Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 20 26 Date : Le 13 juillet 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demanderesse c. VILLE DE LÉVIS Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 7 novembre 2006, la demanderesse écrit à la responsable de l’accès de l’organisme afin de lui faire la demande suivante : « Madame, je fais la demande du rapport de police fait dans la nuit du 21 décembre 2004, au 1945 Commerciale, St-Jean Chrysostome et qui met ma personne en cause 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 20 26 Page : 2 […] En vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, je vous demande copie de ces dossiers et de tous documents qui me concernent, qui me visent ou qui me mettent en cause. […] » [2] Le 7 novembre 2006, M e Sylvie Dionne, chef du Service de l’accès à l’information de l’organisme, accuse réception de la demande et informe la demanderesse de ses droits et recours. [3] Le 8 novembre 2006, M e Sylvie Dionne avise la demanderesse que l’organisme refuse l’accès aux documents demandés et invoque à l’appui de ce refus les articles 28, 37, 53 et 54 de la Loi sur l’accès. [4] Le 30 novembre 2006, la demanderesse transmet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de la décision de l’organisme. [5] L’audience a lieu à Québec le 21 juin 2007 en présence des parties. La preuve de l’organisme [6] À la demande de la procureure de l’organisme, une preuve à huis clos a été faite afin d’établir les circonstances dans lesquelles les documents réclamés ont été constitués. [7] Cette preuve, faite hors la présence de la demanderesse, est possible en vertu de l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission qui stipulent : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l’absence du requérant et à huis clos, d’un document que l’organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l’accès en vertu d’une restriction prévue à la section II de la Loi. [8] Monsieur Claude Pelletier, inspecteur au service de police de Lévis et responsable de division, a témoigné. Il dépose devant la Commission, sous le
06 20 26 Page : 3 sceau de la confidentialité, des documents qui font état de l’intervention de son service à la date mentionnée dans la demande d’accès de la demanderesse. [9] Ces documents, dont la Commission ne peut divulguer le contenu, émanent du service de police de l’organisme et sont assujettis, selon le témoin, aux restrictions prévues à l’article 28 de la Loi sur l’accès. [10] Le témoin poursuit son témoignage en expliquant le contenu du document déposé qui est une carte d’appel sur laquelle on retrouve l’ensemble des informations consignées par les divers intervenants du service de police de l’organisme le 21 décembre 2004 et qui concernent la demande d’accès telle que formulée. [11] Selon le témoin, ce document comporte plusieurs renseignements personnels de même qu’il pourrait, s’il était divulgué, « révéler les composantes d’un système de communication destiné à l’usage d’une personne chargée d’assurer l’observation de la loi ». La preuve de la demanderesse [12] La demanderesse explique vouloir obtenir le rapport du 21 décembre 2004 qui a été rédigé à la suite d’événements dans lesquels elle aurait été impliquée. Elle raconte que le soir du 20 décembre 2004, elle a reçu la visite de deux ambulanciers et de deux policiers alors qu’elle était dans sa résidence du 1945, Commerciale, à Saint-Jean-Chrysostôme. [13] Cette visite faisait suite à un appel qui aurait été logé par M. Yves Caron (son conjoint à cette époque) qui avait demandé aux policiers de rendre visite à la demanderesse. [14] La demanderesse vivait alors une situation conjugale difficile avec M. Caron et c’est dans ce contexte qu’aurait été effectuée la visite des polices de l’organisme. [15] À la suite de ces événements, le conjoint de la demanderesse s’est enlevé la vie et elle précise avoir besoin de ce rapport pour poursuivre ses démarches avec d’autres organismes publics. Compte tenu du drame entourant le décès subséquent de son conjoint, sa demande vise également à connaître les déclarations qui ont été faites ainsi que les circonstances entourant ces
06 20 26 Page : 4 déclarations au moment où l’appel de service a été logé auprès du service de police de l’organisme. Les représentations de l’organisme [16] La procureure de l’organisme soumet à la Commission que le document déposé sous le sceau de la confidentialité ne peut être remis à la demanderesse puisqu’il s’agit d’un document complété par des policiers au service de l’organisme. Selon la procureure, ce document révèle certaines composantes d’un système de communication utilisé notamment pour prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois et contient des renseignements personnels concernant des personnes autres que la demanderesse. Décision [17] La demanderesse réclame le rapport constitué par le service de police de l’organisme suite à une visite dans la nuit du 21 décembre 2004 au 1945, rue Commerciale, à Saint-Jean-Chrysostôme. [18] À l’audience, l’organisme a déposé ce qu’il est convenu d’appeler une « carte d’appel » constituée lors de cet événement. Dans une décision rendue en semblable matière, la Commissaire Diane Boissinot décrivait ainsi la « carte d’appel » : « Il explique ce qu’est une carte d’appel, les circonstances dans lesquelles ce document est confectionné et pourquoi ce système est utilisé. Lorsqu’un citoyen compose le 911, par exemple, un répartiteur reçoit l’appel, prend les coordonnées de cette personne et note les raisons de l’appel dans le système informatique. Il transmet, par ordinateur, ces informations au véhicule de police qui doit intervenir. Le policier note sur son ordinateur les détails de son intervention et retourne le tout, par voie informatique, au répartiteur qui les retransmet au Service de police concerné. L’officier de police en devoir vérifie le travail et lorsqu’il le juge conforme, classe l’information. Cette information ainsi classée se nomme carte d’appel. À partir de cette carte d’appel, le dossier est constitué. La carte d’appel peut devenir
06 20 26 Page : 5 la base, le cas échéant, d’un rapport d’événement, communément appelé le rapport de police. Cette carte indique l’orientation que devrait prendre le dossier : sa fermeture ou la rédaction d’un rapport d’événement ou d’incident. La carte d’appel est un système de communication de plus en plus utilisé dans les services de police. Elle remplace peu à peu les communications par radio qui ont le défaut de pouvoir être interceptées par des personnes étrangères aux corps de police. Le système des cartes d’appel assure une communication plus sécuritaire des informations policières. » 2 [19] Le document qui a été déposé par l’organisme est conforme à cette description. [20] Le soussigné comprend le contexte difficile dans lequel la demanderesse a été impliquée lors de ces événements et comprend qu’elle espère trouver dans cette documentation des réponses à ses interrogations. [21] Toutefois, on doit donner suite à la demande faite en conformité avec les dispositions de la Loi sur l’accès. Les dispositions pertinentes de cette loi sont les suivantes : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement contenu dans un document qu’il détient dans l’exercice d’une fonction, prévue par la loi, de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois ou dans l’exercice d’une collaboration, à cette fin, avec une personne ou un organisme chargé d’une telle fonction, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° …; 2° …; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4° …; 5° …; 2 Daniel Patry c. Régie intermunicipale de police et direction des incendies de Charny, de St-Jean-Chrysostome et St-Romuald, C.A.I. 99 03 70, 25 novembre 1999.
06 20 26 Page : 6 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 53. Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu par un organisme public dans l’exercice d’une fonction juridictionelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [22] Le contenu du document qui a été déposé sous le sceau de la confidentialité est-il visé par ces dispositions? La Commission croit qu’il faut répondre de façon affirmative à cette question. Les décisions de la Commission rendues dans d’autres affaires protègent la confidentialité de ces renseignements. Ainsi, dans Winters c. Communauté urbaine de Montréal, la Commissaire Giroux écrivait : 3 « Cette section reproduit des « cartes d’appels » qui consistent en une fiche signalant un incident qui comporte la date et l’heure de l’appel, les coordonnées de l’appelant, soit le numéro d’une voiture de police ou, le cas échéant, le nom, l’adresse et le numéro de téléphone du citoyen. On y relève aussi l’endroit de l’incident, sa nature et, enfin, différents codes décrivant plus sommairement cet incident. Ces informations sont consignées sur ces cartes d’appels par un policier qui exerce alors une tâche spécifiquement policière. Ainsi, d’emblée, on peut appliquer le paragraphe introductif de l’article 28. 3 [1987] C.A.I., p. 371.
06 20 26 Page : 7 L’accès à ces cartes d’appels serait susceptible « de révéler les composantes d’un système de communication destiné à l’usage d’une personne chargée d’assurer l’observation de la loi ». En effet, en prenant connaissance de ces cartes, on pourrait « déchiffrer » les « codes d’appels » correspondant à chacun des types d’événements. La divulgation de ces cartes serait aussi susceptible « de causer un préjudice à une personne qui est l’auteur du renseignement », sans compter qu’il s’agit là de renseignements nominatifs. Donc, en vertu des paragraphes 5o et 6o de l’article 28 et de l’article 53, l’organisme doit refuser de divulguer ces « cartes d’appels ». [23] Tel que nous l’avons déjà mentionné, on retrouve dans ce document la date, l’heure de l’appel, les coordonnées des individus, les numéros de téléphone, des codes d’appel ainsi que des renseignements relatifs à des personnes physiques qui pourraient permettre de les identifier. Les renseignements contenus sont donc semblables à ceux qui font l’objet des deux décisions précitées. [24] Il est vrai que la demanderesse nous a mentionné que la personne qui a fait l’appel et qui a demandé l’intervention des policiers était fort probablement son conjoint. Elle ne désire pas obtenir des informations concernant des tiers mais elle considère que les informations relatives à son conjoint et aux événements du 21 décembre 2004 la concernent. [25] Toutefois, quel que soit le degré de parenté, d’intimité ou la nature des relations existantes entre les individus, la Loi sur l’accès ne permet pas de faire de distinction lorsqu’il s’agit de renseignements personnels concernant des tiers. Dans Procureur général du Québec c. Allaire, la juge Michèle Pauzé, de la Cour du Québec écrivait : « Ce n’est pas parce que les demandeurs connaissent l’identité et le contenu de la déposition que les dispositions de l’article 28 de la loi doivent être écartées […] Le principe de la loi veut que les renseignements concernant une personne et qui permettent de l’identifier sont confidentiels. Ceux-ci ne peuvent être dévoilés sauf si la personne concernée l’autorise, y
06 20 26 Page : 8 consent ou dans le cadre des exceptions prévues spécifiquement à l’article 59 de la loi. » 4 [26] L’organisme a refusé à la demanderesse l’accès aux documents qu’elle réclame. Faut-il le rappeler, le premier alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès lui impose d’agir ainsi : « Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement contenu dans un document qu’il détient dans l’exercice d’une fonction, prévue par la loi, de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois ou dans l’exercice d’une collaboration, à cette fin, avec une personne ou un organisme chargé d’une telle fonction, lorsque sa divulgation serait susceptible : […] 6° de révéler les composantes d'un système de communication. » [27] De même, l’organisme public devait assurer le respect du caractère confidentiel des renseignements personnels qui se retrouvent dans ce document puisque de tels renseignements auraient pu permettre d’identifier des personnes physiques, conformément à ce que prévoient les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès. [28] En conséquence, le refus de l’organisme de communiquer les documents réclamés par la demanderesse était bien fondé. [29] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [30] REJETTE la demande de révision; JEAN CHARTIER Commissaire 4 AIE.2002 AC-89, Cour du Québec.
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