Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 14 23 Date : Le 27 septembre 2007 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] La demande d’accès est datée du 7 juin 2005; le demandeur souhaite alors obtenir les documents ci-après énumérés résultant de deux enquêtes qui ont été effectuées par la Section des enquêtes spéciales (Division des affaires internes) du service de police de l’organisme et qui sont identifiées par les numéros de dossier ES-20030626-056 et ES-20040318-025 : 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
05 14 23 Page : 2 • « la liste des témoins rencontrés par les enquêteurs; • les rapports d’enquête; • les correspondances avec le procureur de la Couronne; • les copies de déclarations des témoins. » [2] Cette demande d’accès est reçue le 7 juin 2005 et avis de sa réception est donné au demandeur le 9 juin suivant. Le 22 juin 2005, le responsable de l’accès aux documents de l’organisme (le responsable) informe le demandeur qu’il prolonge le traitement de sa demande d’une période de 10 jours; il l’avise aussi qu’il recevra sa réponse au plus tard le 7 juillet 2005. [3] Le 5 août 2005, le demandeur fait une demande de révision à la Commission; il précise qu’il n’a pas reçu de réponse du responsable dans le délai prévu par la loi. AUDIENCE du 6 septembre 2007 [4] Les parties indiquent qu’il n’y a plus de litige en ce qui concerne les documents demandés et résultant de l’enquête qui est identifiée par le numéro de dossier ES-20030626-056. Le demandeur mentionne par ailleurs qu’il ne demande pas accès aux documents qu’il a lui-même fournis aux policiers enquêteurs de l’organisme dans le dossier ES-20040318-025. A) PREUVE i) De l’organisme [5] L’avocat de l’organisme dépose, en liasse (O-1) : • les documents détenus sous forme écrite qui ont été communiqués au demandeur le 20 juin 2007 et qui font partie du dossier d’enquête ES-20030626-056; • le document détenu sous forme écrite qui a été communiqué au demandeur le 20 juin 2007 et qui fait partie du dossier d’enquête ES-20040318-025 en litige; ce document est constitué des allégations d’actes criminels exprimées par le demandeur à l’endroit de policiers de la Ville de Terrebonne. [6] Il dépose également copie de la décision du responsable datée du 18 mai 2006 (O-2). Il indique que les restrictions au droit d’accès invoquées au soutien du refus du responsable de communiquer les documents qui demeurent en litige
05 14 23 Page : 3 (dossier d’enquête ES-20040318-025) sont maintenues; ces restrictions sont prévues aux articles 28, 31 et 53 de la Loi sur l’accès. Témoignage de madame Line Trudeau : [7] Madame Line Trudeau témoigne sous serment. Elle est policière depuis 20 ans; elle exerce, depuis 5 ans, la fonction de conseillère au responsable pour le traitement des demandes d’accès qui se rapportent au service de police de l’organisme. [8] Elle témoigne ex parte en ce qui concerne le contenu des documents en litige. [9] En présence du demandeur, madame Trudeau admet l’existence d’une correspondance échangée entre l’organisme et le Bureau des substituts du Procureur général (ministère de la Justice) dans le dossier d’enquête ES-20040318-025. Elle explique aussi que les autres documents en litige ont été soumis à ce Bureau avec l’ensemble de la preuve recueillie au cours de cette enquête. Contre-interrogatoire de madame Trudeau : [10] Madame Trudeau connaît les plaintes que le demandeur a portées contre des policiers de la Ville de Terrebonne. [11] À sa connaissance, les déclarations libres et volontaires de témoins faites dans le cadre d’une enquête policière sont exprimées confidentiellement et constituent des éléments du rapport d’enquête. Admissions : [12] L’avocat de l’organisme admet que le service de police de l’organisme a effectué, à la demande du ministre de la Sécurité publique, une enquête résultant des allégations d’actes criminels que le demandeur a exprimées contre des policiers de la Ville de Terrebonne (O-1). [13] Il admet également que, dans le cadre de cette enquête, les policiers enquêteurs de l’organisme ont rencontré plusieurs personnes incluant le demandeur et que celui-ci leur a fourni de nombreux documents qu’ils ont par la suite intégrés au dossier d’enquête.
05 14 23 Page : 4 [14] Il admet enfin qu’aux fins de cette même enquête, les policiers enquêteurs de l’organisme ont obtenu des renseignements auprès de professionnels que le demandeur avait consultés puisque le demandeur alléguait avoir des idées suicidaires et qu’il avait relevé ces professionnels de leur obligation de respecter le secret professionnel en faveur des policiers enquêteurs de l’organisme. ii) Du demandeur [15] Le demandeur témoigne sous serment. [16] Les allégations d’actes criminels qu’il a formulées (O-1) concernent tant des policiers de la Ville de Terrebonne qu’une femme qu’il connaît. Il considère que cette femme a menti à son sujet et qu’elle est la complice de ces policiers; il considère également avoir été injustement arrêté et accusé. [17] Il a été avisé qu’aucune accusation ne serait portée à l’issue de l’enquête que le service de police de l’organisme a effectuée dans le dossier ES-20040318-025. Il se dit conséquemment victime d’un déni de justice puisque les allégations d’actes criminels qu’il avait attribuées à certains policiers de la Ville de Terrebonne (O-1) et dont il a saisi le ministre de la Sécurité publique n’ont pas donné lieu à des accusations à la suite de cette enquête. [18] Le demandeur veut intenter des recours, estimant être victime « d’actes criminels présumés »; les documents en litige lui permettront de faire la preuve de ce qu’il avance devant les tribunaux et, notamment, auprès du Protecteur du citoyen, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, du ministre de la Justice et de la Sécurité publique ainsi que du premier ministre du Québec. [19] Il dit avoir des idées suicidaires depuis 2001; il affirme que les recours qu’il veut intenter lui permettront d’obtenir justice contre ceux qui ont porté atteinte à ses droits et de mettre un terme à ces idées. Contre-interrogatoire du demandeur : [20] Le demandeur n’a pas adressé de plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse depuis 2002 puisqu’il ne détient pas les documents en litige. La plainte qu’il a par ailleurs adressée au Commissaire à la déontologie policière contre des policiers de la Ville de Terrebonne a été rejetée avant enquête.
05 14 23 Page : 5 [21] Il se propose de soumettre une nouvelle demande au ministre de la Sécurité publique ainsi qu’au Commissaire à la déontologie policière en vertu de la Loi sur la police 2 : 289. Le ministre peut ordonner, à tout moment, qu'une enquête soit tenue ou, s'il y a lieu, reprise par le corps de police ou l'agent de la paix qu'il désigne, afin que soit examinée une allégation relative à une infraction criminelle commise par un policier ou par un constable spécial. Les frais relatifs à l'enquête sont à la charge du corps de police dont relève le policier faisant l'objet de l'enquête ou de l'autorité dont relève le constable spécial, à moins que les corps de police concernés en décident autrement. 166. Le Commissaire doit aussi tenir une enquête sur la conduite d'un policier dans l'exercice de ses fonctions et constituant un acte dérogatoire au Code de déontologie lorsque le ministre lui en fait la demande. La sous-section 3 s'applique à cette enquête. [22] Il précise qu’après avoir été arrêté par des policiers de la Ville de Terrebonne à la suite de la plainte portée par la femme précitée, il a été accusé de harcèlement criminel sur celle-ci et d’avoir proféré des menaces; il n’a pas, par la suite, subi de procès parce qu’il s’est engagé, en vertu de l’article 810 3a) du Code criminel 3 , à ne pas troubler l’ordre public. B) REPRÉSENTATIONS i) De l’organisme [23] La preuve de l’organisme démontre que son service de police a enquêté sur le litige qui oppose le demandeur à des policiers de la Ville de Terrebonne. [24] Le service de police de l’organisme a effectué cette enquête à la suite des allégations d’actes criminels que le demandeur a attribuées à des policiers de la Ville de Terrebonne (O-1) et à la requête du ministre de la Sécurité publique. Il a présenté son rapport au ministre de la Sécurité publique qui l’avait mandaté et au Bureau des substituts du Procureur général; ce Bureau, qui a agi comme conseiller juridique du service de police de l’organisme dans ce dossier, devait 2 L.R.Q., c. P-13.1. 3 L.R.C., 1985, c. C-46.
05 14 23 Page : 6 déterminer si des accusations devaient être portées contre les policiers de la Ville de Terrebonne. [25] Le demandeur est insatisfait de l’enquête effectuée par le service de police de la Ville de Terrebonne; cette enquête a mené à son arrestation, à sa mise en accusation pour harcèlement criminel, à sa comparution devant un tribunal et à son engagement de ne pas troubler l’ordre public. [26] Le demandeur est également insatisfait de l’enquête effectuée par le service de police de l’organisme concernant des policiers du service de police de la Ville de Terrebonne. [27] L’insatisfaction du demandeur l’amène à vouloir prendre connaissance des documents en litige qui sont des éléments constitutifs d’une enquête. Cette enquête pourrait être ouverte à nouveau parce que les actes criminels sont imprescriptibles 4 et que l’examen des documents en litige pourrait vraisemblablement conduire le Procureur général à porter des accusations. [28] Les documents en litige sont protégés par le secret professionnel, l’organisme les ayant, en vertu de la loi, confiés au Procureur général pour obtenir son opinion. [29] Les déclarations de témoins faites dans le cadre d’une enquête policière sont confidentielles 5 . La preuve démontre que les articles 28 et 53 de la Loi sur l’accès s’appliquent aux renseignements qui concernent les témoins 6 . [30] Le responsable doit, lorsqu’il traite une demande d’accès, respecter les droits que la loi confère aussi aux tiers. [31] Les articles 28, 31 et 53 de la Loi sur l’accès s’appliquent nécessairement aux documents en litige. [32] Les déclarations qui ont été faites aux policers enquêteurs de l’organisme par des professionnels antérieurement consultés par le demandeur sont confidentielles même si le demandeur les avait relevés de leur obligation de respecter le secret professionnel; ces professionnels n’ont pas autorisé l’organisme à communiquer leur déclaration au demandeur. L’autorisation que le 4 Waltzing c. Ministère de la Sécurité publique, [2001] C.A.I. 213; X c. Ministère de la Sécurité publique, [2003] C.A.I. 558. 5 Waltzing c. Ministère de la Sécurité publique, [2001] C.A.I. 213; X c. Ministère de la Sécurité publique, [2003] C.A.I. 558. 6 9018-5703 Québec inc. c. Ministère de la Sécurité publique, C.A.I. Québec, n o 00 15 63, 26 juillet 2001, c. Boissinot.
05 14 23 Page : 7 demandeur a donnée à ces professionnels de s’entretenir avec les policiers enquêteurs de l’organisme ne peut porter sur les déclarations que ces professionnels ont choisi de faire aux policiers enquêteurs. [33] L’article 59.1 de la Loi sur l’accès ne trouve pas application, aucune preuve ne démontrant l’existence d’un danger imminent de mort ou de blessures graves. La Commission ne peut ordonner la communication des renseignements en litige pour faire du bien au demandeur qui prétend avoir des idées suicidaires depuis 2001. La Commission doit, dans l’exercice de sa compétence délimitée par la loi, aussi protéger les droits des tiers. [34] La demande d’accès ne concerne pas uniquement le demandeur. Le responsable a adéquatement appliqué l’article 14 de la Loi sur l’accès en refusant de communiquer au demandeur les renseignements personnels qui, substantiellement, concernent des tiers. [35] Les témoins, à l’instar du demandeur, ont droit à leur vie privée. [36] L’habilitation à communiquer des renseignements nominatifs que prévoit l’article 68 de la Loi sur l’accès est facultative; un organisme public peut, à sa discrétion, communiquer ces renseignements lorsque les conditions qui régissent l’application de cet article sont réunies. [37] Le responsable n’était pas tenu de consulter les témoins pour savoir s’ils consentaient à la communication des renseignements les concernant au demandeur. La loi n’impose pas cette obligation à l’organisme qui, conséquemment, n’a pas consulté les témoins. ii) Du demandeur [38] Les documents en litige devaient être communiqués au demandeur, malgré l’article 28 de la Loi sur l’accès, parce que le demandeur estime être victime d’un déni de justice depuis que la femme dont il a été question dans son témoignage a porté plainte contre lui. [39] Les documents en litige devaient être communiqués au demandeur en vertu des articles 59 (8 e ) et 68 (2 e ) de la Loi sur l’accès qui autorisent la communication de renseignements personnels lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient : 68. Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif :
05 14 23 Page : 8 1° à un organisme public lorsque cette communication est nécessaire à l'exercice des attributions de l'organisme receveur ou à la mise en oeuvre d'un programme dont cet organisme a la gestion; 2° à une personne ou à un organisme lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient. Ces communications s'effectuent dans le cadre d'une entente écrite. [40] Le demandeur se trouve dans les circonstances exceptionnelles suivantes : il est victime d’actes criminels et civils, présumés; ces actes portent atteinte aux droits fondamentaux que lui garantissent la Charte des droits et libertés de la personne 7 et le Code civil du Québec 8 , notamment ses droits à la vie, à la sécurité, au secours, à l’intégrité et à la liberté de sa personne de même qu’à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. Le demandeur rappelle à cet égard avoir des idées suicidaires. [41] Le responsable devait vérifier si certains témoins consentaient à la communication des renseignements demandés les concernant. La Loi sur l’accès n’oblige pas un demandeur d’accès à obtenir et à soumettre au responsable le consentement écrit d’un tiers afin d’avoir accès aux renseignements personnels concernant ce tiers. [42] Le demandeur a relevé son avocate ainsi que les travailleurs sociaux qu’il a consultés de leur obligation de respecter le secret professionnel; leur témoignage, vraisemblablement exprimé concernant le demandeur dans le cadre de l’enquête effectuée par le service de police de l’organisme, est, de ce fait, accessible au demandeur. [43] L’article 28 de la Loi sur l’accès ne peut restreindre le droit d’accès d’un demandeur aux renseignements qui lui sont accessibles en vertu de l’article 83 de la même loi. [44] L’organisme peut également, afin de prévenir le suicide du demandeur, lui communiquer les documents en litige en vertu de l’article 59.1 de la Loi sur l’accès. Selon le demandeur, la preuve de l’organisme (O-1) démontre que le demandeur avait déjà des idées suicidaires en décembre 2001 et que le demandeur considère être victime d’actes criminels qui sont reliés à ses idées suicidaires. Étant victime d’actes criminels qui perdurent et, conséquemment, d’un 7 L.R.Q., c. C-12. 8 L.Q., 1991, c. 64.
05 14 23 Page : 9 déni de justice, le demandeur a le droit d’obtenir les documents en litige en vertu de l’article 59.1 : 59.1 Outre les cas prévus à l'article 59, un organisme public peut également communiquer un renseignement nominatif, sans le consentement des personnes concernées, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu'il existe un motif raisonnable de croire qu'un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable. Les renseignements peuvent alors être communiqués à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou à toute personne susceptible de leur porter secours. La personne ayant la plus haute autorité au sein de l'organisme public doit, par directive, établir les conditions et les modalités suivant lesquelles les renseignements peuvent être communiqués par le personnel de l'organisme. Le personnel est tenu de se conformer à cette directive. [45] Les circonstances exceptionnelles mises en preuve justifient la communication des documents en litige au demandeur. Le mot « peut », qui habilite la communication de renseignements personnels en vertu des articles 59.1 et 68 (2 e ) de la Loi sur l’accès, a un sens impératif, vu le contexte de ces articles 9 , les idées suicidaires du demandeur ainsi que le droit fondamental à la vie, à l’intégrité et au secours que la Charte attribue au demandeur 10 . Le secret professionnel protégeant les documents en litige n’est conséquemment pas opposable aux droits du demandeur de recevoir communication de ces documents. [46] Le demandeur a le droit d’entreprendre tous les recours; il a notamment le droit de faire une dénonciation en vertu de l’article 504 du Code criminel. Les documents en litige lui sont nécessaires pour exercer des recours judiciaires qu’il 9 Salomon c. Barreau, [1998] QCTP 1647. 10 Maître Yves D. DUSSAULT, « Divulguer des renseignements confidentiels en vue de protéger des personnes », Développements récents en droit de l’information, Service de la formation permanente, Barreau du Québec, volume 212.
05 14 23 Page : 10 a le droit d’entreprendre ou pour obtenir l’aide de professionnels, de professionnels de la santé entre autres. [47] Les rapports d’enquête en litige peuvent, à tout le moins, être partiellement communiqués au demandeur si des renseignements devaient lui être accessibles 11 , vu l’article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne et les articles 9 et 14 de la Loi sur l’accès. [48] Le demandeur est victime d’actes criminels présumés de la part d’une femme et de policiers et souffre conséquemment d’idées suicidaires; ces personnes portent atteinte à sa dignité et à son intégrité. Les documents en litige comprennent des éléments de preuve qui lui permettront de faire valoir ses droits, notamment son droit ultime de prévenir ses idées suicidaires et de vivre normalement. [49] Les souffrances qui résultent de ses idées suicidaires portent spécifiquement atteinte à l’intégrité et au droit à la vie du demandeur; ces idées suicidaires constituent un danger imminent pour le demandeur. [50] Les recours que le demandeur veut intenter ne causeront pas de préjudice à quiconque; le 5 e paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès ne peut donc s’appliquer. [51] Les témoins qui ont fait des déclarations mensongères doivent être punis; leur mensonge constitue une circonstance exceptionnelle qui donne lieu à l’application de l’article 68 de la Loi sur l’accès. [52] Le demandeur n’entend pas harceler les témoins. [53] Le demandeur a le droit d’obtenir les renseignements qui le concernent. DÉCISION [54] Le recours en révision du demandeur est régi par la Loi sur l’accès telle qu’elle s’appliquait à la date de la demande d’accès du 7 juin 2005, durant la période de traitement de cette demande et à la date de la demande de révision du 5 août 2005. 11 X c. Ville de Mirabel, C.A.I. Montréal, n o 06 05 11, 3 juillet 2007, c. Henri; X c. Ville de Laval, C.A.I. Montréal, n o 06 07 33, 23 jujllet 2007, c. Henri; X c. Ville de Châteauguay, C.A.I. Montréal, n o 05 17 06, 16 janvier 2007, c. Henri.
05 14 23 Page : 11 [55] D’après la preuve (O-1, en liasse), le demandeur éprouvait un « malaise émotif » à l’égard d’une femme, malaise qu’il voulait régler en communiquant avec elle. En rapport avec cette affaire, des policiers de la Ville de Terrebonne ont arrêté le demandeur et, tel que l’a confirmé le demandeur à l’audience, des accusations de harcèlement criminel et d’avoir proféré des menaces ont été portées contre lui; il n’a cependant pas subi de procès mais il s’est engagé à ne pas troubler l’ordre public. [56] Selon la preuve (O-1, en liasse) et toujours en rapport avec la même affaire, le demandeur a porté plainte contre des policiers de la Ville de Terrebonne pour leur reprocher, entre autres, des actes d’intimidation, de négligence criminelle, de fabrication de preuve, d’entrave à la justice et de parjure; il leur a également reproché « de l’avoir empêché de sauver sa propre vie ». Ces plaintes criminelles contre des policiers ont été traitées en vertu de la Loi sur la police; la section des enquêtes spéciales de l’organisme a été désignée pour enquêter sur ces allégations et elle a fait rapport selon les exigences de cette loi. [57] Des documents issus de cette enquête policière font l’objet du litige soumis à la Commission. Ces documents sont, en grande partie, nécessairement constitués de renseignements nominatifs, le demandeur ayant porté plainte contre des policiers de la Ville de Terrebonne qu’il a clairement identifiés après avoir été lui-même accusé à la suite de la plainte portée contre lui par une femme, précitée, qu’il connaît et qu’il considère comme complice de ces policiers. [58] J’ai pris connaissance des documents que l’organisme a remis à la Commission et qui demeurent en litige. A) La liste des témoins rencontrés par les enquêteurs : [59] L’identité des témoins rencontrés par les policiers enquêteurs de l’organisme n’a pas de caractère public en vertu de la loi. [60] L’identité d’un témoin est, comme le prévoit la Loi sur l’accès, un renseignement nominatif le concernant. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention
05 14 23 Page : 12 révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [61] Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas prévus à l’article 53 de cette loi : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. [62] La Commission constate qu’aucune preuve ne démontre qu’un témoin ait autorisé la divulgation de son identité. [63] La preuve démontre de plus qu’aucune accusation n’a, à ce jour, été portée à la suite de l’enquête policière effectuée par le service de police de l’organisme et que les renseignements nominatifs obtenus dans le cadre de cette enquête ne portent pas sur un ou des renseignements obtenus dans l’exercice d’une fonction d’adjudication par un organisme public exerçant une fonction quasi judiciaire. [64] Aucune preuve ne démontre que l’identité des témoins concernés ait déjà été divulguée. [65] L’organisme ne pouvait pas non plus, en vertu de l’article 59 de la Loi sur l’accès, communiquer un renseignement sur l’identité de ces témoins au demandeur, aucune preuve ne démontrant que les témoins concernés aient consenti à la communication de ce renseignement nominatif en sa faveur ou encore que les cas et conditions autorisant la communication discrétionnaire de ce renseignement nominatif s’appliquaient : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif
05 14 23 Page : 13 sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent : 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2° au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1 o ; 3° à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5° à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6° (paragraphe abrogé); 7° (paragraphe abrogé); 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé
05 14 23 Page : 14 ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. [66] La Commission souligne qu’en vertu du 9 e paragraphe du 2 e alinéa de l’article 59 précité, l’organisme ne pouvait spécifiquement pas communiquer un renseignement nominatif concernant un témoin sans le consentement de ce témoin. Aucune preuve ne démontre qu’un témoin ait consenti à la communication de son identité au demandeur. [67] L’article 68 de la Loi sur l’accès, que le demandeur a invoqué et auquel réfère le 8 e paragraphe du 2 e alinéa de l’article 59 précité, habilite, sans toutefois l’y obliger, un organisme public à communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée notamment lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient. La Commission comprend que l’organisme a, comme il est autorisé à le faire à sa discrétion, choisi de ne pas communiquer l’identité des témoins au demandeur. [68] L’organisme ne pouvait appliquer l’article 59.1 de la Loi sur l’accès pour justifier la communication, au demandeur, de l’identité des témoins, aucune preuve ne démontrant qu’il existait un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menaçait le demandeur, une autre personne ou un groupe de personnes identifiable. La preuve démontre plutôt, en ce qui concerne le demandeur, la ferme détermination de celui-ci à faire reconnaître ses droits ainsi que ses projets d’entreprendre des recours contre plusieurs personnes devant divers tribunaux et organismes. [69] Le responsable de l’organisme n’avait pas, contrairement à ce que prétend le demandeur, l’obligation de consulter les témoins afin de savoir s’ils consentaient à la communication de renseignements nominatifs les concernant. Cette obligation particulière n’est pas prévue parmi celles qui incombent au responsable en matière de protection de renseignements nominatifs. La Loi sur l’accès est par ailleurs explicite lorsque qu’elle oblige le responsable à consulter un tiers avant de communiquer certains renseignements : 25. Un organisme public doit, avant de communiquer un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical fourni par un tiers, lui en donner avis, conformément à l'article 49, afin de lui permettre de présenter ses observations, sauf dans les cas où le renseignement a été fourni en application d'une loi qui exige que le renseignement soit accessible au requérant et
05 14 23 Page : 15 dans les cas où le tiers a renoncé à l'avis en consentant à la communication du renseignement ou autrement. 49. Lorsque le responsable doit donner au tiers l'avis requis par l'article 25, il doit le faire par courrier dans les vingt jours qui suivent la date de la réception de la demande et lui fournir l'occasion de présenter des observations écrites. Il doit, de plus, en informer le requérant et lui indiquer les délais prévus par le présent article. Le tiers concerné peut présenter ses observations dans les vingt jours qui suivent la date où il a été informé de l'intention du responsable. A défaut de le faire dans ce délai, il est réputé avoir consenti à ce que l'accès soit donné au document. Le responsable doit donner avis de sa décision au requérant et au tiers concerné, par courrier, dans les quinze jours qui suivent la présentation des observations ou l'expiration du délai prévu pour les présenter. Lorsqu'elle vise à donner accès aux documents, cette décision est exécutoire à l'expiration des quinze jours qui suivent la date de la mise à la poste de l'avis. [70] La prétention du demandeur voulant que le responsable ait été tenu de consulter les témoins concernés par les renseignements nominatifs en litige ne saurait être retenue en raison du régime de protection des renseignements nominatifs qui régit l’exercice des fonctions du responsable et, plus spécifiquement, du caractère confidentiel des renseignements nominatifs dont le responsable doit tenir compte. Lorsque la loi exige ou permet une communication avec un tiers, elle le fait expressément. 12 [71] Il faut préciser que la liste des témoins fait partie du rapport d’enquête et que la divulgation illégale des renseignements confidentiels qui la constitue était, vu le contexte qui a été à l’origine de l’enquête, susceptible de révéler des sources confidentielles d’information, de mettre en péril la sécurité de certaines personnes et de causer un préjudice à des personnes qui sont les auteurs de certains renseignements ou qui en sont l’objet. 12 Paquet c. Québec (Ministère de la Justice), [2002] C.A.I. 449 (C.Q.).
05 14 23 Page : 16 [72] La décision du responsable de refuser de communiquer la liste des témoins qu’il devait protéger est donc fondée en vertu des articles 28 (3 e , 4 e et 5 e paragraphes du 1 er alinéa) et 53, précité, de la Loi sur l’accès : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° […]. B) Les déclarations des témoins : [73] Les déclarations des témoins concernent et identifient les personnes qui les ont faites ou les personnes qui en sont l’objet. Ces déclarations sont substantiellement constituées de renseignements nominatifs concernant ces personnes; l’organisme ne pouvait, en vertu de l’article 28 (3 e , 4 e et 5 e paragraphes du 1 er alinéa) ou 53 précités, ou encore en vertu du 9 e paragraphe de l’article 59 de la Loi sur l’accès, les communiquer au demandeur. [74] La Commission souligne, vu la preuve, que la divulgation de ces renseignements nominatifs était susceptible de révéler une source confidentielle d’information, de mettre en péril la sécurité de personnes et de causer préjudice à des personnes qui ont fait ces déclarations ou qui en sont l’objet. [75] La Commission précise que les motifs exprimés au soutien de sa décision relative à la liste des témoins s’appliquent aux déclarations de témoins.
05 14 23 Page : 17 [76] La Commission précise enfin, puisque le demandeur l’a soulevé, que l’article 87 de la Loi sur l’accès habilite l’organisme à ne pas communiquer au demandeur des renseignements qui le concernent et dont la communication révélerait un renseignement dont la communication doit être refusée en vertu de l’article 28 de la même loi : 87. Sauf dans le cas prévu à l'article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, dans la mesure où la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II. C) Le rapport d’enquête : [77] Le rapport d’enquête qui demeure en litige est constitué de renseignements qui ont été obtenus par les policiers enquêteurs de l’organisme, à la suite des plaintes portées par le demandeur contre des policiers de la Ville de Terrebonne et à la requête du ministre de la Sécurité publique. La preuve (O-1, en liasse) démontre à ce sujet les allégations d’actes criminels que le demandeur attribue à des policiers de la Ville de Terrebonne qui, à ce jour, n’ont pas été accusés. La preuve démontre aussi que le demandeur a, pour sa part, été accusé de harcèlement criminel et qu’il n’a pas subi de procès. La preuve démontre enfin que le demandeur n’a pas hésité à intenter et qu’il entend intenter divers recours contre ceux qu’il considère avoir contribué au déni de justice dont il prétend être la victime. [78] Les renseignements qui constituent la substance de ce rapport d’enquête expriment la preuve recueillie par les policiers enquêteurs de l’organisme de même que leur méthode d’enquête puisque ce rapport devait être soumis et a été soumis au Bureau des substituts du Procureur général (ainsi désigné à l’époque) en vertu de la Loi sur la police. [79] À ce jour, comme le démontre la preuve, aucun des renseignements obtenus dans le cadre de l’enquête policière de l’organisme et confidentiellement confiés au Bureau des substituts du Procureur général n’a été divulgué. [80] La preuve convainc la Commission que la divulgation de ce rapport d’enquête était susceptible de révéler une méthode d’enquête, des sources confidentielles d’information, de mettre en péril la sécurité de personnes et de
05 14 23 Page : 18 causer préjudice à des personnes qui sont les auteurs de certains renseignements ou qui en sont l’objet. À cet égard, la décision du responsable n’a pas à être révisée puisqu’elle s’appuie sur les 3 e , 4 e et 5 e paragraphes du 1 er alinéa de la Loi sur l’accès : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° […]. [81] La Commission rappelle que ce rapport d’enquête comprend, en raison des allégations d’actes criminels détaillées formulées par le demandeur contre des personnes physiques qu’il a identifiées et auxquelles il a eu affaire, une importante part de renseignements nominatifs concernant ces personnes. À cet égard, l’application des articles 53 et 59 de la Loi sur l’accès s’ajoute à celle de l’article 28 précité pour appuyer la décision du responsable. D) Les correspondances avec le « procureur de la Couronne » : [82] La substance de cette correspondance est constituée d’une opinion juridique que l’organisme peut, à sa discrétion, refuser de communiquer en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’accès : 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur
05 14 23 Page : 19 l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. [83] La Commission constate enfin que l’article 14 de cette loi a été correctement appliqué aux documents en litige puisque la substance de ces documents est formée de renseignements que l’organisme devait ou pouvait refuser de communiquer : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [84] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [85] REJETTE la demande. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Alain Cardinal Avocat de l’organisme
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