Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 16 64 Date : Le 5 septembre 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demanderesse c. VILLE DE TROIS-RIVIÈRES Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 7 août 2006, la demanderesse transmet un courriel au responsable de l’accès de l’organisme dans le but de lui faire la demande suivante : « Suite à notre conversation téléphonique, je vous demande, par la présente, une copie du rapport de police concernant ma fille [S…E…D…], sa date de naissance est 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 16 64 Page : 2 le […]. Cette dernière, à l’âge de 5 ans, avait subi une agression à connotation sexuelle de la part d’un jeune garçon prénommé [D…]. […]. Le numéro de rapport à la sécurité publique est TRM050320021. » [2] Le 31 août 2006, le responsable de l’accès de l’organisme transmet une réponse à la demanderesse dans laquelle il lui fait état du refus de l’organisme de donner suite à sa demande, en s’appuyant sur les paragraphes 2 o et 5 o du premier alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès. [3] Le 10 septembre 2006, la demanderesse transmet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de la décision du responsable de l’accès de l’organisme. AUDIENCE [4] Une audience a eu lieu à Trois-Rivières, le 15 août 2007, en présence des parties. A) PREUVE i) De l’organisme [5] Le procureur de l’organisme dépose d’abord, sous le sceau de la confidentialité, une copie du rapport d’événement correspondant à la demande de la demanderesse. Le dépôt des documents confidentiels est autorisé par l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 2 qui prévoit : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [6] Le procureur indique par la suite qu’il s’agit du seul document détenu par l’organisme en rapport avec la demande de la demanderesse. Il explique ensuite le contexte dans lequel la présente demande est faite. Il indique à la Commission que l’enfant est âgé de 5 ans et fait l’objet d’une « garde partagée » entre l’ex-conjoint de la demanderesse et cette dernière. 2 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
06 16 64 Page : 3 [7] Le procureur ajoute que le service de la sécurité publique de l’organisme est intervenu dans la présente affaire, à la suite d’une plainte de la demanderesse qui a également porté plainte auprès de la Direction de la protection de la jeunesse. [8] Il maintient que l’organisme devait refuser de confirmer l’existence ou de donner communication de tous les renseignements détenus par le service de la sécurité publique, conformément aux paragraphes 2 o et 5 o de l’article 28 de la Loi sur l’accès qui prévoient : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement contenu dans un document qu’il détient dans l’exercice d’une fonction, prévue par la loi, de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois ou dans l’exercice d’une collaboration, à cette fin, avec une personne ou un organisme chargé d’une telle fonction, lorsque sa divulgation serait susceptible : […] 2° d'entraver une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture; […] 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; ii) De la demanderesse [9] La demanderesse a déposé une plainte au service de police de l’organisme concernant sa fille qui aurait subi une « agression à connotation sexuelle » par un garçon, alors qu’elle n’avait que 5 ans. Or, bien qu’elle soit l’auteure de la plainte, on lui refuse tout accès au dossier qui a été constitué par la suite. [10] En tant que mère de l’enfant, elle a fait cette plainte dans le but de protéger sa fille dans l’avenir. Elle dit n’avoir été avisée ni du déroulement, ni des résultats des démarches qui ont été faites par le service de police de l’organisme. Elle signale à la Commission que sa fille a été victime d’une récidive de la part de l’enfant qui l’avait apparemment agressée et soumet que si les autorités
06 16 64 Page : 4 concernées avaient agi en temps et lieu, cette récidive ne serait peut-être pas arrivée. [11] En réponse à des questions du soussigné, elle admet toutefois que depuis le signalement effectué auprès de la Direction de la protection de la jeunesse, cet organisme travaille avec elle et l’enfant pour atténuer les effets de ces événements malheureux. DÉCISION [12] Si l’on considère la plainte, la nature des gestes qui sont reprochés ainsi que l’âge de l’enfant, on peut aisément comprendre la demanderesse qui veut connaître les suites de sa plainte et les résultats, le cas échéant. [13] C’est d’ailleurs avec beaucoup d’empathie que le procureur de l’organisme a fait état, à l’audience, de la position de sa cliente qui refusait de communiquer le dossier demandé. [14] Le procureur a indiqué ne disposer d’aucune discrétion en vertu de la Loi sur l’accès qui pourrait lui permettre de divulguer des renseignements faisant partie du dossier. [15] Selon le procureur de l’organisme, le texte de l’article 28 de la Loi sur l’accès lui impose la position adoptée dans cette affaire : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement contenu dans un document qu’il détient dans l’exercice d’une fonction, prévue par la loi, de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois ou dans l’exercice d’une collaboration, à cette fin, avec une personne ou un organisme chargé d’une telle fonction, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1°d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions juridictionnelles; 2° d'entraver une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois;
06 16 64 Page : 5 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 7° de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; 8° de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. Il en est de même pour un organisme public, que le gouvernement peut désigner par règlement conformément aux normes qui y sont prévues, à l'égard d'un renseignement que cet organisme a obtenu par son service de sécurité interne, dans le cadre d'une enquête faite par ce service et ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, susceptibles d'être commis ou commis au sein de l'organisme par ses membres, ceux de son conseil d'administration ou de son personnel ou par ceux de ses agents ou mandataires, lorsque sa divulgation serait susceptible d'avoir l'un des effets mentionnés aux paragraphes 1° à 9° du premier alinéa. [16] L’article 28 est une disposition d’exception au principe de l’accès consacré à l’article 9 de la Loi sur l’accès qui prévoit : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [17] De plus, la demanderesse a le droit d’être informée, le cas échéant, de l’existence de renseignements la concernant. L’article 83 de la Loi sur l’accès consacre ce droit : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement personnel la concernant.
06 16 64 Page : 6 Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement personnel la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement personnel de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [18] Rappelons que le procureur de l’organisme a fait sa preuve dans la présente affaire en déposant copie, sous le sceau de la confidentialité, du rapport d’événement rédigé par le service de la sécurité publique. Aucun policier, agent, enquêteur, représentant du service de la sécurité publique n’a été entendu et n’a témoigné. [19] Aucune explication n’a été donnée sur les circonstances entourant la plainte, l’enquête ou le contenu du rapport d’événement. Aucune représentation particulière n’a été faite pour indiquer au soussigné les renseignements contenus dans ce rapport qui pouvaient être visés plus particulièrement par le paragraphe 2 o ou par le paragraphe 5 o du premier alinéa de l’article 28. a) La divulgation des renseignements contenus dans le rapport d’événement serait-elle susceptible d’entraver une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture ? [20] La plainte qui a donné lieu au rapport d’événement a été faite par la demanderesse le 20 mars 2005, suite à des révélations obtenues de sa fille alors âgée de 5 ans. [21] Sans révéler le contenu du rapport d’événement, précisons que les démarches effectuées par le service de la sécurité publique dans cette affaire se sont terminées il y a plus de deux ans. [22] C’est dire qu’à la date de la demande d’accès, le 7 août 2006, l’intervention du service de police était terminée depuis 16 mois et rien dans ce document ne permet de croire que l’enquête soit encore en cours ou qu’elle puisse être sujette à réouverture.
06 16 64 Page : 7 [23] Statuant dans une affaire où le demandeur voulait obtenir un rapport d’enquête suite à un incendie, le commissaire Iuticone 3 écrit : « La Commission est d’opinion que lorsque le dossier d’enquête est fermé, même sans porter d’accusation, l’enquête est terminée et est assujettie aux règles de la Loi sur l’accès. Si des faits nouveaux surgissent dans le futur, il y aura réouverture d’enquête et la Loi sur l’accès recevra encore son application. » [24] Après analyse, le soussigné en vient à la conclusion que le contenu du rapport d’événement, s’il devait être divulgué, ne serait pas susceptible d’entraver une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture. Le paragraphe 2 o du premier alinéa de l’article 28 ne trouve pas application dans la présente affaire. b) La divulgation des renseignements contenus dans le rapport d’événement serait-elle susceptible de causer un préjudice à une personne qui est l’auteure du renseignement ou qui en est l’objet ? [25] Le paragraphe 5 o du premier alinéa de l’article 28 impose à l’organisme de refuser de communiquer ces renseignements si leur divulgation devait avoir cet effet. La preuve de l’organisme n’a pas été différente sous cet aspect. [26] Le rapport d’événement et le témoignage de la demanderesse démontrent toutefois que la plainte portée est d’une nature très particulière et qu’elle vise en conséquence à élucider des faits qui sont tout aussi particuliers. [27] De plus, la demanderesse s’exprime ainsi dans sa demande de révision : « En regard des événements passés, je considère être de mon devoir de protéger ma fille et d’avoir accès à cette information dans ce but. Si jamais, je ne peux avoir ces renseignements, je tiendrai responsable votre commission des dommages et préjudices que ma fille pourrait subir advenant une autre agression. » [28] Malgré toute la sympathie que l’on peut avoir envers la demanderesse, le soussigné croit que la volonté exprimée par cette dernière de « protéger sa fille » pourrait éventuellement donner lieu à des démarches susceptibles de causer un préjudice à d’autres personnes, si l’ensemble du rapport lui était communiqué. 3 Therrien c. Ministère de la Sécurité publique, [2000] C.A.I. 340; voir au même effet Bouchard c. Bureau du commissaire des incendies, C.A.I. Québec, n o 01 07 01, 15 août 2002, c. Boissinot; Bouchard c. Ministère de la Sécurité publique, [2003] C.A.I. 35
06 16 64 Page : 8 [29] Or, si la divulgation de certains renseignements est susceptible de causer un préjudice à une personne, il n’est pas besoin d’avoir une certitude de ce préjudice pour conclure à l’application du paragraphe 5 o de l’article 28 4 . [30] Après examen du contenu, le soussigné en arrive à la conclusion que les six dernières pages du rapport d’événement ne devraient pas être communiquées à la demanderesse puisqu’elles comportent des renseignements dont la divulgation pourrait causer un préjudice aux personnes qui en sont l’auteur ou l’objet. L’organisme avait le devoir d’en refuser l’accès. [31] Qui plus est, les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès consacrent le caractère « confidentiel » des renseignements personnels contenus dans un document : 53. Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu par un organisme public dans l’exercice d’une fonction juridictionelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [32] Les quatre premières pages du rapport d’événement concernent exclusivement la demanderesse, sa fille et son fils. On y dresse le compte rendu des rencontres avec la demanderesse, sa fille et son jeune frère, rencontres auxquelles assistait la demanderesse. Il n’y a dans ces pages aucun renseignement qui ne soit déjà à la connaissance de la demanderesse. Elle a le droit de recevoir communication de ces pages en vertu de l’article 83 et du paragraphe 1 o de l’article 53 de la Loi sur l’accès. 4 Rodier c. Communauté urbaine de Montréal, [1988] C.A.I. 1.
06 16 64 Page : 9 [33] Toutefois, les renseignements contenus dans la section « C » de la première page et le dernier paragraphe de la quatrième page du rapport d’événement rédigé par Annie LeBlanc contiennent des renseignements relatifs à des tiers. Ces extraits devraient être masqués. [34] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [35] ACCUEILLE en partie la demande de révision de la demanderesse; [36] ORDONNE à l’organisme de communiquer, dans les 30 jours de la date de la réception de la présente décision, les quatre premières pages du rapport d’événement dont le numéro de dossier est TRM050320021 rédigé par Annie LeBlanc; sauf en ce qui concerne la section « C » de la première page et les trois dernières lignes de texte dans le haut de la quatrième page; [37] REJETTE la demande de révision quant au reste. JEAN CHARTIER Commissaire M e Gilles Poulin Avocat de l’organisme
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