Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 00 71 Date : Le 14 août 2007 Commissaire : M e Christiane Constant SOCIÉTÉ DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC Organisme c. X Demandeur DÉCISION LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
05 00 71 Page : 2 [1] Le 21 décembre 2004, le demandeur s’adresse en ces termes à la Société de l’assurance automobile du Québec (l’Organisme) : […] je désire recevoir copie de tout courriel, de toute correspondance et de tout autre document dans lesquels on trouverait des commentaires sur moi, sur des dossiers qui m’ont été assignés en révision, sur des questions touchant ou susceptibles de toucher mon dossier personnel et/ou disciplinaire, ainsi que tout aspect de ma prestation au travail [au sein de l’Organisme] depuis mon entrée en fonction en décembre 1994, incluant tout document, statistique ou autre, établissant ou comparant la prestation de travail des réviseurs entre eux. Enfin, je demande copie de tout document de la Société depuis 1994, concernant la fonction de révision du régime d’assurance automobile, notamment relatifs aux modifications législatives et réglementaires effectuées à l’époque, en rapport avec la Loi sur la justice administrative, et ceux concernant la commission parlementaire sur les institutions ayant eu lieu dans au (sic) sujet du Projet de loi 35 sur la réforme de la justice administrative (dont la position de la Société transmise au ministre des transports). [2] Le 17 janvier 2005, M e Claude Gélinas, responsable de l’accès à l’information au sein de l’Organisme, transmet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande afin d’être autorisée à ne pas tenir compte de la demande, selon les termes de l’article 126 de la Loi sur l’accès, au motif qu’elle serait abusive. L’AUDIENCE [3] Sur requête du demandeur, l’audience de la présente cause a été reportée par la Commission pour se tenir finalement le 29 mai 2007. L’Organisme est représenté par M e Annie Rousseau et le demandeur est absent de cette audience. Celui-ci n’a pas cru nécessaire de communiquer avec le personnel de la Commission ou de l’Organisme afin de lui faire connaître son intention de ne pas s’y présenter.
05 00 71 Page : 3 LA PREUVE RELATIVEMENT À L’ARTICLE 137.1 DE LA LOI SUR L’ACCÈS, ANCIENNEMENT L’ARTICLE 126. DE L’ORGANISME Témoignage de M e Diane Lemire [4] Interrogée par M e Rousseau, M e Lemire déclare qu’elle est avocate et exerce ses fonctions au sein du Service juridique de l’Organisme. Elle traite toutes les demandes d’accès touchant des renseignements «sensibles». Elle s’occupe de plus de tous les dossiers relatifs aux successions. [5] M e Lemire souligne que, lorsqu’elle reçoit une demande d’accès, elle identifie le secteur visé par la demande et fait parvenir une lettre à la personne faisant le repérage des documents visés dans ce secteur. Celle-ci lui transmet les documents, le cas échéant. Elle en fait une copie, les examine et à l’occasion, elle s’adresse au responsable de l’accès afin de vérifier l’application ou non de lois concernant cette demande d’accès. Elle procède à l’élagage de renseignements confidentiels et examine la jurisprudence pour ce cas particulier. Elle soumet par la suite au responsable de l’accès aux documents un projet de lettre pour réponse à la demande d’accès. Elle émet également des opinions juridiques à la vice-présidente de l’Organisme, fait de la formation aux employés et répond quotidiennement aux questions et interventions qui lui sont soumises au sein de cet Organisme. [6] M e Lemire indique que, dans le secteur d’accès, l’Organisme a un employé travaillant à demi-temps, un autre qui lui vient en aide au besoin et elle-même qui traite des demandes d’accès, et ce, outre ses tâches habituelles. [7] Elle ajoute que l’Organisme traite annuellement plusieurs centaines de demandes d’accès. En effet, pour l’année 2006, il en a traité 567, comparativement à 694 au cours de l’année 2005, tel qu’il appert d’un extrait de rapports annuels de gestion de l’Organisme (pièce R-1). [8] Elle signale que, faisant suite à sa demande originale du 21 décembre 2004, le demandeur a formulé six autres demandes d’accès auprès de l’Organisme, tel qu’il appert d’une liste de demandes d’accès préparée aux fins de la présente audience (pièce R-2). Ces dernières représentent des sous-ensembles de la demande originale du 21 décembre 2004. L’Organisme a fait parvenir une réponse au demandeur (pièces R-3 et R-4 en liasse), à l’exception de la demande datée du 6 mai 2005, l’archiviste n’ayant pu la retracer. Le
05 00 71 Page : 4 traitement de ces sous-ensembles a nécessité quatre mois et onze jours de travail. [9] Selon M e Lemire, considérant notamment, le nombre de documents visés par la demande datée du 21 décembre 2004, le nombre de personnes pouvant lui vernir en aide dans le traitement de cette demande et sa charge de travail, elle serait incapable de répondre à la demande dans le délai légal de vingt ou de trente jours prévu à la Loi sur l’accès. ARGUMENTS [10] M e Rousseau plaide que l’Organisme s’est adressé à la Commission afin d’être autorisé à ne pas tenir compte de la demande d’accès formulée par le demandeur le 21 décembre 2004, celle-ci étant abusive au sens de l’article 137.1 de la Loi sur l’accès. [11] À cet effet, elle réfère aux commentaires émis par les auteurs Doray Charrette 2 au moment où l’article 126 de la Loi sur l’accès était en vigueur, soit au moment de la demande. Elle cite notamment : […] il est évident et indiscutable que la demande est abusive soit par le nombre de documents demandés, soit par le caractère systématique ou répétitif des demandes adressées à l’organisme par le même demandeur. Pour apprécier le caractère manifestement abusif d’une demande, la Commission tient principalement compte du fait que l’article 47 de la Loi sur l’accès accorde un délai de vingt jours à l’organisme public pour répondre à la demande ainsi que la possibilité de prolonger ce délai de 10 jours supplémentaires. La taille de l’organisme et les moyens à sa disposition pour traiter la demande d’accès sont aussi pris en considération dans plusieurs décisions de la Commission. […] En règle générale, les demandes d’accès portant sur des centaines, voire des milliers, de documents à la fois ont été jugées abusives au sens de l’article 126, cette disposition ayant pour but d’éviter qu’un organisme se trouve inondé de demandes auxquelles il ne peut répondre dans le délai prévu par la loi. 2 Raymond DORAY et François CHARRETTE, Accès à l’information, Loi annotée, Jurisprudence, Analyse et commentaires, Volume 1, Éditions Yvon Blais, Mise à jour 3 – 10 septembre 2003, F. VII/168-2.
05 00 71 Page : 5 [12] M e Rousseau soumet, par la suite, une analyse de la jurisprudence 3 relativement à l’article 126 de la Loi sur l’accès. Elle fait ressortir les critères élaborés par la Commission pour voir à l’application de cet article avant 1991. Un organisme avait alors le fardeau de preuve de démontrer que répondre à une demande d’accès serait susceptible de « gêner sérieusement le déroulement normal de l’organisme, ce qui constitue un mélange de tous les critères, il a de bonnes chances de succès. » [13] Elle fait toutefois remarquer que, dans l’affaire Ville de Montréal c. Winters 4 , la Cour du Québec a infirmé le courant jurisprudentiel jusqu’alors établi par la Commission, précisant que ce critère « de paralysie » pour voir à l’application de l’article 126 de la Loi sur l’accès était trop sévère. Dans cette affaire, M. Winters visait l’accès à des milliers de documents. Elle signale néanmoins que, dans l’affaire Municipalité de Vassan c. Comité de citoyens de Vassan 5 , la Commission a autorisé cette dernière à ne pas tenir compte d’une demande qui visait l’accès à 220 documents. [14] M e Rousseau signale par ailleurs que, dans la décision ministère des Transports c. M e Roderic McLauchlin 6 , la Commission précise, entre autres, que : Le témoignage de M. Perron et le preuve documentaire déposée, en liasse, sous la cote 0-1 démontrent que l’organisme ne peut, malgré sa taille, répondre, rigoureusement et dans les délais impartis par la loi, à la demande d’accès qui vise des centaines de documents et qui met en cause, de surcroît, l’analyse de dispositions d’application complexe. [15] M e Rousseau plaide que, dans le présent cas, la demande d’accès datée du 21 décembre 2004, formulée par le demandeur, est abusive par le nombre de documents recherchés, le nombre de personnes ayant une expérience dans le domaine de l’accès aux documents pour traiter cette demande, l’examen qui doit en être fait et l’impossibilité pour l’Organisme d’y donner suite dans le délai légal de vingt et de dix jours additionnels, tel que prescrit à la Loi sur l’accès. 3 Annie ROUSSEAU, Les demandes d’accès abusives : le recours en vertu del’article 126 de la Loi sur l’accès, Développements récents en droit de l’éducation (1997), Éditions Yvon Blais, p. 10. 4 [1991] C.A.I. 359. 5 [2001] C.A.I. 475. 6 [2000] C.A.I. 7, 12.
05 00 71 Page : 6 [16] À cet égard, M e Rousseau réfère au témoignage de M e Lemire selon lequel il a fallu quatre mois et onze jours pour traiter les sous-ensembles (pièce R-2) de la demande originale datée du 21 décembre 2004. Elle fait remarquer que, même si M e Lemire avait mis de côté les autres demandes d’accès pour traiter celle du demandeur, elle n’aurait pas pu soumettre au responsable de l’accès un projet de décision pour signature et celui-ci n’aurait pas, non plus, pu faire parvenir au demandeur les documents demandés dans le délai légal prescrit à la Loi sur l’accès. [17] Conséquemment, M e Rousseau demande à la Commission que l’Organisme soit autorisé à ne pas tenir compte de la demande selon les termes de l’article 137.1 de la Loi sur l’accès (anciennement article 126). DÉCISION [18] La requérante demande à la Commission le 17 janvier 2005 l’autorisation à ne pas tenir compte de la demande d’accès formulée par le demandeur le 21 décembre 2004, en raison de son caractère abusif de par le nombre de documents visés et l’ampleur de la demande, conformément à l’article 126 de la Loi sur l’accès qui se lisait alors comme suit : 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les pouvoirs que le présent article confère à la Commission. [19] Cet article a été abrogé au moment de l’adoption du Projet de loi 86 au mois de juin 2006. Dès lors, le nouvel article 137.1 de la Loi sur l’accès stipule : 137.1. La Commission peut autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique ou d'une demande dont le traitement serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de l'organisme.
05 00 71 Page : 7 Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. [20] Le demandeur cherche à obtenir auprès de l’Organisme des documents détenus par celui-ci depuis son entrée en fonction en 1994. Il y a lieu de reproduire ici cette demande d’accès : […] je désire recevoir copie de tout courriel, de toute correspondance et de tout autre document dans lesquels on trouverait des commentaires sur moi, sur des dossiers qui m’ont été assignés en révision, sur des questions touchant ou susceptibles de toucher mon dossier personnel et/ou disciplinaire, ainsi que tout aspect de ma prestation au travail [au sein de l’Organisme] depuis mon entrée en fonction en décembre 1994, incluant tout document, statistique ou autre, établissant ou comparant la prestation de travail des réviseurs entre eux. Enfin, je demande copie de tout document de la Société depuis 1994, concernant la fonction de révision du régime d’assurance automobile, notamment relatifs aux modifications législatives et réglementaires à l’époque, en rapport avec la Loi sur la justice administrative, et ceux concernant la commission parlementaire sur les institutions ayant eu lieu dans au(sic) sujet du Projet de loi 35 sur la réforme de la justice administrative (dont la position de la Société transmise au ministre des transports). [21] Le demandeur cherche à obtenir des documents le concernant au sens de l’article 83 de la Loi sur l’accès. Un autre volet de sa demande est visé par l’article 9 de cette loi, lorsqu’il cherche, notamment, à obtenir ceux concernant «la fonction de révision du régime d’assurance automobile […]» : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. […]
05 00 71 Page : 8 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [22] La preuve démontre que la demande est gigantesque par le nombre de documents recherchés par le demandeur. Les impacts sur le personnel de l’Organisme à traiter cette demande sont majeurs, notamment en termes de temps. [23] Comme l’a mentionné le commissaire Chartier, citant une décision rendue dans l’affaire Bureau du coroner c. Bayle 7 : Il demeure donc que l’examen de la documentation requise devrait être fait par le personnel compétent de la requérante et le soussigné est convaincu qu’une si lourde tâche ne peut être effectuée dans le délai prescrit par la Loi sur l’accès sans nuire aux activités de l’Organisme. [24] La preuve démontre de plus que, même si M e Lemire mettait de côté les autres demandes d’accès pour se consacrer uniquement à celle du demandeur, elle n’aurait pas pu respecter le délai de légal de vingt jours et dix jours additionnels prescrit à la Loi sur l’accès. Les autres activités de l’Organisme seraient conséquemment affectées. La demande est donc manifestement abusive au sens de l’article 137.1 de la Loi sur l’accès. [25] De plus, l’examen de la demande d’accès, à sa face même, démontre qu’elle est englobante, vague et imprécise. 7 [1995] C.A.I. 214.
05 00 71 Page : 9 [26] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la requête de l’Organisme de ne pas tenir compte de la demande d’accès du demandeur datée du 21 décembre 2004; AUTORISE conséquemment l’Organisme à ne pas tenir compte de cette demande; CONSTATE par ailleurs l’absence non motivée du demandeur à l’audience; FERME le dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Annie Rousseau Procureure de l’Organisme
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