Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 07 09 Date : Le 5 juillet 2007 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 16 janvier 2006, la demanderesse requiert de M. Donald Gingras, inspecteur-chef à la Sûreté du Québec, district de l’Estrie, une copie intégrale de son dossier et toutes les cassettes audio qu’elle aurait remises à un agent qu’elle identifie. 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
06 07 09 Page : 2 [2] Le 7 mars 2006, M. Gingras transmet à la demanderesse un accusé de réception et l’informe que sa demande a été transférée à M. Luc Joli-Cœur, « coordonnateur de l’accès à l’information ». Le 15 mars suivant, celui-ci lui fait parvenir un accusé de réception. [3] Sans réponse, la demanderesse sollicite, le 25 avril 2006, l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que soit révisée la décision de l’Organisme sur le refus présumé de celui-ci d’acquiescer à sa demande comme suit : J’ai demandé le 16 janvier 2006 au commandant de la Sûreté du Québec de Sherbrooke du district de l’Estrie de me faire parvenir une copie complète du dossier 378-020415-001 avec les cassettes audio déposées en preuve en même temps et les déclarations des autres membres qui étaient présent lors de cette soirée. Ceux-ci n’ont déposé la demande qu’à la direction de l’audit et de l’évaluation que le 15 mars 2006 […]. [sic] L’AUDIENCE [4] Le 17 avril 2007, l’audience de la présente cause débute à Montréal en présence de la demanderesse, du témoin de l’Organisme, M. Joli-Cœur, responsable de l’accès aux documents et de M e Marie-Hélène Léveillée du cabinet d’avocats Bernard, Roy (Justice-Québec), procureurs de l’Organisme. Précisions [5] M e Léveillée informe la Commission que l’Organisme a communiqué avec la demanderesse et l’a informée qu’il serait prêt à lui transmettre des documents, moyennant le paiement des frais exigibles. À cet effet, les parties devaient se rencontrer à un bureau de l’Organisme à Montréal le 11 juillet 2006. La demanderesse ne s’est cependant pas présentée au rendez-vous. [6] M e Léveillée indique que l’Organisme est prêt à remettre des documents à la demanderesse gratuitement. Celle-ci en prend possession séance tenante, mais précise qu’elle veut obtenir les parties manquantes.
06 07 09 Page : 3 LA PREUVE DE L’ORGANISME Témoignage de M. Luc JoIi-Coeur [7] Interrogé par M e Léveillée, M. Joli-Coeur affirme qu’il est responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels au sein de l’Organisme. À ce titre, il a traité la demande d’accès formulée par la demanderesse que lui a transmise M. Gingras le 15 mars 2006. Elle réfère à un rapport d’enquête rédigé par des policiers dans le cadre d’une enquête policière qu’ils ont menée, en rapport avec un événement concernant la demanderesse dans le dossier d’événement portant le n o 378-020415-001. [8] M. Joli-Cœur signale que, le 10 mai 2006, il a fait parvenir à la demanderesse la réponse de l’Organisme, invoquant comme motifs de refus aux extraits de renseignements l’article 9, les 5 e et 6 e paragraphes du 1 er alinéa de l’article 28 et les articles 31, 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès. Le dossier contient notamment les notes personnelles d’un enquêteur, des renseignements personnels (nominatifs) concernant une personne autre que la demanderesse et des opinions juridiques. Il contient également des renseignements visant un système à assurer la protection des biens et d’une personne (pièce O-1). [9] M. Joli-Coeur déclare que l’Organisme a transmis à la demanderesse les « cassettes audio » et les notes émanant de celle-ci (pièce O-2). De plus, pour répondre à sa demande de consulter les documents contenus dans son dossier, il lui a fait parvenir une lettre l’informant de communiquer avec son bureau afin de prendre rendez-vous (pièce O-3). La demanderesse ne l’a pas fait. [10] M e Léveillée intervient pour indiquer que l’Organisme invoque également les 3 e , 5 e et 7 e paragraphes du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès ainsi que le 2 e alinéa de l’article 29 de cette loi. Ces derniers revêtant un caractère impératif, ils peuvent être invoqués à l’audience. [11] Poursuivant son témoignage, M. Joli-Cœur explique les motifs de refus partiel ou total de l’accès à certaines pages de documents, selon les dispositions législatives concernées :
06 07 09 Page : 4 Le 6 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès a) Les pages 1, 3, 8, 330 et 450 • Les pages 1, 8 et 450 réfèrent à des renseignements contenus au Centre de renseignements policiers du Québec (le CRPQ), ces derniers ayant été consultés par un membre de la Sûreté du Québec (S.Q.). • Les pages 3 et 330 réfèrent, entre autres, à des codes d’identification policiers. La divulgation des renseignements ci-dessus mentionnés révélerait les composantes d’un système de communication destiné à l’usage d’une personne susceptible de dévoiler l’identité des personnes physiques impliquées dans l’événement concernant la demanderesse. Elles devraient demeurer confidentielles. Le 7 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès b) Les pages 19, 20, 56 et 433 à 438 • La divulgation dans ces pages révélerait des renseignements transmis à l’Organisme, à titre confidentiel, par des corps de police ayant compétence hors du Québec. Le 3 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès c) Les pages 44, 410 à 413 et 426 à 429 • Il s’agit de renseignements dont la divulgation permettrait de révéler, entre autres, une méthode d’enquête et une source confidentielle d’information destinées à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. Les pages 426 à 429 constituent des rapports d’analyse biologique, concernant des personnes physiques, provenant du Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale.
06 07 09 Page : 5 Le 5 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès d) Les pages 46 à 50, 51,414 à 416, 418 à 420 et 425 • Ces pages contiennent des renseignements personnels visant trois personnes considérées comme « suspect » à la suite d’une plainte pour viol collectif déposée contre eux par la demanderesse. Il s’agit d’une série d’événements survenus sur une courte période de temps. La divulgation de ces renseignements serait susceptible de causer préjudice à une personne qui en est l’auteur ou l’objet. [12] Le 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès • Les mots extraits de la page 71 doivent demeurer confidentiels, puisque leur divulgation aurait pour effet de diminuer l’efficacité d’un dispositif de sécurité destiné à la protection d’un bien ou d’une personne. [13] L’article 31 de la Loi sur l’accès Les pages 66, 67 et 68 • Les pages 66 et 67 contiennent une opinion juridique rédigée par un substitut du procureur général, relativement à l’agression sexuelle portée par la demanderesse contre les suspects. La page 68 est un duplicata de la page 66. [14] Les articles 9, 53 et 54 de la Loi sur l’accès Les pages19, 37 à 42, 51, 54 et 59, 360 à 370, 374 à 404, 414 à 416, 418 à 420, 422 à 425, 439, 448, 449, 478 et 526 à 560 • À l’exception des pages ci-après citées, il s’agit de renseignements personnels recueillis auprès des témoins par un enquêteur. Le refus est basé sur l’article 53, puisque la divulgation permettrait d’identifier une personne au sens de l’article 54. • Les pages 360 à 370, 385 à 389, 421 à 423, 439, 448, 449, et 478 sont des notes manuscrites prises par un enquêteur, ces dernières étant protégées par l’article 9.
06 07 09 Page : 6 • Les pages 526 à 560 sont des photographies prises à l’intérieur de la résidence privée où les événements se seraient déroulés. Il s’agit ici de renseignements personnels au sens de l’article 53. [15] M. Joli-Cœur réfère la demanderesse à une lettre datée du 29 juin 2006 qu’il lui a fait parvenir, l’informant de l’intention de l’Organisme de lui donner l’accès à certains documents. Elle devait rappeler au numéro de téléphone mentionné, mais ne l’a pas fait (pièce O-3 précitée). [16] En ce qui a trait au dossier de santé de la demanderesse, M. Joli-Cœur répond que cette dernière avait préalablement consenti à ce qu’il en obtienne une copie. Il ajoute que l’Organisme a fait une copie de sa trousse médicale pour le substitut du procureur général du Québec, une pour le policier enquêteur et une qui est conservée au dossier. Il précise que l’Organisme lui a remis une copie intégrale de son dossier de santé et de sa trousse médicale. Il ne détient plus ces documents. DE LA DEMANDERESSE [17] La demanderesse déclare qu’il lui manque une déclaration qu’elle a faite, vers le début du mois de mai 2002, chez elle, en présence des policiers, N. G et S. C. Cette déclaration fait état, entre autres, de renseignements spécifiques qu’elle leur a fournis à cette date. [18] M. Joli-Cœur lui montre ce document, daté du 15 avril 2002, qu’il lui a déjà remis. [19] La demanderesse réplique qu’il ne s’agit pas de cette déclaration et spécifie ce à quoi elle fait référence, tel que décrit au paragraphe 17 de la présente décision. [20] La Commission demande à M. Joli-Coeur d’effectuer une recherche additionnelle afin de trouver la déclaration en question et la faire parvenir à la demanderesse. Il transmettra à la Commission une preuve à cet effet. [21] L’audience est suspendue à ce stade-ci, pour se poursuivre à une date ultérieure. Poursuite de l’audience le 10 mai 2007 [22] À la reprise de l’audience, M. Joli-Cœur indique qu’il a retrouvé la déclaration recherchée par la demanderesse. Elle date du 9 mai 2002 et a été
06 07 09 Page : 7 prise par l’enquêteur S. C. au cours de son enquête. Des individus ont été rencontrés par celui-ci qui a sélectionné certains renseignements et non pas ceux décrits par la demanderesse lors de son témoignage. [23] De plus, parmi les documents confidentiels, M. Joli-Cœur réfère la Commission aux notes prises par S. C., dans lesquelles se trouvent notamment les renseignements qui ont été décrits par la demanderesse. [24] La demanderesse réitère son témoignage initial et ajoute que, le 9 mai 2002, elle a fait deux déclarations chez elle à l’adresse indiquée, en présence des enquêteurs, S. C. et N. G. L’une d’elles a été rédigée par elle-même. [25] Répondant à une question de la Commission, M. Joli-Cœur souligne que l’Organisme détient d’autres dossiers concernant la demanderesse. Ils comportent d’autres numéros. Il a toutefois procédé au traitement de la présente demande en se référant au dossier n o 378-020415-001, tel qu’indiqué dans la demande d’accès. [26] Considérant les précisions additionnelles apportées par la demanderesse, la Commission donne des instructions à M. Joli-Cœur afin que celui-ci fasse le nécessaire auprès des enquêteurs S. C. et N. G. pour connaître, dans un délai spécifique, leur version des faits relativement à cette déclaration. La demanderesse pourra émettre ses commentaires personnels dans un délai additionnel équivalent. Preuve ex parte [27] La Commission décide de recueillir une preuve ex parte, en regard des articles 28 (5 e et 7 e paragraphes) et 29 (2 e alinéa) de la Loi sur l’accès, conformément à l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d'accès à l'information 2 : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. 2 R.R.Q., c. A-2.1, r. 2, D. 2058-84.
06 07 09 Page : 8 Poursuite de l’audience en présence de toutes les parties ARGUMENTS DE L’ORGANISME [28] M e Léveillée précise qu’il existe une présomption voulant que les policiers sont des personnes chargées de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, conformément au 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès. Pour voir à son application, l’Organisme doit satisfaire aux trois conditions ci-après mentionnées : a) que le renseignement ait été obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; b) que cette personne mène une enquête policière (test d’intensité spécifique); c) que la communication du renseignement soit susceptible d’avoir un effet sur l’un ou l’autre des paragraphes 1 à 9 de cet article. Le 3 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès [29] M e Léveillée plaide que, pour le 3 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès, il s’agit de l’une des méthodes d’enquête. M. Joli-Cœur a fait ressortir durant son témoignage que les renseignements recueillis par les policiers dans le cadre de leur enquête sont confidentiels. La preuve a démontré que le dossier contient des expertises effectuées par le « Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale » et les résultats obtenus. Si ces renseignements sont dévoilés, les policiers ne seront plus en mesure de faire leur travail. Ils doivent demeurer confidentiels, conformément à l’affaire X c. Ministère de la Sécurité publique 3 . Le 5 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès [30] Elle indique que la preuve a démontré que la plupart des pages de documents contiennent des renseignements provenant de policiers susceptibles de témoigner. Leur divulgation risquerait de causer un préjudice à ceux qui en sont les auteurs ou l’objet. 3 C.A.I. Montréal, n o 02 08 06, 5 septembre 2003, c. Constant.
06 07 09 Page : 9 Le 6 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès [31] M e Léveillée réfère aux codes utilisés par les policiers qui s’en sont servi pour alimenter le CRPQ. Ces renseignements doivent demeurer confidentiels, de manière à ce que les policiers puissent exercer leurs fonctions, conformément à l’affaire Dufour c. Ministère de la Sécurité publique 4 . Le 7 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès [32] Elle argue que le témoignage de M. Joli-Cœur au cours de la preuve ex parte a démontré que les renseignements refusés à la demanderesse (exemple : les pages 434 à 438) ont été transmis à l’Organisme par un corps de police ayant compétence hors du Québec. Ils doivent demeurer confidentiels. Le 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès [33] Elle renvoie à la preuve ex parte. Il s’agit de renseignements concernant des programmes visant à assurer la protection de biens ou la sécurité des personnes physiques mentionnées. L’article 31 de la Loi sur l’accès [34] Elle plaide que l’application de l’article 31 de la Loi sur l’accès nécessite les trois conditions ci-après décrites : a) Il doit y avoir une proposition de nature juridique; b) qui doit être consignée par écrit; c) et qui engage son auteur. [35] Elle spécifie que, dans le présent cas, la preuve a démontré que les trois conditions ci-dessus mentionnées sont satisfaites par l’Organisme. De plus, il a été établi qu’il s’agit de l’application du droit à un cas particulier engageant son auteur, soit l’avocat qui a rédigé ces deux opinions juridiques. Les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès [36] Elle rappelle que la preuve a démontré que les documents en litige sont truffés de renseignements personnels. Leur divulgation permettrait à une personne d’en trouver l’auteur. Ils sont confidentiels, conformément à l’affaire X c. Ministère de la Sécurité publique 5 , où la Commission indique, entre autres : 4 SOQUIJ, AZ-96151063. 5 C.A.I. Montréal n o 02 08 06, 5 septembre 2003, c. Constant, par. 32.
06 07 09 Page : 10 Le dossier déposé sous le sceau de la confidentialité contient, entre autres, quatre déclarations de témoins auxquelles des croquis sont annexés. L’examen de ces documents démontre qu’ils sont truffés de renseignements nominatifs, notamment en ce qui concerne les nom, prénom, adresse, date de naissance de ces témoins, ainsi que leur façon de donner leur version sur l’incendie de la demeure du demandeur. La divulgation de ces déclarations permettrait au demandeur d’identifier ces témoins qui bénéficient de la protection accordée par l’article 54. De plus, la preuve n’a pas démontré que ceux-ci aient consenti à ce que leur déclaration soit dévoilée aux termes des articles 53, 54, 59 al. 1 et 88 de la Loi sur l’accès. DÉCISION [37] La demanderesse souhaite obtenir l’intégralité des documents contenus dans le dossier portant le n o 378-020415-001, en vertu de l’article 83 de la Loi sur l’accès tel qu’il se lisait au moment de la demande, soit avant l’adoption du Projet de loi 86 au mois de juin 2006. L’Organisme doit les lui transmettre, sous réserve de certaines restrictions législatives : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [38] L’article 83 de la Loi sur l’accès visant des droits de la personne concernée par un renseignement personnel se trouve au chapitre III, traitant de la protection des renseignements personnels. [39] Dans le présent cas, la demanderesse souhaite avoir accès aux documents contenant des renseignements personnels qui la concernent. L’Organisme lui a remis, à l’audience, un accès en tout ou en partie aux documents contenant des renseignements personnels la concernant.
06 07 09 Page : 11 Les motifs de refus intégral ou partiel à l’accès aux documents Les 3 e et 5 e paragraphes de l’article 28 de la Loi sur l’accès [40] D’emblée, il faut spécifier que la preuve a clairement démontré que les enquêteurs de la S.Q. ont mené une enquête policière dans le cadre d’une série d’événements impliquant et concernant la demanderesse, en vertu du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès, tel qu’il se lisait au moment de la demande d’accès. Ces enquêteurs sont des personnes qui, en vertu de la loi, sont chargées de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, conformément au 1 er alinéa de cet article : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; […] 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 7° de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; […] [41] J’ai examiné les documents décrits aux points c et d du paragraphe 11 de la présente décision. Il est évident que la divulgation des renseignements personnels concernant certains témoins ou individus risquerait de causer à ces derniers un préjudice au moment où les enquêteurs menaient leur enquête dans les dossiers concernant la demanderesse, conformément aux décisions X c. Ville de Gatineau 6 et Winters c. Québec (Ministère de la Justice) 7 . Les motifs de restriction invoqués par l’Organisme sont satisfaits; ces renseignements doivent donc demeurer confidentiels. 6 C.A.I. Montréal, n o 03 05 45, 22 juin 2006, c. Constant. 7 [1984-86] 1 C.A.I. 558.
06 07 09 Page : 12 [42] De plus, la divulgation des renseignements contenus au CRPQ serait susceptible de dévoiler l’identité des personnes physiques qui y sont mentionnées. La règle de la confidentialité demeure. Le 7 e paragraphe de l’article 28 de la Loi sur l’accès [43] Le témoignage de M. Joli-Cœur, recueilli lors de la preuve ex parte, et les documents que j’ai examinés démontrent clairement que des renseignements ont été transmis à titre confidentiel à l’Organisme par un corps de police ayant compétence hors du Québec. On y trouve, à titre d’exemple, des documents portant le sigle de ce corps de police, l’identité du policier travaillant au sein de celui-ci et la nature des renseignements. Ils doivent donc demeurer confidentiels. [44] Le 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès stipule : 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. [45] Toute la preuve concernant le document touché par le 2 e alinéa de l’article 29 de la Loi sur l’accès a été recueillie lors de la preuve ex parte. L’examen de mots précis extraits de ce document démontre que ces renseignements traitent de programmes visant à assurer la sécurité de biens ou de personnes physiques. Ils doivent demeurer confidentiels. Je suis également d’avis que leur divulgation risquerait vraisemblablement de diminuer l’efficacité d’un dispositif de sécurité destiné à la protection de ces biens ou ces personnes physiques. Le 2 e alinéa de l’article 29 de cette loi trouve application. [46] L’article 31 de la Loi sur l’accès prévoit : 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. [47] Les documents pour lesquels l’article 31 de la Loi sur l’accès est invoqué par l’Organisme traitent d’un événement concernant la demanderesse. Le
06 07 09 Page : 13 substitut du procureur général du Québec analyse les renseignements se trouvant dans les documents et indique les motifs pour lesquels il arrive à la conclusion qui y est mentionnée. Il a émis une opinion juridique portant sur l’application du droit à ce cas particulier. [48] Les articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès stipulent : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [49] Les pages de documents mentionnées au paragraphe 14 de la présente décision sont truffées de renseignements personnels. Il s’agit de l’identité d’individus, de notes manuscrites prises par un enquêteur de la S.Q. dans le cadre de son enquête relativement à un événement concernant la demanderesse, de déclarations faites par des personnes physiques ou des témoins éventuels, de dates de naissance, de la correspondance échangée entre un enquêteur et d’autres personnes requérant leur version des faits, etc. Leur divulgation permettrait d’identifier leur auteur, conformément à une jurisprudence constante
06 07 09 Page : 14 établie par la Commission 8 . Les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès s’appliquent dans le présent cas. Il n’a pas été démontré que les auteurs des renseignements personnels aient consenti à leur communication au sens de l’article 88 de cette loi. [50] Il est de plus évident que les renseignements et les commentaires personnels émis par les personnes mentionnées dans les documents constituent leur substance selon les termes de l’article 14 de la Loi sur l’accès : 14. Un organisme public ne peut refuser l’accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu’il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l’organisme public peut en refuser l’accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l’organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l’accès n’est pas autorisé. [51] Par ailleurs, un renseignement personnel, tel le numéro de matricule d’un policier, n’est pas personnel au sens de l’article 55 de la Loi sur l’accès : 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n’est pas nominatif. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [52] De plus, les photographies numérotées prises à l’intérieur de la résidence privée décrite par M. Joli-Cœur constituent également un renseignement personnel. Le propriétaire des photographies, qui est un tiers par rapport à la demanderesse, a droit notamment au respect de sa vie privée au sens de l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne 9 . La règle de la confidentialité concernant ce propriétaire demeure. 8 Fontaine c. Sécurité publique, SOQUIJ AZ-50400949; Boisvenu c. Québec (Ministère de la Sécurité publique), [2005] C.A.I. 428; Cusson c. Québec (Ministère de la Sécurité publique), [2003] C.A.I. 110; X c. Laval (Ville de), [2003] C.A.I. 280; Drouin c. St-Georges (Ville de), [1992] C.A.I. 55. 9 L.R.Q., c. C-12.
06 07 09 Page : 15 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée. Complément de preuve [53] Pour faire suite à l’engagement pris par l’Organisme concernant une déclaration qu’aurait rédigée la demanderesse le 9 mai 2002, M e Léveillée me transmet, le 28 mai 2007, un affidavit portant la signature du sergent-enquêteur S. C. Pour l’essentiel, celui-ci déclare : a) qu’il a agi à titre d’agent dans le dossier d’événement inscrit par la demanderesse dans sa demande; b) qu’il a rencontré la demanderesse à la résidence de celle-ci, en présence d’un autre agent, N. G., relativement aux événements survenus le 7 avril 2002; c) que l’agent N. G. a questionné la demanderesse et consigné ses réponses dans une déclaration portant la signature de cette dernière; d) que ce questionnement était d’une durée de près de deux heures et ces notes ont été versées au dossier d’événement mentionné dans la présente cause pour faire partie de ce dossier; e) que ses notes n’ont pas abouti à une déclaration qui aurait été rédigée par la demanderesse. Elles n’ont pas non plus donné lieu à une déclaration qui aurait été rédigée par lui-même ou par N. G pour être signée par la demanderesse. [54] La demanderesse, pour sa part, me fait parvenir ses observations écrites le 6 juin 2007, exigeant une copie d’une déclaration qu’elle aurait signée le 9 mai 2002, ajoutant qu’elle a déposé, contre l’agent S. C., une plainte à la S.Q. et une autre « à la déontologie ». Sur ce dernier point, elle n’a cependant pas spécifié s’il s’agit d’une plainte devant le Commissaire à la déontologie policière. [55] Le contenu de la lettre de la demanderesse démontre que celle-ci est insatisfaite des explications fournies par l’agent S. C. dans l’affidavit portant la signature de celui-ci et daté en 18 mai 2007. [56] Quant aux renseignements et motifs fournis par l’agent S. C. et par la demanderesse relativement à ce document, il s’agit d’une preuve contradictoire. [57] Malgré les préoccupations de la demanderesse à vouloir obtenir copie de l’autre déclaration qu’elle aurait rédigée et/ou signée, je ne peux ignorer le fait
06 07 09 Page : 16 qu’à l’audience, M. Joli-Cœur a répondu à toutes les questions qui lui étaient posées et m’a fourni les précisions que je recherchais en rapport avec ce document. Il a fait le nécessaire afin d’éclaircir ce point. De plus, il a repéré les montants d’argent auxquels réfère la demanderesse et a fourni à celle-ci une copie du document contenant ces renseignements. [58] Considérant la preuve recueillie relativement à l’autre déclaration recherchée par la demanderesse et qui serait datée du 9 mai 2002, j’en viens à la conclusion que ce document est inexistant. [59] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision de la demanderesse contre l’Organisme; CONSTATE que l’Organisme a remis à la demanderesse une copie des documents en litige; CONSTATE par ailleurs qu’après l’audience, l’Organisme a transmis à la demanderesse les renseignements ayant été lus par M. Joli-cœur à cette dernière audience; REJETTE, quant au reste, la demande de révision de la demanderesse contre l’Organisme; FERME le dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire BERTRAND, ROY (JUSTICE-QUÉBEC) (M e Marie-Hélène Léveillée) Procureurs de l'Organisme
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