Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 07 01 00 Date : Le 29 octobre 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MUNICIPALITÉ DE BEAUMONT Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 23 novembre 2006, le demandeur transmet au responsable de l’accès à l’information de l’organisme la demande suivante : « En vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, je désire recevoir une copie 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
07 01 00 Page : 2 des documents suivants : les bilans, états financiers, avis d’expert, études et analyses qui ont conduit le conseil municipal de Beaumont à fermer le camping municipal Vincennes à compter de l’été 2006 ou à transformer sa vocation de même que toutes les décisions qui ont été prises, depuis 5 ans, en regard du sort du camping. » [2] Le 8 décembre 2006, le responsable de l’accès de l’organisme, M. Patrice Bissonnette, transmet un courriel au demandeur l’avisant que les documents réclamés dans sa demande d’accès sont disponibles au bureau de la municipalité. [3] Le 10 décembre 2006, le demandeur écrit un courriel au responsable de l’accès de l’organisme, l’avisant de son insatisfaction vis-à-vis les documents qui lui ont été remis. Plus particulièrement, le demandeur indique que l’étude concernant le camping municipal Vincennes ne lui a été remise que partiellement. [4] Le 11 décembre 2006, le responsable de l’accès confirme par écrit au demandeur que les pages 25 à 55 du document ne lui ont pas été remises parce que ce sont des documents qui font actuellement l’objet de discussions au sein du conseil municipal de l’organisme. [5] Le 21 décembre 2006, le demandeur fait une demande de révision à la Commission d’accès à l’information (la Commission). [6] Le 26 janvier 2007, le responsable de l’accès de l’organisme écrit une lettre à la Commission dans le but d’expliquer les motifs pour lesquels certains extraits de l’étude sur le camping municipal Vincennes n’ont pas été transmis au demandeur. [7] Il y répète essentiellement les mêmes motifs contenus dans son courriel du 11 décembre 2006 tout en ajoutant qu’il considère que l’organisme peut refuser de communiquer ce document en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès. AUDIENCE [8] Une audience a lieu le 13 juillet 2007 en présence des parties. [9] Le soussigné a permis aux parties de faire valoir leurs argumentations, par écrit, au plus tard le 31 août 2007, date à laquelle la présente affaire a été prise en délibéré.
07 01 00 Page : 3 A) PREUVE i) De l’organisme [10] Le responsable de l’accès de l’organisme, M. Patrice Bissonnette, débute son témoignage par le dépôt des courriels échangés entre lui et le demandeur (pièce O-1). Le témoin dépose également un document intitulé « Étude – Infrastructures municipales – Camping municipal Vincennes » (pièce O-2). Il précise toutefois que cette pièce est une copie des pages 1 à 25 remises au demandeur. [11] Le témoin explique que le camping Vincennes est un terrain de camping qui a été acquis par l’organisme dans les années 80 et qu’il est situé entre la Route 132 et les abords du Fleuve Saint-Laurent. Depuis 1999, l’organisme a été avisé à quelques reprises par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs que le terrain de camping ne respectait pas les exigences gouvernementales en matière de rejet des eaux usées « pièces O-3 et O-4 ». Devant cette situation, l’organisme a créé un comité en février 2006 dont le mandat était de fournir un rapport sur l’avenir du camping Vincennes. Les travaux relatifs à la rédaction de ce rapport ont débuté en mars 2006 et cette étude a été déposée aux membres du conseil de l’organisme au cours du mois de mai 2006. [12] Le premier volet de cette étude concluait à la nécessité de cesser l’exploitation du terrain de camping Vincennes, ce qui a été approuvé par le conseil de l’organisme. Cette section de l’étude a été remise au demandeur. Les deux autres sections de l’étude, « pages 25 à 55 », ont été refusées au demandeur parce qu’elles devaient faire l’objet de discussions et de décisions au sein du conseil. [13] Le témoin termine son témoignage en indiquant à la Commission que bien qu’il soit responsable de l’accès au sein de l’organisme, il n’a pas de formation juridique et n’est pas un spécialiste « des dispositions de la Loi sur l’accès. » [14] Contre-interrogé par le demandeur, le responsable de l’accès déclare connaître le demandeur qui a été candidat à la mairie de l’organisme, en 2005. ii) Du demandeur [15] Le demandeur n’ajoute rien d’autre mais déclare maintenir sa demande afin d’obtenir l’étude relative au camping municipal Vincennes dans son intégralité.
07 01 00 Page : 4 B) REPRÉSENTATIONS DE L’ORGANISME : i) Le retard à invoquer les motifs de refus. [16] Tant dans ses représentations à l’audience que dans son argumentation écrite, le procureur de l’organisme reconnaît que le motif de refus (article 9 de la Loi sur l’accès) soulevé dans la lettre d’explication transmise le 26 janvier 2007, par le responsable de l’accès, n’est pas un motif valable considérant la situation de fait et de droit soulevée par la présente affaire. [17] Cependant, le procureur prétend que la Commission et la Cour du Québec ont permis à un organisme public de soulever des motifs additionnels de refus bien que le délai prévu à l’article 47 de la Loi sur l’accès soit expiré. Il précise toutefois que ses arguments fondés sur les articles 37 et 39 de la Loi sur l’accès ont déjà été soulevés, sinon de façon explicite, du moins de façon littérale par le responsable de l’accès. [18] Dans son argumentation écrite, le procureur de l’organisme précise : « Il est exact que le responsable de l’accès à l’information de la Municipalité de Beaumont ne réfère pas nommément aux articles 37 et 39 de la Loi sur l’accès. Toutefois, nous soutenons que le motif du refus du 11 décembre 2006, dit en termes différents, constitue néanmoins le même motif que les procureurs soussignés ont plaidé lors de l’audition du 13 juillet 2007, à savoir qu’il s’agit d’un document comportant une analyse produite à l’occasion d’une recommandation dans le cadre d’un processus décisionnel en cours. » [19] Rappelons que dans sa réponse du 11 décembre 2006, le responsable de l’accès écrit au demandeur : « Pour les pages 25 à 55 du document, il s’agit des parties actuellement à l’étude par les membres du conseil et qui seront disponibles lorsque le conseil aura pris une décision. » [20] Selon le procureur de l’organisme, même si les dispositions de la Loi sur l’accès n’ont pas été identifiées dans la correspondance entre le demandeur et le responsable de l’accès, les motifs invoqués lors de l’audience sont les mêmes. Il ajoute que la Commission, dans une telle situation, doit évaluer le préjudice subi par le demandeur. Le procureur de l’organisme soumet qu’un délai d’un mois a été
07 01 00 Page : 5 accordé à chacune des parties pour répondre aux arguments de l’autre et, qu’en ce sens, le demandeur ne souffre d’aucun préjudice. ii) Les motifs de refus. [21] L’organisme demande l’autorisation de la Commission pour invoquer les articles 37 et 39 de la Loi sur l’accès. Le procureur soutient que la preuve a démontré que l’étude relative au camping municipal Vincennes a été réalisée par un comité de travail composé d’un élu et de trois fonctionnaires de l’organisme. Le document réclamé comporte une analyse produite dans le cadre d’un processus décisionnel en cours. Il comporte également un avis ou une recommandation fait par un membre de l’organisme public depuis moins de dix ans. C) LES PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR : i) Le retard à invoquer les motifs de refus. [22] Le demandeur déplore que depuis le 6 novembre 2005, date de la dernière élection municipale, l’organisme et ses élus refusent de donner l’information demandée par les citoyens sur un ensemble de dossiers, notamment sur l’avenir du camping municipal Vincennes. [23] Il demande à la Commission de ne pas permettre à l’organisme de soulever les articles 37 et 39 pour justifier le refus de la municipalité puisque ces articles ont été invoqués lors de l’audience et qu’il n’était pas préparé à y répondre. [24] Selon les paroles du demandeur, décider autrement aurait pour effet de le désavantager et de consacrer le fait qu’un « citoyen moyen obtient rarement justice lorsqu’il affronte un organisme public qui dispose de moyens financiers. » [25] Il s’appuie en outre sur l’article 9 de la Loi sur l’accès qui consacre le droit d’accès aux documents d’un organisme public pour toute personne qui en fait la demande. Selon lui, si cette disposition doit avoir un sens, on ne doit pas permettre à l’organisme de changer d’idée et de motif à toute étape du processus qui mène à une décision de la Commission. ii) Les motifs de refus. [26] Répondant aux motifs de refus soulevés par l’organisme, le demandeur déclare que le camping Vincennes n’est plus en opération depuis le mois de juin 2006, conformément à une résolution adoptée par le conseil de l’organisme « pièce O-6 ». Il met en doute les prétentions de l’organisme « qui soutient que les
07 01 00 Page : 6 documents refusés doivent donner lieu à un processus décisionnel qui n’est pas achevé. » [27] Il soumet que certains équipements immobiliers situés sur l’ancien terrain de camping, « des salles de réunion et un terrain de jeu pour les enfants », ont déjà été aménagés sur le terrain et font l’objet de location ou d’utilisation. [28] Selon le demandeur, cela démontre bien que les décisions à être prises par l’organisme relativement à l’utilisation des équipements du camping Vincennes sont déjà prises et que le processus invoqué par l’organisme est terminé. [29] Le demandeur termine son argumentation en soumettant certaines décisions de la Commission qui décrivent ce qui doit être considéré comme une analyse, un avis ou une recommandation. Il ajoute que la Commission devra, dans la lecture du document déposé sous le sceau de la confidentialité, déterminer, le cas échéant, si tout le contenu des pages 25 à 55 du document recherché répond aux prescriptions des articles 37 et 39 de la Loi sur l’accès. DÉCISION i) Le retard à invoquer les motifs de refus. [30] La preuve a démontré que ni l’une ni l’autre des réponses du responsable de l’accès, « le 11 décembre 2006 et le 26 janvier 2007 », ne respectaient les dispositions de la Loi sur l’accès. En effet, la réponse du 11 décembre 2006 précise que l’accès à certaines pages du document recherché est refusé puisque leur contenu fait l’objet d’une discussion auprès des membres du conseil qui devront prendre une décision. [31] Aucune disposition de la Loi sur l’accès n’est alors invoquée contrairement à l’article 50 de la Loi sur l’accès qui prévoit : 50. Le responsable doit motiver tout refus de donner communication d'un renseignement et indiquer la disposition de la loi sur laquelle ce refus s'appuie. [32] En ce qui concerne la lettre du 26 janvier 2007, elle a été adressée à la Commission bien après l’expiration du délai de réponse prévu par l’article 47 de la Loi sur l’accès. De plus, elle s’appuie sur l’alinéa 2 de l’article 9 de cette loi, qui ne trouve pas application dans la présente affaire.
07 01 00 Page : 7 [33] Faut-il en conclure, tel que le prétend le demandeur, que l’organisme ne pouvait, par conséquent, soulever à l’audience aucun autre motif prévu à la Loi sur l’accès ? [34] Dans sa réponse du 11 décembre 2006, le responsable de l’accès expliquait le refus de l’organisme dans les termes suivants : « Pour les pages 25 à 55 du document, il s’agit des parties actuellement à l’étude par les membres du conseil et qui seront disponibles lorsque le conseil aura pris une décision. » [35] Il est vrai que ce texte est un peu laborieux et peu juridique mais il exprime un motif de refus dont le demandeur ne peut se déclarer surpris. [36] Par ailleurs, les motifs fondés sur les articles 37 et 39 n’ont été soulevés qu’à l’audience. Il en résulte certes un désavantage pour le demandeur. Si la Commission a les pouvoirs nécessaires pour permettre à l’organisme de soulever tardivement les motifs de refus invoqués, elle doit alors donner au demandeur l’occasion de présenter ses observations. Les articles 140 et 141 de la Loi sur l’accès prévoient : 140. Lorsqu'elle est saisie d'une demande de révision, la Commission doit donner aux parties l'occasion de présenter leurs observations. 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements personnels. [37] Ce faisant, le soussigné a accordé aux parties un délai respectif de 30 jours après l’audience pour faire valoir leurs commentaires et arguments. [38] Confrontée à des demandes semblables, la Cour du Québec a statué que la Loi sur l’accès ne contient aucune disposition qui sanctionne le défaut d’un organisme de soulever dans le délai prescrit les motifs facultatifs de refus prévus à
07 01 00 Page : 8 la loi. Dans l’affaire Schulze 2 , la juge Charron renverse une décision de la Commission qui avait refusé à un organisme de soulever de nouveaux motifs : « Cette attitude constitue de fait un refus d’exercer la discrétion que lui donne le législateur et, à tout le moins, un aveuglement qui n’a plus sa place de nos jours devant les tribunaux et encore moins devant un organisme comme la Commission. La procédure ne sert qu’à faire apparaître le droit et non à l’occulter. L’appréciation de la preuve en l’espèce doit permettre de démontrer, d’une part, s’il y a quelque préjudice que ce soit pour la partie intimée ou requérante devant la Commission au fait que l’on n’ait pas soulevé en temps opportun les bons arguments pour justifier le refus de communiquer les documents. […] Ainsi, un responsable d’accès, qui n’est pas nécessairement un avocat, peut très bien se méprendre sur la nature des motifs qu’il peut utiliser au plan technique. Ce qui est important ici est de s’assurer du respect des droits des uns et des autres, conformément à l’intention du législateur en fonction des textes de loi et non d’invoquer arbitrairement un délai de rigueur qui n’en est pas un, tel qu’on peut le constater à la simple lecture des dispositions de la loi. » (Les caractères gras sont du soussigné.) [39] Cette décision allait dans le même sens que la position adoptée en 1999 par la juge Villeneuve dans l’affaire Joncas 3 : « Aucune disposition de la Loi sur l’accès ne permet à la Commission de déclarer un organisme forclos de soulever un article de Loi. Aucune forclusion n’ayant été créée par le législateur, l’organisme peut soulever une restriction prévue par la Loi en tout temps. » 2 [2000] C.A.I. 413. 3 o Ministère de la Sécurité publique c. Joncas, C.Q. Québec, n 200-02-020553-980, 11 juin 1999, j. Villeneuve.
07 01 00 Page : 9 [40] Il est vrai que la Commission a déjà rendu des décisions dans le sens contraire, mais la Cour du Québec exerçant sa juridiction de Tribunal d’appel en a décidé autrement. [41] Revenant à la présente affaire, le soussigné retient de la preuve que le responsable de l’accès de l’organisme n’est pas juriste. Il a témoigné connaître la Loi sur l’accès mais ne pas en être spécialiste. [42] De plus, ce n’est pas l’absence de réponse qui est en cause dans la présente affaire mais la mauvaise compréhension du responsable de l’accès quant aux motifs qu’il pouvait ou qu’il aurait dû invoquer. [43] Ajoutons que les arguments soulevés à l’audience par l’organisme ne causent pas de véritable surprise au demandeur puisqu’ils ont été évoqués dans la lettre du responsable de l’accès en date du 11 décembre 2006. Finalement, le demandeur n’a subi aucun préjudice puisqu’un délai lui a été accordé pour réagir. Dans une situation semblable, le juge Charette de la Cour du Québec écrivait 4 : « […] un tribunal qui a le pouvoir de le faire a le devoir de sauvegarder les droits des parties et de donner la possibilité à la partie défaillante de remédier au défaut si cela ne cause pas une injustice à la partie adverse. » [44] En conséquence, le soussigné autorise l’organisme à soulever les motifs de refus facultatifs fondés sur les articles 37 et 39. ii) Les motifs de refus soulevés. [45] Dans son argumentation, le demandeur soutient que le document recherché devrait lui être communiqué puisque les motifs invoqués par la municipalité ne sont pas supportés ni par la preuve, ni par les faits. Ce dernier soutient en outre que les décisions sur lesquelles la municipalité dit réfléchir auraient déjà été prises. [46] Par ailleurs, l’organisme admet avoir pris la décision de fermer le camping municipal Vincennes, décision qui fait l’objet de la première partie de l’étude communiquée au demandeur. L’organisme prétend que les trois autres sections de l’étude comportent une analyse produite à l’occasion d’une recommandation faite dans le cadre d’un processus décisionnel en cours. 4 o Service anti-crime des assureurs c. Ménard, C.Q. Québec, n 500-80-001893-032, 20 sept. 2004, j. Charrette.
07 01 00 Page : 10 [47] Les articles 37 et 39 de la Loi sur l’accès prévoient : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. 39. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce que la recommandation ait fait l'objet d'une décision ou, en l'absence de décision, qu'une période de cinq ans se soit écoulée depuis la date où l'analyse a été faite. [48] La preuve a démontré qu’un comité a été formé d’un élu et de trois employés de l’organisme afin d’assurer la confection du document visé par la demande. Le document est daté de mai 2006, a été déposé au conseil de l’organisme qui a pris la décision d’annuler la saison du camping Vincennes pour l’été 2006. Ce document a donc servi et servira à porter un jugement de valeur, à faire une évaluation de la situation et à prendre des décisions. [49] En ce qui concerne plus particulièrement la partie II dudit document, elle contient une analyse qui, dans un contexte logique et rationnel, doit être produite afin que l’auteur puisse faire une recommandation et avant que l’on puisse en tirer une conclusion. [50] Discutant de la distinction entre les articles 37 et 39 de la Loi sur l’accès, la commissaire Boissinot écrit 5 : « Un grand nombre des passages ciblés par l’organisme comme devant être protégés par l’article 37 sont plutôt de la nature d’une analyse tel que l’a définie la jurisprudence de la Cour du Québec et de la Commission. En effet, il s’agit presque toujours d’une énumération de faits 5 Fortin c. Ville de Cap-Rouge, [1997] C.A.I. 312.
07 01 00 Page : 11 accompagnée d’une conclusion relative à ces faits, parfois précédée, cette conclusion, d’un rappel des normes ou d’une comparaison avec d’autres cas ou de l’observation d’anomalies. La conclusion sur ces faits, anomalies, comparaisons et rappels des normes ne constitue pas alors une évaluation, un jugement de valeur expressément et immédiatement faits dans le but d’influer sur la décision que d’autres prendront. Ce n’est qu’après avoir accumulé ses conclusions sur les cas particuliers d’analyse que les auteurs en arrivent à donner leur avis ou à faire leurs recommandations. […] Les conditions de l’application de l’article 39 se résument à ces trois critères : a) il doit s’agir d’une analyse, à l’exclusion des faits bruts sur lesquelles elle se fonde; b) cette analyse doit être produite à l’occasion d’une recommandation, ce qui est le cas ici; et c) cette recommandation doit être faite dans le cadre d’un processus décisionnel en cours. Si l’une de ces trois conditions n’est pas satisfaite, l’article 39 ne peut trouver application. » [51] La partie II du document demandé est appuyée de tableaux comparatifs, d’explications, de projections et comporte un grand nombre d’éléments propres à susciter la réflexion des élus. [52] De même, la partie III et la partie IV de ce rapport comportent une analyse qui a pour but de soumettre diverses hypothèses à la réflexion des élus. Le contenu de ce rapport s’inscrit dans le cadre d’un processus décisionnel qui n’a pas encore connu son aboutissement. [53] Une partie de ce rapport comporte des recommandations. La preuve a démontré que le conseil de l’organisme devra décider de l’utilisation future du camping Vincennes. Le contenu des pages 52 à 55 l’aidera sûrement en ce sens.
07 01 00 Page : 12 [54] Dans l’affaire Deslauriers 6 , le juge Aubin de la Cour du Québec a énoncé en termes clairs la portée de l’article 37 précité : « À partir du moment où l’organisme, ou quelqu’un pour lui, procède à une évaluation des faits ou porte sur ceux-ci un jugement de valeur, en fonction de ce qui devrait être fait par le décideur, la loi permet à l’organisme de garder le secret. Dès lors, pour déterminer si un organisme peut refuser de communiquer un document ou partie d’icelui au motif qu’il contient un avis ou une recommandation, le Tribunal doit en venir à la conclusion, à l’examen du document en litige, que celui-ci comporte une évaluation ou un jugement de valeur portant sur les informations qui peuvent faire l’objet d’une décision, évaluation ou jugement de valeur formulés de nature à mettre l’organisme dans une position de choix : agir ou non. Ce n’est donc pas parce qu’un document comporte une classification de l’information ou une analyse de celle-ci qu’il peut être tenu secret. Il faut plutôt s’en remettre au processus décisionnel de l’organisme et distinguer ce qui est préparatoire sans incidence de ce qui se rapporte à l’exercice d’un choix; ce sont ces derniers éléments et ceux-là seuls que le législateur a permis de protéger. Or, ces éléments comportent toujours une évaluation des faits et des alternatives, jugement de valeur émis dans le but d’édicter ce qui devra être fait, un choix ou une incitation à agir. Dans ce contexte, les mots « avis » et « recommandation » expriment à des degrés divers une même chose, c’est-à-dire l’énoncé d’un choix entre diverses alternatives. » [55] Il ne fait aucun doute dans l’esprit du soussigné que les pages 52 à 55 sont visées par l’article 37 de la Loi sur l’accès. [56] L’organisme public pouvait donc refuser la communication des pages 25 à 55 de « l’Étude – infrastructures municipales » concernant le camping municipal Vincennes en application des articles 37 et 39 de la Loi sur l’accès. 6 Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, [1991] C.A.I. 311; Ville de Rimouski c. Syndicat national des employés municipaux (manuels) de Rimouski, [1998] C.A.I. 525.
07 01 00 Page : 13 [57] Par ailleurs, certains documents qui sont joints en annexe audit rapport ne sauraient bénéficier de la restriction imposée par l’organisme. Ces documents se résument ainsi : un courriel transmis à l’organisme par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs relativement aux eaux usées du camping municipal; un document émanant du même ministère comportant des directives relatives à l’étanchéité des réseaux d’égouts domestiques; des croquis reliés à ces directives; un acte notarié concernant l’acquisition du camping en 1985; la résolution du conseil qui annule la saison 2006 du camping. [58] Aucun de ces documents ne comporte des renseignements qui devraient être protégés en vertu de la Loi sur l’accès. [59] Ces documents doivent être communiqués au demandeur 7 . [60] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [61] ACCUEILLE partiellement la demande de révision du demandeur; [62] ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur dans les 30 jours de la réception de la présente décision, les cinq documents apparaissant en annexe du rapport intitulé « Étude - infrastructures municipales » concernant le camping municipal Vincennes du 5 mai 2006; [63] REJETTE pour le reste, la demande de révision. JEAN CHARTIER Commissaire M e Martin Bouffard Avocat de l’organisme 7 o X c. Ville de Montréal, C.A.I. Montréal, n 05 08 16, 31 mai 2006, c. Constant.
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