Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 20 46 Date : Le 19 juillet 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demanderesse c. CENTRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DES SOMMETS Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière de rectification de renseignements contenus dans un dossier médical [1] Le 8 novembre 2005, la demanderesse s’adresse au chef du Service des archives de l’organisme afin d’obtenir la suppression de renseignements qu’elle précise et qui sont inscrits dans une note de départ à son dossier d’usager. Elle allègue que ces renseignements qui la concernent ne sont pas fondés et qu’en raison de ceux-ci, elle n’ose plus se présenter au centre hospitalier, craignant ne pas être crue.
05 20 46 Page : 2 [2] Le 15 novembre 2005, l’organisme répond à cette demande, sur la copie d’une lettre précédemment transmise à la demanderesse le 21 septembre 2005. Sur cette lettre refusant la demande de rectification, l’organisme a inscrit la note manuscrite suivante : 15 Nov 2005 Adressez-vous directement à la Commission d’accès à l’information [3] Le 23 novembre 2005, la demanderesse soumet une demande de révision de cette décision à la Commission d’accès à l’information (la Commission). AUDIENCE [4] Un avis de convocation à une audience, fixée au 22 novembre 2006 à Montréal, est transmis aux deux parties le 22 septembre 2006. Cependant, à la date fixée pour cette audience, la demanderesse est présente mais l’organisme est absent. [5] Jointe par conférence téléphonique en présence de la demanderesse, la secrétaire du directeur général de l’organisme confirme qu’elle a bien reçu l’avis d’audience et ne s’explique pas les motifs de l’absence de son représentant. Elle explique que l’organisme a pourtant mandaté un avocat dans ce dossier et lui a transmis l’avis de convocation. Vu l’absence de ce dernier, elle demande une remise de cette audience, afin d’être représentée par avocat, requête accueillie par la Commission, séance tenante. [6] Une audience est tenue à Montréal le 26 avril 2007. La demanderesse est présente de même que M e Vicky Lemelin, avocate de l’organisme. La Commission a préalablement autorisé l’organisme à déposer un affidavit du D r Alain Giard, pour le motif que ce dernier est le seul chirurgien de garde de l’organisme, à la condition qu’il puisse être joint par lien téléphonique pendant la durée de l’audience, si nécessaire. PREUVE DE L’ORGANISME [7] L’organisme produit l’affidavit du D r Alain Giard où celui-ci explique notamment ce qui suit :
05 20 46 Page : 3 1. Je suis médecin chirurgien et pratique depuis 1973 au Centre hospitalier Laurentien qui a été fusionné avec une autre établissement pour devenir le CH-CLSC-CHSLD des Sommets dont le nom a été modifié ensuite en celui du CSSS des Sommets; 2. Du 18 au 24 février 2004, j’ai gardé sous observation M me [J… B…] pour malaises abdominaux. Elle était connue de notre centre pour y avoir séjourné à quelques reprises, pour diverses raisons, abdominales ou autres. (30 visites ou hospitalisations depuis 2000); 3. Alors qu’elle était sous observation, j’ai examiné et évalué M me [B…] tous les jours, soit du 18 au 24 février 2004; 4. Le 24 février 2004, suite à cette hospitalisation, j’ai examiné et évalué M me [B…]. J’ai ensuite rédigé la note de départ qui fait l’objet de la demande de rectification et ce, à la lumière de mes observations et des renseignements rapportés au dossier médical; 5. Je suis donc l’auteur des renseignements en litige, à savoir « Pendant l’hospitalisation nous avons noté chez elle une accoutumance à la médication, elle a d’ailleurs plusieurs médications visant l’état psychique instable. […] Il est possible qu’à l’avenir elle puisse miser sur ce tableau abdominal douloureux pour attirer notre attention. » 6. Ces renseignements résultent de l’évaluation que j’ai faite de M me [B…]. Ils expriment mon opinion fondée sur mes observations et évaluations; 7. Ces renseignements sont pertinents et nécessaires, et doivent être mentionnés par écrit au dossier pour éventuellement orienter le plan de traitement actuel et futur de tout patient, au même titre que les autres informations médicales qui se trouvent au dossier; 8. Le dossier antérieur du patient est généralement consulté pour bien évaluer la situation physique et mentale de chaque patient afin de le traiter en toute connaissance. Je l’ai fait en 2004 pour M me [B…], c’est
05 20 46 Page : 4 ainsi que j’ai noté que plusieurs médecins, omnipraticiens et psychiatres avaient consigné déjà, à son dossier, depuis l’an 2000, les mêmes observations et opinions que moi, et de façon beaucoup plus explicite et élaborée, sans oublier la polymédication; 9. J’ai pris connaissance de la demande de rectification de M me [B…] datée du 8 août 2005; 10. Ma note médicale datée du 24 février 2004 constitue mon opinion médicale et je la maintiens. Je considère que ma note est exacte et adéquate, et je refuse de la rectifier; […] [sic] [8] L’organisme dépose également copie des lettres patentes de fusion du Centre hospitalier Laurentien et du CLSC-CHSLD des Trois-Vallées sous le nouveau nom de CH-CLSC-CHSLD des Sommets (O-1), devenu par la suite l’organisme à la suite d’une autre fusion. [9] L’organisme dépose une copie de la note de départ inscrite par le D r Giard (O-2) contenant les deux renseignements que la demanderesse veut voir supprimer, à savoir : […] Pendant l’hospitalisation nous avons noté chez elle une accoutumance à la médication, elle a d’ailleurs plusieurs médications visant l’état psychique instable. […] Il est possible qu’à l’avenir, elle puisse miser sur ce tableau abdominal douloureux pour attirer notre attention. […] [10] L’organisme produit également la première demande d’accès faite par la demanderesse (O-3). Elle y demandait la suppression des deux lignes mentionnées au paragraphe précédent.
05 20 46 Page : 5 [11] L’organisme produit une lettre du 24 août 2005 (O-4), où le médecin examinateur de l’organisme informe la demanderesse qu’il transmet sa plainte à la commissaire aux plaintes de l’organisme. [12] L’organisme produit une lettre du 29 août 2005 (O-5), dans laquelle la responsable de l’accès aux documents de l’organisme informe la demanderesse qu’elle a transmis sa demande au D r Alain Giard et qu’elle l’informera des corrections qui seront apportées à son dossier. [13] L’organisme produit une lettre du 21 septembre 2005 (O-7), où il avise la demanderesse que le D r Giard l’a informé que les renseignements ne peuvent être modifiés. Ce document contient également deux notes manuscrites : 15 Nov 2005 Adressez-vous directement à la Commission d’accès à l’information 15 Nov 2005 – j’ai téléphoné à [J… B…] et je lui ai conseillé de s’adresser directement à CAI [14] Vérifications faites avec la demanderesse, il appert que la lettre du 21 septembre 2005, contenant les annotations manuscrites, est la réponse de l’organisme à la demande d’accès en litige. DE LA DEMANDERESSE [15] La demanderesse témoigne qu’à une époque antérieure à son hospitalisation en 2004, elle a été suivie en psychiatrie en raison de problèmes matrimoniaux. Elle affirme cependant qu’au moment de son hospitalisation en février 2004, elle souffrait véritablement de problèmes abdominaux importants. Elle ajoute qu’elle ne se présente pas dans les hôpitaux pour le plaisir. [16] Elle demande de modifier la note de départ dans son dossier hospitalier, parce que les renseignements en litige portent à croire qu’elle s’amusait à se présenter à l’hôpital et qu’elle ne souffrait pas de problèmes abdominaux douloureux. Elle a, par la suite, consulté son psychiatre qui a conclu que tout était rentré dans l’ordre. La demanderesse confirme qu’elle prenait diverses médications au moment de son hospitalisation. Elle n’est pas d’accord avec les renseignements dont elle demande la suppression, elle craint maintenant de se présenter à l’organisme à cause de ceux-ci et, pour cette raison, elle omet de s’y présenter lorsqu’elle ne se sent pas bien.
05 20 46 Page : 6 ARGUMENTATION DE L’ORGANISME [17] L’organisme soutient que, tel qu’il appert de l’affidavit du D r Giard (O-9), l’auteur des renseignements en litige, ce dernier a gardé la demanderesse sous observation pour malaises abdominaux, l’a examinée et évalué sa condition, tous les jours du 18 au 24 février 2004. À cette date, il a rédigé la note de départ à la lumière de ses observations et des renseignements rapportés au dossier médical. [18] Ces commentaires sont le reflet de l’opinion du D r Giard fondée sur ses observations et les notes au dossier, tel qu’il appert de cet affidavit. Celui-ci est d’avis que ces renseignements sont pertinents et nécessaires et doivent être mentionnés au dossier pour orienter des plans de traitements actuels et futurs, au même titre que les autres informations médicales au dossier. Le D r Giard explique que le dossier antérieur du patient est généralement consulté pour bien évaluer la situation physique et mentale des patients afin de les traiter en toute connaissance de cause. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en février 2004, lorsqu’il a évalué la demanderesse. [19] Le D r Giard affirme que la note médicale du 24 février 2004 constitue son opinion médicale et qu’il la maintient. Il considère que cette note est exacte et adéquate et il refuse de la rectifier. [20] L’organisme soutient qu’il est de jurisprudence constante à la Commission que les renseignements personnels qui reflètent l’opinion subjective d’un médecin ne peuvent être rectifiés sans l’accord de celui-ci et que, le D r Giard refusant la rectification, la Commission doit rejeter la demande de révision de la demanderesse. [21] L’organisme ajoute que le remède approprié, en l’espèce, est celui prévu par l’article de 91 de la Loi sur l’accès, soit l’enregistrement du désaccord de l’usager à l’égard de l’opinion inscrite au dossier médical. C’est ce que l’organisme a fait dans le présent dossier, tel qu’il appert de la lettre de l’organisme du 21 septembre 2005 (O-7) transmise à la demanderesse en réponse à sa demande de rectification de dossier :
05 20 46 Page : 7 […] Cependant, nous avons mis au dossier médical votre demande de rectification au dossier pour exprimer votre désaccord avec cette inscription […]. […] DÉCISION [22] La demanderesse désire obtenir la suppression de deux mentions inscrites par un médecin dans une note de départ à la suite de son hospitalisation, en février 2004, au sein de l’organisme. Il s’agit d’un renseignement personnel la concernant. Il n’est pas contesté que les dispositions de Loi sur l’accès relatives à l’exercice du droit de rectification s’appliquent en l’espèce et que la Commission a compétence pour disposer de la demande de révision. [23] Le droit de rectification de la demanderesse est prévu à l’article 89 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. [24] En matière de rectification, le fardeau de preuve repose sur l’organisme en vertu de l’article 90 de la Loi sur l’accès : 90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. [25] La preuve démontre que le D r Giard, l’auteur des renseignements en litige, a, en sa qualité de médecin chirurgien au sein de l’organisme, gardé sous observation la demanderesse pour des malaises abdominaux, l’a examinée et évaluée lors de son hospitalisation, tous les jours, du 18 au 24 février 2004. 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
05 20 46 Page : 8 [26] La preuve démontre également que les annotations en litige résultent de l’évaluation du D r Giard et qu’elles expriment, en sa qualité de médecin chirurgien, son opinion diagnostique ainsi que ses recommandations concernant la demanderesse. [27] La preuve démontre de plus que le D r Giard maintient son opinion et ses recommandations formulées après l’évaluation de la demanderesse et refuse de supprimer les renseignements en litige. [28] L’organisme a donc prouvé, à la satisfaction de la Commission, que les renseignements en litige sont des éléments constitutifs de l’opinion du D r Giard et qu’ils n’ont pas à être rectifiés 2 . [29] Par ailleurs, l’article 91 de la Loi sur l’accès prévoit ce qui suit : 91. Lorsque l'organisme public refuse en tout ou en partie d'accéder à une demande de rectification d'un fichier, la personne concernée peut exiger que cette demande soit enregistrée. [30] Il appert de la preuve que l’organisme a inscrit au dossier médical de la demanderesse son désaccord avec cette inscription. [31] La décision de la responsable de l’accès aux documents de l’organisme n’a pas à être révisée, puisqu’elle est, conformément à la preuve administrée devant la Commission, fondée en droit. [32] En raison des renseignements personnels apparaissant à la présente décision, la Commission émettra une ordonnance de non-divulgation du nom de la demanderesse lors de la diffusion de la décision, conformément aux pouvoirs qui lui sont dévolus en vertu de l’article 141 de la Loi sur l’accès : 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. […] 2 X. c. Centre hospitalier universitaire de Québec, [2001] C.A.I. 160.
05 20 46 Page : 9 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [33] REJETTE la demande de révision formulée par la demanderesse contre l’organisme. [34] ORDONNE que le nom de la demanderesse ne soit pas divulgué lors de la diffusion de la présente décision. GUYLAINE HENRI Commissaire LAVERY, DE BILLY (M e Vicky Lemelin) Procureurs de l’organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.