Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 23 02 Date : Le 20 septembre 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demanderesse c. COMMISSION SCOLAIRE ENGLISH-MONTRÉAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 12 octobre 2005, la demanderesse s’adresse à l’organisme afin d’obtenir les documents qui suivent : […] A copy of the written «legal opinion» obtained by the E.M.S.B. concerning the # 03-08-27-8A, which approved a 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
05 23 02 Page : 2 merger of the Royal Vale Elementary School Governing Board & the Royal Vale High School Governing Board. […] I am simultaneously requesting copies of the questions posed by the E.M.S.B. & of any & all documentation provided by the E.M.S.B to the legal consultant used to obtain said legal opinion. […] [2] Le 10 novembre 2005, l’organisme refuse cette demande d’accès puisqu’il soutient que l’opinion juridique requise par la demanderesse est protégée par le secret professionnel en vertu de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 . [3] Le 8 décembre 2005, la demanderesse formule une demande de révision de cette décision à la Commission d’accès à l’information (la Commission). AUDIENCE [4] Des audiences sont tenues à Montréal le 6 décembre 2006, ainsi que le 16 mars et le 18 juin 2007. PREUVE DE L’ORGANISME [5] M me Joanne Bisbikos est secrétaire générale, directrice des archives et responsable de l’accès aux documents de l’organisme. Elle explique que le conseil des commissaires de l’organisme a, par la résolution n o 03-08-27-8 (O-1) adoptée le 27 août 2003, décidé d’établir un seul conseil d’établissement pour l’école Royal Vale (l’école). [6] La trame de fond des événements ayant donné lieu au litige est la suivante : une modification à la Constitution canadienne a fait en sorte que les commissions scolaires, jusqu’alors établies selon une division fondée sur la religion, l’étaient désormais en fonction de la langue. Des modifications ont ensuite été apportées à la Loi sur l’instruction publique 3 . 2 L.R.Q., c. C-12, la Charte. 3 L.R.Q., C. I-13.3.
05 23 02 Page : 3 [7] Avant la modification constitutionnelle, deux comités d’école (l’appellation antérieure des conseils d’établissements) existaient au sein de l’école, soit un comité pour l’enseignement primaire et un autre pour l’enseignement secondaire. Après cette modification, le conseil des commissaires a d’abord décidé que deux conseils d’établissement continueraient d’exister à l’école. Mais, en août 2003, s’appuyant sur le fait qu’un seul acte d’établissement avait été adopté en juillet 2003 pour cette école (O-2), le conseil des commissaires a décidé qu’un seul conseil d’établissement existerait à l’avenir au sein de celle-ci. [8] M me Bisbikos témoigne que les parents des enfants fréquentant l’école, insatisfaits de la décision du conseil des commissaires, ont contesté cette décision lors d’assemblées de celui-ci et du conseil d’établissement de l’école, de telle sorte que l’organisme a requis et obtenu une opinion juridique concernant la légalité de sa décision. [9] L’organisme dépose, sous pli confidentiel, copie de cette opinion en vertu de l’article 20 des Règles des preuves et de procédures de la Commission d’accès à l’information 4 qui prévoit ce qui suit : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [10] Le témoin dépose des extraits de procès-verbaux d’assemblées du conseil des commissaires tenues les 25 mai, 31 août et 26 octobre 2005 (O-3 en liasse). [11] Il appert, au point 5 du procès-verbal de l’assemblée du conseil des commissaires du 25 mai 2005 (O-3 en liasse), qu’en réponse aux questions de parents d’élèves de l’école, le président du conseil des commissaires les a informés que celui-ci ne rescinderait pas la résolution ayant créé un seul conseil d’établissement pour cette école. Le directeur général de l’organisme a ensuite expliqué qu’un seul acte d’établissement ayant été établi pour l’école, un seul conseil d’établissement était créé. Il ajoutait ce qui suit : […] the matter has been referred to a lawyer renowned for his work in interpreting the Education Act. Once the Board receives this legal opinion, it will act appropriately. 4 R.R.Q., c. A-2.1, r. 2, D. 2058-84.
05 23 02 Page : 4 [12] L’item 4 du procès-verbal de l’assemblée du conseil des commissaires du 31 août 2005 (O-3 en liasse) rapporte ce qui suit : In response to a question posed by a parent […] M e Launey stated that the legal opinion received by the Board with regard to the establishment of governing boards was that when there is only one Deed of Establishment, there must be only one governing board. After a request from the parent for a copy of this opinion, the Chairman advised that the document was not available at large. He invited the parent to meet with the Director general and the Director of Legal Services to discuss the matter. [13] Le procès-verbal de l’assemblée du conseil des commissaires du 26 octobre 2005 (O-3 en liasse) énonce ce qui suit, à l’item 4 : In response to a question posed by a parent […] the Chairman reiterated that the legal opinion received by the Board with regard to the establishment of governing boards was that when there is one Deed of Establishment, there must be only one governing board. Due to solicitor/client privilege, the legal opinion received by the Board is not a public document. The Chairman invited the parent to meet with the Director General and the Director of Legal Services to discuss the matter. [14] M me Bisbikos affirme que l’opinion juridique en litige n’a pas été divulguée en public et qu’elle n’a été distribuée ni aux employés de la Commission scolaire, ni à aucun directeur de service de l’organisme. Elle-même ne l’a pas vue. Cette opinion juridique n’a pas non plus été divulguée aux commissaires de l’organisme et elle n’a pas non plus été communiquée lors des assemblées publiques du conseil des commissaires. Elle est gardée dans le bureau du directeur des affaires juridiques de l’organisme. [15] Le témoin ajoute qu’à sa connaissance les parents n’ont rencontré ni la direction de l’organisme ni le directeur des affaires juridique. DE LA DEMANDERESSE [16] M. Sam Silverstone est avocat et parent d’un enfant qui fréquente l’école. À sa connaissance, personne n’a vu l’opinion en litige sauf, croit-il, M e Dominique Launay et le président du conseil des commissaires, M. Dominic Spiridigliozzi.
05 23 02 Page : 5 [17] Le témoin a participé à de nombreuses assemblées du conseil des commissaires et il affirme que l’organisme a demandé une opinion juridique à la suite des représentations des parents insatisfaits qui contestaient la légalité de la décision de créer un seul conseil d’établissement pour l’école. [18] Le témoin a assisté à la réunion du conseil d’établissement de l’école du 14 mars 2005. Le procès-verbal de cette réunion (D-3) mentionne, à l’item 4.2, que le conseil d’établissement allait demander au conseil des commissaires une opinion juridique concernant la fusion des conseils d’établissement de l’école. Le témoin explique que c’est à la suite de questions de parents posées à cette assemblée qu’il a été décidé de demander une opinion juridique au conseil des commissaires. Le président du conseil d’établissement, M. Stewart, aurait alors dit qu’une fois l’opinion juridique obtenue, elle serait communiquée au conseil d’établissement de l’école. [19] Le témoin a assisté à l’assemblée du conseil des commissaires du 2 mai 2005. Il réfère la Commission au procès-verbal de celle-ci (D-1), items 6.2 « Legal opinion on fusion of Governing Boards » et 7.1 « Election of parents members ». [20] M. Silverstone attire l’attention de la Commission sur l’item 7.1 du procès-verbal (D-1) suivant lequel le directeur général de l’organisme, M. Antonio Lacroce, annonce la conclusion de l’opinion juridique avant qu’elle ne soit complétée : Mr Lacroce assured this board that the opinion would support the one school/one Governing Board conclusion. He stated the merger was done in good faith and that the Governing Boards were consulted. A. Stewart informed Mr Lacroce that only the chairmen of the respective Governing Boards were consulted. Mr Lacroce stated that Royal Vale Elementary School and Royal Vale Secondary School gave tacit approval of the merger and that Maître Jacob, who is retained by the EMSB, was preparing a legal opinion. [21] Le témoin rappelle l’item 6.2 intitulé « Legal opinion on fusion of Governing Boards » du procès-verbal (D-1), qui rapporte qu’un avocat rédigeait une opinion juridique concernant la fusion des conseils d’établissement. [22] Le témoin a également assisté à l’assemblée du conseil des commissaires du 25 mai 2005 dont il dépose le procès-verbal complet (D-4). Il était présent lorsque M. Spiridigliozzi, le président du conseil des commissaires
05 23 02 Page : 6 et M. Lacroce, le directeur général, ont fait les remarques mentionnées plus tôt 5 . M. Silverstone attire également l’attention de la Commission sur le point 20.2 de ce procès-verbal, intitulé « Letters from Royal Vale parents », où il apparaît que M me G. Sauvé Frankel, commissaire, « […] agreed to wait for the legal opinion of the lawyer interpreting the Education act in regard to the establishment of Governing Board. » [23] M. Silverstone témoigne qu’il a assisté à l’assemblée du conseil des commissaires du 31 août 2005 où M e Launay a, de l’avis du témoin, divulgué le contenu de l’opinion juridique en litige. Il réfère à l’item 4, précédemment cité 6 , du procès-verbal de cette assemblée. [24] En contre-interrogatoire, le témoin précise qu’il n’a rencontré ni le directeur général de l’organisme, ni le directeur des affaires juridiques comme le président du conseil des commissaires avait invité les parents à le faire, lors des assemblées des 31 août et 26 octobre 2005 7 . Bien qu’il l’ait demandée à plusieurs reprises, il n’a jamais obtenu copie de l’opinion juridique en litige. [25] La demanderesse dépose le Rapport Annuel 2004-2005 de l’école (D-6), adopté en juin 2005, dans lequel l’on fait état de la problématique résultant de la fusion des deux conseils d’établissement de l’école et du fait qu’une opinion juridique était attendue sur cette question. [26] M. Spiridigliozzi, président du conseil des commissaires, explique qu’il est, comme tous les commissaires, élu par le public. Le conseil des commissaires est responsable de l’administration de l’organisme. À titre de président du conseil, il préside et maintient l’ordre au cours des assemblées de celui-ci. L’ordre du jour des assemblées du conseil prévoit toujours une période de questions de la part du public. [27] Le témoin affirme, concernant l’item 4 du procès-verbal de l’assemblée du conseil des commissaires du 25 mai 2005 (O-3 et D-4) 8 , que c’est tout le conseil des commissaires qui convenait d’attendre l’opinion juridique en litige. [28] Le témoin précise que l’opinion juridique, une fois rendue, a été lue par leur conseillère juridique, M e Launay, et le directeur général de l’organisme, M. Lacroce. Ce dernier a ensuite informé verbalement les membres du conseil des 5 Par. 11 de la présente décision. Une partie de ce procès-verbal a été déposée sous O-3 en liasse. 6 Par. 12 de la présente décision. Le procès-verbal de cette assemblée est déposé par la demanderesse (D-5). 7 Par. 12 et 13 de la présente décision. 8 Par. 22 de la présente décision.
05 23 02 Page : 7 commissaires que l’opinion juridique confirmait que ce qu’il avait fait était correct et que la règle « one deed of establishment, one Governing board » s’appliquait à l’école. Cette information a été donnée au conseil des commissaires lors d’une réunion à huis clos tenue avant une assemblée publique de ce dernier. Tous les commissaires participent aux réunions à huis clos, de même que les directeurs du conseil, les deux parents commissaires et M e Launay, conseillère juridique de l’organisme. [29] Le directeur général n’a pas montré au témoin l’opinion juridique et ne lui en a pas donné de copie. Le témoin est formel : il n’a pas vu cette opinion juridique. [30] Le témoin confirme que, lors de l’assemblée du conseil des commissaires du 31 août 2005 (D-5), il a offert aux parents désirant obtenir une copie de l’opinion juridique de rencontrer le directeur général de l’organisme et leur conseiller juridique. À sa connaissance, les parents n’ont pas donné suite à cette offre. Il ajoute que l’organisme n’a pas l’habitude de distribuer ou divulguer les opinions juridiques qu’il obtient. [31] La demanderesse dépose en preuve un article du journal The Suburban du 28 juin 2006 (D-7) qui rapporte les propos de M e Launay et de M. Reid, « Deputy Director General » de l’organisme. Selon cet article, M e Launay aurait réitéré que l’opinion juridique en litige était protégée par le secret professionnel. Quant à M. Reid, l’article rapporte ce qui suit : EMSB Deputy Director General […] said they cannot release the legal opinion but would be willing to meet with parents. « If parents are interested in seeing the opinion then we’d be glad to sir down and look over it, » he said. [32] La demanderesse dépose le procès-verbal d’une réunion du conseil d’établissement de l’école tenue le 21 septembre 2006 (O-8) où il a été décidé que ce dernier « request a legal opinion, in writing of the legitimacy of the merger of the Governing board », tel qu’il appert à l’item 7.12 de ce document.
05 23 02 Page : 8 ARGUMENTATION DE L'ORGANISME [33] L’organisme rappelle que, bien que la demanderesse porte des accusations graves à son endroit, puisqu’elle allègue qu’il aurait violé la Loi sur l’instruction publique en adoptant la résolution de ne créer qu’un seul conseil d’établissement en 2003, cette résolution n’a pas été contestée devant les tribunaux. Sa validité ne peut donc être remise en question dans le cadre du présent litige. [34] L’organisme soutient que le document en litige constitue une opinion juridique protégée par les dispositions relatives au secret professionnel, notamment, l’article 9 de la Charte. [35] La Cour du Québec dans Commission des services juridiques c. Gagnier 9 a rappelé que les trois conditions nécessaires à l’application du secret professionnel de l’avocat étaient les suivantes : - Il doit s’agir d’une consultation avec un avocat ; - Cette consultation doit être voulue confidentielle ; - L’opinion de l’avocat est recherchée en raison de sa qualité d’avocat 10 . [36] La Cour du Québec a également rappelé que le droit au secret professionnel de même que le pouvoir d’y renoncer appartiennent au client requérant les services d’un avocat 11 . [37] En l’espèce, l’organisme soutient que le document constitue une opinion juridique au sens de l’arrêt Gagnier. [38] L’organisme allègue de plus qu’il n’a jamais renoncé à la confidentialité de ce document que ce soit implicitement ou explicitement. [39] La preuve démontre en effet que cette opinion n’a jamais été déposée ni montrée au conseil d’établissement de l’école ni au conseil des commissaires de l’organisme. Tel qu’il appert du témoignage de M. Spiridigliozzi, seuls le directeur général et le conseiller juridique de l’organisme en ont pris connaissance. Le directeur général a ensuite avisé verbalement le conseil des 9 [2004] C.A.I. 568 (C.Q.), ci-après Gagnier. 10 Id, par. 25. 11 Id, par. 56.
05 23 02 Page : 9 commissaires, lors d’une réunion tenue à huis clos, des conclusions de ce document sans le distribuer. [40] La preuve démontre donc que l’organisme a toujours considéré ce document comme un document confidentiel et protégé par le secret professionnel. M. Silverstone a d’ailleurs confirmé qu’il n’avait lui-même ni vu ni obtenu ce document et que le conseil d’établissement de l’école n’en n’avait pas non plus obtenu copie. De plus, le témoignage de M. Spiridigliozzi démontre que l’organisme, lorsqu’il demande une opinion juridique, traite toujours ces documents de manière confidentielle. [41] Le fait que le directeur général de l’organisme ait informé, lors d’une réunion à huis clos, les membres du conseil des commissaires de la conclusion de cette opinion juridique et que M e Launay ait résumé la conclusion de cette opinion juridique, lors de l’assemblée du 31 août 2005, n’a pas eu pour effet de la rendre publique 12 . [42] La preuve révèle donc que l’organisme n’a pas renoncé au caractère confidentiel de l’opinion juridique en litige de telle sorte que l’article 9 de la Charte s’applique et que la Commission doit en protéger la confidentialité. [43] L’organisme ajoute que la Commission doit décider de ce dossier à la lumière des faits existants au moment de la demande d’accès en litige, soit en octobre 2005. Les faits postérieurs à celle-ci ne sont pas pertinents à la demande en litige 13 . Il soutient par conséquent que l’extrait du journal The Suburban (O-7) ne peut être retenu en l’espèce pour conclure au caractère public de l’opinion juridique, puisque ce document est postérieur à la demande d’accès, à la réponse et à la demande de révision en litige, cet article ayant été publié en juin 2006. DE LA DEMANDERESSE [44] L’organisme a fusionné les deux conseils d’établissement de l’école sans consulter au préalable ni les parents des enfants fréquentant celle-ci ni les conseils d’établissement qui existaient alors. La demanderesse soutient que la décision de l’organisme de n’établir qu’un seul conseil d’établissement pour l’école Royal Vale en septembre 2003 contrevient par conséquent aux dispositions de la Loi sur l’instruction publique et est un acte ultra vires. Les 12 Construction Germain St-Martin inc. c. Berthierville (Ville de), [1992] C.A.I. 210. 13 Di Maggio c. La Capitale, Compagnie d’assurance générale, [1996] C.A.I. 358 et Lacoste c. Coopérative du coin de la rue, [2001] C.A.I. 371.
05 23 02 Page : 10 parents des enfants fréquentant l’école sont en désaccord avec la décision de fusionner les deux comités d’école existant jusqu’en 2003. [45] L’opinion juridique en litige, selon les dires de l’organisme, conclut à la légalité de sa décision alors que pour la demanderesse, cette opinion autorise l’organisme à agir contrairement aux prescriptions et exigences de la Loi. La demanderesse désire prendre connaissance d’une opinion juridique qui conclut à la légalité d’une décision qu’elle estime illégale. [46] La demanderesse doute que le document en litige soit une opinion juridique, puisqu’elle est convaincue que plusieurs éléments essentiels à l’existence d’une opinion juridique sont absents de ce document. Elle estime, notamment, qu’un avocat qui aurait examiné tous les faits nécessaires à l’analyse de la légalité de la décision de l’organisme aurait communiqué avec les parents qui sont à l’origine de la demande d’être consultés dans le cadre de la fusion des conseils d’établissement de l’organisme. Or, la demanderesse sait que cela n’a pas été fait. [47] La demanderesse soutient que le document, s’il existe, est probablement une sorte de «General guideline» qui n’a pas pris en compte les éléments spécifiques de la situation ayant donné lieu à la fusion des conseils d’établissement de l’école. La demanderesse croit même que le document date peut-être des années 1990. [48] La demanderesse soutient de plus que l’organisme a demandé cette opinion juridique à la suite des représentations des parents de l’école pour refuser ensuite de leur donner accès à ce document. Elle ajoute que ce refus est peut-être fondé sur le fait que ce document n’est pas l’opinion légale que l’organisme prétend être. En effet, la demanderesse soutient que si le document constituait un support légal incontestable à la position de l’organisme, celui-ci l’aurait communiqué aux parents et le litige se serait terminé ainsi. [49] La demanderesse soutient que la preuve démontre qu’à plusieurs occasions, l’organisme a renoncé à la confidentialité de cette opinion juridique. [50] En effet, le 31 août 2005, M e Launay, a commenté cette opinion juridique renonçant ainsi à sa confidentialité. La demanderesse soutient qu’à cette même assemblée, le président du conseil des commissaires, M. Spiridigliozzi, a révélé qu’il avait vu ce document.
05 23 02 Page : 11 [51] En juin 2006, dans l’article du Suburban (O-7) 14 , M e Launay, a de nouveau renoncé à la confidentialité de l’opinion en y divulguant publiquement le contenu. De plus, dans ce même article, le « Deputy Director General » de l’organisme, M. Reid, a également renoncé à la confidentialité de l’opinion puisqu’il offre de produire ce document aux parents. [52] Enfin, le procès-verbal de l’assemblée du conseil des commissaires tenue le 26 octobre 2005 (O-3 en liasse) démontre que le président de l’organisme a également renoncé à la confidentialité du document en y révélant le contenu de cette opinion. [53] La demanderesse soutient que, dans les faits, l’organisme n’a jamais traité ce document de manière confidentielle. Par conséquent, ce document ne bénéficie pas de la protection accordée aux documents protégés par le secret professionnel énoncée à la Charte. DÉCISION [54] Je dois d’abord préciser que la seule question dont je suis saisie est celle de décider si l’organisme était justifié de refuser de communiquer à la demanderesse copie du document en litige, qu’il soutient être une opinion juridique. L’évaluation de la légalité de la décision de fusionner les conseils d’établissements de l’école n’est pas de la compétence de la Commission. [55] L’organisme est un organisme public au sens de l’article 3 de la Loi sur l’accès et, de ce fait, est soumis à l’article 9 de cette loi qui consacre le droit d’accès des citoyens aux documents détenus par de tels organismes : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. […] [56] Le législateur a reconnu à la Loi sur l’accès un statut prépondérant sur les autres législations : 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. 14 Par. 31 de la présente décision.
05 23 02 Page : 12 [57] La Commission et la Cour du Québec 15 ont cependant reconnu que la Loi sur l’accès, postérieure à la Charte, n’avait pas préséance sur cette dernière. Le principe général d’accessibilité aux documents détenus par les organismes publics est donc limité tant par les restrictions prévues spécifiquement dans la Loi sur l’accès que par certaines dispositions de la Charte. [58] L’une de ces restrictions est celle prévue à l’article 9 de la Charte qui traite du secret professionnel : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. [59] L’article 9 de la Charte est complété par les dispositions du Code des professions 16 , de la Loi sur le Barreau 17 et du Code de déontologie des avocats 18 qui prévoient ce qui suit : Code des professions : 60.4 Le professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession. Il ne peut être relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne. Le professionnel peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable. Toutefois, le professionnel ne peut alors communiquer ce renseignement qu’à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes 15 Voir notamment : Tribune de Hemmingford c. Municipalité du Canton de Hemmingford, Montréal, n o 05 01 33, 12 mai 2005, c. Laporte, et Gagnier, précitée note 9. 16 L.R.Q., c. C-26. 17 L.R.Q., c. B-1. 18 R.R.Q. 1981, c. B-1, r.1 et mod.
05 23 02 Page : 13 susceptibles de leur porter secours. Le professionnel ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication. Loi sur le Barreau : 131. 1. L’avocat doit conserver le secret absolu des confidences qu’il reçoit en raison de sa profession. 2. Cette obligation cède toutefois dans le cas où l’avocat en est relevé expressément ou implicitement par la personne qui lui a fait ces confidences ou lorsque la loi l’ordonne. 3. L’avocat peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable. Toutefois, l’avocat ne peut alors communiquer ce renseignement qu’à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours. L’avocat ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication. Code de déontologie des avocats 3.06.01 L’avocat ne doit pas faire usage de renseignements ou documents confidentiels au préjudice d’un client ou en vue d’obtenir directement ou indirectement un avantage pour lui-même ou pour autrui. 3.06.03 L’avocat doit exercer une prudence raisonnable afin d’empêcher que ses associés, employés ou autres personnes dont il retient les services ne divulguent les confidences de son client. [60] Les tribunaux ont conclu que le secret professionnel comprend deux composantes qui profitent au client. Il s’agit d’une part du droit au silence de l’avocat concernant les informations qui résultent de la relation avocat/client et, d’autre part, d’une immunité de divulgation de ces informations 19 . En l’espèce, l’organisme invoque ce dernier volet, soit son droit de refuser de divulguer une 19 Société d’énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d’élimination des déchets (SIGED) inc., [2004] 1 R.C.S. 456, par. 27.
05 23 02 Page : 14 information résultant de sa relation avec l’avocat qui a préparé le document en litige. [61] J’ai pris connaissance du document déposé sous pli confidentiel et il m’apparaît qu’il s’agit bien d’une opinion juridique. Ce document répond en substance aux conditions d’existence d’une opinion juridique que la jurisprudence de la Commission a énoncées ainsi : Le renseignement en litige doit être une proposition de nature juridique consignée dans un document détenu par un organisme public et qui engage son auteur, un avocat ou un notaire. 20 [62] Dans le document en litige, l’auteur, un avocat, émet une opinion concernant l’application du droit à un cas particulier, celui de la création du conseil d’établissement à l’école Royal Vale. Il s’agit donc d’un document protégé par le secret professionnel selon les termes de l’article 9 de la Charte et de l’article 31 de la Loi sur l’accès. Même si l’organisme n’a pas invoqué expressément l’article 31 de la Loi sur l’accès, il a invoqué expressément le caractère confidentiel de l’opinion juridique. Il peut donc bénéficier de la restriction énoncée à cet article 21 . [63] Puisqu’il s’agit d’une opinion juridique, celle-ci, en vertu de la Charte et de l’article 31 de la Loi sur l’accès, est confidentielle à moins que l’organisme n’y ait renoncé. [64] Contrairement aux prétentions de la demanderesse, la preuve démontre que l’organisme n’a pas renoncé à la confidentialité de ce document. [65] Ce document n’a été divulgué qu’à deux personnes, soit le directeur général de l’organisme, M. Lacroce, ainsi que la conseillère juridique de l’organisme à cette époque, M e Launay. Il n’a été donné à aucune autre personne, le président du conseil des commissaires ne l’ayant pas non plus obtenu. Sur cette question, le témoignage affirmatif de ce dernier m’apparaît plus convaincant que le souvenir qu’a gardé le témoin Silverstone d’une affirmation contraire qu’aurait faite M. Spiridigliozzi lors d’une assemblée du conseil des commissaires. 20 Gaboriault c. Société québécoise de la main-d’oeuvre, [1995] C.A.I. 200, 202. 21 Ministère de la sécurité publique c. Joncas, C.Q., n o 200-02-05553-980, 11 juin 1999, j. Villeneuve, p.4.
05 23 02 Page : 15 [66] De plus, je suis d’avis que les commentaires de M e Launay, tant lors de l’assemblée de l’organisme en août 2005 (O-3 en liasse) que dans une édition du journal The Suburban (D-7), de même que ceux du président du conseil des commissaires en octobre 2005 (O-3 en liasse) 22 , avaient pour objet de résumer la conclusion de cette opinion juridique et n’ont pas eu pour effet de lui faire perdre son caractère confidentiel. Il s’agit, en effet, de commentaires très généraux sur les conclusions de celle-ci : […] Le fait de formuler des commentaires généraux relativement aux conclusions de ces opinions juridiques n’a pas pour effet de leur conférer un caractère public. […] 23 [67] De plus, je suis d’avis que les propos du « Deputy Director General » de l’organisme, M. Reid, rapportés dans l’article du journal The Suburban 24 , ne me permettent pas de conclure que l’opinion juridique en litige doit être communiquée à la demanderesse dans le cadre du présent litige. [68] En effet, comme l’a soutenu l’organisme, je suis saisie d’une demande de révision de la décision rendue par l’organisme le 10 novembre 2005 concernant une demande d’accès faite par la demanderesse le 12 octobre précédent. Or, la Commission a décidé à de multiples reprises qu’elle doit réviser la décision de l’organisme en tenant compte des faits existants au moment de la demande d’accès 25 ou de la réponse de l’organisme 26 . [69] Or, comme je l’ai mentionné plus tôt, la preuve démontre qu’au moment de la décision rendue par l’organisme refusant de communiquer l’opinion juridique en litige, celui-ci avait toujours maintenu son intention de garder l’opinion juridique en litige confidentielle. L’offre du « Deputy Director General » Reid rapportée dans le journal The Suburban au mois de juin 2006, si tant est qu’elle puisse soutenir l’affirmation que l’organisme a renoncé à la confidentialité de l’opinion juridique, ce dont je ne suis pas convaincue, est largement postérieure à la demande d’accès et à la réponse en litige. Elle ne peut donc permettre à la Commission de conclure que l’opinion juridique était publique et 22 Par. 12, 31 et 13 de la présente décision. 23 Construction Saint-Germain inc. c. Berthierville (Ville de), précitée, note 12. 24 Voir par. 31 de la présente décision. 25 Lacoste c. Coopérative du Coin de la rue, [2001] C.A.I. 371, Tremblay c. La Promutuel La portneuviènne, [1998] C.A.I. 305, 311. 26 Voir notamment X. c. Québec (Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration), C.A.I., n o 02-17-76, 8 décembre 2003, c. Boissinot.
05 23 02 Page : 16 donc accessible au moment de la demande d’accès et de la réponse de l’organisme. [70] Bien que je comprenne l’insatisfaction de la demanderesse face au refus de l’organisme de lui communiquer une opinion juridique qui, faut-il le rappeler, a été requise à la suite des représentations de parents mécontents qui contestaient la légalité de la décision de fusionner les conseils d’établissement de l’école, il n’en reste pas moins que l’organisme a le droit de refuser de communiquer cette opinion. La Commission doit respecter ce choix, en raison de la protection accordée au secret professionnel par l’article 9 de la Charte et l’article 31 de la Loi sur l’accès. [71] La décision de l’organisme n’a donc pas à être révisée. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [72] REJETTE la demande de révision de la demanderesse. GUYLAINE HENRI Commissaire M e Dominique Launay (Fasken Martineau) Procureure de l’organisme
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