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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 23 02 Date : Le 20 septembre 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demanderesse c. COMMISSION SCOLAIRE ENGLISH-MONTRÉAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière daccès en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 12 octobre 2005, la demanderesse sadresse à lorganisme afin dobtenir les documents qui suivent : […] A copy of the written «legal opinion» obtained by the E.M.S.B. concerning the # 03-08-27-8A, which approved a 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur laccès.
05 23 02 Page : 2 merger of the Royal Vale Elementary School Governing Board & the Royal Vale High School Governing Board. […] I am simultaneously requesting copies of the questions posed by the E.M.S.B. & of any & all documentation provided by the E.M.S.B to the legal consultant used to obtain said legal opinion. […] [2] Le 10 novembre 2005, lorganisme refuse cette demande daccès puisquil soutient que lopinion juridique requise par la demanderesse est protégée par le secret professionnel en vertu de larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 . [3] Le 8 décembre 2005, la demanderesse formule une demande de révision de cette décision à la Commission daccès à linformation (la Commission). AUDIENCE [4] Des audiences sont tenues à Montréal le 6 décembre 2006, ainsi que le 16 mars et le 18 juin 2007. PREUVE DE LORGANISME [5] M me Joanne Bisbikos est secrétaire générale, directrice des archives et responsable de laccès aux documents de lorganisme. Elle explique que le conseil des commissaires de lorganisme a, par la résolution n o 03-08-27-8 (O-1) adoptée le 27 août 2003, décidé détablir un seul conseil détablissement pour lécole Royal Vale (lécole). [6] La trame de fond des événements ayant donné lieu au litige est la suivante : une modification à la Constitution canadienne a fait en sorte que les commissions scolaires, jusqualors établies selon une division fondée sur la religion, létaient désormais en fonction de la langue. Des modifications ont ensuite été apportées à la Loi sur linstruction publique 3 . 2 L.R.Q., c. C-12, la Charte. 3 L.R.Q., C. I-13.3.
05 23 02 Page : 3 [7] Avant la modification constitutionnelle, deux comités décole (lappellation antérieure des conseils détablissements) existaient au sein de lécole, soit un comité pour lenseignement primaire et un autre pour lenseignement secondaire. Après cette modification, le conseil des commissaires a dabord décidé que deux conseils détablissement continueraient dexister à lécole. Mais, en août 2003, sappuyant sur le fait quun seul acte détablissement avait été adopté en juillet 2003 pour cette école (O-2), le conseil des commissaires a décidé quun seul conseil détablissement existerait à lavenir au sein de celle-ci. [8] M me Bisbikos témoigne que les parents des enfants fréquentant lécole, insatisfaits de la décision du conseil des commissaires, ont contesté cette décision lors dassemblées de celui-ci et du conseil détablissement de lécole, de telle sorte que lorganisme a requis et obtenu une opinion juridique concernant la légalité de sa décision. [9] Lorganisme dépose, sous pli confidentiel, copie de cette opinion en vertu de larticle 20 des Règles des preuves et de procédures de la Commission daccès à linformation 4 qui prévoit ce qui suit : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [10] Le témoin dépose des extraits de procès-verbaux dassemblées du conseil des commissaires tenues les 25 mai, 31 août et 26 octobre 2005 (O-3 en liasse). [11] Il appert, au point 5 du procès-verbal de lassemblée du conseil des commissaires du 25 mai 2005 (O-3 en liasse), quen réponse aux questions de parents délèves de lécole, le président du conseil des commissaires les a informés que celui-ci ne rescinderait pas la résolution ayant créé un seul conseil détablissement pour cette école. Le directeur général de lorganisme a ensuite expliqué quun seul acte détablissement ayant été établi pour lécole, un seul conseil détablissement était créé. Il ajoutait ce qui suit : […] the matter has been referred to a lawyer renowned for his work in interpreting the Education Act. Once the Board receives this legal opinion, it will act appropriately. 4 R.R.Q., c. A-2.1, r. 2, D. 2058-84.
05 23 02 Page : 4 [12] Litem 4 du procès-verbal de lassemblée du conseil des commissaires du 31 août 2005 (O-3 en liasse) rapporte ce qui suit : In response to a question posed by a parent […] M e Launey stated that the legal opinion received by the Board with regard to the establishment of governing boards was that when there is only one Deed of Establishment, there must be only one governing board. After a request from the parent for a copy of this opinion, the Chairman advised that the document was not available at large. He invited the parent to meet with the Director general and the Director of Legal Services to discuss the matter. [13] Le procès-verbal de lassemblée du conseil des commissaires du 26 octobre 2005 (O-3 en liasse) énonce ce qui suit, à litem 4 : In response to a question posed by a parent […] the Chairman reiterated that the legal opinion received by the Board with regard to the establishment of governing boards was that when there is one Deed of Establishment, there must be only one governing board. Due to solicitor/client privilege, the legal opinion received by the Board is not a public document. The Chairman invited the parent to meet with the Director General and the Director of Legal Services to discuss the matter. [14] M me Bisbikos affirme que lopinion juridique en litige na pas été divulguée en public et quelle na été distribuée ni aux employés de la Commission scolaire, ni à aucun directeur de service de lorganisme. Elle-même ne la pas vue. Cette opinion juridique na pas non plus été divulguée aux commissaires de lorganisme et elle na pas non plus été communiquée lors des assemblées publiques du conseil des commissaires. Elle est gardée dans le bureau du directeur des affaires juridiques de lorganisme. [15] Le témoin ajoute quà sa connaissance les parents nont rencontré ni la direction de lorganisme ni le directeur des affaires juridique. DE LA DEMANDERESSE [16] M. Sam Silverstone est avocat et parent dun enfant qui fréquente lécole. À sa connaissance, personne na vu lopinion en litige sauf, croit-il, M e Dominique Launay et le président du conseil des commissaires, M. Dominic Spiridigliozzi.
05 23 02 Page : 5 [17] Le témoin a participé à de nombreuses assemblées du conseil des commissaires et il affirme que lorganisme a demandé une opinion juridique à la suite des représentations des parents insatisfaits qui contestaient la légalité de la décision de créer un seul conseil détablissement pour lécole. [18] Le témoin a assisté à la réunion du conseil détablissement de lécole du 14 mars 2005. Le procès-verbal de cette réunion (D-3) mentionne, à litem 4.2, que le conseil détablissement allait demander au conseil des commissaires une opinion juridique concernant la fusion des conseils détablissement de lécole. Le témoin explique que cest à la suite de questions de parents posées à cette assemblée quil a été décidé de demander une opinion juridique au conseil des commissaires. Le président du conseil détablissement, M. Stewart, aurait alors dit quune fois lopinion juridique obtenue, elle serait communiquée au conseil détablissement de lécole. [19] Le témoin a assisté à lassemblée du conseil des commissaires du 2 mai 2005. Il réfère la Commission au procès-verbal de celle-ci (D-1), items 6.2 « Legal opinion on fusion of Governing Boards » et 7.1 « Election of parents members ». [20] M. Silverstone attire lattention de la Commission sur litem 7.1 du procès-verbal (D-1) suivant lequel le directeur général de lorganisme, M. Antonio Lacroce, annonce la conclusion de lopinion juridique avant quelle ne soit complétée : Mr Lacroce assured this board that the opinion would support the one school/one Governing Board conclusion. He stated the merger was done in good faith and that the Governing Boards were consulted. A. Stewart informed Mr Lacroce that only the chairmen of the respective Governing Boards were consulted. Mr Lacroce stated that Royal Vale Elementary School and Royal Vale Secondary School gave tacit approval of the merger and that Maître Jacob, who is retained by the EMSB, was preparing a legal opinion. [21] Le témoin rappelle litem 6.2 intitulé « Legal opinion on fusion of Governing Boards » du procès-verbal (D-1), qui rapporte quun avocat rédigeait une opinion juridique concernant la fusion des conseils détablissement. [22] Le témoin a également assisté à lassemblée du conseil des commissaires du 25 mai 2005 dont il dépose le procès-verbal complet (D-4). Il était présent lorsque M. Spiridigliozzi, le président du conseil des commissaires
05 23 02 Page : 6 et M. Lacroce, le directeur général, ont fait les remarques mentionnées plus tôt 5 . M. Silverstone attire également lattention de la Commission sur le point 20.2 de ce procès-verbal, intitulé « Letters from Royal Vale parents », il apparaît que M me G. Sauvé Frankel, commissaire, « […] agreed to wait for the legal opinion of the lawyer interpreting the Education act in regard to the establishment of Governing Board. » [23] M. Silverstone témoigne quil a assisté à lassemblée du conseil des commissaires du 31 août 2005 M e Launay a, de lavis du témoin, divulgué le contenu de lopinion juridique en litige. Il réfère à litem 4, précédemment cité 6 , du procès-verbal de cette assemblée. [24] En contre-interrogatoire, le témoin précise quil na rencontré ni le directeur général de lorganisme, ni le directeur des affaires juridiques comme le président du conseil des commissaires avait invité les parents à le faire, lors des assemblées des 31 août et 26 octobre 2005 7 . Bien quil lait demandée à plusieurs reprises, il na jamais obtenu copie de lopinion juridique en litige. [25] La demanderesse dépose le Rapport Annuel 2004-2005 de lécole (D-6), adopté en juin 2005, dans lequel lon fait état de la problématique résultant de la fusion des deux conseils détablissement de lécole et du fait quune opinion juridique était attendue sur cette question. [26] M. Spiridigliozzi, président du conseil des commissaires, explique quil est, comme tous les commissaires, élu par le public. Le conseil des commissaires est responsable de ladministration de lorganisme. À titre de président du conseil, il préside et maintient lordre au cours des assemblées de celui-ci. Lordre du jour des assemblées du conseil prévoit toujours une période de questions de la part du public. [27] Le témoin affirme, concernant litem 4 du procès-verbal de lassemblée du conseil des commissaires du 25 mai 2005 (O-3 et D-4) 8 , que cest tout le conseil des commissaires qui convenait dattendre lopinion juridique en litige. [28] Le témoin précise que lopinion juridique, une fois rendue, a été lue par leur conseillère juridique, M e Launay, et le directeur général de lorganisme, M. Lacroce. Ce dernier a ensuite informé verbalement les membres du conseil des 5 Par. 11 de la présente décision. Une partie de ce procès-verbal a été déposée sous O-3 en liasse. 6 Par. 12 de la présente décision. Le procès-verbal de cette assemblée est déposé par la demanderesse (D-5). 7 Par. 12 et 13 de la présente décision. 8 Par. 22 de la présente décision.
05 23 02 Page : 7 commissaires que lopinion juridique confirmait que ce quil avait fait était correct et que la règle « one deed of establishment, one Governing board » sappliquait à lécole. Cette information a été donnée au conseil des commissaires lors dune réunion à huis clos tenue avant une assemblée publique de ce dernier. Tous les commissaires participent aux réunions à huis clos, de même que les directeurs du conseil, les deux parents commissaires et M e Launay, conseillère juridique de lorganisme. [29] Le directeur général na pas montré au témoin lopinion juridique et ne lui en a pas donné de copie. Le témoin est formel : il na pas vu cette opinion juridique. [30] Le témoin confirme que, lors de lassemblée du conseil des commissaires du 31 août 2005 (D-5), il a offert aux parents désirant obtenir une copie de lopinion juridique de rencontrer le directeur général de lorganisme et leur conseiller juridique. À sa connaissance, les parents nont pas donné suite à cette offre. Il ajoute que lorganisme na pas lhabitude de distribuer ou divulguer les opinions juridiques quil obtient. [31] La demanderesse dépose en preuve un article du journal The Suburban du 28 juin 2006 (D-7) qui rapporte les propos de M e Launay et de M. Reid, « Deputy Director General » de lorganisme. Selon cet article, M e Launay aurait réitéré que lopinion juridique en litige était protégée par le secret professionnel. Quant à M. Reid, larticle rapporte ce qui suit : EMSB Deputy Director General […] said they cannot release the legal opinion but would be willing to meet with parents. « If parents are interested in seeing the opinion then wed be glad to sir down and look over it, » he said. [32] La demanderesse dépose le procès-verbal dune réunion du conseil détablissement de lécole tenue le 21 septembre 2006 (O-8) il a été décidé que ce dernier « request a legal opinion, in writing of the legitimacy of the merger of the Governing board », tel quil appert à litem 7.12 de ce document.
05 23 02 Page : 8 ARGUMENTATION DE L'ORGANISME [33] Lorganisme rappelle que, bien que la demanderesse porte des accusations graves à son endroit, puisquelle allègue quil aurait violé la Loi sur linstruction publique en adoptant la résolution de ne créer quun seul conseil détablissement en 2003, cette résolution na pas été contestée devant les tribunaux. Sa validité ne peut donc être remise en question dans le cadre du présent litige. [34] Lorganisme soutient que le document en litige constitue une opinion juridique protégée par les dispositions relatives au secret professionnel, notamment, larticle 9 de la Charte. [35] La Cour du Québec dans Commission des services juridiques c. Gagnier 9 a rappelé que les trois conditions nécessaires à lapplication du secret professionnel de lavocat étaient les suivantes : - Il doit sagir dune consultation avec un avocat ; - Cette consultation doit être voulue confidentielle ; - Lopinion de lavocat est recherchée en raison de sa qualité davocat 10 . [36] La Cour du Québec a également rappelé que le droit au secret professionnel de même que le pouvoir dy renoncer appartiennent au client requérant les services dun avocat 11 . [37] En lespèce, lorganisme soutient que le document constitue une opinion juridique au sens de larrêt Gagnier. [38] Lorganisme allègue de plus quil na jamais renoncé à la confidentialité de ce document que ce soit implicitement ou explicitement. [39] La preuve démontre en effet que cette opinion na jamais été déposée ni montrée au conseil détablissement de lécole ni au conseil des commissaires de lorganisme. Tel quil appert du témoignage de M. Spiridigliozzi, seuls le directeur général et le conseiller juridique de lorganisme en ont pris connaissance. Le directeur général a ensuite avisé verbalement le conseil des 9 [2004] C.A.I. 568 (C.Q.), ci-après Gagnier. 10 Id, par. 25. 11 Id, par. 56.
05 23 02 Page : 9 commissaires, lors dune réunion tenue à huis clos, des conclusions de ce document sans le distribuer. [40] La preuve démontre donc que lorganisme a toujours considéré ce document comme un document confidentiel et protégé par le secret professionnel. M. Silverstone a dailleurs confirmé quil navait lui-même ni vu ni obtenu ce document et que le conseil détablissement de lécole nen navait pas non plus obtenu copie. De plus, le témoignage de M. Spiridigliozzi démontre que lorganisme, lorsquil demande une opinion juridique, traite toujours ces documents de manière confidentielle. [41] Le fait que le directeur général de lorganisme ait informé, lors dune réunion à huis clos, les membres du conseil des commissaires de la conclusion de cette opinion juridique et que M e Launay ait résumé la conclusion de cette opinion juridique, lors de lassemblée du 31 août 2005, na pas eu pour effet de la rendre publique 12 . [42] La preuve révèle donc que lorganisme na pas renoncé au caractère confidentiel de lopinion juridique en litige de telle sorte que larticle 9 de la Charte sapplique et que la Commission doit en protéger la confidentialité. [43] Lorganisme ajoute que la Commission doit décider de ce dossier à la lumière des faits existants au moment de la demande daccès en litige, soit en octobre 2005. Les faits postérieurs à celle-ci ne sont pas pertinents à la demande en litige 13 . Il soutient par conséquent que lextrait du journal The Suburban (O-7) ne peut être retenu en lespèce pour conclure au caractère public de lopinion juridique, puisque ce document est postérieur à la demande daccès, à la réponse et à la demande de révision en litige, cet article ayant été publié en juin 2006. DE LA DEMANDERESSE [44] Lorganisme a fusionné les deux conseils détablissement de lécole sans consulter au préalable ni les parents des enfants fréquentant celle-ci ni les conseils détablissement qui existaient alors. La demanderesse soutient que la décision de lorganisme de nétablir quun seul conseil détablissement pour lécole Royal Vale en septembre 2003 contrevient par conséquent aux dispositions de la Loi sur linstruction publique et est un acte ultra vires. Les 12 Construction Germain St-Martin inc. c. Berthierville (Ville de), [1992] C.A.I. 210. 13 Di Maggio c. La Capitale, Compagnie dassurance générale, [1996] C.A.I. 358 et Lacoste c. Coopérative du coin de la rue, [2001] C.A.I. 371.
05 23 02 Page : 10 parents des enfants fréquentant lécole sont en désaccord avec la décision de fusionner les deux comités décole existant jusquen 2003. [45] Lopinion juridique en litige, selon les dires de lorganisme, conclut à la légalité de sa décision alors que pour la demanderesse, cette opinion autorise lorganisme à agir contrairement aux prescriptions et exigences de la Loi. La demanderesse désire prendre connaissance dune opinion juridique qui conclut à la légalité dune décision quelle estime illégale. [46] La demanderesse doute que le document en litige soit une opinion juridique, puisquelle est convaincue que plusieurs éléments essentiels à lexistence dune opinion juridique sont absents de ce document. Elle estime, notamment, quun avocat qui aurait examiné tous les faits nécessaires à lanalyse de la légalité de la décision de lorganisme aurait communiqué avec les parents qui sont à lorigine de la demande dêtre consultés dans le cadre de la fusion des conseils détablissement de lorganisme. Or, la demanderesse sait que cela na pas été fait. [47] La demanderesse soutient que le document, sil existe, est probablement une sorte de «General guideline» qui na pas pris en compte les éléments spécifiques de la situation ayant donné lieu à la fusion des conseils détablissement de lécole. La demanderesse croit même que le document date peut-être des années 1990. [48] La demanderesse soutient de plus que lorganisme a demandé cette opinion juridique à la suite des représentations des parents de lécole pour refuser ensuite de leur donner accès à ce document. Elle ajoute que ce refus est peut-être fondé sur le fait que ce document nest pas lopinion légale que lorganisme prétend être. En effet, la demanderesse soutient que si le document constituait un support légal incontestable à la position de lorganisme, celui-ci laurait communiqué aux parents et le litige se serait terminé ainsi. [49] La demanderesse soutient que la preuve démontre quà plusieurs occasions, lorganisme a renoncé à la confidentialité de cette opinion juridique. [50] En effet, le 31 août 2005, M e Launay, a commenté cette opinion juridique renonçant ainsi à sa confidentialité. La demanderesse soutient quà cette même assemblée, le président du conseil des commissaires, M. Spiridigliozzi, a révélé quil avait vu ce document.
05 23 02 Page : 11 [51] En juin 2006, dans larticle du Suburban (O-7) 14 , M e Launay, a de nouveau renoncé à la confidentialité de lopinion en y divulguant publiquement le contenu. De plus, dans ce même article, le « Deputy Director General » de lorganisme, M. Reid, a également renoncé à la confidentialité de lopinion puisquil offre de produire ce document aux parents. [52] Enfin, le procès-verbal de lassemblée du conseil des commissaires tenue le 26 octobre 2005 (O-3 en liasse) démontre que le président de lorganisme a également renoncé à la confidentialité du document en y révélant le contenu de cette opinion. [53] La demanderesse soutient que, dans les faits, lorganisme na jamais traité ce document de manière confidentielle. Par conséquent, ce document ne bénéficie pas de la protection accordée aux documents protégés par le secret professionnel énoncée à la Charte. DÉCISION [54] Je dois dabord préciser que la seule question dont je suis saisie est celle de décider si lorganisme était justifié de refuser de communiquer à la demanderesse copie du document en litige, quil soutient être une opinion juridique. Lévaluation de la légalité de la décision de fusionner les conseils détablissements de lécole nest pas de la compétence de la Commission. [55] Lorganisme est un organisme public au sens de larticle 3 de la Loi sur laccès et, de ce fait, est soumis à larticle 9 de cette loi qui consacre le droit daccès des citoyens aux documents détenus par de tels organismes : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. […] [56] Le législateur a reconnu à la Loi sur laccès un statut prépondérant sur les autres législations : 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. 14 Par. 31 de la présente décision.
05 23 02 Page : 12 [57] La Commission et la Cour du Québec 15 ont cependant reconnu que la Loi sur laccès, postérieure à la Charte, navait pas préséance sur cette dernière. Le principe général daccessibilité aux documents détenus par les organismes publics est donc limité tant par les restrictions prévues spécifiquement dans la Loi sur laccès que par certaines dispositions de la Charte. [58] Lune de ces restrictions est celle prévue à larticle 9 de la Charte qui traite du secret professionnel : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. [59] Larticle 9 de la Charte est complété par les dispositions du Code des professions 16 , de la Loi sur le Barreau 17 et du Code de déontologie des avocats 18 qui prévoient ce qui suit : Code des professions : 60.4 Le professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans lexercice de sa profession. Il ne peut être relevé du secret professionnel quavec lautorisation de son client ou lorsque la loi lordonne. Le professionnel peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsquil a un motif raisonnable de croire quun danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable. Toutefois, le professionnel ne peut alors communiquer ce renseignement quà la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes 15 Voir notamment : Tribune de Hemmingford c. Municipalité du Canton de Hemmingford, Montréal, n o 05 01 33, 12 mai 2005, c. Laporte, et Gagnier, précitée note 9. 16 L.R.Q., c. C-26. 17 L.R.Q., c. B-1. 18 R.R.Q. 1981, c. B-1, r.1 et mod.
05 23 02 Page : 13 susceptibles de leur porter secours. Le professionnel ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication. Loi sur le Barreau : 131. 1. Lavocat doit conserver le secret absolu des confidences quil reçoit en raison de sa profession. 2. Cette obligation cède toutefois dans le cas lavocat en est relevé expressément ou implicitement par la personne qui lui a fait ces confidences ou lorsque la loi lordonne. 3. Lavocat peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsquil a un motif raisonnable de croire quun danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable. Toutefois, lavocat ne peut alors communiquer ce renseignement quà la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours. Lavocat ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication. Code de déontologie des avocats 3.06.01 Lavocat ne doit pas faire usage de renseignements ou documents confidentiels au préjudice dun client ou en vue dobtenir directement ou indirectement un avantage pour lui-même ou pour autrui. 3.06.03 Lavocat doit exercer une prudence raisonnable afin dempêcher que ses associés, employés ou autres personnes dont il retient les services ne divulguent les confidences de son client. [60] Les tribunaux ont conclu que le secret professionnel comprend deux composantes qui profitent au client. Il sagit dune part du droit au silence de lavocat concernant les informations qui résultent de la relation avocat/client et, dautre part, dune immunité de divulgation de ces informations 19 . En lespèce, lorganisme invoque ce dernier volet, soit son droit de refuser de divulguer une 19 Société dénergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et délimination des déchets (SIGED) inc., [2004] 1 R.C.S. 456, par. 27.
05 23 02 Page : 14 information résultant de sa relation avec lavocat qui a préparé le document en litige. [61] Jai pris connaissance du document déposé sous pli confidentiel et il mapparaît quil sagit bien dune opinion juridique. Ce document répond en substance aux conditions dexistence dune opinion juridique que la jurisprudence de la Commission a énoncées ainsi : Le renseignement en litige doit être une proposition de nature juridique consignée dans un document détenu par un organisme public et qui engage son auteur, un avocat ou un notaire. 20 [62] Dans le document en litige, lauteur, un avocat, émet une opinion concernant lapplication du droit à un cas particulier, celui de la création du conseil détablissement à lécole Royal Vale. Il sagit donc dun document protégé par le secret professionnel selon les termes de larticle 9 de la Charte et de larticle 31 de la Loi sur laccès. Même si lorganisme na pas invoqué expressément larticle 31 de la Loi sur laccès, il a invoqué expressément le caractère confidentiel de lopinion juridique. Il peut donc bénéficier de la restriction énoncée à cet article 21 . [63] Puisquil sagit dune opinion juridique, celle-ci, en vertu de la Charte et de larticle 31 de la Loi sur laccès, est confidentielle à moins que lorganisme ny ait renoncé. [64] Contrairement aux prétentions de la demanderesse, la preuve démontre que lorganisme na pas renoncé à la confidentialité de ce document. [65] Ce document na été divulgué quà deux personnes, soit le directeur général de lorganisme, M. Lacroce, ainsi que la conseillère juridique de lorganisme à cette époque, M e Launay. Il na été donné à aucune autre personne, le président du conseil des commissaires ne layant pas non plus obtenu. Sur cette question, le témoignage affirmatif de ce dernier mapparaît plus convaincant que le souvenir qua gardé le témoin Silverstone dune affirmation contraire quaurait faite M. Spiridigliozzi lors dune assemblée du conseil des commissaires. 20 Gaboriault c. Société québécoise de la main-doeuvre, [1995] C.A.I. 200, 202. 21 Ministère de la sécurité publique c. Joncas, C.Q., n o 200-02-05553-980, 11 juin 1999, j. Villeneuve, p.4.
05 23 02 Page : 15 [66] De plus, je suis davis que les commentaires de M e Launay, tant lors de lassemblée de lorganisme en août 2005 (O-3 en liasse) que dans une édition du journal The Suburban (D-7), de même que ceux du président du conseil des commissaires en octobre 2005 (O-3 en liasse) 22 , avaient pour objet de résumer la conclusion de cette opinion juridique et nont pas eu pour effet de lui faire perdre son caractère confidentiel. Il sagit, en effet, de commentaires très généraux sur les conclusions de celle-ci : […] Le fait de formuler des commentaires généraux relativement aux conclusions de ces opinions juridiques na pas pour effet de leur conférer un caractère public. […] 23 [67] De plus, je suis davis que les propos du « Deputy Director General » de lorganisme, M. Reid, rapportés dans larticle du journal The Suburban 24 , ne me permettent pas de conclure que lopinion juridique en litige doit être communiquée à la demanderesse dans le cadre du présent litige. [68] En effet, comme la soutenu lorganisme, je suis saisie dune demande de révision de la décision rendue par lorganisme le 10 novembre 2005 concernant une demande daccès faite par la demanderesse le 12 octobre précédent. Or, la Commission a décidé à de multiples reprises quelle doit réviser la décision de lorganisme en tenant compte des faits existants au moment de la demande daccès 25 ou de la réponse de lorganisme 26 . [69] Or, comme je lai mentionné plus tôt, la preuve démontre quau moment de la décision rendue par lorganisme refusant de communiquer lopinion juridique en litige, celui-ci avait toujours maintenu son intention de garder lopinion juridique en litige confidentielle. Loffre du « Deputy Director General » Reid rapportée dans le journal The Suburban au mois de juin 2006, si tant est quelle puisse soutenir laffirmation que lorganisme a renoncé à la confidentialité de lopinion juridique, ce dont je ne suis pas convaincue, est largement postérieure à la demande daccès et à la réponse en litige. Elle ne peut donc permettre à la Commission de conclure que lopinion juridique était publique et 22 Par. 12, 31 et 13 de la présente décision. 23 Construction Saint-Germain inc. c. Berthierville (Ville de), précitée, note 12. 24 Voir par. 31 de la présente décision. 25 Lacoste c. Coopérative du Coin de la rue, [2001] C.A.I. 371, Tremblay c. La Promutuel La portneuviènne, [1998] C.A.I. 305, 311. 26 Voir notamment X. c. Québec (Ministère des Relations avec les citoyens et de lImmigration), C.A.I., n o 02-17-76, 8 décembre 2003, c. Boissinot.
05 23 02 Page : 16 donc accessible au moment de la demande daccès et de la réponse de lorganisme. [70] Bien que je comprenne linsatisfaction de la demanderesse face au refus de lorganisme de lui communiquer une opinion juridique qui, faut-il le rappeler, a été requise à la suite des représentations de parents mécontents qui contestaient la légalité de la décision de fusionner les conseils détablissement de lécole, il nen reste pas moins que lorganisme a le droit de refuser de communiquer cette opinion. La Commission doit respecter ce choix, en raison de la protection accordée au secret professionnel par larticle 9 de la Charte et larticle 31 de la Loi sur laccès. [71] La décision de lorganisme na donc pas à être révisée. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [72] REJETTE la demande de révision de la demanderesse. GUYLAINE HENRI Commissaire M e Dominique Launay (Fasken Martineau) Procureure de lorganisme
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