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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 12 90 Date : Le 21 juin 2007 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. VILLE DE CHÂTEAUGUAY Organisme DÉCISION LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 25 mai 2005, le demandeur requiert de M me Francine Mallette, de la Ville de Châteauguay (lOrganisme), une copie de tous les documents pertinents relatifs à la conclusion de deux ententes à la retraite intervenues, dune part, entre J. M. et cet organisme et, dautre part, entre ce dernier et R. L. 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur laccès.
05 12 90 Page : 2 [2] Le 6 juin 2005, M me Mallette informe le demandeur quil peut obtenir une copie de certains documents, les renseignements personnels ayant préalablement été masqués au sens de larticle 54 de la Loi sur laccès. [3] Le 30 juin 2005, le demandeur sollicite lintervention de la Commission d'accès à linformation (la Commission) afin que soient révisées les deux décisions de lOrganisme. LAUDIENCE [4] Laudience de la présente cause a été reportée à la demande de lOrganisme et du demandeur, celui-ci étant représenté par M me Josée Aubé, stagiaire en droit au sein du Syndicat canadien de la fonction publique (le SCFP), section locale 1299. M e Pierre Roy, du cabinet davocats Roy Mercier, est le procureur de lOrganisme. [5] Laudience se tient finalement le 21 mars 2007 à Montréal. Contexte [6] M e Roy décrit le contexte dans lequel le demandeur a formulé les deux demandes daccès auprès de lOrganisme. Il est membre du SCFP, section locale 1299 et siège à ce titre sur le Comité de la caisse de retraite de cet organisme. Il explique que, dans le cas de J. M., également membre du SCFP, lâge normal pour que celui-ci prenne sa retraite arrive en 2007. Il a préféré cependant se prévaloir dune préretraite à partir du 1 er mai 2005. [7] Dans ces circonstances, lOrganisme a invité J. M. à rencontrer un actionnaire qui lui ferait connaître le montant auquel il a droit à cette date. Il lui a transmis un document confidentiel contenant des options, parmi lesquelles il devait faire « un choix de retraite ». Il souligne que le demandeur cherche à connaître ce renseignement. Il dépose, sous pli confidentiel, les documents en litige. [8] Il indique que, par voie de résolution du Conseil municipal de lOrganisme, celui-ci prend acte de lentente intervenue avec J. M. (pièce O-1). [9] Il fait remarquer quen ce qui concerne R. L., celui-ci était un cadre, occupant le poste de « chef de service informatique » au sein de lOrganisme. En 1994, par voie de résolution du Conseil municipal, ce dernier a décidé dabolir ce poste (pièce O-2). Le processus ci-dessus mentionné visant J. M. a également été
05 12 90 Page : 3 suivi par R. L. Ce dernier a fait son « choix de retraite ». Le demandeur désire également avoir accès à ce renseignement. [10] M e Roy signale que les renseignements concernant J. M. et R. L. sont visés par larticle 54 de la Loi sur laccès. Ils doivent demeurer confidentiels. LA PREUVE DU DEMANDEUR [11] Interrogé par M me Aubé, le demandeur affirme quil est vice-président, section locale 1299 du SCFP, représentant des cols bleus au sein du Comité de retraite de lOrganisme. Il décrit ses fonctions qui consistent, entre autres, à sassurer que ce comité accomplit ses tâches et quil administre le régime du fonds de pension et la caisse de retraite des employés de cet organisme adéquatement. [12] Il souligne, par exemple, que si de mauvais placements sont effectués par le Comité de retraite, il doit intervenir dans le plus bref délai afin que des corrections y soient apportées. De plus, il fait des comptes rendus des réunions aux membres de sa section. [13] Il déclare que le Comité de retraite est composé notamment de cinq employés désignés par les cadres, la Fraternité des policiers, le Syndicat des cols blancs, le Syndicat des cols bleus et par le Syndicat des pompiers. [14] À cet effet, M me Aubé dépose en liasse le règlement sur le régime de retraite modifié, visant les employés de lOrganisme et incluant ceux qui sont membres du SCFP, section locale 1299. Il sagit du Règlement numéro G-1724 amendant à nouveau le règlement numéro G-1585 sur le régime de retraite des employés de lOrganisme à la suite de lintégration des pompiers. De plus, il dépose le règlement amendé de nouveau à la suite dententes de travail intervenues avec les « cadres et pompiers » et le règlement « approuvant la refonte du règlement sur le régime de retraite de ses employés, incluant les nouvelles dispositions de la Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite 2 , et abrogeant les règlements » dont les références sont mentionnées (pièce D-1 en liasse). [15] Il indique quil souhaite avoir accès à loption prise par J. M. qui a pris sa préretraite le 1 er mai 2005. Ce renseignement lui permettrait de savoir si celui-ci (J.M.) a fait un choix éclairé. Il veut connaître de plus le montant dargent qui lui a été versé, dautant plus quil na pas demandé conseil à son syndicat. 2 L.R.Q., c. R-15.1.
05 12 90 Page : 4 [16] À son avis, cette façon de procéder par J. M. ne correspond pas aux habitudes établies par le SCFP. En effet, lorsquun employé désire prendre sa retraite, il en fait part à son syndicat qui laccompagne dans ses démarches, notamment auprès du Service des ressources humaines de lOrganisme et dun actuaire dune firme dactuariat, dont les services professionnels ont été retenus par le SCFP. Cet employé remplit le formulaire prévu à cette fin. Lactuaire informe celui-ci du montant auquel il aurait droit. Le demandeur ajoute quil souhaite prendre connaissance de ce renseignement personnel. [17] Il reconnaît par ailleurs que lOrganisme a le droit darriver à une entente avec J. M., estimant cependant quil na pas le droit de toucher à lexcédent du fonds de pension de retraite de ses employés pour bonifier cette entente, le cas échéant. [18] Il reconnaît de plus quil a déjà formulé une demande daccès auprès de lOrganisme, afin davoir accès à ce type de renseignement, ce qui lui a été refusé (pièce D-2). Contre-interrogatoire du demandeur [19] Contre-interrogé par M e Roy, le demandeur précise que le Comité de retraite est composé de dix membres, dont le directeur du Service des ressources humaines et un actuaire. Il spécifie que celui-ci ne lui donne pas accès aux renseignements personnels contenus dans les documents des participants au régime de retraite. [20] Il souligne de plus que les montants dargent, versés par lOrganisme à J. M. et R. L., quil cherche à obtenir font partie intégrante des ententes intervenues entre ceux-ci. Il sagit de renseignements revêtant un caractère public. Il devrait y avoir accès. LES ARGUMENTS A) DE LORGANISME [21] M e Roy plaide que les renseignements visés dans la demande concernent des personnes physiques. [22] Il prétend que le demandeur, membre du SCFP, cherche à avoir un contrôle sur ses membres, en tentant de prendre connaissance des renseignements personnels visés par les demandes. Leur divulgation permettrait didentifier les
05 12 90 Page : 5 personnes physiques qui en sont les auteures, au sens de larticle 54 de la Loi sur laccès. À son avis, lOrganisme a raison de refuser de les communiquer au demandeur. B) DU DEMANDEUR [23] M me Aubé fait remarquer que le demandeur ne cherche pas à avoir accès aux revenus de J. M. et de R. L. Il cherche plutôt à avoir accès aux renseignements relatifs au traitement octroyé à ceux-ci par lOrganisme au sens du 1 er paragraphe de larticle 57 de la Loi sur laccès, conformément à laffaire Poulin c. Collège denseignement général et professionnel de Ste-Foy 3 , lorsque la Commission indique notamment que : Si la divulgation des documents en litige na pas pour effet de dévoiler le traitement exact de M. Pageau, mais bien seulement une partie de celui-ci, cette divulgation nirait pas à lencontre des prescriptions du paragraphe 2 du premier alinéa de larticle 57 et du dernier alinéa de ce même article. [24] M me Aubé rappelle que, par le biais des ententes intervenues entre lOrganisme et J. M. (syndiqué) et R. L. (cadre), ceux-ci bénéficient dun avantage économique. Ce renseignement est public au sens du 4 e paragraphe de larticle 57 de la Loi sur laccès, conformément à laffaire Poulin 4 précitée. À cet effet, la Commission souligne ce qui suit : Je suis toutefois davis que le caractère discrétionnaire du pouvoir de conférer un avantage économique ne se mesure pas à laune de lexistence ou de labsence de négociations, mais à celle de la pure faculté de faire ou de ne pas faire. Le sens courant de cet adjectif est : « qui confère à quelquun la libre décision ». Rien dans la preuve ne me démontre que le Cégep était obligé dentamer ou de continuer des négociations avec M. Pageau ou de conclure quelque entente avec lui. En minférant des faits et de la preuve présentée, tout mindique, au contraire, que le Cégep a choisi, de façon discrétionnaire, de traiter avec cet employé en particulier au sujet de la fin de leur lien demploi. Les modalités de fin demploi ne faisant lobjet daucune disposition particulière de la convention, rien ninterdisait au Cégep de traiter directement avec un employé à ce sujet. 3 [1995] C.A.I. 173, 177. 4 Id.
05 12 90 Page : 6 Après examen des documents en litige, il ne fait aucun doute que Monsieur Pageau a bénéficié dun avantage économique. Ces documents sont donc accessibles à la demanderesse en autant quils ne dévoilent que les renseignements ciblés par le paragraphe 4 du premier alinéa. [25] Par ailleurs, elle réfère au témoignage du demandeur voulant que le Comité de retraite administre le régime et la caisse de retraite de lOrganisme « Règlement G-1585 […] ». Il soccupe de la gestion de cette caisse de retraite dans les meilleurs intérêts des participants et bénéficiaires (art. 3.5m)). Dans les six mois de la fin de chaque exercice financier du régime, ce comité de retraite convoque les participants, les bénéficiaires ainsi que lOrganisme afin de les informer, entre autres, de la situation financière de ce régime. Il rend compte de son administration (art. 3.8c) et d)). Réplique de lOrganisme [26] M e Roy réitère la position de lOrganisme refusant de communiquer au demandeur les renseignements personnels. Il spécifie cependant que ceux-ci peuvent être accessibles aux membres du Comité de retraite. [27] Il ajoute néanmoins que si la Commission considère que ces renseignements sont accessibles au demandeur, il suggère que celui-ci soit en mesure de les consulter, sans en obtenir une copie. DÉCISION [28] Le demandeur sest prévalu de son droit, en vertu de larticle 9 de la Loi sur laccès, tel quil se lisait au moment de la réponse, afin davoir accès aux renseignements contenus dans des documents concernant J. M. et R. L. : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [29] Pour J. M., il sagit dun montant dargent versé par lOrganisme à celui-ci dans le cadre dune entente préretraite.
05 12 90 Page : 7 [30] Dans le cas de R. L., il sagit dun montant dargent versé par lOrganisme à celui-ci dans le cadre dune entente faisant suite à labolition de son poste. [31] Tout dabord, il est opportun de préciser que larticle 55 de la Loi sur laccès définit ce quest un renseignement qui a un caractère public : 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas nominatif. [32] Dans le présent cas, le demandeur prétend que les renseignements, non inscrits dans les ententes en sa possession (pièces O-1 et O-2), revêtent un caractère public. Ils représentent un avantage économique versé en raison du pouvoir discrétionnaire de lOrganisme à J. M. et à R. L. au sens du 4 e paragraphe de larticle 57 de la Loi sur laccès : 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: […] 4° le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage. […] [33] Pour voir à lapplication du 4 e paragraphe ci-dessus mentionné, deux conditions doivent être satisfaites : Le renseignement recherché doit être a) un avantage économique et b) versé par un organisme public en vertu dun pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage. [34] Tel que mentionné par la Cour supérieure du Québec 5 : […] le paragraphe 4 de larticle 57 vise une personne indépendamment de la fonction ou de lemploi quelle occupe. [35] Dans la présente cause, le témoignage non contredit du demandeur démontre que, pour des motifs différents, lOrganisme a offert à J. M. et à R. L., occupant des fonctions diverses, un montant dargent. Ce geste a pour conséquence une rupture définitive du lien demploi entre ce dernier et lOrganisme. 5 Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec c. Le Procureur général du Québec, [2005] C.A.I. 589, 597. Requête pour permission dappeler accueillie (C.A. Québec, n o 200-09-005418-055, 15 mars 2006).
05 12 90 Page : 8 [36] Il faut noter que les parties nont pas jugé nécessaire de produire en preuve des documents, tel un exemplaire dune convention collective (pour J. M.), dun guide ou dune directive relativement à la fonction de cadre (pour R. L.) qui pourraient préciser ou définir, par exemple, les modalités de fin demploi. [37] Néanmoins, le procureur de lOrganisme spécifie à laudience que, suivant les instructions de la Commission, ce dernier serait prêt à permettre au demandeur de prendre connaissance des renseignements personnels concernant J. M. et R. L. [38] Considérant loffre de lorganisme à lendroit du demandeur, la Commission estime quil ny a pas lieu de statuer sur le paragraphe 4 de larticle 57 de la Loi sur laccès. [39] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la demande de révision du demandeur contre lOrganisme; PREND ACTE que lOrganisme a transmis au demandeur des documents; ORDONNE à lOrganisme de permettre au demandeur de prendre connaissance des renseignements personnels concernant J. M. et R. L. et qui sont contenus dans les documents en litige; FERME le dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Roy Mercier (M e Pierre Roy) Procureurs de lOrganisme
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