quelles sont visées par les renseignements qui ont été fournis aux policiers; en raison de leur contenu particularisé, individualisé, ces renseignements permettent didentifier : les personnes physiques qui les ont fournis; les personnes physiques qui les ont préparés; les personnes physiques qui en sont lobjet direct ou qui y sont nécessairement et exclusivement associées. [31] On trouve, parmi les personnes que concernent et que permettent didentifier des renseignements qui demeurent en litige, des témoins. [32] On trouve enfin quelques renseignements qui concernent des personnes physiques déjà identifiées par leur nom. [33] Les renseignements qui demeurent en litige se situent dans un contexte connu de la demanderesse qui, faut-il le souligner, a obtenu une partie du dossier demandé. [34] Les renseignements qui demeurent en litige sont presque tous nominatifs en vertu des articles 54 et 56 de la Loi sur laccès : 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [35] Les renseignements nominatifs sont confidentiels; ils ne peuvent être divulgués puisque leur divulgation permettrait lidentification des personnes concernées : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale;
05 22 18 Page : 7 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. [36] Aucune preuve ne démontre que les personnes concernées par les renseignements nominatifs qui demeurent en litige en aient autorisé la divulgation à quiconque, incluant la demanderesse. [37] Aucune preuve ne démontre, non plus, que ces renseignements soient visés par le paragraphe 2° de larticle 53 précité. [38] Le responsable devait donc appliquer la Loi sur laccès et protéger le caractère confidentiel des renseignements nominatifs en litige. [39] Les renseignements nominatifs qui concernent et permettent didentifier des employés dun organisme public sont confidentiels dans la mesure et aux conditions prévues aux articles 53 et 59 de la Loi sur laccès, mais ce, à lexception de ceux auxquels la loi attribue un caractère public; il en est de même des renseignements que détiennent les organismes publics et qui concernent des personnes physiques qui ne font pas partie de leur personnel. Larticle 57 de la Loi sur laccès attribue un caractère public aux renseignements suivants qui concernent des personnes physiques : 57. Les renseignements suivants ont un caractère public : 1° le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2° le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; 3° un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat; 4° le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage.
05 22 18 Page : 8 5° le nom et l'adresse d'affaires du titulaire d'un permis délivré par un organisme public et dont la détention est requise en vertu de la loi pour exercer une activité ou une profession ou pour exploiter un commerce. Toutefois, les renseignements prévus au premier alinéa n'ont pas un caractère public si leur divulgation est de nature à nuire ou à entraver le travail d'une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime. En outre, les renseignements prévus au paragraphe 2° ne peuvent avoir pour effet de révéler le traitement d'un membre du personnel d'un organisme public. [40] La demanderesse ne peut, en vertu du paragraphe 9° de larticle 59 de la Loi sur laccès, recevoir communication des renseignements nominatifs qui identifient des témoins qui ont été impliqués dans lincendie visé par le dossier denquête policière en litige et qui nont pas consenti à la communication de ces renseignements qui les concernent : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent : 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2° au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1 o ; 3° à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec;
05 22 18 Page : 9 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5° à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6° (paragraphe abrogé); 7° (paragraphe abrogé); 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. [41] Les renseignements qui constituent les pages 55 à 71 en litige comprennent cependant, et de façon suffisamment substantielle, des renseignements qui ne sont pas nominatifs. Les pages 55 à 71 doivent, en vertu du 1 er alinéa de larticle 14 de la Loi sur laccès, être communiquées à la demanderesse à lexception des renseignements manuscrits qui y sont contenus et qui permettent didentifier leur auteur : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé.
05 22 18 Page : 10 [42] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [43] ACCUEILLE partiellement la demande; [44] ORDONNE à lorganisme de communiquer à la demanderesse les pages 55 à 71 après en avoir masqué les renseignements manuscrits; [45] REJETTE la demande de révision quant au reste. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Samuel Bergeron Avocat de la demanderesse M e Marie Hélène Léveillée Avocate de lorganisme
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