Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 14 63 Date : Le 19 juin 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 19 juillet 2006, le demandeur transmet à l’organisme une demande en vue d’obtenir accès à son dossier : « Je désire avoir accès à l’information me concernant sur mon dossier sur ma demande agent de sécurité et de permis explosif. Je veux avoir le rapport d’enquête avec les noms et photo des gens soi disant que je fréquente assiduement pour transmettre ceci à mon avocat. » [sic] 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 14 63 Page : 2 [2] Le 4 août 2006, André Marois, responsable de l’accès de l’organisme, répond au demandeur en lui transmettant copie de certains documents faisant partie du dossier 1500-06-347, relatif à la demande de permis d’explosifs et au dossier portant le numéro 1066-2-213, relatif à la demande de permis d’agent de sécurité. [3] Dans sa réponse, le représentant de l’organisme indique au demandeur que certains renseignements ont été masqués ou refusés afin de ne pas révéler des méthodes d’enquête, des composantes d’un système de communication, d’un dispositif de sécurité, une analyse et des renseignements personnels. [4] Le ou vers le 18 août 2006, le demandeur soumet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de la décision de l’organisme. AUDIENCE [5] L’audience a eu lieu le 4 juin 2007, à Québec, en présence des parties. A) PREUVE i) De l’organisme [6] Monsieur André Marois, responsable de l’accès aux documents pour l’organisme témoigne avoir traité la demande d’accès du demandeur. [7] Il a transmis celle-ci à la Direction des affaires policières et des Services de sécurité, responsable du suivi des demandes de permis effectuées par le demandeur. On lui a transmis119 pages de documents dont il a fait l’analyse. [8] Il dépose à l’audience, sous le sceau de la confidentialité, l’ensemble de ces documents. Ce dépôt est rendu possible par l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 2 qui stipule : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. 2 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
06 14 63 Page : 3 [9] Le témoin explique à la Commission qu’en procédant à l’analyse, il a identifié 31 pages qui pouvaient être transmises au demandeur. En ce qui concerne les pages dont la communication a été refusée, le témoin a indiqué les dispositions de la Loi sur l’accès sur lesquelles il a appuyé son refus. [10] Il dépose à la Commission un document qu’il a préparé et sur lequel il associe les pages qui ont été refusées aux motifs prévus à la Loi sur l’accès. [11] Monsieur Claude Carpentier est également appelé à témoigner. Ce dernier est lieutenant, chef de la Division des lois provinciales à la Sûreté du Québec. Il explique que les activités reliées aux deux permis sollicités sont des activitées réglementées qui doivent faire l’objet d’une demande formelle. Cette demande est suivie de vérifications faites par son Service, et ce, peu importe l’auteur de la demande de permis. [12] À la demande de l’organisme, la suite du témoignage de M. Carpentier a eu lieu sans la présence du demandeur, conformément à l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 3 mentionné au paragraphe [8] de la présente décision. [13] Sans révéler le contenu de son témoignage, le témoin a établi le contexte des demandes examinées par l’organisme, les pouvoirs qui lui sont dévolus pour faire des vérifications, les individus qui les ont faites ainsi que le résultat de ces vérifications. [14] Le témoin passe en revue l’ensemble des documents déposés tout en donnant des explications sur leur contenu. [15] À cet effet, il attire l’attention du soussigné sur une lettre qui a été transmise au demandeur le 9 mai 2006, par le sous-ministre associé de l’organisme. Cette lettre explique les motifs pour lesquels l’organisme n’a pas acquiescé à la demande de permis du demandeur : « Les informations recueillies dans le cadre de l’enquête effectuée par la Sûreté du Québec mettent en évidence vos fréquentations avec des individus criminalisés, ce qui, à notre avis, peut constituer une vulnérabilité au regard des charges d’un agent d’investigation ou de sécurité. Cet élément est de nature à entacher votre réputation et à amener un doute quant à vos qualités morales, lesquelles doivent être compatibles avec la fonction d’un agent 3 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
06 14 63 Page : 4 d’investigation ou de sécurité. Il faut aussi prendre en considération que le ministre de la Sécurité publique doit cautionner les qualités morales d’un titulaire de permis, comme l’intégrité, la droiture et la rectitude morale. Dans les circonstances, je ne peux acquiescer à votre demande de permis et, par conséquent, je vous avise que j’ai l’intention de na pas autoriser la délivrance d’un permis d’agent d’investigation ou de sécurité. » [16] Le demandeur connaît donc les motifs pour lesquels on n’a pas accepté ses demandes. [17] À la suite du témoignage rendu à huis clos, le demandeur a repris sa place dans la salle d’audience. ii) Du demandeur [18] Le demandeur explique qu’il a passé vingt années dans les Forces armées canadiennes. Durant cette période, il a acquis des compétences en matière d’armes et d’explosifs. Il considère avoir l’expérience requise pour l’obtention des deux permis sollicités. Il fait remarquer qu’il a déjà travaillé pour la Commission des champs de bataille et il dépose une copie de deux documents émanant respectivement de la Défense nationale et de la Gendarmerie royale du Canada qui comportent son identification et qui démontreraient, selon le demandeur, que les autorités fédérales lui ont accordé leur confiance pour des activités semblables. [19] Pour le demandeur, le refus de l’organisme constitue un refus de reconnaître les compétences qu’il a acquises et l’empêche de gagner sa vie. B) ARGUMENTATION i) De l’organisme [20] La procureure de l’organisme soumet à la Commission que les documents qui ont été déposés sous le sceau de la confidentialité contiennent le résultat d’une enquête qui a été menée par l’organisme. [21] Ces documents contiennent des renseignements qui sont susceptibles, s’ils devaient être divulgués, de révéler une méthode d’enquête, une source confidentielle d’information, un programme ou un plan d’action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois.
06 14 63 Page : 5 [22] Selon la procureure, l’organisme a l’obligation de refuser l’accès à ces renseignements qui ont été obtenus dans l’exercice d’une fonction de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois, conformément au paragraphe 3 o de l’article 28 de la Loi sur l’accès. [23] Elle ajoute que la communication du contenu des documents aurait pour effet de réduire l’efficacité d’un programme, d’un plan d’action ou d’un dispositif de sécurité destiné à la protection d’un bien ou d’une personne. L’organisme devait en refuser l’accès conformément à l’alinéa 2 de l’article 29 de la Loi sur l’accès. [24] Enfin, elle prétend que certains extraits de la documentation contiennent la reproduction de fichiers consultés par l’organisme qui, s’ils étaient divulgués, pourraient révéler les composantes d’un système de communication destiné à l’usage d’une personne chargée d’assurer l’observation de la loi. Le paragraphe 6 o de l’article 28 de la Loi sur l’accès impose d’en refuser l’accès. [25] En ce qui concerne les extraits de cette documentation qui ne faisaient l’objet d’aucune restriction, ils ont été transmis au demandeur au moment de la réponse qui lui a été faite par l’organisme. [26] Toutefois, l’organisme a masqué certains renseignements personnels qui concernent des tiers et qui sont confidentiels, conformément à l’article 53 de la Loi sur l’accès. DÉCISION [27] Le demandeur a fait une demande afin d’obtenir un permis pour manipuler des explosifs ainsi qu’un permis pour occuper éventuellement un poste d’agent de sécurité. [28] Comme il le fait pour tous les requérants en semblable matière, l’organisme a fait enquête afin d’obtenir les informations pertinentes lui permettant de prendre une décision. [29] En vertu de la Loi sur les explosifs 4 et de la Loi sur les agences d’investigation ou de sécurité 5 l’organisme dispose de pouvoirs d’enquête afin de vérifier si les personnes qui demandent de tels permis ont les qualités requises. 4 L.R.Q., c. E-22. 5 L.R.Q., c. A-8.
06 14 63 Page : 6 [30] Ainsi, l’article 4 de la Loi sur les agences d’investigation ou de sécurité stipule : 1. Toute personne qui sollicite un permis doit transmettre au ministre de la Sécurité publique sa demande dans la forme prescrite accompagnée des documents et du cautionnement prévus par les règlements. 2. Le ministre de la Sécurité publique délivre le permis si, après enquête, il juge que le requérant possède les qualités requises et remplit les conditions prescrites par les règlements. […] [31] Par ailleurs, la Loi sur les explosifs prévoit les exigences suivantes : 2. Nul ne peut avoir des explosifs en sa possession sans être titulaire d’un permis à cette fin. […] 11. Quiconque désire obtenir un permis l’autorisant à avoir des explosifs en sa possession doit en faire la demande par écrit, conformément aux règlements, à tout membre de la Sûreté du Québec autorisé par un écrit de son directeur général. 12. Le membre de la Sûreté délivre le permis si le demandeur remplit les conditions prescrites par règlement, verse les droits qui y sont prescrits et, si au cours des cinq années qui précèdent la demande celui-ci a vu son permis retiré en vertu de l’article 15, fournit le cautionnement prescrit par règlement. 13.1 Le membre de la Sûreté peut refuser de délivrer le permis si le demandeur a été, au cours des cinq années qui précèdent sa demande, déclaré coupable d’une infraction à la présente loi, à la Loi sur les explosifs (Lois révisées du Canada (1985) chapitre E-17) ou aux règlements pris pour leur application, sauf si celui-ci en a obtenu le pardon ou la réhabilitation.
06 14 63 Page : 7 Il peut aussi refuser de délivrer le permis s’il est d’avis : 1 o que le permis ne devrait pas être délivré au demandeur pour des motifs de sécurité publique; 2 o que la demande est faite au bénéfice d’une autre personne. [32] Lorsqu’il applique ces dispositions, l’organisme procède à une enquête et exerce des fonctions de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois, conformément au premier alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement contenu dans un document qu’il détient dans l’exercice d’une fonction, prévue par la loi, de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions aux lois ou dans l’exercice d’une collaboration, à cette fin, avec une personne ou un organisme chargé d’une telle fonction, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions juridictionnelles; 2° d'entraver une enquête à venir, en cours ou sujette à réouverture; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; […] [33] La procureure de l’organisme soumet que la communication des renseignements contenus dans la documentation serait susceptible de révéler une méthode d’enquête, une source confidentielle d’information ou les composantes d’un système de communication destiné à l’usage d’une personne chargée d’assurer l’observation de la loi.
06 14 63 Page : 8 [34] De plus, cette communication pourrait avoir pour effet de réduire l’efficacité d’un programme, d’un plan d’action ou d’un dispositif de sécurité destiné à la protection d’un bien ou d’une personne, conformément à l’alinéa 2 de l’article 29 de la Loi sur l’accès qui stipule : 29. Un organisme public doit refuser de confirmer l’existence ou de donner communication d’un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de confirmer l’existence ou de donner communication d’un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un programme, d’un plan d’action ou d’un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. [35] Enfin, ces documents contiennent plusieurs renseignements personnels concernant des individus qui n’ont pas consenti à la divulgation de ces renseignements. Ces renseignements sont confidentiels conformément aux articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès : 53. Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu par un organisme public dans l’exercice d’une fonction juridictionelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [36] Rappelons les témoignages du responsable de l’accès et du chef de Division qui ont dit que les documents refusés au demandeur contiennent tous les renseignements obtenus lors de l’enquête préalable à la décision sur les demandes de permis.
06 14 63 Page : 9 [37] Rappelons que le 9 mai 2006, le demandeur a reçu une lettre du sous-ministre associé de l’organisme, l’avisant du refus relatif au permis d’agent d’investigation ou de sécurité dans les termes déjà mentionnés au paragraphe [15] de la présente décision. [38] Le demandeur a aussi été informé des motifs pour lesquels sa demande de permis d’explosifs a été refusée. Ainsi, dans une lettre du 27 juin 2006 transmise par la Direction de la protection de l’état, il est mentionné : « Or, des informations policières recueillies lors du traitement de votre demande de permis mettent en évidence vos fréquentations avec des individus criminalisés, ce qui à notre avis peut constituer une vulnérabilité en regard de la possession d’explosifs. […] Dans les circonstances, nous ne pouvons acquiescer à votre demande de permis… » [39] Le soussigné a pris connaissance de tous les documents qui ont été déposés. Ils comprennent des renseignements provenant du Centre de renseignements policiers du Québec (C.R.P.Q.), des déclarations de différents individus et des renseignements personnels qui permettent d’identifier des personnes physiques autres que le demandeur. [40] Cette documentation contient également des renseignements qui pourraient révéler une méthode d’enquête et une source confidentielle d’information de même que les composantes d’un système de communication destiné à l’usage d’une personne chargée d’assurer l’observation de la loi. [41] En effet, elle fait état des moyens d’enquête utilisés par l’organisme en vue d’obtenir les informations nécessaires au traitement des demandes de permis du demandeur. [42] Or, une jurisprudence abondante de la Commission a déjà statué que l’accès à de telles informations devait être refusé. Dans Cusson c. Ministère de la Sécurité publique 6 , le commissaire Laporte écrit : « J’ai examiné les pages qui demeurent en litige. Les pages 54 à 57, 68 à 70 et 72 à 79 sont la reproduction des panoramas informatiques extraits du CRPQ. Ces pages 6 [2003] C.A.I. 110.
06 14 63 Page : 10 sont essentiellement composées de codes et de numéros n’étant accessibles qu’aux corps policiers et à leurs membres. Le Ministère était justifié d’en refuser l’accès conformément à l’article 28 de la Loi. Les pages 2, 4 à 9, 23, 26, 50 à 53, 66 et 67 sont truffées de renseignements nominatifs ou permettant d’identifier une autre personne physique que M. Cusson. Il s’agit de noms, adresses et numéros de téléphone et de commentaires d’individus ou de propos permettant de les identifier. Le Ministère était justifié d’en refuser l’accès, conformément à l’article 88 de la Loi. » [43] De même, dans l’affaire X c. Ministère de la Sécurité publique 7 la commissaire Constant écrit : « Le dossier déposé sous le sceau de la confidentialité contient, entre autres, quatre déclarations de témoins auxquelles des croquis sont annexés. L’examen de ces documents démontre qu’ils sont truffés de renseignements nominatifs, notamment en ce qui concerne les nom, prénom, adresse, date de naissance de ces témoins ainsi que leur façon de donner leur version sur l’incendie de la demeure du demandeur. La divulgation de ces déclarations permettrait au demandeur d’identifier ces témoins, qui bénéficient de la protection accordée par l’article 54. De plus, la preuve n’a pas démontré que ceux-ci aient consenti à ce que leur déclaration soit dévoilée aux termes des articles 53, 54, 59 alinéa 1 et 88 de la Loi sur l’accès : » [44] Il reste à considérer les deux documents déposés par le demandeur à l’appui de sa demande. Ces documents émanent d’organismes de juridiction fédérale et ne comportent aucun élément pour appuyer la demande de révision. Le demandeur les a déposés au soutien de ses demandes de permis mais la Commission ne peut réévaluer le bien-fondé de la décision de l’organisme à ce sujet. [45] Dans sa demande de révision du 18 août 2006, le demandeur a précisé sa demande : « Je désire avoir les nom, film, photo des gens que je fréquente, HA (hels Angel), membres en règle. » [sic] 7 [2003] C.A.I. 558.
06 14 63 Page : 11 [46] Ces renseignements sont des renseignements personnels et confidentiels en vertu des articles 53 et 54 précités parce qu’ils concernent des personnes physiques et permettent de les identifier. [47] Seul le consentement des personnes concernées par ces renseignements permettrait au demandeur d’en obtenir la communication. [48] L’organisme a fait la preuve qu’il devait refuser de donner communication de ces renseignements. [49] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [50] REJETTE la demande de révision du demandeur. JEAN CHARTIER Commissaire M e Isabelle Gagné Chamberland, Gagnon (Justice-Québec) Procureure de l’organisme
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