Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 03 58 Date : Le 6 août 2007 Commissaire : M e Christiane Constant W Demanderesse c. BUREAU DU CORONER Organisme DÉCISION LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 27 janvier 2006, la demanderesse s’adresse en ces termes à M. Jean-Claude Fortier, responsable de l’accès à l’information au Bureau du coroner (l’Organisme) : 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
06 03 58 Page : 2 […] je désire obtenir une copie de tous les documents notamment du questionnaire, des formulaires, des notes manuscrites et copie des documents utilisés, annotés et remplis par les employés ou autorités du bureau du coroner et les différents membres du comité de sélection avant, pendant et après mon entrevue devant le comité de sélection. Je désire obtenir les résultats que j’ai obtenus aux différentes étapes du concours ainsi que la note finale que j’ai obtenue accompagnée de tous les documents qui ont servi à juger ma performance. De plus, je désire obtenir une copie du texte qu’on m’a demandé d’écrire avant l’entrevue avec toutes les corrections et les annotations y afférentes. Mon texte portait sur les variations climatiques. [2] Le 1 er février 2006, M. Fortier transmet à la demanderesse un accusé de réception et le 15 février suivant, il lui transmet copie du texte qu’elle aurait rédigé lors du concours relatif au poste de « coroner investigateur permanent CIP-101 ». Il refuse cependant de lui faire parvenir les renseignements contenus dans les autres documents, aux motifs que ceux-ci seraient utilisés ultérieurement en tout ou en partie par l’Organisme, dans le cadre d’autres concours. Il invoque comme motifs les articles 40 et 87 de la Loi sur l’accès. [3] Insatisfaite, la demanderesse sollicite, le 27 février 2006, l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la Commission) afin que soit révisée la décision de l’Organisme. L’AUDIENCE [4] L’audience de la présente cause se tient, le 28 mai 2007, à Montréal en présence de la demanderesse et de M e Sophie Primeau, du cabinet d’avocats Bernard Roy (Justice-Québec), procureure de l’Organisme. Mise en contexte [5] M e Primeau indique à la Commission qu’un comité de sélection de trois membres a été créé dans le cadre d’un concours conformément au Règlement sur les critères et procédures de sélection des personnes aptes à être nommées coroners 2 (le règlement). Au moment de l’entrevue de la demanderesse, le comité de sélection avait notamment en sa possession son curriculum vitae en trois exemplaires et les documents en litige. Il l’a informée verbalement que le nombre de candidats sélectionnés est au nombre de 54. 2 [1985] 117 G.O. II, 6061.
06 03 58 Page : 3 [6] M e Primeau précise toutefois qu’à la suite du concours, deux candidatures ont été jugées aptes à être nommées coroner permanent et le comité de sélection a formulé une recommandation au ministère de la Sécurité publique. [7] M e Primeau souligne qu’aux fins de la présente cause, les documents demeurant en litige sont : le Guide d’entrevue coroner investigateur permanent en trois exemplaires, deux textes identiques d’une mise en situation comportant un questionnaire auquel les candidats, incluant la demanderesse, sont appelés à émettre des commentaires. Un autre questionnaire à partir duquel ils doivent répondre aux questions en y cochant « Vrai ou Faux ». LA PREUVE DE L’ORGANISME Témoignage de M e Pierrre Morin [8] Interrogé par M e Primeau, M e Morin affirme qu’il est coroner depuis le 19 mars 1990, mais responsable de l’accès au sein de l’Organisme depuis le 14 septembre 2006, en remplacement de M. Fortier. [9] M e Morin précise qu’il a examiné la demande d’accès formulée par la demanderesse, la réponse de l’Organisme et les documents en litige. Ces derniers sont constitués des documents décrits par M e Primeau au paragraphe 7 de la présente décision. [10] De plus, il signale qu’à la suite du concours auquel participait la demanderesse, le comité de sélection a formulé une recommandation au ministre de la Sécurité publique. L’Organisme refuse de lui communiquer ce renseignement, celui-ci étant protégé par l’article 37 de la Loi sur l’accès. Il ajoute que les documents en litige sont susceptibles d’être réutilisés par l’Organisme dans le cadre d’autres concours, d’où le motif pour lequel il refuse de les transmettre à la demanderesse, invoquant à cet effet l’article 40 de cette loi. Témoignage de D re Louise Nolet [11] Interrogée par M e Primeau, D re Nolet déclare qu’elle est coroner en chef adjoint, section Est et coroner en chef par intérim, en remplacement du coroner en chef. Elle exerçait ces fonctions au moment du concours « CIP-101 » et souligne qu’il existe 80 coroners au Québec, treize sont à temps plein, les autres à temps partiel.
06 03 58 Page : 4 [12] D re Nolet indique qu’au mois d’avril 2005, le coroner en chef l’a informé de sa décision d’ouvrir un concours en vertu du règlement précité. Ce concours a été publié le 16 avril 2005 dans le journal La Presse. Un comité de sélection de trois membres a été créé. Il était composé d’un représentant du public, du coroner en chef adjoint et d’une personne nommée par le ministre de la Sécurité publique. D re Nolet présidait ce comité. [13] Elle ajoute que le coordonnateur du concours a communiqué avec tous les candidats pour y fixer un rendez-vous, à l’exclusion de ceux qui se sont désistés au cours du processus. Au moment de l’entrevue, le candidat est interviewé par le comité de trois examinateurs qu’elle présidait. Un exemplaire du guide d’entrevue, une trentaine de questions sur des sujets variés et deux sujets à développement sont remis à ce candidat. Celui-ci choisit son sujet. Dans le présent cas, la demanderesse, qui participait au concours, a choisi celui traitant des « variations climatiques ». [14] D re Nolet explique le déroulement de l’entrevue comme suit : les examinateurs questionnent le candidat et inscrivent à l’endroit approprié un résumé des réponses de celui-ci. Après l’entrevue, les examinateurs vérifient les réponses du candidat, ils émettent un pointage et apposent leurs initiales sur les documents en leur possession. [15] Elle précise par ailleurs qu’elle a examiné le guide d’entrevue, l’un des documents en litige, celui-ci ayant été utilisé par l’Organisme lors de concours antérieurs. Elle a participé à la rédaction de ce document. [16] Elle souligne que, par la suite, les membres du comité font parvenir au ministre de la Sécurité publique une lettre comportant notamment leurs signatures, les noms des candidats rencontrés en entrevue, ceux qui sont jugés aptes à être nommés coroners permanents. De plus, ils soumettent au ministre une recommandation à l’égard de ceux-ci. [17] Elle signale que le 15 février 2006 et en février 2007, elle a utilisé le guide d’entrevue, sous forme de questions, à l’exclusion de deux questions et en y faisant les adaptations nécessaires. Un questionnaire nécessitant des réponses « vrai ou faux » a été également réutilisé par l’Organisme dans le cadre d’autres concours. De plus, quatorze autres concours « demeurent ouverts » au bureau de l’Organisme pour combler des postes de coroners à temps partiel, d’où les motifs pour lesquels il refuse de transmettre à la demanderesse les documents en litige.
06 03 58 Page : 5 Contre-interrogatoire de D re Nolet [18] La demanderesse exhibe à la D re Nolet une lettre datée du 12 mai 2005 que lui adressait Louise Gosselin, coordonnatrice du recrutement des coroners (pièce D-1). D re Nolet indique que cette lettre démontre que le dossier de candidature de la demanderesse satisfait aux exigences de l’article 8 du règlement (pièce O-1). [19] D re Nolet ajoute que vers le mois de février ou mars 2007, elle s’est servie de plusieurs questions du guide. Elle fait remarquer que le résultat de l’entrevue de la demanderesse a démontré que celle-ci ne rencontrait pas les aptitudes nécessaires pour occuper le poste de coroner. ARGUMENTS DE L’ORGANISME [20] M e Primeau argue que l’article 40 de la Loi sur l’accès nécessite deux conditions pour voir à son application. L’Organisme doit démontrer a) que le document fait partie d’une épreuve qui soit destinée à l’évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de l’expérience d’une personne, et b) jusqu’au terme de l’utilisation de cette épreuve, conformément à l’affaire Office des ressources humaines c. Matakias 3 . L’article 40 de la Loi sur l’accès doit être lu avec l’article 87 de cette loi. La 1 re condition [21] M e Primeau réfère au témoignage de D re Nolet selon lequel le guide d’entrevue contient des questions posées aux candidats, incluant la demanderesse par les membres du comité de sélection, et les réponses qu’ils ont fournies. La demanderesse a de plus procédé à une composition écrite. Elle devait répondre par « vrai ou faux » aux questions inscrites dans un questionnaire. La 1re condition est satisfaite par l’Organisme. La 2 e condition [22] M e Primeau réfère également au témoignage de D re Nolet voulant que le 15 février 2006, elle s’est servie du concours. Il a été établi que ce dernier sera réutilisé lors de prochains concours visant à combler quatorze postes de coroners à temps partiel, en faisant les adaptations nécessaires. Au mois de février 2007, ce concours a été réutilisé par l’Organisme. 3 200-02-004442-887, C. Q., Québec, j. Verge, Langevin et Gobeil.
06 03 58 Page : 6 [23] Elle plaide que, selon la preuve, il a été établi que les documents en litige seront réutilisés lors de prochains concours, sous réserve des adaptations nécessaires. Les conditions d’application de l’article 40 de la Loi sur l’accès sont satisfaites par l’Organisme 4 . L’épreuve n’est pas terminée. [24] M e Primeau fait remarquer par ailleurs que le guide d’entrevue, en trois exemplaires, le texte préparé par la demanderesse et la lettre des trois évaluateurs transmise au ministre de la Sécurité publique contiennent les initiales des membres du comité, la signature de ceux-ci et les noms des 54 candidats. En l’absence de consentement de leur part, ces renseignements devraient demeurer confidentiels au sens des articles 53 et 88 de la Loi sur l’accès. Elle fait remarquer cependant que dans l’affaire Therrien c. Ville de Montréal 5 , la Commission a statué notamment que le nom des évaluateurs dans le cadre d’un concours devait demeurer confidentiel. [25] M e Primeau réfère de plus au témoignage de D re Nolet selon lequel la lettre adressée au ministre de la Sécurité publique contient notamment une recommandation (de moins de dix ans) concernant les personnes jugées aptes à être nommées coroners. Il s’agit d’un renseignement protégé par l’article 37 de la Loi sur l’accès, conformément à l’affaire Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux 6 . La demanderesse ne peut pas y avoir accès. DE LA DEMANDERESSE [26] La demanderesse prétend qu’elle a le droit d’obtenir les documents demandés en vertu des articles 9 et 14 (2 e alinéa) de la Loi sur l’accès, sans les initiales des évaluateurs. Quant au guide d’entrevue, elle indique que ce dernier a été modifié au besoin par l’Organisme. Aucune preuve n’a démontré que ce dernier utilise toujours le même document dans le cadre de concours ultérieurs. [27] Elle souligne qu’en vertu de l’article 83 de la Loi sur l’accès, elle a le droit de connaître, entre autres, la manière selon laquelle elle a été évaluée lors de l’entrevue, les critères d’évaluation et de prendre connaissance des notes manuscrites des membres du comité. [28] La demanderesse souhaite que la Commission aille dans le même sens que l’affaire Therrien précitée, lorsqu’elle a ordonné à la Ville de Montréal de communiquer à la demanderesse dans cette cause les renseignements en litige, à l’exclusion notamment des noms des évaluateurs. 4 Octavian c. Conseil du Trésor, C.A.I. Montréal n o 00 06 66, 23 mai 2001, c. Iuticone, p. 3; M. X. c. Ministère de la Sécurité publique, C.A.I Montréal n o 03 01 52, 1 er décembre 2003, c. Constant, par. 32. 5 [2005] C.A.I. 250, 254, par. 29, 30. 6 C. Q. Québec, 200-02-002023-895 et 200-02-002070-896, j. Aubin, p. 25-27.
06 03 58 Page : 7 Réplique [29] M e Primeau réplique que, selon la preuve, le guide a été réutilisé par l’Organisme, les adaptations nécessaires ayant été préalablement effectuées. De plus, il lui a fait parvenir les documents qui lui sont accessibles. DÉCISION [30] La demande est faite selon les termes de l’article 83 de la Loi sur l’accès. Il s’agit de tests subis par la demanderesse devant un comité de trois évaluateurs. La réussite de ces tests, selon les critères préétablis, fait en sorte que ces évaluateurs recommandent au ministre de la Sécurité publique que des candidats soient jugés aptes à être nommés coroners : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [31] Les articles 40 et 87 de la Loi sur l’accès stipulent : 40. Un organisme public peut refuser de communiquer une épreuve destinée à l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de l'expérience d'une personne, jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve. 87. Sauf dans le cas prévu à l'article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, dans la mesure où la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II. [32] Tous les documents sont en litige, à l’exclusion du texte rédigé par la demanderesse que l’Organisme a fait parvenir à celle-ci.
06 03 58 Page : 8 [33] Un organisme public possède le pouvoir discrétionnaire de refuser de communiquer à un demandeur un renseignement personnel (nominatif) le concernant selon les conditions prescrites à l’article 87 de la Loi sur l’accès ci-dessus mentionné. [34] Ainsi, le responsable de l’accès de l’Organisme refuse de communiquer à la demanderesse une copie des documents en litige, ceux-ci constituant une épreuve au sens de l’article 40 de la Loi sur l’accès précité. [35] Le témoignage non contredit de D re Nolet est clair. Essentiellement, elle a expliqué le processus de nomination du comité de sélection au nombre de trois, de la convocation des candidats à une entrevue, du déroulement de celle-ci devant ce comité, des notes prises par chaque membre au cours de cette entrevue, de l’utilisation du guide d’entrevue par l’Organisme, etc. Elle a de plus fait ressortir que ce guide a été utilisé notamment en 2006 et en 2007. Il sera réutilisé lors de prochains concours avec les adaptations nécessaires. [36] J’ai pris par ailleurs connaissance des documents en litige. Ceux-ci constituent une épreuve au sens de l’article 40 de la Loi sur l’accès précité. Les deux conditions qui y sont prescrites sont satisfaites par l’Organisme. La preuve démontre que les documents en litige seront réutilisés par l’Organisme, avec les adaptations nécessaires. Le responsable de l’accès de l’Organisme était fondé à refuser à la demanderesse l’accès à ces documents, conformément à l’affaire Gauthier c. Société de l’assurance automobile du Québec précitée 7 . [37] Par ailleurs, la demanderesse souhaiterait obtenir les documents en litige, à l’exclusion des initiales des évaluateurs, en suivant le raisonnement de la Commission dans l’affaire Therrien 8 . Je ne suis pas de cet avis. [38] En effet, même en masquant les notes manuscrites des évaluateurs et les initiales de ceux-ci, je ne peux ignorer les questions et les éléments de réponses suggérés par l’Organisme ni le guide utilisé en 2005 (lors du concours auquel a participé la demanderesse), que l’Organisme s’en est servi en 2006 et en 2007 et qu’il a l’intention de le faire à une date ultérieure. Les documents en litige doivent donc demeurer confidentiels. 7 SAS-M-099758-0412, décision du 21 septembre 2006. 8 Précitée, note 5.
06 03 58 Page : 9 [39] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE que l’Organisme a fait parvenir à la demanderesse une copie du texte qu’elle a rédigé lors du concours auquel elle a participé; DÉCLARE par ailleurs que le responsable de l’accès au sein de l’Organisme était fondé à refuser de transmettre à la demanderesse les autres documents en litige; REJETTE, quant au reste, la demande de révision de la demanderesse contre l’Organisme; FERME le dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Bernard Roy (Justice-Québec) (M e Sophie Primeau) Procureurs de l’Organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.