Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 12 24 Date : Le 29 octobre 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. CENTRE MITISSIEN DE SANTÉ ET DE SERVICES COMMUNAUTAIRES Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 29 janvier 2003, le demandeur rencontre Lorraine Pelletier, intervenante sociale à l’emploi de l’organisme. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
04 12 24 Page : 2 [2] Cette rencontre dure un peu moins de trois heures. Elle a été sollicitée par le demandeur qui voulait obtenir de l’aide psychologique pour traverser des événements pénibles dans sa vie personnelle et professionnelle. [3] À la suite de cette rencontre, l’intervenante a dressé un compte rendu factuel et analytique de la rencontre avec le demandeur. Ce document a été déposé au dossier du demandeur détenu par l’organisme. [4] Dans les jours qui ont suivi, le demandeur a pris connaissance du compte rendu de l’entrevue dressé par l’intervenante sociale et a entrepris des démarches afin que des corrections soient apportées à ce compte rendu. [5] Le 4 février 2004, le demandeur écrit à M me Ghislaine Chénard, du service des archives de l’organisme, une lettre portant en objet « correction du rapport de M me Lorraine Pelletier ». [6] Dans cette lettre, le demandeur fait état de conversations téléphoniques avec la représentante du service des archives et l’intervenante sociale dans le but d’obtenir que des corrections soient apportées au rapport de cette dernière. Il joint à sa lettre du 4 février 2004 une série de documents qui, selon lui, devrait permettre de fonder la pertinence des corrections qu’il demande. [7] Le demandeur est par la suite avisé qu’il aurait dû acheminer sa demande de rectification à la responsable de l’accès de l’organisme. [8] Le 29 juin 2004, le demandeur transmet à M me Johanne Lévesque, responsable de l’accès auprès de l’organisme, une lettre dans laquelle il indique à cette dernière qu’il désire reprendre le processus de correction de façon à être conforme à la Loi sur l’accès. Il joint à sa demande plusieurs documents devant permettre à la responsable de l’accès d’apporter les corrections demandées. [9] Le 14 juillet 2004, la responsable de l’accès de l’organisme transmet au demandeur une lettre explicative dans le but de faire suite à sa demande. Elle l’informe alors des correctifs que l’organisme accepte d’apporter ainsi que des corrections refusées. Elle informe également le demandeur des motifs qui justifient l’exercice du droit à la rectification sur lesquels nous reviendrons. [10] Dans la première partie de cette lettre, la responsable de l’accès reprend textuellement chacune des demandes de correction formulées par le demandeur auxquelles l’organisme a accepté de donner suite. La deuxième partie de cette lettre comprend les commentaires et les explications relatifs aux demandes qui n’ont pas été acceptées. La lettre contient également les motifs à l’appui de ce refus.
04 12 24 Page : 3 [11] Le 27 juillet 2004, le demandeur transmet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de la décision de l’organisme. AUDIENCE [12] Après plusieurs tentatives, l’audience est tenue le 29 août 2007, à Rimouski, en présence des parties. A) PREUVE i) De l’organisme [13] Au début de l’audience, le procureur de l’organisme dépose une copie de l’ensemble des correspondances entre l’organisme, le demandeur et la Commission. De ces différents documents, « annexe I à annexe IX » il faut retenir que la demande contient vingt-neuf demandes de rectification réparties sous dix-huit rubriques différentes. [14] Le document faisant l’objet des demandes de rectification s’intitule « fiche de demande CLSC » et comporte les coordonnées du demandeur, la date d’ouverture du dossier, le détail de la demande, l’analyse ainsi que les constatations et notes de l’intervenante. [15] Ce document qui comportait un peu plus de deux pages au moment où il a été dressé pour la première fois par l’intervenante a été déposé sous la forme qu’il revêt actuellement et qui inclut les ajouts et corrections que l’organisme a accepté d’apporter. [16] Johanne Lévesque, responsable de l’accès au sein de l’organisme, confirme qu’elle occupait les mêmes fonctions en juillet 2004 et reconnaît avoir rédigé et signé la lettre de réponse transmise au demandeur le 14 juillet 2004. Dans cette lettre, elle reprend chacune des demandes de rectification et mentionne, le cas échéant, la correction qui est apportée par l’organisme. [17] Dix-huit requêtes du demandeur ont entraîné une correction dans le texte visé par la demande. Le témoin explique que le document est rédigé sur support informatique, imprimé et déposé au dossier du bénéficiaire. C’est la raison pour laquelle une ligne horizontale apparaît sur le texte faisant l’objet de la correction. Ainsi, pour les besoins de la présente décision, si une correction est apportée le
04 12 24 Page : 4 11 mars 2004 pour biffer les mots « perte d’emploi », la correction apparaîtra ainsi : « Perte d’emploi – 2004/03/11 ». [18] Selon le témoin, le système ne permet pas d’effacer un texte qui avait d’abord été inscrit. Il permet de constater qu’une rature a été faite à une date précise. Le texte modifié apparaît après cette rature. [19] Madame Lorraine Pelletier, intervenante sociale, est appelée à témoigner. Elle est à l’emploi de l’organisme depuis 1990 et dispense ses services à la clientèle enfance-famille-adulte. [20] À titre d’intervenante sociale, elle accueille les gens qui ont besoin de services, évalue avec ces derniers leur situation et les oriente vers les services sociaux dont ils ont besoin. Elle reconnaît avoir rencontré le demandeur le 29 janvier 2003. Elle explique au soussigné le contenu du compte rendu de l’entrevue ainsi que les correctifs qui ont été apportés suite aux représentations du demandeur. [21] Interrogée par le procureur de l’organisme, elle explique dans le détail les motifs pour lesquels onze demandes de correction ou de rectification faites par le demandeur ont été refusées. [22] Le témoin indique qu’elle a résumé l’entrevue avec le demandeur. Elle admet qu’elle n’a pas toujours repris les termes utilisés par le demandeur. Elle admet qu’elle a rédigé ce compte rendu selon sa perception et en tant que professionnelle en la matière. Les termes utilisés sont les siens et non ceux du demandeur. ii) Du demandeur [23] Le demandeur admet avoir rencontré l’intervenante sociale Lorraine Pelletier mais déclare que le but de sa visite était de rencontrer un psychologue puisqu’il ressentait alors de la « souffrance morale ». Il dit qu’après avoir demandé à voir un psychologue, on aurait refusé cette demande et on l’aurait référé à Madame Pelletier. [24] Le demandeur décrit ensuite les onze demandes de rectification qui n’ont pas été acceptées par l’organisme. Il admet que l’entrevue a été longue, qu’il a parlé beaucoup mais il est en désaccord avec la rédaction faite par l’intervenante sociale.
04 12 24 Page : 5 [25] Il aimerait qu’une nouvelle phraséologie soit utilisée et que certains mots soient retirés pour être remplacés par d’autres. [26] On peut résumer ainsi les demandes de rectification faites par le demandeur, les motifs à l’appui de chacune de ces demandes et les motifs de refus de l’organisme : DEMANDES FORMULÉES MOTIFS DU DEMANDEUR MOTIFS DE REFUS 1. Remplacer les mots Le demandeur avait de la Le demandeur n’a jamais parlé « demande de l’aide » par les souffrance morale et il a expli- de psychologue à mots « rencontrer une citement demandé l’aide d’un l’intervenante, Lorraine psychologue. » psychologue, ce qu’on lui a Pelletier, il a uniquement refusé. demandé de l’aide. 2. Le demandeur voulait Le demandeur mentionne que L’intervenante indique qu’elle remplacer les mots « la le choix des mots est ne connaissait pas le fermeture de sa ressource 3R important. Bien qu’il soit exact demandeur à cette époque et (ressource résidentielle de que la ressource qu’il exploitait ne savait pas quel emploi il réadaptation) » par les mots ait été fermée par le centre occupait. Elle réitère qu’il n’a « la façon de procéder du jeunesse de sa région, il insiste pas été question à cette date centre jeunesse concernant le pour que l’on écrive qu’il de contrat de travail avec le non-respect du contrat de « n’est pas d’accord avec la centre jeunesse. Elle a fait un travail. » façon de procéder du centre résumé de la conversation. jeunesse concernant son contrat de travail ». 3. Le demandeur veut faire Le demandeur veut obtenir cet L’intervenante ne comprend ajouter les mots « dû au type ajout au résumé de l’entrevue tout simplement pas où la de clientèle que lui confie le faite par l’intervenante puisqu’il correction devrait être centre jeunesse. » Problèmes maintient que cela a été dit. apportée. présentés par le bénéficiaire. 4. Le demandeur voudrait Le demandeur maintient à L’intervenante mentionne que enlever les mots « monsieur se l’audience vouloir faire retirer les explications fournies par le sent victime du système les mots « monsieur se sent demandeur sur ces démarches judiciaire » et les remplacer par victime du système judiciaire » lors de l’entrevue l’ont amené à « je suis très apprécié à l’école mais se désiste du reste de la conclure que le demandeur et au centre jeunesse, parce demande. voulait de l’aide suite à des que j’aime m’impliquer pour démarches judiciaires dans améliorer le milieu de vie dans lesquelles il avait été impliqué. lequel je me trouve. On me Le texte est conforme à confie des cas lourds. » l’entrevue. 5. Dans la section « impact du Le demandeur n’apprécie pas Le demandeur a bien indiqué problème », le demandeur veut que dans cette section de lors de l’entrevue qu’il était remplacer le texte inscrit par : l’entrevue, l’intervenante attristé de la fermeture de sa « la façon de procéder du indique qu’il veut poursuivre ressource d’accueil, qu’il centre jeunesse concernant le ses démarches pour prouver continuait les démarches à
04 12 24 non-respect du contrat de qu’il n’y avait pas lieu de travail. » fermer sa ressource d’accueil. Il insiste pour dire qu’il était plutôt en désaccord avec la façon de procéder du centre jeunesse concernant le non-respect de son contrat de travail. 6. Dans la section « attentes Mêmes explications que pour de la personne », le la demande n 5. demandeur demande de retirer le texte inscrit : « monsieur demande de l’aide pour pouvoir accepter la perte d’emploi… » pour remplacer par les mots : « accepter la façon de procéder au centre jeunesse. J’ai été abusé. » 7. Enlever dans la section Le demandeur invoque l’article « autres informations 64 de la Loi sur l’accès qui pertinentes : monsieur est empêche l’organisme public de athée. » recueillir un renseignement personnel non nécessaire à l’exercice de ses attributions et il se demande s’il était nécessaire d’indiquer une telle mention. 8. Dans la section orientation, Le demandeur indique qu’au il est indiqué : « Suivi cours de la conversation, psychosocial à l’équipe adulte d’autres ressources avaient été santé mentale. » Le identifiées pour lui offrir l’aide demandeur désire que cette dont il avait besoin. mention soit complètement éliminée pour indiquer plutôt : « j’ai dit à monsieur qu’il n’avait pas besoin de rencontrer un psychologue et lui suggère de joindre un groupe à Rimouski. » 9. Dans la section « notes Le demandeur maintient sa d’évolution », le demandeur demande. demande de remplacer la mention : « le 18 mars appel à monsieur Gagnon » par Page : 6 l’encontre de cette décision. Le demandeur a peut-être utilisé les mots qu’il suggère mais l’intervenante les a résumés ainsi. L’intervenante sociale indique o que sa tâche consiste à aider la personne à verbaliser ses attentes. Elle a ainsi résumé les attentes du demandeur de façon à identifier les services qui seront par la suite dispensés à ce dernier par l’organisme. L’intervenante se rappelle très bien que le demandeur a fait mention de cette particularité au cours de son entrevue et elle l’a inscrit puisque cela peut avoir de l’importance dans le suivi qui sera effectué par la suite. L’intervenante indique qu’elle n’avait pas à décider elle-même quelle ressource allait apporter de l’aide au demandeur. C’est à l’équipe adulte de l’organisme de décider quelle ressource sera utilisée. Elle admet toutefois qu’il est vrai que par la suite, l’équipe adulte n’a pas pris en charge le demandeur. L’intervenante a fait des vérifications au relevé de compte téléphonique et il apparaît que c’est bien elle qui a communiqué avec le
04 12 24 Page : 7 « appel de monsieur demandeur. Gagnon. » 10. Dans la section « notes Selon le demandeur, les L’intervenante sociale réitère d’évolution », le demandeur modifications qu’il demande que ses notes sont conformes demande de remplacer un sont conformes à ce qu’il a à ce que le demandeur lui a paragraphe entier qui retenu de la conversation qu’il dit. Elle ne connaissait pas commence par : « afin de a eue avec l’intervenante. l’existence du « comité clarifier ses attentes par d’éthique du centre jeunesse ». rapport à sa demande… » Comment aurait-elle pu en jusqu’à « il parle de ses parler au demandeur ? expériences de travail auprès des jeunes. » Le demandeur veut remplacer ce texte par : « monsieur me demande les coordonnées du comité d’éthique du centre jeunesse parce que je lui en ai parlé à la rencontre du 18 février 2003. […]. » 11. Dans la section « notes Le demandeur prétend qu’il n’a L’intervenante explique que d’évolution » l’intervenante a jamais utilisé le mot cette section s’intitule inscrit dans les impressions congédiement pour parler de « impressions diagnostiques », diagnostiques : « se dit la sa relation d’affaires avec le il est possible que le victime, conteste son centre jeunesse. demandeur n’ait jamais utilisé congédiement ». Le le mot congédiement bien que demandeur veut que l’on cette expression résume bien enlève les mots « conteste son la façon dont elle a interprété congédiement. » les événements décrits par le demandeur. B) REPRÉSENTATIONS i) De l’organisme [27] Le procureur de l’organisme réitère que sa cliente a considéré les vingt-neuf demandes de correction faites par le demandeur dans cette affaire. Elle a donné suite à dix-huit d’entre elles sur lesquelles il n’est pas utile de revenir puisqu’elles ont été apportées. [28] Quant aux demandes de rectification refusées, le procureur indique que ces corrections n’ont pas été apportées parce que le texte actuel est conforme à l’entrevue qui s’est déroulée entre l’intervenante et le demandeur.
04 12 24 Page : 8 [29] Selon le procureur, l’intervenante a « résumé avec sa perception personnelle » une longue entrevue avec le demandeur. Il est possible que le demandeur ne soit pas en accord avec le choix des mots qui ont été utilisés ou la phraséologie qui en résulte, mais il ne s’agit pas de cas d’ouverture à des demandes de rectifications visées par les dispositions de la Loi sur l’accès en cette matière. [30] Le procureur rappelle que le dossier du demandeur détenu par l’organisme est un dossier confidentiel auquel seuls ont accès les préposés de l’organisme dans la limite de leurs responsabilités. Le dossier ne connaît aucune diffusion publique. ii) Du demandeur [31] Le demandeur insiste pour dire qu’il a été très surpris de la façon dont l’intervenante a résumé l’entretien de 2003. Il maintient son désaccord en ce qui concerne l’utilisation de certains mots dans ce document. [32] En somme, il voudrait que l’organisme apporte toutes les corrections qu’il demande de façon à ce que la fiche remplie par l’intervenante sociale soit conforme à ce qu’il voudrait qu’elle soit, plutôt que conforme aux déclarations qu’il a faites à l’intervenante. DÉCISION [33] Le demandeur a formulé à l’organisme une demande afin d’apporter vingt-neuf corrections au compte rendu qui a été dressé par une intervenante sociale à l’emploi de l’organisme, à la suite d’une rencontre avec cette dernière le 29 janvier 2003. [34] L’organisme accepte d’apporter dix-huit correctifs au texte du compte rendu dressé par l’intervenante sociale. [35] Bien que ces correctifs ne fassent pas l’objet de contestation de la part du demandeur et ne soient plus l’objet de litige entre les parties, il est pertinent, pour les besoins de la présente décision, de faire la relecture de quelques-uns d’entre eux.
04 12 24 Page : 9 DEMANDES DE CORRECTIONS CORRECTIONS APPORTÉES Remplacer « séparé depuis vingt ans » par Séparé il y a six ans. « séparé depuis six ans ». Remplacer « peu d’amis » par « une Dizaine d’amis. dizaine d’amis ». Ajouter « monsieur a été acquitté de façon Monsieur a été acquitté de façon honorable honorable (voir jugement du 18 avril le 18 avril 2001. 2001). » Remplacer « partout dans la province » par À Saguenay et à Québec. « à Saguenay et à Québec. » [36] Dans sa réponse du 14 juillet 2004, la responsable de l’accès explique au demandeur pourquoi elle ne peut donner suite aux onze autres demandes qui font l’objet de contestation. Elle écrit : « Les commentaires en lien avec les thèmes suivants n’ont pas fait l’objet de modification; la demande de rectification ne pouvant servir à modifier l’opinion du professionnel. La rectification du contenu doit se faire de façon à ne pas altérer les constats et les avis du professionnel qui les a consignés. De plus, les évaluations, opinions, avis, diagnostics et autres données subjectives de même nature contenues au dossier ne peuvent faire l’objet d’une rectification. Il appartient au professionnel d’évaluer la pertinence d’inscrire certains renseignements. » [37] L’article 89 de la Loi sur l’accès prévoit le droit à la rectification pour toute personne qui veut faire corriger des renseignements personnels dans le dossier détenu par un organisme public : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. (Tel qu’il se lisait en janvier 2003.)
04 12 24 Page : 10 [38] En cas de contestation, c’est à l’organisme public de prouver que le fichier n’a pas à être rectifié : 90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. (Tel qu’il se lisait en janvier 2003.) [39] Enfin, si l’organisme public accède à la demande de rectification, il doit transmettre une copie de la rectification au requérant : 92. Un organisme public doit, lorsqu'il accède à une demande de rectification d'un fichier, délivrer sans frais à la personne qui l'a faite, une copie de tout renseignement nominatif modifié ou ajouté, ou, selon le cas, une attestation du retrait d'un renseignement nominatif. (Tel qu’il se lisait en janvier 2003.) [40] L’article 89 permet au demandeur d’obtenir la correction de renseignements personnels qui le concernent dans la mesure où ces renseignements sont inexacts, incomplets ou équivoques. Les auteurs Doray et Charette 2 résument ainsi la position unanime de la Commission dans les décisions qu’elle a rendues en vertu de l’article 89 : « Une limite importante au droit à la rectification a été clairement et justement consacrée par la Commission : la loi ne permet pas de réécrire l’histoire ni de forcer les tiers à modifier leurs opinions. Dès lors, on ne peut invoquer l’article 89 pour imposer à l’Administration un point de vue qu’elle ne partage pas au sujet d’une personne. Puisque leur véracité ne peut être objectivement démontrée, les données subjectives, les opinions ou les jugements ne peuvent être rectifiés. Par exemple, la Commission a statué que les renseignements d’ordre médical, les diagnostics et les observations du personnel médical constituaient des opinions qui ne peuvent faire l’objet d’une demande de rectification. Par contre, si elle ne 2 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l’information : loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires, Cowansville, Éditions Y. Blais, 2001, vol 1, p. III/89.2, 89.3.
04 12 24 Page : 11 partage pas le point de vue exprimé par l’organisme, la personne concernée pourra requérir d’ajouter ses commentaires au dossier (art. 91). » [41] L’intervenante sociale a témoigné sur chacune des demandes, elle a révélé que le demandeur a parlé pendant une très longue période. Il avait visiblement besoin d’aide et c’est la constatation qu’elle a relatée. Il s’était vu retirer l’accréditation du centre jeunesse pour une ressource de réadaptation qu’il dirigeait et c’est ainsi qu’elle a relaté cet événement. De plus, selon l’intervenante sociale, le demandeur a mentionné qu’il était athée et elle a expliqué que cela pourrait éventuellement, dans le suivi ultérieur du demandeur, avoir une importance. C’est la raison pour laquelle elle l’a mentionné. Enfin, le demandeur n’apprécie pas que l’on mentionne qu’il se dit victime ou qu’il a été l’objet d’un congédiement de la part du centre jeunesse. Toutefois, dans l’esprit de l’intervenante sociale, c’est ainsi qu’elle a compris l’épreuve que traversait le demandeur. [42] Dans Gravel c. Commission scolaire de la Chaudière 3 , la commissaire Boissinot avait à considérer une demande de rectification de la part d’un parent qui voulait corriger des mentions au dossier de son fils mineur. La commissaire Boissinot écrit : « La demanderesse n’est pas en droit de demander la rectification de ces mentions pour le seul motif que les termes employés ne lui conviennent pas ou ne sont pas à son goût. Le droit que lui accorde l’article 89 de la Loi n’est pas un droit de substitution d’un mot par son synonyme mais de rectification des faits contenus au dossier. La demande concernant ces deux mentions n’est pas recevable. » [43] Ayant à statuer sur une demande semblable, le commissaire Paul-André Comeau écrit 4 : « Ce droit ne peut avoir pour effet d’obliger un organisme à inscrire dans un dossier tous les faits qui, selon un requérant, méritent d’y être portés. Dans les dossiers des établissements de santé et de services sociaux, cela est encore plus évident. Il appartient au professionnel de juger de la pertinence d’y inscrire certains renseignements. […] […] 3 [1995] C.A.I. 237. 4 Lachance-Roy c. C.L.S.C. de l’Aquilon, [1993] C.A.I. 22.
04 12 24 Page : 12 Conclure dans le sens indiqué par les demandeurs aurait comme conséquence d’obliger un organisme à nier au professionnel l’appréciation de l’utilité d’inscrire certains faits dans un dossier, ce que le droit de rectification n’englobe pas. » [44] Le demandeur demande à la Commission de réécrire le compte rendu d’une entrevue au cours de laquelle il a fait état de sa détresse psychologique à la suite des événements qui l’ont marqué. [45] Tel que le disait le commissaire Marcel Pépin 5 dans une autre affaire : « Il faut bien comprendre devant quel dilemme est placé le soussigné. Il a entendu la demanderesse expliquer les raisons motivant ses demandes de rectification. Son témoignage est fort crédible puisqu’il concerne sa santé. Le soussigné n’a aucune raison de croire qu’elle rapporte mal les événements qu’elle a vécus. Par ailleurs, le médecin expert a fourni, dans un long témoignage, des explications sur le contenu de son rapport. Ces explications ont pu être apportées grâce aux notes qu’il a prises durant l’entrevue avec la demanderesse. Là encore, le soussigné n’a aucune raison de douter du témoignage de l’expert. Cependant, les deux témoignages ont particulièrement bien illustré la perception différente que peuvent avoir deux personnes des mêmes faits. […]. […] Dans ce contexte, puisque ces renseignements sont transcrits selon la perception qu’en a l’auteur de l’expertise médicale et qu’il ne s’agit pas de faits objectifs vérifiables mais plutôt d’un résumé d’une entrevue, la Commission ne peut intervenir, d’autant plus que plusieurs demandes de rectification portent davantage sur le style du rapport que sur son contenu. » (Les caractères gras sont du soussigné.) 5 Dufour c. Ministère de la Justice, [1987] C.A.I. 20.
04 12 24 Page : 13 [46] Le soussigné a analysé les demandes de rectifications qui ont été refusées (voir paragraphe 26). Il ne saurait être question d’ordonner à l’intervenante sociale et à l’organisme de réécrire un résumé d’entrevue de plusieurs heures. Il ne saurait être question de faire corriger, au bon plaisir du demandeur, les faits considérés comme pertinents, les impressions, les diagnostics rédigés par l’intervenante. Seule une preuve claire que les renseignements sont inexacts, incomplets ou équivoques aurait permis à la Commission de donner suite à la demande conformément à l’article 89 de la Loi sur l’accès. Une telle preuve n’a pas été faite. [47] Il reste toutefois à statuer sur les correctifs apportés sur la première page du document. Ils ont été apportés en tirant un trait sur le texte mais sans le faire disparaître. Il est toujours possible de lire le texte biffé. Or, tel que la Commission l’a déjà décidé 6 , ces mots doivent être supprimés : « Sur le principe, il va de soi qu’un document contenant un renseignement inexact, incomplet ou équivoque peut faire l’objet d’une rectification au sens de la loi. Ainsi, lorsqu’un organisme public ou la Commission accède à une demande de rectification, seul le renseignement rectifié devra dorénavant apparaître au document. Peut-il subsister deux versions du même document, l’un étant exact et l’autre inexact ? Je suis d’avis que la portée de la loi au sujet de la rectification n’a pas pour but de faire vivre de façon permanente un renseignement ou un texte inexact, incomplet ou équivoque. Je comprends d’ailleurs qu’un document détenu par un organisme public peut difficilement dire une chose et être son contraire. » [48] De plus, l’article 91 de la Loi sur l’accès, prévoit qu’en cas de refus de l’organisme d’accéder à la demande de rectification, la personne concernée peut exiger que sa demande soit enregistrée : 91. Lorsque l'organisme public refuse en tout ou en partie d'accéder à une demande de rectification d'un fichier, la personne concernée peut exiger que cette demande soit enregistrée. 6 Bilodeau c. Société d’assurance automobile du Québec, [2004] C.A.I. 227, 230.
04 12 24 Page : 14 [49] La réponse de la responsable de l’accès, en date du 14 juillet 2004 n’indique pas que la demande formulée par le demandeur est déposée à son dossier. L’organisme devra le faire. [50] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [51] ORDONNE à l’organisme d’apporter les correctifs nécessaires dans la section « Détail de la demande » du compte rendu de l’entrevue du 29 janvier 2003 afin que soient masqués les mots « perte d’emploi » et « il est sans emploi depuis deux ans et demi »; [52] ORDONNE à l’organisme de déposer au dossier du demandeur, si ce n’est déjà fait, sa demande de rectification; [53] REJETTE pour le reste la demande de rectification. JEAN CHARTIER, Commissaire M e Jean-Jacques Ouellet Avocat de l’organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.