Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 08 94 Date : Le 31 juillet 2007 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
06 08 94 Page : 2 [1] Le 29 mars 2006, par l’intermédiaire de M. Robert Abitbol, directeur exécutif, la Communauté sépharade unifiée du Québec (la demanderesse), requiert de M e Alain Cardinal, chef du Service des affaires juridiques et responsable de l’accès aux documents au sein du Service de police de la Ville de Montréal (l’Organisme), une copie du rapport d’enquête portant le n o 25-060310-017. [2] Le 6 avril 2006, M e Cardinal transmet à la demanderesse un accusé de réception et ajoute qu’un délai additionnel de dix jours est nécessaire pour le traitement de la demande. Le 18 mai suivant, il refuse de lui faire parvenir le document demandé invoquant à cet effet les articles 28 et 53 de la Loi sur l’accès. [3] Le 24 mai 2006, M. Abitbol sollicite l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que soit révisée la décision de l’Organisme. [4] Cependant, le 20 juin 2007, M e Cardinal informe la demanderesse que les documents qu’elle tente d’obtenir ont été transmis au bureau du Coroner, conformément à la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès 2 . Il indique que, sur permission du ministère de la Sécurité publique, le Coroner en chef pourrait faire parvenir à la demanderesse les documents joints au rapport d’enquête. L’AUDIENCE [5] L’audience de la présente cause se tient le 18 juillet 2007 à Montréal en présence des témoins des parties et de la procureure de l’Organisme, M e Caroline Brisebois. LA PREUVE DE L’ORGANISME Témoignage de M me Lyne Trudeau [6] Interrogée par M e Brisebois, M me Trudeau déclare qu’elle est conseillère à l’accès à l’information. M e Cardinal, quant à lui, est le chef du service des affaires juridiques et responsable de l’accès aux documents au sein du Service de police de l’Organisme. Elle affirme qu’elle traite les demandes d’accès aux documents, dont celles de la demanderesse. 2 L.R.Q., c. R-0.2.
06 08 94 Page : 3 [7] M me Trudeau indique que, dans le présent cas, il s’agit de l’incendie d’un édifice survenu sur le territoire de la Ville de Montréal, à l’égard duquel le Service de police de l’Organisme a mené une enquête. [8] Elle signale que M e Cardinal transmettait à la demanderesse, le 6 avril 2006, un accusé de réception et que, le 18 mai 2006, il lui refuse l’accès au document recherché (pièce O-1), au motif que l’enquête n’est pas terminée. M e Cardinal invite conséquemment la demanderesse à formuler une nouvelle demande d’accès vers le mois d’août suivant. [9] Elle indique qu’à cet égard, le 11 décembre 2006, M. Abitbol a formulé pour la demanderesse une nouvelle demande afin d’avoir accès au même rapport d’évènement identifié au paragraphe 1 de la présente décision (pièce O-2). Le nom de M. Abitbol n’apparaît pas sur ce rapport. Elle souligne cependant que, le 13 décembre 2006, elle a été informée par la Section des incendies criminels de l’Organisme qu’une personne est décédée à la suite de l’incendie. Les motifs de refus d’accès au document en litige sont basés sur les articles 28 et 53 de la Loi sur l’accès. [10] Elle ajoute qu’après discussion du dossier avec M e Cardinal, celui-ci l’a informée que, dans ces circonstances, la demanderesse devra formuler sa demande au bureau du Coroner en chef, le dossier ayant été transféré à celui-ci aux fins d’enquête et rapport. Il a fait parvenir à la demanderesse, le 20 juin 2007, la réponse de l’Organisme en lien avec la demande d’accès du 11 décembre 2006. L’INTERVENTION [11] M e Brisebois indique à la Commission que l’Organisme reconnaît avoir fait parvenir tardivement sa réponse à la demanderesse, soit le 20 juin 2007. Celle-ci cherche à obtenir le même document et a donc suivi les instructions indiquées dans la lettre que l’Organisme lui transmettait 18 mai 2006. Elle dépose, sous le sceau de la confidentialité, le document en litige et demande que les deux demandes soient traitées simultanément à l’audience.
06 08 94 Page : 4 DE LA DEMANDERESSE [12] M. Abitbol, témoin de la demanderesse, indique qu’il en est le directeur depuis l’année 2003. Il affirme qu’un incendie est survenu dans un édifice de la demanderesse situé sur le territoire de l’Organisme. La demanderesse a fait parvenir à celui-ci sa demande afin d’avoir accès au rapport d’enquête. Sa divulgation permettra de faire débloquer un litige opposant la demanderesse aux compagnies d’assurances qui ont assuré l’édifice incendié. Les propriétaires de ce dernier souhaitent également en prendre connaissance pour les motifs mentionnés par M. Abitbol. [13] M. Abitbol souligne par ailleurs que la demanderesse ignorait qu’elle devait s’adresser au bureau du Coroner en chef afin d’avoir accès au document en litige. Ce n’est qu’après avoir reçu la réponse de l’Organisme datée du 20 juin 2007, qu’elle a fait parvenir, au mois de juillet suivant, au bureau du Coroner en chef, sa demande d’accès. LES ARGUMENTS DE L’ORGANISME [14] M e Brisebois résume le témoignage de M me Trudeau et plaide que le responsable de l’accès de l’Organisme devait refuser de transmettre à la demanderesse le document en litige. La preuve démontre qu’au moment de la première demande d’accès (datée du 29 mars 2006), l’enquête relative à l’incendie était en cours, d’où le motif de refus invoqué par l’Organisme en vertu du 2 e paragraphe et du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès. [15] Elle fait remarquer par ailleurs que le rapport d’évènement contient des renseignements personnels (nominatifs) concernant des personnes physiques. En l’absence de leur consentement, l’Organisme devait refuser de communiquer ces renseignements à la demanderesse, en vertu de l’article 53 et du 1 er alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès. [16] Elle argue néanmoins qu’en raison du décès d’une personne, les documents en lien avec l’incendie de l’édifice en question ont été transférés au bureau du Coroner en chef, d’où le motif pour lequel l’Organisme invite la demanderesse à s’adresser à celui-ci. Pour appuyer son refus, l’Organisme se base sur les articles de la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès 3 , et sur la Loi sur les coroners 4 qu’elle commente, conformément à 3 L.R.Q., c. R-0.2.
06 08 94 Page : 5 l’affaire Association des résidants de Côte-des-Neiges c. Ville de Montréal 5 . Il s’agit des articles 93 (2), 96, 100 et 101 de cette loi. Elle spécifie toutefois que le Coroner en chef ne peut publier ou diffuser le rapport d’un agent de la paix sans la permission du ministre de la Sécurité publique : 93. Le coroner annexe à son rapport une copie de l'autorisation d'inhumer, d'incinérer, de transporter ou de remettre le corps, donnée en vertu de l'article 79 et, le cas échéant: […] 2° le rapport d'un agent de la paix qui a procédé à une enquête sur le décès; 96. Le rapport du coroner, à l'exception des documents annexés et des parties du rapport qui ont fait l'objet d'une interdiction de publication ou de diffusion en vertu de la présente loi, est public et peut être consulté par toute personne. Une copie certifiée conforme peut en être obtenue sur paiement des droits prévus au règlement. 100. Lorsque l'intérêt public le requiert, le ministre de la Sécurité publique ou le coroner en chef peut publier ou diffuser tout renseignement contenu dans le rapport et dans les documents annexés et qui n'est pas public. Le coroner en chef ne peut cependant publier ou diffuser le rapport d'un agent de la paix sans la permission expresse du ministre de la Sécurité publique ou d'une personne que celui-ci autorise à cette fin. 101. Malgré l'article 97, le coroner en chef ou un coroner permanent peut permettre la consultation du rapport non modifié ou des documents y annexés ou, après paiement des droits fixés par règlement, en transmettre des copies certifiées conformes: 1° à une personne, à une association, à un ministère ou à un organisme qui établit à sa satisfaction que ces documents lui serviront pour connaître ou faire reconnaître ses droits; 2° à un ministère ou à un organisme public qui établit à sa satisfaction que ces documents lui serviront dans la poursuite de l'intérêt public. 4 L.R.Q., c. C-68. 5 C.A.I. Montréal, n os 05 02 27 et 05 07 75, 13 février 2006, c. Laporte.
06 08 94 Page : 6 Toutefois, le rapport d'un agent de la paix ne peut être consulté ou transmis sans la permission expresse du ministre de la Sécurité publique ou d'une personne qu'il autorise à cette fin. [17] M e Brisebois précise de plus que les dispositions de la Loi sur les coroners concernant, notamment, des rapports d’enquête et les documents qui y sont joints s’appliquent à cette loi, malgré la Loi sur l’accès, et ce, en vertu de l’article 180 : 180. Les dispositions de la présente loi concernant les rapports d'investigation ou d'enquête et les documents y annexés s'appliquent malgré les dispositions de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. DÉCISION [18] La présente décision porte sur deux demandes d’accès formulées par la demanderesse, en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès, auprès de l’Organisme afin d’obtenir un rapport d’événement portant le n o 25-060310-017 à la suite d’un incendie survenu dans son édifice : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [19] Il a été établi qu’au moment de la première demande d’accès datée du 29 mars 2006, l’enquête menée par les policiers du Service de police de l’Organisme était en cours. De plus, l’examen du document en litige contient des renseignements personnels concernant des personnes physiques. L’absence de consentement à la divulgation de ces renseignements fait en sorte que l’Organisme doit les garder confidentiels. [20] Conséquemment, les conditions d’application prévues au 2 e paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès et aux articles 53 et 59 (1 er alinéa) de cette loi sont satisfaites par l’Organisme. [21] Il importe de souligner que les décisions relatives à la Loi sur les coroners relèvent d’une autre instance.
06 08 94 Page : 7 [22] Par ailleurs, malgré les préoccupations de M. Abitbol voulant que la demanderesse souhaite avoir accès au document en litige afin de faire débloquer notamment un litige l’opposant aux compagnies d’assurances, force est de constater qu’en vertu des diverses dispositions législatives mentionnées à l’audience, l’Organisme n’a d’autre choix que de lui en refuser l’accès. [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que le responsable de l’accès de l’Organisme était fondé à refuser de faire parvenir à la demanderesse le document en litige; REJETTE la demande de révision de la demanderesse contre l’Organisme; FERME le dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Caroline Brisebois Procureure de l’Organisme
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