Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 06 49 Date : Le 24 juillet 2007 Commissaire : M e Christiane Constant STRATÉGIE 360 INC. Demanderesse c. VILLE DE QUÉBEC Organisme DÉCISION LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 3 mars 2006, M. Jean Pouliot, président de l’entreprise Stratégie 360 inc. (la demanderesse) s’adresse à M e Line Trudel, responsable de l’accès aux documents au sein de la Ville de Québec (l’Organisme), afin d’obtenir le nom des bénéficiaires corporatifs identifiés sur onze chèques spécifiés à la liste jointe à sa demande. Il précise que les renseignements recherchés ne sont pas nominatifs et 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
06 06 49 Page : 2 que d’autres villes lui ont déjà transmis, à sa demande, des renseignements identiques à ceux en litige. Une première demande au même effet a été refusée le 12 novembre 2004. [2] Le 20 mars 2006, M e Trudel réitère la réponse qu’elle a transmise le 12 novembre 2004 à la demanderesse, mentionnant que l’Organisme ne peut acquiescer à sa demande, en vertu de l’article 15 de la Loi sur l’accès, d’autant plus que sa demande « […] vise des fins commerciales privées.». [3] Le 12 avril 2006, M. Pouliot sollicite, au nom de la demanderesse, l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que soit révisée la décision de l’Organisme. Il ajoute notamment : […] Suite à la réponse, la raison invoquée par la Ville cite l’article 15 de la Loi pour signifier une fin de non recevoir à notre demande. Toutefois, l’article 16 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels stipule que l’organisme public (la Ville) doit classer ses documents de manière à en permettre le repérage. L’organisme doit établir et tenir à jour une liste de classement indiquant l’ordre selon lequel les documents sont classés. Elle doit être suffisamment précise pour faciliter l’exercice du droit d’accès. À cet effet, je joins à titre d’exemple, une page des 22 pages dont nous avons obtenu copie en payant les frais d’usage et qui démontre que le nom du bénéficiaire (organisme public) n’est pas accessible […] L’AUDIENCE [4] L’audience de la présente cause se tient le 30 avril 2007. La demanderesse est représentée par M e Mario St-Pierre du cabinet d’avocats Saint-Pierre & Major et l’Organisme est présent par l’entremise de M e Line Trudel, responsable de l’accès aux documents.
06 06 49 Page : 3 LA PREUVE DE L’ORGANISME Témoignage de M e Line Trudel [5] M e Trudel déclare qu’elle est responsable de l’accès aux documents au sein de l’Organisme. Elle a pris connaissance de la demande (pièce O-1) et transmis un accusé de réception à la demanderesse (pièce O-2). Par la suite, elle a fait parvenir à celle-ci la réponse de l’Organisme refusant l’accès aux documents, puisque l’article 15 de la Loi sur l’accès n’exige pas de créer un document pour satisfaire une demande (pièce O-3). [6] Elle dépose, sous le sceau de la confidentialité, une « feuille sommaire », représentant une liste bancaire des chèques en circulation concernant l’ancienne Ville de Québec (pièce O-4 confidentielle), pour une période de plus de six mois, se terminant au 31 décembre 2003. Ce document démontre, entre autres, les numéros de chèques en circulation, la date d’émission et le montant. Le nom du bénéficiaire n’y est pas mentionné. Ces renseignements proviennent du système de comptabilité de l’Organisme. [7] M e Trudel indique que le Service des finances de l’Organisme a choisi le système informatique qui convient le mieux à l’Organisme et décrit la composition de celui-ci. [8] Elle ajoute que la première demande formulée par la demanderesse remonte à l’année 2004. Cette dernière cherchait alors à obtenir des documents concernant diverses municipalités dont treize ont été fusionnées pour devenir la nouvelle Ville de Québec. Préalablement aux fusions municipales, chacune de ces municipalités possédait sa propre méthode pour traiter les chèques en circulation. Cependant, l’Organisme a retenu la méthode de la Banque nationale du Canada et celle-ci a procédé au traitement de ses chèques. [9] Elle signale que pour avoir accès aux chèques demandés par la demanderesse, l’Organisme doit effectuer une recherche dans le système informatique pour repérer le chèque et identifier son auteur. Ce dernier étant un fournisseur spécifique, on doit comparer les renseignements apparaissant au chèque. M e Trudel indique, à titre d’exemple, qu’un chèque peut porter la mention « bloqué », en raison d’un litige existant avec un fournisseur.
06 06 49 Page : 4 [10] M e Trudel dit comprendre la demanderesse lorsque celle-ci indique que d’autres villes lui ont donné accès à des documents analogues à ceux en litige. Cependant, l’Organisme ne possède pas le système de comptabilité lui permettant de repérer les documents, tels qu’ils sont décrits par la demanderesse. Elle précise que la Loi sur l’accès n’oblige pas l’Organisme à créer un document pour satisfaire la demande. Contre-interrogatoire de M e Line Trudel [11] Contre-interrogée par M e St-Pierre, M e Trudel affirme qu’elle travaille au sein de l’Organisme depuis 1994, mais qu’elle est responsable de l’accès aux documents depuis 2004. Elle explique les démarches entreprises au sein de l’Organisme afin de repérer les documents que souhaite obtenir la demanderesse. [12] M e St-Pierre exhibe à M e Trudel une liste de chèques sur lesquels certains renseignements ont été préalablement masqués (pièce D-1 en liasse). On y trouve les noms de fournisseurs, le solde de la liste des chèques en circulation, etc. Ces renseignements proviennent de plusieurs villes fusionnées à l’Organisme, telle l’ancienne Ville de Cap Rouge. Elle reconnaît qu’elle a fait parvenir cette liste à la demanderesse, le 30 septembre 2004, dans le cadre d’une demande d’accès. [13] M e Trudel précise qu’elle a pu transmettre à la demanderesse les documents ci-dessus mentionnés parce que les villes fusionnées à l’Organisme possédaient alors un système de comptabilité permettant de repérer les documents recherchés par la demanderesse. [14] Par ailleurs, elle explique que l’Organisme attribue, entre autres, un numéro à chaque fournisseur et un code budgétaire. Les renseignements le concernant sont inscrits dans un système spécifique au sein de l’Organisme et son fichier est géré par le Service des approvisionnements de l’Organisme. [15] M e Trudel indique que les renseignements recherchés par la demanderesse existent, mais que l’Organisme n’est pas tenu de créer un document pour satisfaire la demande. Elle décrit le processus à suivre dans les banques de données du système informatique qui permet d’avoir accès à ces renseignements. [16] M e Trudel fait remarquer que l’Organisme ne possède pas le système de comptabilité informatique approprié pour répondre à la demande de la demanderesse qui souhaite avoir accès à onze chèques, ce qui nécessite une recherche de quatre à cinq minutes par chèque.
06 06 49 Page : 5 [17] Elle identifie néanmoins le système informatique utilisé par l’Organisme qui lui a permis de produire un document (pièce O-5 précitée). Elle ne nie pas l’existence des renseignements mais ajoute que l’Organisme n’est toutefois pas obligé de créer un document pour satisfaire la demande. [18] M e St-Pierre réfère M e Trudel à la pièce O-4 précitée qu’elle a déposée sous pli confidentiel. Elle donne une définition pour chaque colonne contenue dans ce document et souligne que les renseignements qui s’y trouvent concernent le système de comptabilité de l’ancienne Ville de Québec et qu’avec les renseignements qu’elle possédait, la Banque nationale du Canada a pu créer la pièce O-4 et l’a transmise à l’Organisme. [19] M e Trudel déclare, par ailleurs, que l’Organisme possède un calendrier de conservation approuvé par le gouvernement québécois qui respecte les exigences de la Loi sur les archives 2 . Elle reconnaît une note que lui a transmise par courriel, le 20 avril 2007, M me Madeleine Giasson, c.a., directrice de la Division de la comptabilité au Service des finances de l’Organisme. Sur cette note (pièce O-6), M me Giasson indique, entre autres, que la liste des chèques en circulation depuis plus de six mois ne comporte pas le nom du bénéficiaire, mais qu’on y retrouve d’autres renseignements. DE LA DEMANDERESSE Témoignage de M. Jean Pouliot [20] Interrogé par M e St-Pierre, M. Pouliot affirme qu’il a travaillé pendant plus de 25 ans au sein de l’entreprise Bell Canada en vérification comptable. Il a été, notamment, consultant pour la Banque mondiale. Il est membre fondateur de la demanderesse, travaille à son compte depuis l’année 2004 et connaît le système de comptabilité informatique identifié par M e Trudel lors de son témoignage. À son avis, l’Organisme n’a qu’à lui transmettre la base de données contenant les renseignements recherchés; il sera alors en mesure de faire la compilation. [21] M. Pouliot signale qu’après sept ou huit mois suivant la fin de l’année financière d’un organisme, la demanderesse soumet annuellement des demandes d’accès auprès de celui-ci afin d’obtenir des renseignements, tels que ceux visés par la présente demande. Ils y répondent positivement en tout ou en partie, tel qu’il appert des documents analogues à ceux demandés dans la présente instance que l’Organisme lui a transmis le 30 septembre 2004 (pièce D-1 en liasse). 2 L.R.Q., C. A-21.1.
06 06 49 Page : 6 [22] Dans le présent cas, il a fourni à l’Organisme, pour la demanderesse, des renseignements précis, tels la date, le montant, le numéro et le nom des personnes morales afin d’être en mesure de repérer les onze chèques non encaissés. LES ARGUMENTS DE LA DEMANDERESSE [23] M e St-Pierre plaide qu’en vertu de l’article 4 de la Loi sur les cités et villes 3 (la LCV), l’Organisme est une municipalité régie par cette loi. [24] Il fait de plus remarquer que les registres et documents en possession du greffier de l’Organisme faisant partie des archives du conseil de l’Organisme peuvent être consultés, durant les heures habituelles de travail, par une personne qui en fait la demande (art. 93 de la LCV). Il fait ressortir les devoirs du trésorier d’un organisme de tenir des livres de comptes, dans lesquels sont inscrits par ordre, la date, les recettes et les dépenses (art. 100.1), en respectant les exigences de cette loi. Également, le principe général est l’accès aux documents à une personne qui en fait la demande, en vertu de la Loi sur l’accès. [25] Dans le présent cas, M e St-Pierre fait ressortir une partie du témoignage de M e Trudel, selon lequel les renseignements recherchés par la demanderesse se trouvent dans un système informatique et sont disponibles individuellement. Les banques de données contenant ces renseignements sont donc accessibles à la demanderesse. Il incombe alors à l’Organisme de démontrer à la Commission qu’il éprouve de la difficulté à repérer les renseignements recherchés par la demanderesse et qu’il n’est pas obligé de créer un document pour satisfaire la demande au sens de l’article 15 de la Loi sur l’accès. Or, il ne l’a pas fait. [26] Il réfère, de plus, au témoignage de M e Trudel qui a produit en preuve une liste bancaire (pièce O-4 confidentielle). Ce document contiendrait les renseignements visés par la demande. Conséquemment, l’Organisme devrait permettre à la demanderesse de consulter sur place ceux qu’il a en sa possession, de manière à ce que la demanderesse puisse faire sa propre compilation, conformément à l’affaire Boucher c. Laval (Ville de) 4 . Dans cette décision, il est indiqué notamment : 3 L.R.C., c. C-19. 4 [1986] C.A.I. 548, 549.
06 06 49 Page : 7 La Commission reconnaît que l’article 15 de la Loi sur l’accès permet à un organisme public de refuser de confectionner un document pour satisfaire une demande d’accès. […] Par ailleurs, étant donné que la ville n’a pas invoqué d’autres motifs pour refuser les renseignements réclamés à la question 2, la Commission conclut qu’elle doit permettre au demandeur de faire sa propre compilation à partir des feuilles existantes. Elle doit alors lui transmettre les feuilles en litige en laissant apparaître le titre, la date, les heures du début et de la fin de chaque tranche de l’opération de surveillance du 31 mars 1986 ainsi qu’au moins une série d’entrées dans la partie énumération. [27] M e St-Pierre souligne qu’à partir des informations que la demanderesse a fournies à l’Organisme, soit la date et le montant des chèques non encaissés visant des personnes morales, elle devrait avoir accès aux renseignements accessibles, conformément à l’affaire Gordon c. Montréal (Ville de) 5 . Dans cette décision, la Commission signale entre autres : Avec égards, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un cas de l’application de l’article 15 de la loi. Les renseignements que désire le demandeur existent. Aucun calcul ni comparaison n’est nécessaire au sens de l’article 15 de la loi. Il ne s’agit pas de la création d’un nouveau document mais d’une simple manipulation d’un programme informatique. DÉCISION [28] La demanderesse souhaite avoir accès, aux noms des bénéficiaires corporatifs, aux onze chèques non encaissés par l’Organisme selon les termes de l’article 9 de la Loi sur l’accès : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d’accès aux documents d’un organisme public. Ce droit ne s’étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 5 [1996] C.A.I. 105, 107.
06 06 49 Page : 8 [29] L’Organisme prétend que pour donner à la demanderesse accès aux documents recherchés, il faudrait procéder notamment au calcul et à la compilation de renseignements et, conséquemment, modifier le système informatique de l’Organisme afin de pouvoir créer ces documents pour satisfaire la demande. Or, l’article 15 de la Loi sur l’accès stipule : 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. [30] Cependant, le témoin de l’Organisme reconnaît à l’audience que les renseignements demandés par la demanderesse se trouvent dans un système informatique identifié qui lui est propre. Le témoin décrit, entre autres, le processus et les diverses étapes devant être suivis pour accéder à ces renseignements. De plus, il faudrait quatre à cinq minutes, à un membre du personnel de l’Organisme, pour repérer un chèque. [31] J’ai pris connaissance du document (pièce O-4 confidentielle) déposé à l’audience. Il s’agit de renseignements préparés par la Banque nationale du Canada à l’attention de l’« ancien Québec » au 31 décembre 2003. [32] La preuve démontre que les renseignements existent sur support informatique. La demanderesse est prête à les consulter, à en prendre possession dans leur forme actuelle, de manière à ce qu’elle puisse faire sa propre compilation. L’Organisme ne peut donc pas, sur la base de l’article 15 de la Loi sur l’accès, lui en refuser l’accès, conformément à l’affaire Verville c. Montréal (Société de transport de la Communauté urbaine de) 6 . [33] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la demande de révision de la demanderesse contre l’Organisme; CONSTATE que, selon la preuve, les documents recherchés par la demanderesse sont disponibles au sein de l’Organisme; 6 [1988] C.A.I. 239.
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