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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 06 01 33 Date : Le 28 juin 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri DÉCISION SOCIÉTÉ DANALYSE IMMOBILIÈRE D.M. INC. Demanderesse c. MUNICIPALITÉ DE LA BAIE-JAMES Organisme -et- LIMMOBILIÈRE, SOCIÉTÉ DÉVALUATION CONSEIL INC. Tierce partie
06 01 33 Page : 2 OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière daccès en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 5 décembre 2005, la demanderesse écrit à lorganisme afin dobtenir divers documents faisant suite à lappel doffres n o MBJ-2005-16 publié par ce dernier en septembre 2005. Elle désire notamment obtenir « […] copie de lannexe C (grille dévaluation) dûment complétée par le comité de sélection statuant le pointage que la firme mandatée a obtenu lors de la première étape de létude des soumissions, soit létape « Évaluation de la qualité » décrite au paragraphe 3.5 du cahier des charges. » [2] Le 15 décembre 2005, le greffier de lorganisme informe la demanderesse que certains documents demandés ayant été fournis par un tiers, il doit donner à ce dernier un avis de la demande daccès afin de lui permettre de présenter ses observations conformément à larticle 25 de la Loi sur laccès. [3] Le 23 décembre 2005, lorganisme informe la demanderesse que la tierce partie na pas dobjection à ce que les documents considérés comme « publics » soient transmis à la demanderesse. Étant davis que plusieurs documents visés par la demande daccès comportent des renseignements financiers, commerciaux ou techniques de nature confidentielle au sens des articles 23 et 24 de la Loi sur laccès, lorganisme transmet certains documents à la demanderesse et refuse den communiquer dautres. [4] Le 20 janvier 2006, la demanderesse soumet une demande de révision de la décision de lorganisme à la Commission daccès à linformation (la Commission). [5] Une audience est tenue à Montréal le 27 février 2007. 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur laccès.
06 01 33 Page : 3 AUDIENCE [6] En début daudience, les parties informent la Commission que, tel quil appert de la correspondance récente, le seul document en litige est la grille dévaluation remplie par le Comité de sélection de lorganisme lors de létude des soumissions et que la tierce partie ne participe pas à laudience. PREUVE [7] En début daudience, la demanderesse dépose, avec laccord de lorganisme, copie dun extrait du procès-verbal dune assemblée publique du conseil de lorganisme tenue le 17 novembre 2005 (D-1), contenant la résolution ayant accordé le contrat de services professionnels à la tierce partie, à la suite de lappel doffres du mois de septembre 2005. Cette résolution contient également le pointage final octroyé aux deux soumissions présentées dans le cadre de cet appel doffres. DE LORGANISME [8] M e Stéphane Simard, greffier de lorganisme, témoigne pour ce dernier. Il explique que la grille dévaluation en litige a été créée lors de lappel doffres du mois de septembre 2005 et utilisée par lorganisme dans le cadre du processus dattribution du contrat de services professionnels visé par cet appel doffres. [9] Les soumissions ont été étudiées par un comité de sélection formé de trois personnes, employées de lorganisme, soit le témoin, greffier, M. Benoit Ross, directeur général, ainsi que M. Louis Gagnon, trésorier. [10] Létude des soumissions sest déroulée comme suit : chaque membre en a reçu une copie et, de façon indépendante, a procédé à sa propre évaluation de celles-ci, chez lui ou au bureau. Les membres du Comité de sélection se sont ensuite rencontrés pour procéder au calcul du total des résultats obtenus et diviser ensuite ce total par trois afin dobtenir une note moyenne qui constitue le pointage de chaque firme soumissionnaire concernant lappel doffres du mois de septembre 2005. [11] Tel quil appert dune copie vierge de la grille dévaluation déposée par lorganisme (O-1), celle-ci repose sur cinq critères, dont la pondération totalise un maximum de 100 points :
06 01 33 Page : 4 Expérience du fournisseur dans des mandats similaires : 15 points; Expérience du chargé de projet et de léquipe proposée : 20 points; Organisation et capacité de relève : 15 points; Connaissance du territoire couvert : 20 points; Expérience du fournisseur dans lestimation des propriétés industrielles particulières, les mines, les scieries et les postes de transformation et de transport hydroélectrique : 30 points. [12] La grille dévaluation (O-1) prévoit également ce qui suit : Les enveloppes de prix des offres dont le pointage est de moins de 70 sont retournées aux soumissionnaires, sans avoir été ouvertes. [13] Les membres du Comité de sélection attribuent aux soumissions un pointage pour chaque critère de la grille dévaluation de façon indépendante. Chaque membre du Comité a lu les soumissions et accordé le pointage que celles-ci méritent, à son avis. Les membres du Comité nont pas de grille objective de pointage. Lévaluation de chaque membre est donc subjective. [14] En contre-interrogatoire, le témoin reconnaît que le processus dadjudication de contrat de fourniture de services professionnels de même que le travail du Comité de sélection sont encadrés par la Loi sur les cités et villes 2 (la LCV) qui sapplique à lorganisme. Cette loi prescrit notamment lobligation de créer un comité de sélection et linterdiction que ce comité soit composé délus. Elle nexige pas que celui-ci soit formé demployés de lorganisme. [15] Une fois que le Comité de sélection a terminé lévaluation des soumissions, le conseil de lorganisme, sil octroie le contrat, doit lattribuer au soumissionnaire qui a obtenu le meilleur pointage, à moins den référer au ministre des Affaires municipales afin doctroyer le contrat à quelquun dautre. Sauf cette situation particulière, le conseil municipal, sil décide doctroyer le contrat, na pas discrétion pour laccorder à une autre firme que celle qui a obtenu le meilleur pointage. Il doit sen remettre à la recommandation du Comité de sélection. 2 L.R.Q., c. C-19.
06 01 33 Page : 5 [16] Le rôle du Comité de sélection est de procéder à lévaluation des soumissions présentées à lorganisme à la suite de lappel doffres et non de faire des recommandations concernant lopportunité doctroyer ce contrat. [17] Le document qui sera déposé sous pli confidentiel est similaire à la grille vierge produite sous O-1, mais remplie par les membres du Comité de sélection. Il ne contient aucun autre document. [18] De lavis de M e Simard, il est important que les membres du Comité de sélection déterminent le pointage octroyé à chaque critère de la grille dévaluation individuellement plutôt quen comité, parce que le travail en comité peut parfois fausser les résultats. Il estime quil arrive que certains individus imposent leur évaluation aux autres membres et que cela entraîne une situation injuste pour les soumissionnaires. Il estime plus équitable pour ces derniers que lévaluation se fasse de façon totalement indépendante par les membres du Comité. [19] Lorsque le témoin évalue les soumissions, il lit chacune delles de façon attentive et attribue ensuite un pointage pour chaque élément. Il ne procède pas à cette évaluation en comparant les soumissions les unes par rapport aux autres. Il tente de les évaluer une à la fois afin davoir un regard objectif. [20] Conformément à larticle 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission daccès à linformation 3 , la Commission procède à létude du document remis sous pli confidentiel hors la présence de la demanderesse. Lors de cette audience ex parte, M e Simard présente le document litigieux remis sous pli confidentiel et le dépose à la Commission. ARGUMENTATION DE LORGANISME [21] Lorganisme soutient quil est de jurisprudence constante que les grilles dévaluation sont confidentielles puisquil sagit davis ou de recommandations au sens de larticle 37 de la Loi sur laccès. 3 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2, D. 2058-84.
06 01 33 Page : 6 [22] Dans Deslauriers c. Québec (Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux) 4 , la Cour du Québec a énoncé que le législateur, par larticle 37 de la Loi sur laccès, « […] a voulu assurer aux décideurs une liberté en regard des avis ou recommandations qui leur sont adressés, de les respecter ou non, tout en garantissant, par voie de conséquence, lexpression la plus libre dopinion de ceux qui doivent les émettre dans le cadre de leurs fonctions ou leurs mandats. » 5 Selon cette décision, lorsquune personne procède à une évaluation des faits ou porte un jugement de valeur, en vue dune décision à être prise par un organisme public, larticle 37 permet à ce dernier de refuser de communiquer cette évaluation. [23] En lespèce, le rôle des membres du Comité de sélection étant précisément de procéder à une évaluation et de porter un jugement de valeur sur les soumissions transmises à lorganisme, ce processus est protégé. Le témoin Simard est formel : les membres du Comité, lorsquils analysent les soumissions, procèdent de manière subjective lorsquils attribuent une pondération à chaque critère prévu dans la grille dévaluation. Par conséquent, lorganisme pouvait refuser de les divulguer à la demanderesse. [24] La Cour supérieure a dailleurs reconnu le caractère confidentiel des délibérations des membres dun comité de sélection formé en vertu de larticle 573.1.0.1.1 de la LCV 6 . DE LA DEMANDERESSE [25] En matière doctroi de contrats de fourniture de services professionnels de plus de 100 000 $, comme cest le cas en espèce, lorganisme doit se conformer aux exigences de larticle 573.1.0.1.1 de la LCV. [26] Cet article prévoit que lorganisme doit former un comité de sélection pour évaluer les soumissions transmises concernant la fourniture de services professionnels. La seule exigence concernant lidentité des membres de ce comité de sélection est quil doit sagir de membres autres que des membres du conseil de lorganisme. Cette disposition nexige pas que les membres du comité soient des employés de lorganisme. 4 [1991] C.A.I. 311, ci-après Deslauriers. 5 Id., p. 319. 6 Évaluations B.T.F. inc. c. Saguenay (Ville de), C.S. Chicoutimi, n o 150-17-00686-037, 21 mai 2004, j. Lesage.
06 01 33 Page : 7 [27] Sappuyant sur la décision de la Commission dans Venne c. Québec (Ministère de la Santé et des Services sociaux) 7 , la demanderesse soutient que, parce que larticle 573.1.0.1.1 de la LCV nimpose pas que le comité soit composé demployés de lorganisme et bien quen lespèce les membres du Comité étaient des employés de ce dernier, ceux-ci nagissaient pas dans lexercice de leurs fonctions lorsquils ont participé à ce comité. Or, larticle 37 de la Loi sur laccès requiert que lavis ou la recommandation soit donnée dans lexercice des fonctions de leur auteur. [28] La demanderesse soutient que le Comité de sélection doit plutôt être considéré comme un organisme public, au sens de la Loi sur laccès, qui relève de lorganisme. Cest alors larticle 38 de cette loi qui sapplique, de telle sorte que le pointage final ayant été rendu public lors dune séance du conseil de lorganisme 8 et la décision doctroyer le contrat à la tierce partie ayant été prise au moment de la demande daccès, lorganisme ne pouvait refuser de communiquer cette évaluation. [29] Par ailleurs, même si larticle 37 de la Loi sur laccès sappliquait, le but de cet article est « […] [d’]assurer aux décideurs une liberté en regard des avis ou recommandations qui leur sont adressés, de les respecter ou non, […] » 9 . Or, en vertu de larticle 573.1.0.1.1 de la LCV, une fois que le Comité de sélection a établi le pointage de chaque soumission, le conseil de lorganisme ne peut accorder le contrat à une autre personne que celle qui a obtenu le meilleur pointage. Par conséquent, la décision du Comité nest pas une recommandation ou un avis, puisque le conseil est lié par les conclusions du Comité. [30] La demanderesse soutient que la Cour supérieure a dailleurs confirmé, dans laffaire Évaluations B.T.F. inc. c. Saguenay (Ville de) 10 , que le Comité de sélection créé en vertu de larticle 573.1.0.1.1 de la LCV nétait pas un comité consultatif puisquil détenait un pouvoir décisionnel. [31] Le cas particulier de loctroi de contrats de fourniture de services professionnels prévu par la LCV fait en sorte que les décisions concernant les grilles dévaluation dans dautres types de dossiers sont inapplicables en lespèce. 7 [1999] C.A.I. 26, ci-après Venne. 8 Tel quil appert de la copie de lextrait du procès-verbal de la séance du Conseil de lorganisme tenue le 17 novembre 2005 (D-1). 9 Deslauriers, précitée, note 4, p. 319. 10 Précitée, note 6.
06 01 33 Page : 8 [32] Finalement, larticle 37 de la Loi sur laccès étant une exception au principe général de laccès aux documents des organismes publics, cest à lorganisme de démontrer que cette exception sapplique et, en cas de doute, la Commission doit conclure quun document est accessible. RÉPLIQUE [33] Lévaluation du Comité de sélection constitue un avis ou une recommandation, puisque le Comité analyse les soumissions reçues et donne un avis à la suite de cette évaluation. Cet avis est transmis au conseil de lorganisme qui, tel quil appert de la preuve, doit prendre une décision : octroyer ou non le contrat à la personne qui a obtenu le meilleur pointage. Malgré les termes de larticle 573.1.0.1.1 de la LCV, lorganisme a un choix, une discrétion à exercer après la réception de lavis du Comité de sélection. [34] Dans Deslauriers 11 , la Cour du Québec a énoncé que la justification de larticle 37 de la LCV repose sur deux principes : celui dassurer à lorganisme la liberté de suivre ou non les avis et recommandations qui lui sont faits, mais également celui de protéger la liberté dopinion de ceux qui émettent des avis dans le cadre de leurs fonctions ou mandats. DÉCISION [35] La demanderesse a formulé une demande daccès en vertu de larticle 9 de la Loi sur laccès qui énonce ce qui suit : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [36] La question en litige est celle de déterminer si larticle 37 de la Loi sur laccès permet à lorganisme de refuser de communiquer la grille dévaluation en litige. Cet article prévoit ce qui suit : 11 Précitée, note 4.
06 01 33 Page : 9 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. [37] Larticle 37 de la Loi sur laccès, puisquil énonce une restriction au principe général de laccès aux documents des organismes publics, doit recevoir une interprétation restrictive. Les conditions dapplication de cet article sont les suivantes : il doit sagir davis ou de recommandations, formulées depuis moins de dix ans, par un membre dun organisme, un membre de son personnel ou un membre du personnel dun autre organisme, dans lexercice de leurs fonctions. [38] La preuve démontre que la grille dévaluation a été remplie depuis moins de dix ans, puisque lappel doffres a été lancé par lorganisme en septembre 2005. [39] La preuve démontre également que les trois membres du Comité de sélection qui ont rempli la grille dévaluation sont des employés de lorganisme. [40] La demanderesse soutient cependant que les membres du Comité de sélection nagissaient pas dans lexercice de leurs fonctions lorsquils ont procédé à lévaluation des soumissions, parce que larticle 573.1.0.1.1 de la LCV, qui prévoit la constitution de ce comité, nexige pas que les membres de ce comité soient des employés. [41] Je suis en désaccord avec cette proposition. À mon avis, le seul fait que la LCV prévoie que le mandat du Comité de sélection puisse être confié à dautres personnes que celles énumérées à larticle 37 de la Loi sur laccès nempêche pas de conclure, lorsquun comité de sélection est formé de ces personnes, que ces derniers agissaient dans lexercice de leurs fonctions, si la preuve le démontre.
06 01 33 Page : 10 [42] Or, je suis davis que la preuve en lespèce démontre que les membres du Comité de sélection agissaient dans lexercice de leurs fonctions lorsquils ont procédé à lévaluation des soumissions. Dune part, tous les membres du Comité sont des employés de lorganisme. Dautre part, il appert du témoignage de M e Simard que lorsquil procédait à lévaluation individuelle des soumissions, chaque membre le faisait « chez lui ou au bureau ». De plus, il sagit demployés qui occupent des fonctions importantes au sein de la hiérarchie de lorganisme : le Comité est en effet formé du greffier, du trésorier et du directeur général de ce dernier. Je ne peux que conclure que ces employés de lorganisme, formant la totalité des membres de ce comité de sélection, agissaient à ce titre et dans lexercice de leurs fonctions lorsquils ont procédé à lévaluation des soumissions transmises à lorganisme. [43] La situation en lespèce est fort différente de celle prévalant dans laffaire Venne 12 , la Commission a conclu que les conditions de larticle 37 de la Loi sur laccès nétaient pas respectées. Dans cette affaire, la demande daccès visait le rapport dun comité formé par la Régie de lassurance-maladie, à la demande du ministre de la Santé et des Services sociaux. Ce comité était formé de deux employés de la Régie et de quatre autres personnes. La Commission a retenu le fait que les employés de lorganisme, membres du Comité de sélection, avaient précisé quils nagissaient pas en tant que représentants de lorganisme sur ce comité ce qui nest pas le cas en lespèce pour conclure que cétait à un autre titre que celui demployés de lorganisme quils participaient à ce comité. La Commission a conclu, par conséquent, que ces employés nagissaient pas dans lexercice de leurs fonctions demployés de la Régie. De plus, la Commission ajoutait que, même si les employés de la Régie avaient agi dans lexercice de leurs fonctions au sein de ce comité, « […] ce fait à lui seul ne pourrait conférer la paternité de lensemble des avis ou recommandations en litige à ces deux personnes seules. » 13 . [44] Il reste à déterminer si la grille dévaluation remise sous pli confidentiel constitue un avis ou une recommandation au sens de larticle 37 de la Loi sur laccès. Jai pris connaissance de ce document et je suis davis que cest le cas. Ce document contient le pointage accordé par le Comité de sélection pour chacun des cinq critères quil devait évaluer. De plus, il appert du témoignage non contredit de M e Simard que, bien que lévaluation des soumissions se présente sous la forme dun pointage, les membres du Comité nont pas appliqué de formules mathématiques pour arriver à ce résultat, mais ont procédé à une évaluation subjective de chaque critère. 12 Précitée, note 7. 13 Id., p. 29.
06 01 33 Page : 11 [45] Comme le soulignait la Cour du Québec 14 : [5] En l'instance, la liste des critères apparaissant à la grille d'évaluation correspond aux éléments constituants de chaque entreprise soumissionnaire. Cette liste peut donc découler d'une analyse mais ce n'est pas à partir de celle-ci que le contrat peut être attribué. L'élément déterminant est l'attribution d'une note pour chacun des critères de la liste, et c'est cette attribution qui relève d'une évaluation, c'est-à-dire d'un avis exprimé par le comité de sélection. Le Tribunal fait sien les commentaires du juge Jean-Paul Aubin dans la cause de Deslauriers c. Québec, (1991) C.A.I. 311: «Dès lors, pour déterminer si un organisme peut refuser de communiquer un document ou partie d'icelui au motif qu'il contient un avis ou une recommandation, le Tribunal doit en venir à la conclusion, à l'examen du document en litige, que celui-ci comporte une évaluation ou un jugement de valeur portant sur les informations qui peuvent faire l'objet d'une décision, évaluation ou jugement de valeur formulés de nature à mettre l'organisme dans une position de choix: agir ou non (soulignements ajoutés) [46] La grille dévaluation constitue en lespèce un avis ou une recommandation au sens de larticle 37 de la Loi sur laccès, puisquelle comporte une évaluation ou un jugement de valeur des membres du Comité de sélection formulés de nature à mettre lorganisme dans la position de choix entre agir ou non. [47] Lorganisme soutient toutefois que la grille dévaluation en litige nest pas un avis ou une recommandation au sens de larticle 37 de la Loi sur laccès, parce que lorganisme ne peut décider de ne pas suivre cet avis ou recommandation, en raison du 3 e alinéa de larticle 573.1.0.1.1 de la LCV. 14 Québec (Procureur général) c. Remorquage My-Jo inc., [2002] C.A.I. 454.
06 01 33 Page : 12 [48] Larticle 573.1.0.1.1 prévoit ce qui suit : 573.1.0.1.1. Dans le cas de l'adjudication d'un contrat relatif à la fourniture de services professionnels, le conseil doit utiliser un système de pondération et d'évaluation des offres dont l'établissement et le fonctionnement respectent les règles suivantes: 1° le système doit comprendre, outre le prix, un minimum de quatre critères d'évaluation; 2° le système doit prévoir le nombre maximal de points qui peut être attribué à une soumission eu égard à chacun des critères autres que le prix; ce nombre ne peut être supérieur à 30 sur un nombre total de 100 points qui peut être attribué à une soumission eu égard à tous les critères; 3° le conseil doit former un comité de sélection d'au moins trois membres, autres que des membres du conseil, qui doit: a) évaluer individuellement chaque soumission sans connaître le prix; b) attribuer à la soumission, eu égard à chaque critère, un nombre de points; c) établir le pointage intérimaire de chaque soumission en additionnant les points obtenus par celle-ci eu égard à tous les critères; d) quant aux enveloppes contenant le prix proposé, ouvrir uniquement celles qui proviennent des personnes dont la soumission a obtenu un pointage intérimaire d'au moins 70 et retourner les autres, sans les avoir ouvertes, à leurs expéditeurs et ce, malgré les paragraphes 4 et 6 de l'article 573; e) établir le pointage final de chaque soumission qui a obtenu un pointage intérimaire d'au moins 70, en divisant par le prix proposé le produit que l'on obtient en multipliant par 10 000 le pointage intérimaire majoré de 50. La demande de soumissions ou un document auquel elle renvoie doit mentionner toutes les exigences et tous les critères qui seront utilisés pour évaluer les offres, notamment le pointage intérimaire minimal de 70, ainsi que les méthodes de pondération et d'évaluation des offres fondées sur ces critères. La demande ou le document, selon le cas, doit préciser que la soumission doit être transmise dans une enveloppe incluant tous les
06 01 33 Page : 13 documents ainsi qu'une enveloppe contenant le prix proposé. Le conseil ne peut accorder le contrat à une personne autre que: 1° celle qui a fait, dans le délai fixé, la soumission ayant obtenu le meilleur pointage final, sous réserve des paragraphes 2° et 3; 2° dans le cas plusieurs personnes sont visées au paragraphe 1°, celle d'entre elles qui a proposé le prix le plus bas, sous réserve du paragraphe 3; 3° dans le cas plusieurs personnes sont visées au paragraphe 2°, celle d'entre elles que le sort favorise à la suite d'un tirage. Pour l'application du paragraphe 8 de l'article 573, la soumission de la personne déterminée en vertu du troisième alinéa est assimilée à la soumission la plus basse. […] [49] Jestime que, bien quil soit exact que le 3 e alinéa de larticle 573.1.0.1.1 de la LCV prévoit que lorganisme doit accorder le contrat de services professionnels à la personne qui a obtenu le meilleur pointage, cela nempêche pas de considérer que la grille dévaluation soit un avis ou une recommandation au sens de larticle 37 de la Loi sur laccès. [50] En effet, il appert du témoignage non contredit de M e Simard que lorganisme peut dabord exercer le choix daccorder ou non le contrat de services professionnels pour lequel un appel doffres a été lancé. Si, toutefois, le conseil de lorganisme décide daccorder le contrat, il doit effectivement, en principe, laccorder à la personne qui obtient le meilleur pointage en raison de larticle 573.1.0.1.1 de la LCV. Il faut cependant ajouter quil appert du témoignage non contredit de M e Simard que, même dans ce cas, le conseil de lorganisme peut, par exception, sadresser au ministre des Affaires municipales afin dêtre autorisé à accorder le contrat à une autre personne 15 . [51] La demanderesse nest donc pas totalement liée par lévaluation des soumissions faite par le Comité de sélection. Elle a le choix dagir ou non. Lévaluation du Comité de sélection constitue par conséquent un avis au sens de larticle 37 de la Loi sur laccès. 15 Art. 578 de la LCV.
06 01 33 Page : 14 [52] Avec respect, je suis davis que la décision rendue par la Cour supérieure dans Évaluations B.T.F. inc. c. Saguenay (Ville de) 16 nempêche pas lorganisme dinvoquer larticle 37 de la Loi sur laccès pour refuser de communiquer la grille dévaluation en litige. [53] Il est vrai que la Cour supérieure conclut dans cette affaire que le Comité de sélection nest pas un comité consultatif et que le conseil ne peut mettre de côté son évaluation sans recommencer la démarche. Il faut cependant situer cette décision dans son contexte. [54] Dune part, il faut préciser que cette décision na pas été rendue en application de la Loi sur laccès. En effet, dans cette affaire, la Cour supérieure, à la lumière des règles du Code de procédure civile applicables dans le cadre dun recours pour jugement déclaratoire et émission dune ordonnance dinjonction interlocutoire, devait décider si les membres dun comité de sélection, constitué en vertu de larticle 573.1.0.1.1 de la LCV, ayant signé des affidavits, pouvaient être interrogés sur ceux-ci. Il sagit dune situation fort différente de la présente demande daccès. [55] Dautre part, il faut également préciser que la Cour supérieure a autorisé linterrogatoire des membres du Comité de sélection en protégeant le secret du délibéré de ce dernier. Cest dans ce contexte que se situent les propos de la Cour concernant le caractère décisionnel des pouvoirs du comité de sélection : [15] Le pouvoir que possède le comité de sélection est donc un pouvoir décisionnel discrétionnaire quant à l'appréciation des critères qui conduit à la détermination du soumissionnaire à qui doit être attribué le contrat de fourniture de services professionnels. Ce pouvoir décisionnel discrétionnaire lui octroie certaines prérogatives dont celle de conserver confidentiel le contenu de ses délibérations. [16] Le comité de sélection formé par l'article 573.1.0.1.1. L.C.V. n'est pas un comité consultatif. Le résultat qu'il donne au conseil suite à ses délibérations n'est pas facultatif et le conseil ne peut le mettre de côté s'il est d'un autre avis. Le conseil doit accorder le contrat au soumissionnaire désigné par le comité de sélection s'il décide d'octroyer le contrat, sinon recommencer complètement la démarche. 16 Précitée, note 6.
06 01 33 Page : 15 […] [20] […] Les questions ne doivent pas toucher les motifs au fond ou leur élaboration dans la pensée des décideurs. En fait, les questions ne pourront porter sur la décision des membres du comité d'attribuer tel pourcentage au pointage fixé à tel critère d'évaluation, pour chacun des soumissionnaires, ni sur leur cheminement intellectuel pour en arriver à une telle détermination. […] [26] L'interrogatoire après défense des membres du comité devra donc porter sur les faits relatifs au litige qui se rapportent au processus des soumissions requises par Ville de Saguenay et au cadre dans lequel le comité de sélection et ses membres ont fonctionné pour l'étude des soumissions reçues. [27] Par contre, comme le dit la Cour suprême dans l'arrêt Tremblay ci-avant cité, les questions portant sur « les motifs au fond ou leur élaboration dans la pensée des décideurs », soit le contenu de leurs délibérations, ne sont pas autorisées. Aucune allégation précise, si ce n'est des insinuations, ne permet de soulever le secret des délibérations du comité de sélection comme ce fut le cas dans l'affaire Touat c. Ville de Montréal. 17 [56] Cette décision a pour résultat de protéger la confidentialité du délibéré du Comité de sélection, dont la grille dévaluation est lune des manifestations. Il mapparaît douteux que cette décision, rendue de surcroît dans un contexte distinct de celui de la Loi sur laccès, puisse être utilisée pour rendre publique cette même grille dévaluation. [57] Je suis donc davis que lorganisme pouvait refuser de communiquer la grille dévaluation en litige à la demanderesse. 17 Id.
06 01 33 Page : 16 [58] Vu les conclusions auxquelles jen arrive concernant larticle 37 de la Loi sur laccès, il nest pas nécessaire de statuer sur lapplication de larticle 38 de cette loi. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [59] REJETTE la demande de révision de la demanderesse. GUYLAINE HENRI Commissaire Larouche, Lalancette, Pilote & Bouchard (M e Jocelyn Pilotte) Avocats de la demanderesse Cain Lamarre Casgrain Wells (M e Martine Tremblay) Avocats de lorganisme
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