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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 06 08 23 Date : Le 20 août 2007 Commissaire : M e Jean Chartier M B Demanderesse c. MINISTÈRE DE LEMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 30 septembre 2005, la demanderesse transmet à lorganisme une demande daccès se lisant comme suit : « À qui de droit, jaimerais recevoir une copie complète de mon dossier du début jusquà maintenant ». 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
06 08 23 Page : 2 [2] Le 7 novembre 2005, lorganisme transmet à la demanderesse une copie de son dossier accompagné de la note suivante : « Vous trouverez ci-joint, copie de ce dossier. Par ailleurs, en raison de leur caractère confidentiel, certains documents ne vous sont pas transmis et quelques phrases ont été masquées. » [3] Le 14 novembre 2005, la demanderesse demande la révision de cette décision auprès de la responsable ministérielle de laccès aux documents de lorganisme. [4] Le 22 décembre 2005, la responsable ministérielle de laccès aux documents, madame Pierrette Brie, maintient le refus déjà exprimé par lorganisme tout en soulignant à la demanderesse que ce refus est motivé par le fait « que la communication des documents révélerait des renseignements personnels sur dautres personnes, et ce, sans leur consentement ». [5] Le 5 janvier 2006, la demanderesse écrit de nouveau à lorganisme dans le but de préciser quelle recherche particulièrement la divulgation des informations relatives aux dénonciations dont elle a fait lobjet auprès de lorganisme en 1982. [6] Le 16 février 2006, la responsable de laccès de lorganisme transmet une lettre à la demanderesse dans laquelle elle maintient le refus de lorganisme de révéler le contenu et lidentité des auteurs de deux dénonciations faites à lencontre de cette dernière. [7] Le 22 mars 2006, la demanderesse demande de nouveau à lorganisme de lui communiquer les informations réclamées. [8] Le 23 mars 2006, lorganisme maintient le refus et avise la demanderesse de ses droits. [9] Le 5 mai 2006, la demanderesse transmet à la Commission daccès à linformation (la Commission) une demande de révision de cette décision. AUDIENCE [10] Une audience est tenue à Montréal le 12 juillet 2007 en présence des parties.
06 08 23 Page : 3 A) Preuve de lorganisme [11] Monsieur Shadi Wazen est appelé à témoigner. Ce dernier est conseiller auprès de la responsable de laccès de lorganisme. Il explique que sa tâche consiste à recevoir les demandes daccès faites à lorganisme, à les acheminer auprès des responsables sectoriels, à recevoir et analyser les documents pour enfin les soumettre à la responsable ministérielle de laccès. [12] Il explique être au courant du dossier de la demanderesse. Il ajoute que les renseignements dont laccès a été refusé à la demanderesse concernaient des tiers qui nont pas donné leur consentement à la communication de tels renseignements. [13] Il précise que lune de ces personnes était lancien conjoint de la demanderesse. La demanderesse a obtenu le consentement de ce dernier et en conséquence les renseignements qui le concernaient lui ont été transmis. [14] Il ajoute que seuls deux documents sont encore en litige. Il sagit de deux dénonciations anonymes qui ont été déposées confidentiellement au dossier de la demanderesse. [15] Le témoin dépose à la Commission, sous le sceau de la confidentialité, ces deux documents tel que le permet larticle 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission daccès à linformation 2 qui stipule : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [16] Selon le témoin, laccès à ces deux documents a été refusé à la demanderesse puisque, selon toute probabilité, ils pourraient identifier les personnes à lorigine de ces documents. [17] Par la suite, le témoin est contre-interrogé par la demanderesse. Elle lui demande pourquoi on lui a refusé la communication de ces deux documents sil sagit de deux plaintes non signées. 2 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
06 08 23 Page : 4 [18] Selon le témoin, les dénonciations qui remontent à 1982 contiennent des détails relatifs à la situation de la demanderesse qui permettraient à cette dernière den identifier les auteurs. B) Preuve de la demanderesse [19] La demanderesse témoigne et explique quen 1982, elle a fait lobjet dune demande de remboursement de prestations de la part de lorganisme. Elle a appris que deux dénonciations provenant de membres de sa famille avaient été déposées à son dossier et avaient entraîné des vérifications de la part de lorganisme. Depuis 1982, elle rembourse les sommes dues. [20] Vingt-cinq ans plus tard, la demanderesse invoque lécoulement du temps et labsence de tout désir de vengeance pour obtenir les renseignements demandés. Elle déclare quelle veut simplement tourner la page et mettre un point final à toute cette histoire. Or, pour ce faire, elle prétend quil lui est essentiel de connaître les dénonciateurs qui sont à lorigine de la réclamation de lorganisme. C) Prétentions de lorganisme [21] La procureure de lorganisme explique que le refus de communiquer les deux documents déposés sous le sceau de la confidentialité est basé sur larticle 88 de la Loi sur laccès : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. (Tel quil se lisait en septembre 2005, date de la demande daccès.) [22] Bien quelle ne nie pas que la demanderesse ait le droit de recevoir lensemble du dossier la concernant, la procureure indique que le droit de la demanderesse dêtre informée de tous les renseignements la concernant comporte toutefois une limitation énoncée à larticle 88 précité.
06 08 23 Page : 5 [23] Elle soutient que lorganisme doit refuser de donner communication des deux documents concernant la demanderesse puisque la divulgation de ces documents révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant dautres personnes physiques qui nont pas consenti à cette divulgation. Elle ajoute que même si lorganisme ne connaît pas les signataires des dénonciations, elle considère que les détails qui y sont contenus permettraient à la demanderesse den connaître lidentité. Or, il sagit précisément du genre de renseignements que protège larticle 88 de la Loi sur laccès. De plus, ce nest pas à lorganisme de tenter dobtenir le consentement de ces personnes, surtout dans la situation actuelle lorganisme ne connaît pas lidentité des signataires. DÉCISION [24] Lors de sa première demande à lorganisme, la demanderesse réclamait « une copie de son dossier ». La correspondance entre les parties permet de constater que lorganisme a donné suite à sa demande. Le droit de la demanderesse est constaté aux articles 1 et 83 de la Loi sur laccès qui stipulent : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. (Tels quils se lisaient en septembre 2005, date de la demande daccès.)
06 08 23 Page : 6 [25] Toutefois, il faut bien le reconnaître, le droit daccès de la demanderesse nest pas absolu et se limite aux renseignements qui la concernent personnellement. En effet, larticle 88 de la Loi sur laccès précité exclut la communication à une personne des renseignements concernant une autre personne physique, à moins que cette dernière ny consente par écrit. [26] La demanderesse nignore pas ce principe puisquen décembre 2005, elle a sollicité et obtenu le consentement de son ancien conjoint. En labsence de consentement des personnes concernées par les renseignements contenus au dossier dun organisme, la règle imposée par la Loi sur laccès est la confidentialité de ces renseignements. [27] Dans une affaire semblable on réclamait lidentité dune personne qui avait déposé une dénonciation auprès dun organisme public, la commissaire Boissinot écrit 3 : « […] La loi sadresse aux organismes publics et non aux citoyens. Elle vise, et cétait lintention du législateur, à obliger chaque organisme, par son responsable, à respecter le droit fondamental à la vie privée des personnes physiques au sujet desquelles il détient des renseignements personnels ou nominatifs. » [28] Lorganisme a néanmoins accepté de révéler à la demanderesse que deux dénonciations apparaissaient à son dossier. [29] Le soussigné a pris connaissance des deux dénonciations. Bien quelles soient anonymes, elles comportent des renseignements qui permettraient probablement à la demanderesse didentifier leur auteur. [30] Même dans le cas dune plainte anonyme, la Commission a maintenu cette position et déterminé que les renseignements ne devaient pas être communiqués. Dans Vallières c. Centre de santé des Etchemins 4 , le commissaire Laporte écrit : « Les parties confirment à la Commission daccès à linformation (la « Commission ») que le seul document demeurant en litige est laccessibilité ou non dune plainte anonyme datée du 23 décembre 2002. Le document dune page est remis à la Commission sous pli confidentiel. 3 Nadeau Boyle c. Société de lassurance automobile du Québec, [2002] C.A.I. 268. 4 [2005] C.A.I. 14.
06 08 23 Page : 7 […] La Commission a examiné attentivement le document en litige. Bien que le nom de la personne plaignante ne soit pas nommément identifié, le signalement évoqué au document en litige, la preuve et le contexte propre dune ressource de type familial me convainquent que la communication de la plainte révélerait vraisemblablement à la demanderesse un renseignement au sujet dune autre personne physique visée par larticle 88 de la Loi. » [31] Quelles que soient les intentions et les motivations de la demanderesse, le législateur a imposé une limite que la Commission doit respecter. Après avoir pris connaissance des deux documents déposés sous le sceau de la confidentialité, le soussigné considère que leur contenu permettrait probablement à la demanderesse didentifier les auteurs de ces dénonciations. [32] En cette matière, les décisions rendues par la Commission sont toutes au même effet et protègent cette catégorie de renseignement. [33] Il est vrai que le soussigné na pas la certitude absolue que la demanderesse pourrait identifier le dénonciateur. Toutefois, larticle 88 de la Loi sur laccès indique que lorganisme a lobligation de refuser de donner communication dun renseignement nominatif lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique. [34] À cet effet, le soussigné fait siens les propos suivants du commissaire Comeau dans laffaire Hébert c. Régie de lassurance maladie du Québec 5 : « Une lecture attentive du document en litige mamène à conclure que sa communication révélerait vraisemblablement au demandeur lidentité de son auteur. Or, lidentité de lauteur dune plainte est un renseignement nominatif par rapport à cette personne. La jurisprudence constante de la Commission, telle que citée par la Régie, ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Sans doute, le document en litige concerne-t-il au premier chef le demandeur. Mais son caractère manuscrit pourrait permettre au demandeur didentifier son auteur. À première vue, il peut sembler difficile didentifier une personne par sa simple écriture mais le contenu de la 5 [1994] C.A.I. 136.
06 08 23 Page : 8 dénonciation pourrait fournir au demandeur des indices précis lui permettant didentifier lauteur. En effet, la dénonciation, permet de constater que lauteur connaît passablement bien le demandeur et ses activités. » [35] En conséquence, la décision de lorganisme de refuser la communication de ces deux documents était bien fondée. [36] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [37] REJETTE la demande de révision de la demanderesse. JEAN CHARTIER Commissaire M e Stéphanie Gauvin Procureure de lorganisme
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