Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 07 33 Date : Le 23 juillet 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demanderesse c. VILLE DE LAVAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 21 mars 2006, la demanderesse s’adresse à l’organisme afin d’obtenir copie du dossier et des photographies qu’il contient concernant sa fille décédée le 17 décembre 1984. 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
06 07 33 Page : 2 [2] Le 30 mars 2006, l’organisme informe la demanderesse qu’il refuse de lui communiquer les renseignements demandés en vertu de l’article 88.1 de la Loi sur l’accès. Il ajoute qu’à moins d’obtenir les informations concernant les exceptions prévues à cet article, les documents contenus au dossier ne peuvent lui être transmis. Ils contiennent des renseignements personnels dont la communication est interdite par les articles 53 et 54 de cette loi. [3] Le 19 avril 2006, la demanderesse requiert de la Commission d’accès à l’information (la Commission) la révision de cette décision. AUDIENCE [4] Une audience est tenue à Montréal le 22 mai 2007. [5] En début d’audience, la demanderesse précise que ce sont les photographies de sa fille contenues au dossier de l’organisme qu’elle désire obtenir. PREUVE DE L’ORGANISME [6] L’organisme fait entendre M me Monique Lemieux, responsable de l’accès aux documents de l’organisme depuis le mois de décembre 2006. [7] Le témoin explique qu’elle a reçu et traité la demande d’accès de la demanderesse en s’appuyant sur les articles 53 et suivants et 88.1 de la Loi sur l’accès qui protègent les renseignements personnels d’une personne physique autre que le demandeur. [8] L’organisme dépose, sous pli confidentiel, copie des photographies de la fille de la demanderesse prises le jour du décès par les membres de son Service de police. DE LA DEMANDERESSE [9] La demanderesse témoigne que sa fille est décédée à l’âge de 21 ans. Devenue épileptique à la suite d’une chute dans son enfance, celle-ci est morte noyée, conséquence fatale d’une crise d’épilepsie. La demanderesse, qui avait rencontré sa fille le jour de son décès, se sent responsable et se blâme de ne
06 07 33 Page : 3 pas être restée avec elle cette journée-là. Elle désire voir les photographies de sa fille pour compléter son deuil. [10] La demanderesse montre à la Commission une photographie de sa fille prise après son décès, au salon funéraire. [11] Contre-interrogée par l’organisme, la demanderesse précise qu’elle n’exerce aucun droit à titre d’héritière, puisque sa fille n’avait aucun bien ni assurance-vie. Elle ajoute qu’au moment du décès de celle-ci, elle a pris certains médicaments sur prescription médicale, mais n’a pas été suivie par un professionnel de la santé. ARGUMENTATION DE L’ORGANISME [12] L’organisme rappelle à la Commission le 8 e paragraphe du second alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès qui lui permet de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée dans les cas prévus à divers articles, notamment l’article 68 de cette loi. Or, le 2 e paragraphe de celui-ci prévoit qu’un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel « à une personne ou à un organisme lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient. » [13] Malgré la réponse qu’il a donnée à la demanderesse, l’organisme demande maintenant à la Commission, conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus, de conclure qu’il pouvait, sans contrevenir à la loi, communiquer à la demanderesse les photographies demandées. [14] L’organisme soutient que les circonstances du présent dossier, qui présentent plusieurs similitudes avec celles de X c. Québec (Ville de) 2 , sont exceptionnelles et justifient l’accès aux photographies demandées. L’organisme demande donc à la Commission de déclarer qu’il s’agit d’un cas exceptionnel et qu’il peut communiquer les photographies à la demanderesse. 2 [1996] C.A.I. 355.
06 07 33 Page : 4 DÉCISION [15] La demanderesse requiert que lui soient communiquées les photographies de sa fille prises par le Service de police de l’organisme, après son décès par noyade le 17 décembre 1984. [16] L’article 1 de la Loi sur l’accès prévoit que celle-ci s’applique aux documents détenus par un organisme public quelle qu’en soit leur forme. Elle s’applique donc aux photographies, qui sont des documents se présentant sous une forme visuelle. Cet article prévoit en effet ce qui suit : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [17] L’article 53 de la Loi sur l’accès énonce que les renseignements personnels 3 ont un caractère confidentiel et l’article 54 précise le sens de l’expression « renseignements nominatifs » (personnels) : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 3 Depuis l’adoption et l’entrée en vigueur, le 13 juin 2006, de plusieurs dispositions de la Loi modifiant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d’autres dispositions législatives, L.Q. 2006, c. 22, la Loi sur l’accès fait maintenant référence aux « renseignements personnels » en lieu et place des termes « renseignements nominatifs » jusqu’alors utilisés dans cette loi.
06 07 33 Page : 5 [18] Les photographies faisant l’objet de la demande d’accès permettent d’identifier la fille de la demanderesse. Elles constituent par conséquent des renseignements personnels ayant un caractère confidentiel. [19] Le 1 er alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès réitère le principe qu’un organisme public ne peut communiquer un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, l’alinéa suivant prévoit qu’il peut communiquer de tels renseignements sans le consentement de la personne concernée dans les cas qu’il énumère. [20] L’organisme, bien qu’ayant refusé de communiquer les photographies en litige, soutient maintenant que la présente demande d’accès est visée par l’exception prévue au 8 e paragraphe du 2 e alinéa de l’article 59 ainsi qu’au 2 e paragraphe du 1 er alinéa de l’article 68 de la Loi sur l’accès qui énoncent ce qui suit : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: […] 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; […] 68. Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif: […] 2° à une personne ou à un organisme lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient. Ces communications s'effectuent dans le cadre d'une entente écrite. [21] L’organisme, s’appuyant sur la décision rendue par la Commission dans X c. Québec (Ville de) 4 , soutient que les faits en l’espèce sont des circonstances exceptionnelles justifiant la communication des photographies à la mère de la personne visée par celles-ci. 4 Précitée, note 2.
06 07 33 Page : 6 [22] Malgré toute la sympathie que j’ai pour la demanderesse, je suis malheureusement d’avis qu’il n’y a pas en l’espèce de circonstances exceptionnelles justifiant que l’organisme lui communique les photographies de sa fille décédée par exception au strict principe de la confidentialité énoncé dans la Loi sur l’accès. [23] Je suis d’avis que les faits en l’espèce sont fort différents de ceux évoqués dans l’affaire X c. Québec (Ville de) 5 . Dans cette affaire, la demanderesse n’avait pu voir son fils après son décès à la suite d’un accident de voiture. Son médecin l’avait convaincue de s’en abstenir en raison de l’état dans lequel son fils se trouvait afin d’en garder une meilleure image. De plus, le cercueil dans lequel il reposait était fermé. [24] Dans le présent litige, bien que la demanderesse n’ait pas vu les photographies prises par le Service de police de l’organisme lors du décès de sa fille, elle a pu voir celle-ci au salon funéraire, puisqu’elle reposait dans un cercueil ouvert. La demanderesse en a d’ailleurs gardé une photographie qu’elle a montrée à la Commission lors de l’audience. [25] La preuve faite devant la Commission ne lui permet pas de conclure que les circonstances en l’espèce sont exceptionnelles. La situation de la demanderesse n’est pas différente de celle de nombreux proches de personnes décédées qui, pour des raisons fort légitimes, désirent avoir accès aux renseignements personnels concernant celles-ci. Par conséquent, l’organisme est tenu au respect du principe de la confidentialité des renseignements personnels énoncé par le législateur dans la Loi sur l’accès. [26] Or, la Loi sur l’accès prévoit que les renseignements personnels sont confidentiels, à moins d’autorisation par la personne concernée. Le fait que la personne soit décédée et ne puisse plus consentir à la communication de ses renseignements personnels ne modifie pas ce principe, sauf certaines exceptions prévues à cette loi, exceptions qui doivent être interprétées restrictivement. [27] La Commission ne peut donc conclure que l’organisme pouvait, en application des articles 59 et 68 de la Loi sur l’accès, communiquer les photographies en litige. 5 Précitée, note 2.
06 07 33 Page : 7 [28] De plus, le témoignage non contredit de la demanderesse démontre que l’article 88.1 de la Loi sur l’accès ne s’applique pas à la demande formulée par la demanderesse. En effet, cet article prévoit une autre exception à la confidentialité des renseignements personnels d’une personne décédée : 88.1 Un organisme public doit refuser de donner communication d'un renseignement nominatif à l'administrateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie, à l'héritier ou au successeur de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur. [29] Or, à l’audience et dans sa demande de révision, la demanderesse a reconnu qu’elle n’agissait pas à l’un des titres prévus à cet article. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [30] REJETTE la demande de révision de la demanderesse. GUYLAINE HENRI Commissaire Allaire et Associés (M e Geneviève Asselin) Avocats de l’organisme
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