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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 06 07 59 Date : Le 6 septembre 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demanderesse c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière daccès à des renseignements personnels concernant une personne décédée, en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 10 mars 2006, la demanderesse, par son avocate, requiert de lorganisme copie de tout rapport rédigé par les membres de son service de police concernant des plaintes faites par feue M me [A. L.], entre 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur laccès.
06 07 59 Page : 2 le 5 septembre 1997 et le 12 mars 2002, concernant sa cliente et le conjoint de celle-ci. Elle explique que les rapports de police sont pertinents à un dossier judiciaire dont elle précise le numéro. [2] Le 24 mars 2006, lorganisme informe la demanderesse quil se prévaut du délai additionnel de dix jours prévu à larticle 47 de la Loi sur laccès afin de traiter sa demande et quelle devrait recevoir une réponse au plus tard le 12 avril 2006. [3] Le 2 mai 2006, la demanderesse formule une demande de révision à la Commission daccès à linformation (la Commission) alléguant que sa demande daccès est restée sans réponse. Elle réitère que les rapports demandés sont cruciaux pour un dossier judiciaire dont elle indique le numéro. [4] Le dossier de la Commission contient une lettre du 27 septembre 2006 le responsable de laccès aux documents du service de police de lorganisme informe la demanderesse quil ne peut donner suite à sa demande en vertu des articles 28 et 53 de la Loi sur laccès. Il ajoute que le 24 août 2006, une conseillère de lorganisme a communiqué avec un employé du bureau de lavocate de la demanderesse afin dobtenir des informations concernant ses clients et quelle na obtenu aucune information à la suite de cet appel. [5] Le dossier contient également une lettre du 6 mars 2007 lavocate de la demanderesse informe le responsable de laccès aux documents de lorganisme que la demanderesse a intenté des procédures judiciaires contre dautres personnes, [S. A.] et [F. L.], dans le cadre dune contestation du testament de feue M me [A. L.], que la qualité de sa cliente, à titre dhéritière de feue M me [A. L.], est en cause dans ce recours et que le dossier sera entendu par la Cour supérieure en février 2008. Elle précise que les droits de sa cliente à titre dhéritière étant remis en cause, il est primordial quelle obtienne le rapport afin de défendre adéquatement ses intérêts. AUDIENCE [6] Une audience est tenue à Montréal le 23 mai 2007.
06 07 59 Page : 3 PREUVE [7] Lavocat de lorganisme informe la Commission que les parties ont communiqué ensemble la veille de laudience et que le seul document en litige est un rapport de police que lorganisme refuse de communiquer à la demanderesse. [8] Lorganisme dépose un affidavit de M me Lyne Trudeau, policière au sein de son service de police, qui déclare notamment ce qui suit: […] 2. Jai effectué des recherches suite à la demande daccès de Madame [G. L.]. Il nexiste pas de rapport de police ou dévénement relatif à la demande de M me [L.]. 3. Le seul document que jai localisé concernant cette demande est le rapport dévénement 14-010622-004 joint en annexe. [9] La demanderesse informe la Commission quelle na pas dobjection à la production de laffidavit et quelle na aucune question à poser à M me Lyne Trudeau. [10] Lorganisme dépose sous pli confidentiel copie du rapport dévénement mentionné à laffidavit de M me Trudeau. [11] La demanderesse dépose copie de la requête introductive dinstance quelle a déposée à la Cour supérieure ainsi que des pièces communiquées au soutien de celle-ci : Requête introductive dinstance afin de déclarer un testament nul et non avenu et en dommages et intérêts (art. 707 et ss. C.c.Q.) Acte de décès de [A. L.] (P-1) Testament du 14 mars 1994 de [A. L.] (P-2) Mandat dinaptitude par lequel [A. L.] constitue la demanderesse son mandataire général, signé le 6 décembre 1995 (P-3)
06 07 59 Page : 4 Procès-verbal de la décision de la Cour supérieure, j. Grenier, entérinant, le 12 mars 2002, un consentement à la nomination du Curateur public tuteur aux biens de M me [A. L.] (P-4) Testament du 18 avril 2002 (P-5) Mises en demeure de la demanderesse aux défendeurs à la requête introductive dinstance (P-6) [12] La demanderesse dépose également copie de la défense et de certaines pièces communiquées par les défendeurs dans le dossier de la Cour supérieure : Défense et demande reconventionnelle en confirmation de testament (art. 709 C.c.Q.) Extrait de dossier médical de [A. L.] [13] Feue M me [A. L.] était la sœur de la demanderesse. Au moment de son décès, elle était sous la tutelle du curateur public (P-4). M me [A. L.] a fait deux testaments : lun, en 1994 (P-2), par lequel elle nomme la demanderesse légataire universelle, le second, en 2002 (P-5), par lequel elle nomme deux nièces et un neveu, légataires universels en lieu et place de la demanderesse. [14] La demanderesse a introduit une requête introductive dinstance, à la Cour supérieure, contre les nièces et le neveu de M me [A. L.] afin, notamment, de faire déclarer le second testament (P-5) nul en raison de lincapacité à tester de M me [A. L.] au moment de celui-ci. Il appert que, si ce second testament était annulé, le testament fait en 1994 serait valide et la demanderesse deviendrait alors légataire universelle de M me [A. L.]. [15] Dans leur défense, les nièces et le neveu de M me [A. L.] soutiennent non seulement que le second testament est valide, mais ils allèguent aussi que la demanderesse aurait « [...] harcelé, manipulé, volé et violenté feue M me [A. L.] ». [16] Le conjoint de la demanderesse témoigne que, pendant six ans, la demanderesse a géré les biens de M me [A. L.], conformément au mandat dinaptitude à cet effet (P-3). Il explique quen raison de son état de santé mentale, M me [A. L.] appelait souvent la police pour des riens. Il est même arrivé, à une occasion, que M me [A. L.] ait accusé, à tort, la demanderesse davoir gardé certaines sommes dargent devant lui être remises.
06 07 59 Page : 5 [17] La demanderesse confirme les propos de son conjoint. Elle conteste les accusations de violence portées contre elle, dans leur défense, par les nièces et le neveu de sa sœur. Elle désire obtenir le rapport dévénement en litige parce quelle veut savoir sur quoi se fondent ces derniers pour alléguer quelle a fait preuve de violence à lendroit de sa sœur M me [A.L.]. Une audience est prévue dans le dossier de la Cour supérieure en février 2008. ARGUMENTATION DE LORGANISME [18] Lorganisme allègue que le rapport en litige concerne la déclaration dune personne physique autre que la demanderesse. Il sagit dun renseignement confidentiel en vertu de la Loi sur laccès. Lorganisme refuse de communiquer à la demanderesse le rapport en litige en vertu des articles 28, 53 et 88.1 de la Loi sur laccès. En vertu de larticle 88.1 de la Loi sur laccès, la demanderesse doit démontrer un lien de connexité entre le document demandé et ses droits dhéritière. DE LA DEMANDERESSE [19] La demanderesse soutient que le document en litige contient des renseignements qui mettent en cause les intérêts de la demanderesse comme héritière de M me [A. L.]. Elle ajoute que, dans le présent dossier, il faut lire larticle 88.1 en conjonction avec larticle 621 du Code civil du Québec (C.c.Q.) qui énonce les actes qui rendent une personne indigne dhériter. Or, les nièces et le neveu de M me [A. L.] allèguent dans leur défense que la demanderesse a posé de tels gestes. ARGUMENTATION ÉCRITE [20] Lors de laudience, les parties conviennent de transmettre une argumentation à la Commission. Celle-ci reçoit largumentation écrite de la demanderesse le 28 mai 2007 et celle de lorganisme le 4 juin suivant. Le dossier est pris en délibéré à cette date. DÉCISION [21] La demanderesse désire obtenir un rapport dévénement concernant une plainte formulée au service de police de lorganisme par M me [A. L.]. Tel quil
06 07 59 Page : 6 appert du certificat de décès (P-1), cette dernière était décédée au moment de la demande daccès en litige. [22] Le droit daccès de la demanderesse est gouverné par larticle 88.1 de la Loi sur laccès qui prévoit une exception au caractère confidentiel des renseignements personnels 2 dune personne physique énoncé à larticle 53 de la Loi sur laccès. Larticle 88.1 de cette loi donne accès aux renseignements personnels dune personne décédée, dans la mesure ces renseignements mettent en cause les intérêts ou les droits dun demandeur en accès, à titre dadministrateur, de bénéficiaire, dhéritier ou de successeur dune personne décédée. [23] La Loi sur laccès énonce ce qui suit aux articles 53, 54 et 88.1 : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88.1 Un organisme public doit refuser de donner communication d'un renseignement nominatif à l'administrateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie, à l'héritier ou au successeur de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur. 2 Depuis ladoption et lentrée en vigueur, le 13 juin 2006, de plusieurs dispositions de la Loi modifiant la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et dautres dispositions législatives, L.Q. 2006, c. 22, la Loi sur laccès fait maintenant référence aux « renseignements personnels » en lieu et place des termes « renseignements nominatifs » jusqualors utilisés dans cette loi.
06 07 59 Page : 7 [24] La demanderesse soutient que la communication du rapport en litige met en cause ses droits à titre dhéritière de M me [A. L.]. [25] En effet, les nièces et le neveu de M me [A.L.] plaident, en défense à sa requête introductive dinstance en vue de faire déclarer le second testament de M me [A. L.] nul et non avenu, que la demanderesse aurait « harcelé, manipulé, volé et violenté » M me [A. L.]. Ils allèguent ainsi, de lavis de la demanderesse, un motif dindignité à succéder au sens de larticle 621 C.c.Q. qui énonce ce qui suit : 621. Peut être déclaré indigne de succéder : 1˚ Celui qui a exercé des sévices sur le défunt ou a eu autrement envers lui un comportement hautement répréhensible ; 2˚ Celui qui a recelé, altéré ou détruit de mauvaise foi le testament du défunt ; 3˚ Celui qui a gêné le testateur dans la rédaction, la modification ou la révocation de son testament. [26] Comme la soutenu lorganisme, seule la Cour supérieure a compétence pour déterminer si la demanderesse a posé des gestes de la nature de ceux qui rendent une personne indigne de succéder à M me [A. L.]. La Commission doit cependant décider si les documents requis par la demanderesse sont pertinents à ses droits ou ses intérêts à titre dhéritière, droits qui sont contestés par les défendeurs dans les procédures intentées par la demanderesse à la Cour supérieure. [27] Jai lu le rapport en litige et jestime quil est pertinent à la démonstration des droits de la demanderesse à titre dhéritière de M me [A.L.]. En effet, il mapparaît que le contenu de ce rapport en litige est en lien avec les allégations de violence, à lendroit de sa sœur, portées par les nièces et le neveu de M me [A. L.] contre la demanderesse. Je suis donc davis que la communication de ce rapport met en cause les droits et les intérêts de la demanderesse à titre dhéritière de M me [A. L.]. [28] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la demande révision et,
06 07 59 Page : 8 ORDONNE à lorganisme de communiquer à la demanderesse le rapport de police en litige. GUYLAINE HENRI Commissaire M e Alain Cardinal Directeur du Service des affaires juridiques (SPVM) Avocat de lorganisme MARIA R. BATTAGLIA, AVOCATS (M e Myriam Farag) Avocats de la demanderesse
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